Billets par Bruno Lussato
Thursday, 9 July 2009
CHRONIQUE
ANNIVERSAIRE ROYAL
Le titre de ce billet est trompeur. Aucun anniversaire prestigieux ne sera décrit, Marina, contrairement aux années passées, sera seule avec moi pour le fêter. Mais le mot "Royal" désigne l'hôtel où il aura lieu, sa problématique, les menaces qui pèsent sur lui.
San Remo, 5h du matin.
L'anniversaire du 9 juillet
Comme je j'ai écrit dans le précédent billet, j'ai passé l'anniversaire de Marina, en tête à tête. Nos amis de naguère boudent l’hôtel qui a augmenté ses prix au moment ou la récession frappe durement les américains… et les autres. Des appels du lointain ont servi de substitut et Sandrine a envoyé un magnifique bouquet de fleurs. Le directeur de l’Hôtel lui a offert un beau cadre en argent massif, le maître d’hôtel un foulard de La Perla, le maître nageur une merveilleuse rose parfumée… Ce qui était important c’était toute la sympathie, la gentillesse, la compassion aussi pour notre commune fragilité, de tout le personnel de ce merveilleux sanctuaire, où les valeurs traditionnelles d’accueil sont encore vivantes.
Je vous ai déjà dit à quel point, en dépit d’une férocité foncière, les Russes peuvent se révéler les plus chaleureux des amis quand on ne les déçoit pas. Nous avons connu un couple attachant. Lui c’est un bon gros nounours, marchand de meubles en Biélorussie en affaires avec l’Italie. Elle est la plus ravissante créature qu’il ne m’ait jamais été donné d’admirer. Une grâce, un sourire illuminant un visage aristocratique, danseuse hors pair, modeste et irradiant la bonté. Le couple nous a invité à l’occasion de l’anniversaire de Marina. Lui a chanté d’une magnifique voix de basse, les excellents musiciens de l’hôtel, dont une chanteuse hors pair, ont consacré une partie de leur programme aux chansons Marina, Marina, et Happy Birthday to you.
Ci dessus des photos de Marina,de moi et des deux Tatiana.
J’ai vu rayonner le visage de ma chère sœur, portée par une telle sympathie. Malheureusement elle comme moi, avons fait des imprudences, Marina était sous l’air conditionné tombant sur sa nuque et moi-même oubliant mes lombalgies, je me suis enfoncé dans un « brise-reins » . J’espère qu’on n’en n’en subira pas les conséquences tout à l’heure.
LE DILEMME DU ROYAL, UN FAIT DE CIVILISATION
Le Royal est un établissement unique dans son genre. C’est un hôtel important, doté de toutes les caractéristiques d’un hôtel de grand luxe : piscine olympique d’au de mer dessinée par Gio Ponti, nombreux salons, salles de relaxation, et fitness, salle bien équipée pour les enfants, personnel polyglotte, service ultra-rapide, important rapport nombre de gens de service par client, etc.
Mais la plupart des hôtels de luxe, en Thaïlande comme au Maroc, répondent largement à ces agréments. La spécificité du Royal, en fait se situe ailleurs.
En effet, cette maison est gérée comme une petite pension artisanale, où la mamma officie à la cuisine, le mari à l’accueil, le fils au suivi des moindres désirs de clients, devenus des amis, des personnalités à honorer, des humains à respecter.
Au Royal vous n’êtes pas un numéro, mais une connaissance dont on prévient individuellement les moindres désirs, à laquelle on se plie aux exigences d’une santé chancelante. Il m’est arrivé de devoir appeler un médecin de qualité, une ambulance … ou simplement un technicien qui m’apprenne à faire fonctionner mon téléphone en panne, tout cela en pleine nuit ! J’ai obtenu ces services avec la plus grande gentillesse.
Un autre exemple : je crains les courants d’air et j’aime bien manger. La majeure partie des hôtes prend un brunch de qualité mais de variété limitée au restaurant de la piscine. Ainsi ils peuvent pratiquer une journée-soleil continue. Il n’y a que le grand restaurant « I fiori di Murano » qui satisfasse votre désir. Cela vous oblige bien entendu à vous mettre en veston, mais en revanche vous pouvez demander votre menu particulier à votre maître d’O qui connaît par cœur vos goûts et ce que vous avez déjà mangé. E merveilleux restaurant n’est fréquenté que par deux ou trois habitués. Une dizaine de serveurs et maîtres d’hôtel est à leur disposition pour satisfaire leurs goûts.
