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Wednesday, 3 June 2009
CHRONIQUE
MEMOIRE
Je me vois forcé, informatique oblige, de reporter la suite du 2 juin 2009 au billet d'aujourd'hui. Je n'ai trouvé personne pour m'expliquer les données les plus sommaires qui permettent de contrôler mon apple. J'ai fini par utiliser les grands moyens, qui sont aussi les plus frustes. Demain, j'envoie Michel chez Apple et qu'il voient comment ils s'y prennent dans leur Mac,
1. Pour entrer dans mon blog.
2. Pour éditer un nouveau billet.
3. pour savoir comment afficher la boite à outils : taille des caractères, gras, italique, couleur.
4. comment reporter ce que l'on vient d'enregistrer dans le blog.
5. Comment arrêter l'ordinateur.
Demain je vois mon petit fils adoptif, Alexandre Pugachev. Il devait venir Lundi, mais une grippe l'en a empêché... et j'avoue que je n'avais aucune envie qu'il me la passe. Demain ce sera différent. Si le temps est aussi radieux que ces jours bénis, nous pourrons déjeuner dehors, et converser dans mon minuscule jardin.
Cette rencontre est indispensable car je veux être fixé sur sa décision d'acheter un appartement auprès de moi, comme son père le sénateur le désire, ceci étant préalable au don que je lui fais de la plupart de mes manuscrits qu'il faudra bien les mettre quelque part.
Et puis je voudrais savoir ce qui va advenir des livres et manuscrits qui constituent l'essentiel de la Troisième Fondation, celle qui sera le point de départ d'une brillante carrière de mécène, dans la lignée des Thyssen ou des Getty. Honneur digne de la glorieuse famille des Pugachev, qui, on le sait, ont joué un rôle important dans l'histoire de la Russie.
Il était prévu qu'il achète le totalité de la collection, mais bien qu'il m'assurât à plusieurs reprises que je pouvais compter dessus, ce qu'il confirma à Clavreuil le libraire de référence, j'imaginai au cas où il reviendrait sur sa décision, plusieurs tranches par ordre d'importance, qui nous rendront crédible pour faire patienter les marchand sérieux. La 1ère tranche absolument déterminante est chez Clavreuil : Copernic, l'héliocentrisme, 'Christophe Colomb, la découverte de l'Amérique, Galilée, les dialogues, Grolier, le dernier volume de la série, et le plus beau. Chez Heribert Tenscher : le psautier byzantin du XIIème siècle, le manuscrit en lettres d'or de Padoue, de 1380.
Tuesday, 2 June 2009
CHRONIQUE
RETOUR AU REEL
Le regard jeté sur la solitude, matérielle ou spirituelle, était emprunté à de sources littéraires. J'aimerais bien y ajouter mon expérience et l'enseignement que la réalité récente m'a appris.
ANTONIO
Comme je l'ai écrit dans le billet d'hier, le soupçon d'homosexualité qui pèse sur Antonio, est naturel dans une culture occidentale récente, ou amour et sexe sont intimement entremêlés de sorte que l'exaltation de l'amour implique "ipso facto" une relation sexuelle. Mais il n'en a pas été ainsi avant le XXème siècle. La dissociation entre les deux notions, signifiait qu'un amour même excessif peut saisir deux individus de l'un ou l'autre sexe, être comblé ou rejeté par l'aimé(e). La terrible nostalgie, peut d'ailleurs atteindre deux amants parfaitement accordés, c'est alors la crainte de perdre ou de voir vieillir l'être cher qui jette une ombre intolérable sur la plus parfaite des relations, justement ) cause même de cette perfection. C'est ainsi que les amants de "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen, se suicident pour conserver intact le bonheur parfait, insurpassable, qui ne peut que décliner. L'amant, un homme splendide, dit à sa magnifique compagne qui lui déclare un amour total, désintéressé, absolu, " M'aimerais-tu autant si j'étais bossu, les yeux torves, et une taille de 1m.55?" Ce que notre époque ignore, est qu'il peut se trouver que deux hommes (ou deux femmes) entretiennent une relation encore plus forte que le lien sexuel. On peut citer évidemment la relation père-fils, fréquemment d'une profondeur touchante. Je citerai comme exemple l'amour rayonnant qu'Alexandre Pugachev (un peu mon successeur) porte à son père, le Sénateur. Lorsqu'il est en sa présence, sa physionomie sévère s'adoucit, sa froideur naturelle, son indifférence polie s'évanouissent au profit d'une lumière intérieure irrésistible. Quel père ne souhaiterait pas avoir un tel fils?