La maison a toujours été la propriété du Seigneur Bertolini, le fils du fondateur, que j’ai connu à Courmayeur au lendemain de la guerre où il tenait le « Royal Bertolini » L’année dernière encore, on le voyait, haute silhouette voûtée affectée par le Parkinsonisme, silencieux et affable. Il était partout et il observait et contrôlait. L’œil du maître, de la race dont on fait les Gérard Mulliez et les François Dalle. Il scrutait tous les minuscules détails qui font qu’un magasin, une usine, un hôtel, baignent dans l’huile. L’exemple de devait être communicatif.
Hélas, Bertolini est mort cet hiver et sa famille n’a ni l’envergure, ni le désir de prendre sa succession qui a été confiée à un directeur, homme de valeur, mais redoutable héritage.
En effet, la récession a fait partir le meilleur, le plus « Signorile » (noble) de la clientèle traditionnelle. Afin d’assurer le remplissage de l’hôtel on a dû accepter la présence de tours recrutés par l’internet ou par des tours-operators. Ces gens-là qui payaient deux fois moins cher que nous, pour des services identiques, étaient au mieux de petits cadres modestes, mangeant chez eux des sandwiches ou le soir dînant dans de petits restaurants, par ailleurs excellents. Au pire c’était des gens très mal élevé, ne contrôlant pas leur marmaille qui parcourait tout l’hôtel et barbotait dans la piscine, courant dans tous les sens en poussant d’insupportables cris aigus. Il me faut, en dépit de ma sympathie pour les Russes, de reconnaître que c’est dans leur classe moyenne que se recrutaient les pires occupants. Père et mère, assistaient placidement, béats, aux agissements de leurs gosses, sans rien entreprendre pour les faire cesser. On finit par les appeler « I barbari ». De même qu’il suffit d’un peu d’eau boueuse pour contaminer une baignoire d’eau claire, il suffit d’une poignée de ces gens pour imprimer à l’hôtel, une ambiance d’hôtel mal tenu, de deuxième classe. Les prix très élevés du Carlton ou de la Cala di Volpe, les met à l’abri de cette engeance irrespectueuse, mais ils peuvent faire le plein dans la haute Société, d’ailleurs insupportablement snob, grâce à leur renom mondial. Mais l’accueil est poli et glacé, totalement impersonnel, à moins que vous vous nommiez Brad Pitt ou Jacques Chirac.
Le Carlton passe sans relâche d’une main à l’autre, d’une multinationale à une autre, il devient écossais, canadien, chinois, tour à tour, le personnel subit une rotation du personnel analogue. Je me souviens qu’un jour lors de mon arrivée dans cet hôtel que je fréquentais depuis des années, une demoiselle les yeux penchés sur son écran, sans jeter un seul coup d’œil sur moi, me tendit ma clé. Le liftier m’introduisit dans la chambre où m’attendait une télévision allumée pour me souhaiter la bienvenue : WELCOME LUSSATO BRUNO MISTER bienvenue tirée des premières réponses du formulaire de police : nom, prénom, sexe…
Admettons que le Royal tombe entre les mains d’une de ces multinationale. On aura tôt fait de supprimer le restaurant à midi, on réduira le personnel, il sera remplacé par des jeunes mal formés, et des bureaucrates venant d’écoles hôtelières homologuées, de firmes comme Cartier, ou Estée Lauder, et ne connaissant rien au métier ni à ses clients. Ce sera la fin d’un mythe.
Mais comment éviter le piège ? J’ai ma petite idée là-dessus et je la réserve au directeur, homme de bonne volonté et de patiente écoute. Puis je vous la livrerai. Mais essayez de trouver vous aussi une troisième voie et faîtes-le savoir.
Bruno Lussato
Lire dans le corps du blog, la suite du journal des temps d'innocence
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Wednesday, 8 July 2009
CHRONIQUE
VEILLÉE D'ANNIVERSAIRE
Demain c'est celui de Marina, que nous passons tous les ans à San Remo (ou, avant au Carlton de Cannes, avec nos amis Landon). C'est la personne qui m'est la plus chère. Elle a perdu un mari adoré et conservé toujours lancinant le souvenir des jours de bonheur, et moi, c'est ma femme qui m'a été enlevée avant qu'elle n'eût atteint la cinquantaine, et ma fidélité à sa présence toujours vivace dans mon coeur, m'a empêché de me marier.
C'est ainsi que Marina et moi nous entretenons des rapports difficiles, à la recherche d'une complémentarité qui nous a valu de réaliser de grands projet, et d'un dialogue problématique : celui d'une monochrone très rigoureuse et d'une grande franchise, et du polychrone que je suis viscéralement, désordonné, égocentrique, vivant dans une constante utopie, à l'aise dans l'informe et l'incréé. Nous avons des amis, et moi notamment deux fils adoptifs pleins de sollicitude, mais ils sont très occupés. En quelque sorte, ma soeur et moi sommes seuls au monde, dans un monde en folie, qui nous ballotte comme des fétus au grès des flots démontés. Marina avait été gâtée par la vie, elle était entourée de la sollicitude d'amis chers et désinteressés. Tous sont morts hélas aujoud'hui, ne laissant que des regrets. Si ces deux dernières années le Seigneur n'avait accompli le miracle de me donner ceux qu'avec ma soeur, j'aime le plus au monde, et à qui j'ai voué ma vie et mon âme, je serais aussi seul que ma soeur, avec la différence, qu'ayant vécu dans une solitude totale toute ma vie, je suis aguerri.
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Ainsi comme vous le voyez, pareil à Sérénus Zeitblom, le chroniqueur de Thomas Mann, je is maintenant sur deux régistres temporels. L'horloge dévide cliché par cliché les jours enchantés de mes débuts, la réalité présente, celle qui me sollicite, frappe avec une inéluctabilité inquiétante, les nuits hantées de mes billets, témoins de fin de parcours.
REVUE DE PRESSE
Le néant, le vide intersidéral habité de mots, de formules, d'intentions pieuses, de reconciliations fleurant bon son hypocrisie. Obama et Poutine, estiment "constructif" leur entretien, Berlusconi complimente Obama sur sa bonne mine : c'est un beau gars : grand, musclé et bronzé. Ce dernier, oublie que le Président de la Russie c'est Medvedev. Le pape nous révèle que ce qui est important est de concilier l'économie et la charité, Sarkozy d'une main encourage, de l'autre fait le contraire. Passons sur le sport et la défection de Kaka, ce qui domine tout, c'est l'intérêt porté aux désastres, aux massacres. Jamais on n'entendit autant de récits de viols collectifs, dignes de Steps de Kosinski.
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Tuesday, 7 July 2009
CHRONIQUE
WORDS,WORDS,WORDS...
(Shakespeare, Hamlet).
Tous les jours, je lis la presse italienne: Il Corriere della Sera, il Messaggiero, La Reppublica... La préoccupation pour les activités culturelles est bien plus sensible que dans la presse française. J'y ai trouvé d'interessants articles, sur l'origine du titre de la Commedia de Dante, sur la nullité de Raynaldo Hahn, coqueluche du milieu snob parisien, richissime dandy dont le chef-d'oeuvre fut Ciboulette.
Le titre de la Commedia. La Divine Comédie de Dante continue de soulever des polémiques passionnées, comme l'oeuvre de Molière prétendûment attribuée à Corneille, comme si les Femmes Savantes provenaient de la même plume que le menteur. Ou encore Shakespeare prêtant son nom à Ben Johnson... Certaines parties seraient même dues à un épigone.
On ne connaît pas plus le manuscrit de la Commedia, que celui des pièces de Shakespeare ou de Molière, particularité troublante qui autorise toutes les rumeurs, toutes les interprétations les plus folles. En ce qui concerne Dante, le mot de comédie serait dû à Boccace, si je ne me trompe et on y a ajouté plus tard l'épithète de divin.
Je ne comprends goutte au Paradis, et peu au gris purgatoire. En revanche jai beaucoup étudié certains fragments de l'enfer, avec mon professeur d'italien, elle-même passionnée, et la puissance qui s'en dégage (à condition d'être lus ou déclamés en italien) dépasse tout : et Shakespeare et le deuxième Faust. La concision et la brutalité des versets n'a pas pris une ride, et comparée aux vers ampoulés de Alfieri, elle est très facile à lire pour nos contemporains. Il en est de même aussi de Shakespeare et de Goethe, dont la langue est toujours fort accessible.