Mais il peut aussi y avoir une affection viscérale, organique entre deux hommes, comparable en intensité et en force, à celle d'un couple. On connaissait fort bien ce sentiment-là dans la littérature romantique. Il suffit de relire "Les souffrances du jeune Werther" de Goethe, ou encore se souvenir de la relation entre Brahms, Schumann et Clara. On sait que par fidélité à la mémoire du cher disparu, ni Clara ni Brahms ne s'unirent. J'avoue que moi-même, en dépit de profondes divergences et d'une forte réprobation, je restai toujours fidèle de corps et d'esprit à Christa. Or il survint que la dernière année de sa trop courte existence, elle subit une transformation stupéfiante. Elle prit conscience de tout le mal qu'elle avait pu faire, du fait que sa mère et moi étions les seuls à l'aimer vraiment, et elle devint un ange du Seigneur. Elle rajeunit, elle embellit, elle retrouva ses traits d'enfant, un sourire étonné, comme émerveillé... Certes, les drogues y furent peut-être pour quelques chose, mais je n'y crois pas. Depuis, ces derniers moments passés avec elle, pendant que j'écrivais Décodages resteront, magnifiques et déchirants dans ma mémoire. Non seulement je ne me remariai jamais, mais la seule idée de la tromper affectivement me fut tout à fait étrangère. Elle remplit mon äme et mon coeur et son portrait est toujours sur mon bureau.
Christa était mondaine et très socialisée. Elle se serait très bien vue comme épouse de notaire de sa province natale.
Je n'ai éprouvé ce sentiment que récemment, et c'est une grâce que le Seigneur m'a octroyé dans ma fin de vie comme pour concentrer en moins de deux ans, tout ce dont j'ai été privé toute ma vie.
Je fais allusion à la relation que j'entretiens avec Olaf Olafson.
Lorsque je fis sa connaissance c'était l'un des hommes les plus admirés de la côte qui va de Seattle à Vancouver. Son fils cadet avait pris la relève de l'affaire, supplantant sa jumelle et ses deux aînés. Il avait un caractère fougueux et intraitable et son père qui avait un faible pour lui et pour son dynamisme, ne savait comment le contrôler. Le jeune homme n'avait pas peur de la mort, il n'avait d'ailleurs peur de rien. Hegel disait que lorsque deux hommes s'affrontent, c'est celui qui n'a pas peur de mourir qui l'emporte. De même Harald Olafson, l'emporta au cours d'une confrontation sanglante avec les représentants de la mafia à Seattle. Les mafiosi estimèrent qu'il valait mieux s'attaquer à des proies plus commodes et moins risquées.
Olaf, se plaignit auprès de moi, de la nature cruelle et intraitable de son fils. "Comment le rendre humain? " m'implora-t-il comme si j'avais accès aux bas-fonds tortueux du garçon. Je répondis que je ferai de mon mieux pour lui faire découvrir les grandes oeuvres universelles.
Or, à mon grand étonnement le jeune homme demanda à me voir, lui qui refusait toutes les visites d'homme d'affaire, de banquiers, et d'entremetteurs de tout poil. Tous étaient impressionnés, mais ils le furent encore plus lorsque je mis fin à notre rendez-vous au bout de cinq minutes. Il fut certainement surpris et désarçonné, car il me donna un autre rendez-vous. On se disputait, je remettais à sa place et il ne devait guère en avoir l'habitude. Olaf était ravi. A la fin, après une discussion plus vive que d'habitude, je lui-demandai ce qu'il voulait de moi. "I want you" me dit-il. C'est là que j'eus l'idée de mettre un terme à notre relation tumultueuse : je lui demandai de satisfaire quatre covenants, que j' appris chez IBM.
1."Confiance absolue"
2."Respect absolu"
3. La ponctualité et des rencontres qui n'excèdent pas six semaines.
4 " Eternité".
La relation ne devait s'éteindre qu'avec la mort de l'un d'entre nous. Harald mit du temps pour accepter la dernière proposition, mais dès qu'il y consentit, il fut d'une sollicitude de tous les instants. Voici un exemple de relation forte, plus forte que ce que l'on nomme amitié, ou amour.
Monday, 1 June 2009
CHRONIQUE
SOLITUDES
J'ai reçu bien des coups de téléphone, qui tous dénotaient d'une manière ou d'une autre,la maladie d'esseulement.
Le livre de Kosinski, "Cockpit" que je suis en train de lire est désolant. Il montre la pire des solitudes : celle d'un homme qui est coupé de communication affective même avec son double. Cet homme pétrifié, glacé, rationnel, objectif, mesurant tout en fonction des objectifs matériels qu'il poursuit, ce bureaucrate sans coeur, ni même le semblant d'âme que l'on peut déceler dans une tortue, cet homme est souvent indiscernable. Il n'a pas de persona, mais des masques dont il change à volonté. Derrière ces masques nulle méchanceté, nulle cruauté, mais le néant. Cet homme peut ainsi sauver ou condamner des millions de victimes de la barbarie, il confond l'amour de l'autre avec le sexe égoïste, qu'il peut éprouver intensément comme le gourmet goûte le canard confit de Bocuse, mais aussi fugitif, aussi évanescent que le vent des côtes de la Manche.
La solitude peut être purement matérielle, physique, visible du dehors. Dans "Giulietta degli spiriti" ( Juliette des esprits ) le chef d'oeuvre absolu de Federico Fellini, on assiste à la découverte progressive par son idéaliste de femme, de la trahison de son mari adoré, ses petits mensonges, ses demi-vérités, ses grandes absences, son indifférence aimable.
Elle a passé les loisirs de sa jeunesse à se cultiver, à fréquenter les grands génies : Dante, Leopardi, Guido Gozzano, Alfieri et Manzoni. Elle a négligé les artifices du sexe, et de toute manière elle vieillit et ne peut rivaliser avec les médiocrités aux cheveux platinés; à la poitrine généreuse.
Au petit matin qui conclut le film, voici notre Giulietta Masina (car l'actrice est la femme de Fellini) abandonnée à elle même, à son affreuse solitude; et on la sent capable de quelque extrémité. Peut-être pas d'ailleurs, elle errera toute sa vie dans les landes arides du désenchantement. Mais voici une multitude de voix pressantes qui l'interpellent : "Tu n'es pas seule, tu n'es pas seule, nous sommes avec toi, les esprits gentils (que tu as aimé et fréquentés dans les livres de ton adolescence!)