Lire dans le corps du blog la troisième partie des temps d'innocence.
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Monday, 6 July 2009
CHRONIQUE
VILLE D'ITALIE
Il est 7h.40 et le temps est radieux. On croirait presque se trouver dans sur la Méditerrannée, n'était la douceur des nuances : bleu de layette pour la mer calme comme un lac, bleu de tendre atténué par je ne sais quoi de nacré, pour le ciel.
Mon programme est en partie fixé. J'essaierai de nager quelques minutes, afin de me réhabituer, et parvenir à ne pas boire la tasse au bout de deux brasses. Et dire que naguère je parcourais toute la plage de Cannes, d'un port à l'autre, et le plus loin possible des maisons. Mes amis étaient inquiets, pas moi. Je me suis toujours senti une grande amitié pour l'eau salée, une complicité sans laquelle les vers sur l'océan de l'Entretien, n'eussent pas été possible. Comme les légendes grecques et romaines, et les visions de Jean de Patmos, ma sensibilité vient de la mer méditerrannée.
Michel va essayer de faire refonctionner mon téléphone qui semble avoir convenablement séché après son séjour dans l'eau de mer de la piscine. Sinon, il devra se rendre à Menton pour trouver un autre téléphone, compatible avec ma puce. Je n'ai que des problèmes avec mes portables, encore heureux que personne ne m'ait offert un Vertu, ce Nokia de grand luxe réservé aux émirs du golfe et censé être monté à la main par des artisans joalliers anglais.
A quatre heures j'en ai pour une heure de massage, et puis, visite de la vieille ville de San Remo. Bien que je la connaisse de longue date, les choses changent, ne serait-ce que votre regard. J'aimerais bien acheter une ramette de ce merveilleux papier d'Amalfi fait main, afin de peindre des illustrations pour "journal des temps d'innocence". J'ai pris la peine d'emmener avec moi tout mon nécessaire de calligraphe professionnel, à tout hasard.
Lire la seconde partie du journal des temps d'innocence: L'Europe avant la guerre, dans le corps du blog.
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Sunday, 5 July 2009
CHRONIQUE
SUNNYDAYS
Jours ensoleillés. Après le terrible orage d'hier soir, et la touffeur glauque de la journée, ce matin (il est 7h45) un temps superbe a fait son apparition. Le jardin tropical qui s'étend sous mon balcon, étincelle sous le soleil encore clément. Certes, San Remo a un climat beaucoup plus brumeux que Cannes, l'idéal, et le fuligineux Montecarlo, mais sunnydays est plutôt à prendre au sens métaphorique plutôt que météorologique.
La masseuse est venue à 9 heures comme convenu. Elle a découvert des contractures beaucoup plus profondes que les trois que j’avais identifiés et elle les a traité. Pendant qu’elle travaillait, je m’endormis du sommeil profond des anesthésies. A dix heures j’étais complètement groggy et cet état semi comateux se poursuivit pendant le reste de la journée. Mes yeux étaient grands ouverts et fixés sur le néant, mes gestes, ceux d’un somnambule, m’exposaient à toutes sortes de désagréments.
GASTRONOMIE FAMILIALE
La matinée, était splendide et je la consacrai à mon blog sur word, assis à l’abri devant une petite table, sous une pergola dominant la piscine et la mer. Après quoi je dégustai l’excellents cuisine de l’hôtel : rizotto au safran, foie de canard à la moutarde de figue, poisson pêché dans les eaux de San Remo et accompagné de pommes de terre au four à la mode anglaise et pour terminer, un parfait à la framboise. Je me régalai et je montai faire une petite sieste. Il fallut me réveiller à cinq heures. Je me trouvais dans un état de léthargie complète et Michel m’obligea à nager dans les eaux tièdes de la piscine.
CATASTROPHE
A ma grande surprise, je coulais à chaque brasse, comme un débutant. Je finis par faire la grenouille et marchai en nageotant. C’est alors que je m’aperçus que j’avais laissé mon Nokia de luxe dans mon maillot de bain. Je devins comme fou. J’attendais d’importants coups de téléphone et la puce n’enregistrait pas les évènements, les adresses, les sms, etc. Je me serais giflé. On démonta le téléphone, on le sécha à l’air chaud, mais l’écran était empli de buée et l’eau de mer est mortelle pour les circuits électroniques. J’ai un Nokia de rechange à Paris qui ressuscita mystérieusement au bout de deux jours d’inactivité, ridiculisant tous les instruments de mesure qui le donnaient pour mort, mais il s’agissait d’une légère imprégnation d’eau douce.