Edouard Herriot disait que la culture est ce qui subsiste quand on a tout oublié. C'est en partie vrai, car ce qui reste est pur de toute érudition, cette maladie de la culture. Mais relisez le "Marchand de Venise". Antonio, le marchand voue une passion payée de retour avec Bassanio. Antonio est un armateur célibataire, dont l'affection éternelle exclusive, se porte sur le jeune et beau Bassanio pour qui il se sacrifie. Ce dernier bien qu'amoureux de la riche Portia met en jeu leur union en se séparant de sa bague de mariage au profit de l'avocat qui a sauvél des griffes de Shylock. son ami de coeur. Antonio devrait être heureux de cet amour partagé, et du succès matériel de son protégé. Mais il souffre d'une tristesse incurable. La nostalgie est ce qui reste, quand on a bénéficié d'une affection intense même partagée. En effet, Antonio aime de tout son coeur, de toute son âme, un jeune homme dont il ne connaît que trop le fond de la personnalité. Il est conscient du caractère superficiel de l'objet de sa tendresse, Bassanio, qui lui a demandé de s'endetter pour plastronner devant la riche Portia dont il espère de se faire épouser, bien qu'il aime toujours au moins autant le marchand de Venise, n'a rien de plus pressé que de s'adresser à l'usurier Shylock. Le pire ennemi d'Antonio ! Tout ceci Antonio ne l'ignore pas, d'où sa tristesse. A la fin de la pièce Antonio a toute satisfaction : tous ses désirs sont exaucés : Bassanio richement doté lui est dévoué par dessus tout, il a retrouvé sa fortune , mais pour paraphraser Herriot, la solitude est ce qui reste quand tous les désirs ont été satisfaits.
Friday, 29 May 2009
CHRONIQUE
REVIREMENTS
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, dit un adage populaire. Quelquefois, ce ne sont pas les futés qui s'adaptent, mais le cerveau le plus obtus qui se voit obligé par des circonstances généralement dramatiques, ou au contraire par des portes soudain ouvertes sur des utopies alléchantes, opportunités d'acquérir argent, pouvoir, notoriété, sexe et réaliser ses rêves de vengeance. Léon Festinger s'est rendu célèbre par sa Théorie de la Dissonance Sémantique, qui montre que les hommes ne supportent pas la concomitance d'informations contradictoires. Lorsque toute solution de conciliation a échoué, ce sont en général les croyances, les préjugés, les doctrines, qui l'emportent sur la faits. Le sujet a recours alors à bien des subterfuges. Ce n'est que lorsque le conflit engage l'individu, ce dernier réduit la dissonance en reformulant les faits pour qu'ils l'intègrent dans le modèle préconçu. ou encore est atteint de surdité sélective. Mais lorsqu'il n'est plus possible de nier le fait, on est obligé de renoncer à son modèle interne. C'est le revirement. Il est des personnalités comme Fouché, qui sont d'autant plus à l'aise dans ces métamorphoses radicales du système des valeurs, qu'ils s'en fichent.
Je vais donner des exemples de revirements d'appréciation provoqués par un romancier. C'est ce qu'on appelle un coup de théâtre. Je vais en emprunter une exemple dans Cockpit de Kosinski et relatif à la touchante et délicate amitié de Robert, le protecteur, pour le pauvre immigré. Je m'en étais ému et donné des exemples de cet amour qui se dissimule pudiquement.
J'ai toujours rêvé d'un amour aussi exclusif et profond et j'ai été touché par celui, infini, que je porte à Olaf Olafson et l'autre à Socrate. J'ai été également désorienté et perturbé par le jeune homme qui alterne affection et générosité d'autant plus rares qu'il est glacial, et le mépris le plus humiliant, lorsqu'il ne daigne même pas de prendre de mes nouvelles alors que je vis des moments dramatiques.
LE CAS ROBERT
Robert, à l'improviste, change de comportement envers Kosinski. Il est animé par une idée fixe qui faillit réussir : il veut absolument lui trancher la gorge. Enquête faîte, on apprend qu'il souffre de schizophrénie et qu'il a fait de fréquents séjours dans des hôpitaux psychiatrique. Le coup de théatre nous est ménagé avec un art consommé du suspense. Et s'il se passait quelque chose du même ordre sur le jeune homme ? Une personnalité schizoïde et légèrement autiste? Comme expliquer autrement ses alternances d'affection profonde et de parfaite indifférence?