Demain, Michel se rendra à Menton, en zone française pour essayer d’acheter un petit téléphone compatible avec ma puce.
Du coup, je me trouve bien réveillé et prêt à reprendre le cours du billet là où je l’avais laissé. (Journal d’innocence).
Lire le texte intégral de "journal des temps d'innoncence", première partie dans le corps du blog.
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Saturday, 4 July 2009
CHRONIQUE
JOUR DE MARCHÉ
Ce matin, on se lève tôt pour nous rendre au marché avant que la foule et la chaleur ne l'envahissent. On prévoit d'acheter des parapluies, des cardigans, des sacs de plage, toutes sortes de petits auxiliaires utiles. Il ne faut pas se figurer qu'il n'y a que de la pacotille au marché de San Remo. Certes, les ceintures sont en cuir bien imité, mais c'est du carton recouvert d'une couche de cuir reconstitué, mais on y trouve aussi de la lingerie Made in Italy, de belles écharpes, pas des pashmina trop vues, et des vêtements sportifs de très bonne qualité et d'ailleurs assez chers.
DÉCADENCE
Une formule de Marina, comme je l’ai déjà dit dans un dernier billet est « moins bien que l’année dernière, mieux que l’année prochaine ». Cela devrait l’inciter à faire des provisions, mais non. Elle agit comme si les produits devaient être réassortis l’année prochaine. Logique féminine. Elle avait promis à ses amies des étoles en soie naturelle 100%, elle en trouva, mais elles avaient rapetissé. Le choix était moins important et les pulls de cashmere triple fil made in Italy provenaient de gammes dépareillés. En revanche j’achetai des chaussettes de fil d’écosse, à 15euros les quatre, contre 15 pièce chez Figaret (en solde) et trois chez Intimo. Une des raisons de cette décadence est la chasse forcenée … et justifiée des marques contre les faussaires. Voici une dizaine d’années on trouvait tout le choix de sacs Vuitton, de portefeuilles et de pochettes Hermès, sans compter les foulards, les kellys, les ceintures. Et la fabrication made in Italy était irréprochable, même si elles n’arrivaient pas à la cheville de la réalisation Hermès. Il suffit de voir les coffrets et les mallettes en crocodile orangé comme le nécessaire à pique nique en crocos orangé qu’un couple de japonais qui mirent deux ans pour être livrés. Mais leur joie faisait plaisir à voir.
LE PAON ET LE MIROIR
Au retour j’ai mis, pour mon plaisir, l’ensemble sportif de chez Hermès offert par Oleg, qui m’a habillé de pied en cap dans des tonalités de bleu chiné et de beige. On y trouvait aussi une veste en lin sitôt achetée, sitôt froissée. Il était à peu près impossible d’en détecter la provenance, sauf à faire semblant de fouiller dans une des poches, pour faire ressortir une bande de cuir, seul indice de provenance de Hermès. Par ailleurs je me suis enfin rasé convenablement grâce un rasoir fabriqué totalement au Japon. Je me reconnus plus dans le miroir, j’avais grâce à Tatiana et Oleg, rajeuni de vingt ans ! Après m’être pavané comme un gigolo je m’octroyai un somme bienvenu, car au dehors il faisait lourd et chaud et une légère brume flottait qui blanchissait le ciel et effaçait la ligne d’horizon.
L'ENFER AU RÉVEIL
Je me réveillai avec les douleurs les plus vives que j’aie jamais subi dans toute mon existence, pire que les radiofréquences, pire que ma chute dans le noir, ayant posé, un jour de Noël, pendant une panne de courant, le pied dans le vide. Ce n’est point difficile à imaginer mes amis. Il est un certain nombre d’entre vous qui avez souffert de lumbagos à la colonne vertébrale. Ceux-ci avaient élu leur siège au bas de la colonne vertébrale. D’habitude j’en viens facilement à bout en me massant la zone douloureuse diffuse à la recherche du « point focal » de la douleur, et en tâchant de la circonscrire à un lieu aussi étroit que possible. Sans ménagements il faut alors masser la contracture en essayant de se faire le plus mal que possible. On constate lors que pourvu qu’on continue à presser et à meurtrir l’épicentre de la douleur, on troque la douleur qui s’emparait de tout le bassin, contre un minuscule point très localisé. Tant que vous le maltraitez vous pourrez effectuer sans problèmes tout déplacement. Si vous pouvez attendre d’autres points séparément l’effet est supportable. Vous pouvez ainsi vous déplacer, vous asseoir et surtout marcher. L’effet de ces manipulations est accru si vous disposez d’un séchoir à cheveux.