LE CAS DU PACKAGE CULTUREL
J'ai reçu des e-mails de félicitations de jeunes qui ont appliqué à la lettre mes recommandations, et qui dégustent dans l'ordre chronologique toutes les sonates de Beethoven. Mais je me suis avisé qu'il y a bien d'autres voies, et qu'on peut aménager celle que je vous ai proposé. Voici les nouvelles recommandations sur l'écoute des sonates de piano de Beethoven. Ecoutez les deux sonates en Fa majeur qui pétillent d'esprit et de charme. Passer à la Pathétique, la "Clair de lune", la "Tempête" , l'Appassionata, l'Aurore, le départ, l'absence et le retour, et l'Op.101, l'Op. 110 toutes par Wilhelm Kempf, ainsi que son DVD impressionnant de l'Op.106 où il explique la sonate en un français rocailleux mais très clair. La terrifiante sonate op 106 est à son apogée dans un concert public donné au Carnegie Hall en 1955. 1955. L'op. 111 est une spécialité de Backhaus, à acheter absolument. Un livre d'accompagnement est celui de Brigitte et Jean Massin. Evitez absolument de telécharger, c'est bon pour la musique de consommation. Achetez des CD qui ont généralement des notices succinctes mais bien faites.
Sunday, 24 May 2009
CHRONIQUE
PINBALL (suite)
La manipulation a apparemment réussi car mon précédent billet est passé sur le Web. Continuons donc notre exploration de "Pinball" de Kosinski et avec elle la liste de mes interrogations.
2. Une des héroïnes du récit, une noire splendide et sexi, dont on ne nous épargne aucune des fantaisies les plus intimes, avec ou sans gadgets sexuels, est aussi une étudiante très sérieuse spécialisée dans la musique de Chopin. Elle est admise à un de ces concours fort nombreux dont un précédent célèbre est dû à la maîtresse de Ravel, Marguerite Long, une affreuse bonne femme, vénale et minaudière qui faisait payer à prix d'or son soutien au concours qu'elle avait créée avec Jacques Thibaud, un violoniste justement célèbre.
Elle procédait de la manière suivante : elle filtrait les candidats au moment des préparatoires, profitant du fait que les célébrités du jury étaient absentes, pour en rejeter les meilleurs, (sauf ses chouchous) et les pires. Au moment du concours final, les membres prestigieux du jury avaient de ce fait le choix entre les chouchous et les médiocres, et le tour était joué.
Le concours de la Reine Elisabeth de Belgique. révéla en Julius Katchen qui en fut le glorieux vainqueur ,un pianiste hors pair qui fut récompensé par une édition discographique des sonates de Beethoven, et surtout les variations sur un thème de Diabelli, particulièrement ardues, et l'intégrale enregistrée de la musique de piano de Brahms. Dès notre première rencontre, ménagée par un admirateur, le jeune et séduisant docteur Simmenauer, violoncelliste à ses heures perdues, je me brouillai violemment avec Katchen. Grisé par son succès, (il parlait tout le temps de son intimité avec la reine Elisabeth, et je croyais naïvement que c'était la Reine de Grande Bretagne, alors que c'était celle de Belgique qui le protégeait) il se permit d'affirmer que Beethoven n'aurait jamais dû composer la fugue de l'Op. 106, que la Wanderer Phantasie qui était un de ses succès médiatique, ne valait pas tripette et que les Variations sur un thème de Diabelli, il les avait apprises en deux semaines. Elles furent prêtes lorsqu'il fut capable de les jouer tout en lisant à haute voix le journal. Ses Diabelli reléguèrent dans l'ombre le disque de Wilhelm Backhaus, dont une vie de concentration et de méditation permit une interprétation magistrale.
Bernard Gavoty, (alias Clarendon,le critique tout-puissant du Figaro) et ses émules, écrivirent que Wilhelm Backhaus jouait comme un maître d'école. Ulcéré, le plus grand interprète des trois grands B, jura de ne plus donner un concert à Paris.
Il tint sa promesse sauf lorsqu'à l'occasion d'une tournée mondiale de Karl Böhm, il dût nécessairement honorer son contrat. Il est certain que le "Maître d'école" avait une vie terne et hygiénique (je le connus à la clinique Bircher Benner à Zürich, patrie du "Bircher müssli" spécialisée dans la diététique. Elle comptait à ce moment comme hôte, Sir Stafford Cripps, le chancelier de l'Echiquier). En revanche, Julius Katchen était homosexuel et ne le cachait nullement, et il est vraisemblable que pour luii la sexualité devait lui infuser passion, et énergie vitale.
On comprendra ma réaction en songeant à mon âge : vingt ans et à ma formation musicale dans la plus rigoureuse tradition allemande. Mon professeur, Berthe Lapp, était organiste à la cathédrale de Strasbourg. Elève de Hans Pfitzner et d'un célèbre pianiste russe dont je ne sus jamais orthographier le nom, qu'elle prononçait Lutschke, madame Lapp dût abandonner sa carrière lorsqu'elle se maria avec un banquier, vice-président de la BNCI,depuis UBP, Robert Lapp. Il avait peur en effet qu'à la suite de la carrière de son épouse, on découvreon nom : Berthe Levy. Etant donné l'antisémitisme dominant, il la cacha en quelque sorte. Elle en fut très malheureuse, et elle allait souvent répéter Salle Gaveau où on louait à l'heure des studios avec piano. N'ayant pas de piano, je dépensais mes maigres économies dans une location d'une heure de studio, dont je me faisais régulièrement chasser. J'entendis un jour provenant du studio contigu, des sons émouvants, exaltants. Assis par terre à la porte du studio magique, je fus surpris par une grosse femme au cheveux gris, au visage rougeaud et quelque peu porcin et aux toutes petites mains rouges et potelées. Elle me demanda de lui jouer quelque chose, et je massacrai l'adagio de la Sonate au Clair de Lune. Elle fut scandalisée et me proposa de me donner des leçons de piano.
- Je n'ai pas d'argent pour vous payer, madame,dis-je tout honteux.
- Qu'à cela ne tienne, je sens que vous avez l'étoffe d'un grand concertiste et je m'occuperai de vous à une condition : vous suivrez ponctuellement mes instructions, et vous jouerez chez moi.
Elle habitait rue Cognac-Jay dans un appartement très bourgeois mais équipé d'un magnifique demi-queue, un Steinway de New-York dont les basses sonnaient comme des cloches, et les aiguës comme des rires cristallins. J'étais confondu d'admiration. Monsieur Lapp fit la connaissance de mon père, impressionné par sa situation, et nous primes l'habitude de prendre tous les dimanches le thé chez Angelina, rue de Rivoli. Je m'ennuyais mortellement, car en dehors de la musique et de la littérature allemande, madame Lapp ne s'intéressait qu'au spiritisme.
Elle nous raconta un jour tout à fait sérieusement, qu'il est très dangereux de se transformer en chat pour me glisser chez mes ennemis, car je risquais de ne pas pouvoir reprendre ma forme humaine.
Mais au piano, elle me fit faire des progrès stupéfiants. M.Lapp obtint de mon père qu'il m'achetât un Steinway ou au moins qu'il me louât un piano décent. Ce fut cette dernière solution que choisit mon radin de père, et je jouai pendant des heures sur des casseroles infectes dont il fallait changer les cordes toutes les semaines, et le marteaux qui cassaient en fin de course, tous les mois.
Bruno Siebert, le directeur du Grand Hôtel, ou nous résidâmes pendant dix sept ans, avait mis gratuitement à ma disposition une très jolie salle insonorisée, et c'est là que Kirsten Flagstad, Martha Mödl et d'autres célébrités jouèrent.