Dès lors pourquoi les hurlements de bête fauve qui accompagnèrent mon réveil ? Tout simplement parce que pour me masser il me fallait atteindre le dos avec mes doigts. Or pour cela il fallait que je soulève mon bassin, ce qui n’était guère possible. Un malheur ne venant jamais seul, d’affreuses crampes s’emparèrent de mes jambes, tétanies dues au lasilix, un médicament destiné à combattre ma maladie de foie. Or il n’existe que deux moyens pour lutter contre ces contractures abominables qui rendent vos mollets, vos cuisses, vos pieds et vos mains, durs comme des troncs d’arbre ; mais parcourus de mouvements spasmodiques autonomes : 1. L’eau très chaude pendant dix minutes, 2. Vous avez compris que j’étais coincé par ces deux maux contradictoires.
Enfin, au bout d’un temps infini, le robuste Michel vint à la rescousse et me convainquit que je devais m’asseoir, quitte à hurler un bon coup. Il me redressa d’un coup, et après une vive douleur, la douleur s’atténua dès que je pus libérer mon dos pour me masser. En comprimant d’une main l’épicentre le plus bas des contractures, je pus marcher tranquillement, faisant disparaître les crampes.
Le soir je me couchai avec une ceinture lombaire, mais c’était pure bêtise car je ne pouvais ainsi me masser.
Si je vous donne ce luxe de détails, c’est parce qu’il vous arrivera un jour ou l’autre cette affection et qu’on vous prescrira du Nifluryl , et alors, bonjour les brûlures d’estomac !
UN AMI
Je me débarrassai également de mon sentiment d’avoir commis une gaffe en mettant mon ami intime Olaf Olafson en garde contre une personne que nous aimions beaucoup tous deux et que je surpris en flagrant délit d’infidélité et de trahison. Les puissants n’aiment guère qu’on leur ôte leurs illusions, et vous prennent pour un mouchard qui pourra un jour vous dénoncer. Je lui téléphonai pour lui faire part de mon malaise et essayai d’atténuer mes attaques. Mais mon ami avec une grande douceur écarta mes scrupules. Tout cela, me dit-il, était secondaire, ce qui le préoccupait au plus haut point était ma santé ; il m’assura que dès que possible, il me rejoindrait à San Remo.
OMBRES CHINOISES
Je pus ainsi jouir tranquillement de l’excellente cuisine italienne, même si sévèrement limitée par un régime drastique. Le soleil avait percé derrière la chape d’humidité et inondait ma chambre située à l’Ouest. Et voici que d’improviste un des plus violents orages éclata, une étrange lumière jaune envahit le ciel donnant naissance à un double arc-en-ciel sur fond de foudre. Un craquement sec, et tout l’hôtel fut plongé dans le noir, même les lumières de secours avaient cédé. Nous descendîmes à tâtons jusqu’au grand salon hanté par des ombres chinoises de personnages en déroute, pendant que, bravement, le pianiste et la chanteuse continuaient d’officier, scène fellinienne s’il en fût. On libéra les clients enfermés dans la nacelle des ascenseurs et tout redevint normal… jusqu’au deuxième craquement sec. Dans ces entrefaites, la nuit étant tombée la scène devint encore plus paniquante. J’assistai à une panne analogue voici quelques années. Immédiatement le vieux Bertolini avait prévu de placer des torches électriques dans chaque chambre et plein de pittoresques chandeliers à chaque table. Mais voilà. Le fondateur et esprit des lieux c’était éteint cet hiver, et un calcul économique rationnel avait multiplié le coût d’immobilisation d’un capital lumières de secours, par la probabilité d’occurrence d’une panne prolongée, et au terme de savants calculs sur logiciels sophistiqués avait sans doute abouti à un critère de 89,75 % pour la suppression. Le vieux monsieur Bertolini ne connaissait pas l’informatique mais simplement sa clientèle.
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