Je fus élevé dans un rigueur extrême, n'abordant une sonate de Beethoven, qu'une fois la précédente assimilée. Mon répertoire finit par être bien que très réduit,car j'étais un très mauvais déchiffreur, concentré autour d'oeuvres majeures comme les Préludes et Fugues de J.S.Bach, les 24 Préludes de Chopin, les Variations Goldberg de Bach et surtout les Kreisleriana de Schumann. Je dus hélas renoncer à la carrière de concertiste, à cause d'une infirmité que je partageais avec Alfred Cortot : le trac! Cortot compensa en se droguant à mort, mais je refusai une telle extrémité, et je jouai tout seul pour moi même et un petit groupe de protecteurs. Vous comprenez pourquoi, élevé dans le respect sacré des grands génies, je ne me serais jamais permis de porter un jugement négatif sur eux. Cette austérité, qui était celle de la culture allemande au plus haut niveau était aux antipodes de la débauche sexuelle décrite par Kosinski. `
CHRONIQUE
Sexe et musique
Vous l'avez sans doute deviné. Ce billet, s'il vous parvient aborde les interrogations que soulève PINBALL l'ouvrage de Jerzy Kosinski. Il convient pour décoder ce livre fleuve et pourtant concis, de se reporter au climat des Années soixante, vues par un américain. Comme je crois vous l'avoir dit dans un précédent billet, j'ai providentiellement trouvé au marché de Deauville un livre de photos répondant exactement à ce dont j'avais besoin et que j'ai emporté pour dix euros. En voici les coordonnées : The Hulton Getty Picture Collecion. 1960s. Nick Yapp. Könemann, Köln 1998.
Voici donc une liste non limitative de mes doutes
1. Comment est-il possible que le sexe le plus effréné, le plus perverti et le plus dévorant aille de pair avec la composition d'une grande oeuvre?
Et à un moindre niveau d'un interprète de rang mondial. J'ai connu Pierre Boulez et Henri Dutilleux et la seule passion dévorante que je décelai en eux, était la composition musicale, la responsabilité qu'ils savaient endosser pour les générations qui suivraient. Certes, des zones d'ombres existent forcément pour ces génies mais elles restent dans les limites de la vie privée qui n'admet, pour eux comme pour vous aucune intrusion. Parmi les interprètes, je connais la vie rangée de Backhaus pour qui sa femme et son tabouret de piano, le suivent constamment. Ou encore de l'union orageuse entre Horowitz et sa femme, la fille de Toscanini. J'ai connu aussi Kirsten Flagstad et l'amour immense et dévoué qu'elle portait à son mari au point de risquer sa vie pour lui. Matha Mödl, elle, la plus grande Kundry de l'Après-guerre, ne rêvait qu'à une seule chose : gagner assez d'argent pour s'acheter une jolie maison tranquille pour elle et sa famille, tout ce qu'il y a de petit bourgeois. Je pourrais continuer longtemps cette litanie. Il est certain que Wilhelm Kempff, ou Karl Böhm connus pour leur avarice, et très intégrés dans le milieu musical allemand, n'avaient rien d'une star. C'était tout simplement des "meister" des maîtres respectés pour leur intégrité morale et artistique.
En revanche je réserve mon opinion pour des artistes à la mode, où adulés par les média Comme des météores fulgurants les Van Cliburn, les Byron Janis, autres gloires éphémères, envahirent le firmament des stars. D'autres, plus intelligents et dotés d'un grand talent durèrent longtemps et leur célébrité médiatique s'accrut avec l'écoulement du temps. Je songe à Léonard Bernstein, à Pavarotti, autrefois la Callas, vivant antithèse de la Tebaldi, dont la vie familiale était irréprochable. Il est tout à fait possible que la sexualité joue un rôle important chez ces divas.
Là où en revanche Kosinski tombe juste et frappe fort, c'est dans les milieu du pop, du rock ou de la musique électronique qu'il faut chercher le sexe roi. L'erreur provient tout simplement d'une confusion des genres. La thèse de Kosinski est de comparer la sophistication et la maîtrise du synthétiseur, l'évolution des combinaisons sonores inédites permises et quelquefois concoctées par la cuisine disco, avec celle d'un Stockhausen ou d'un Strawinsky convoqués en renfort et en référence.
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