MINGEI
Saturday, 19 September 2009
Haut et bas
Mes chers internautes, dorénavant il faudra vous habituer à l’inégale valeur (s’ils en ont) de mes billets, justifié à la fois par mon état de santé et l’affection de nombreux amis. Du point de vue de l’état de santé, il est peu vraisemblable que je pourrai quitter l’hôpital où je suis accueilli comme en famille et pour qui le personnel multiplie les petites attention. Mon premier objectif est de ne pas hurler, ne jamais plus hurler, pendant un délai constant. Cette souffrance est peut être comparable à celle d’une rage de dents mais elle est tenace, mauvaise, agressive. On me donne heureusement, ce qu’il me faut pour la supprimer au prix , il est vrai, d’une dose régulière de morphine. L’effet de celle ci jusqu’à présent a été de me plonger dans un état de confusion mentale qui met mon entourage dans le désarroi. Cependant, tout ceci s’est notablement amélioré et comme vous le voyez, mes pensées se sont restructurées et fonctionnent convenablement. Autrement dit, du point de vue physique, je ne puis me plaindre. Du point de vue mental, ce qui m’aide à tenir le coup c’est la chaude amitié qui va de celle du personnel hospitalier jusqu’à celle souvent d’une intensité admirable comme me porte certains proches et qui le démontre dans ces moments de douleur.
Assez dit, sur ma santé. Quelques mots sur mes occupations actuelles. La principale préoccupation s’emploie à écrire, à rédiger un précis de vulgarisation sur le Mingei et autres formes d’art populaire non aristocratique. Finances obligent. Je crois que pour beaucoup d’êtres à la recherche de la possession de beauté et de noblesse il y a là une niche favorable. J’ai du hélas abandonner cette troisième fondation, chère à mon cœur, dû à la volte face de mon petit neveu adoptif préféré.
Enfin, après avoir songé à reconstituer la collection numismatique, qui allait bon train, compromise par mon état de santé, j’ai dû abandonner. Dorénavant et plus que jamais ce sera S*** mon successeur au blog qui me remplacera ou qui occasionellement, à l'aide dictées, me permettra de m'exprimer.
Tuesday, 28 July 2009
CHRONIQUE
LECTURES MINGEI
J'ai commencé l'étude sérieuse de certains ouvrages et catalogues destinés à la notion de goût dans les arts et du rôle du beau en Asie. Certes Philippe Boudin a toute ma confiance, mais je ne puis acheter pour le compte du centre d'UCCLE et la responsabilité que m'octroie Oleg, sans moi-même accroître dans la mesure du possible ma compétence.
Les livres consultés sont :
Les Arts de l'Asie orientale Editions Place des Victoires. Traduit de l'allemand, Tandem Verlag 2006.
Un énorme livre de près de 800 pages in-4°. En vente à un prix très raisonnable au musée Guimet, il a la particularité de reproduire p.596 un vase à fleurs karatachi de l'époque Momoyama, en céramique d'Iga. Ce vase est célèbre - il est classé comme "bien culturel important" - est modelé à main levée. C'est humides et agrémentés d'une ou de deux fleurs que les vases d'Iga révèlent toute leur beauté. Les dépots de particules provenant d'autres pièces confèrent à la surface une texture intéressante. Provenance; coll.Hatakeyama, Japon.
Cette description et la reproduction donnent raison à P.Boudin qui a tendance à nous présenter come sublimes, les poteries très craquelées.
MICHAEL DUNN, Formes et matières, les arts traditionnels du Japon.
Cinq continents éditions, Milan, 2005.
Le Japon a vécu avec les destructions massives de la Seconde Guerre mondiale tellement traumatisé qu’il rejeta tout ce qui pouvait rappeler le passé. Seul le futur compte et le mot nouveau : NYUU est devenu symbole de distinction, de progrès et de modernité. Les artisanats traditionnels sont considérés sous l’angle ethnologique : exécutés par quelque tribu arriérée.
L’ultime explication : la laideur envahissante n’est pas perçue comme telle par la majorité des Japonais. Les Japonais ont un sens aigu de la beauté, maos ils ignorer l’idéee même de laideur. Il y a bien « minikui » mais cela n’implique aucune considération esthétique. La beauté naturelle d’un site est appréciée par les Japonais, mais les fils électriques, les réclames criantes qui pour nous le dénaturent, passent inaperçues.
Néanmoins, bien que les œuvres des artisans soient le double des articles industriels, elles se vendent très bien à une classe moyenne raffinée qui a gagné de l’argent avec de la production de masse hideuse. Certains des artisans se sont tournés vers l’art en produisant des pièces sculpturales purement Le Japon est la Mecque des métiers d’art et esthétiques. Une spécialisation a lieu : Tokyo les soiries, Beppu, les produits en bambou, Seto en poteries qui vit de sa production locale. L’apprentissage se fait auprès d’un maître.
Sôetsu Yanagi énonce les principes : 1. Honnêteté, forme et sentiments en plein accord avec l’usage. 2. Beauté saine. Absence d’effort, d’artifice, d’individualisme, souci de l’utilisateur.
Avant, aucun article n’était parfaitement identique à un autre, et les subtiles variations montrent la personnalité des artistes. Il suscite une émotion ignorée pour un téléviseur ou un ordinateur.
INSPIRATION.
1.La nature. 2.Le Zen, 3. L’esthétique du thé,
Le rituel du thé recherche comme valeur ultime la beauté. Le plus grand maître fut Sen no Rikyû (1522-1591). Il prôna la simplicité, l’humilité , la pauvreté qui est la capacité de se contenter de ce qu’on a. Shigaraki et Bizen, furent des foyers importants où une excellente formation permit l’éclosion de chefs d’œuvre. Voici les qualités recherchées :
1.L’asymétrie. 2. La simplicité. 3. L’austérité ou l’aridité. 4. Le naturel. 5. La profondeur ou la réserve. C’est à dire un dialogue supérieur. A chaque nouvelle visite, comme récompense, le visiteur accède à un niveau de lecture supplémentaire. 6. Non attachement. L’artiste es libre de suivre ses propres règles à condition qu’elles conduisent à des résultats supérieurs.7.Tranquillité. Comme un grand pianiste avantle concert, l’artisan doit être serein et éviter les angoisses qui transparaîtront. 8. Inspiration de l’extérieur et de l’intérieur. Selon que l’artisan est où non influencé par des critiques ou des maître d’un haut niveau culturel.
Amateur/connaisseur
Outre la perception par tous les sens d’une œuvre, le connaisseur doit respecter une considération esthétique universelle.
La beauté.
Elle exclut le réalisme, et parle aux sentiments et non à l’analyse. La netteté et la propreté équivaut à se débarrasser du superflu. Le but n'est pas le minimalisme, mais de rehausser ce qui reste, la beauté, une seule fleur.
MINGEI de la collection Montgomery. Musée des Arts asiatiques. Avril 2000 tiré à 1500 exemplaires.
Dominique Buisson L'artisanat japonais.
LE STATUT DE L'ARTISAN
Certains artisans, començant leur ascension sociale, savent de rendre nécessaires par l'exceptionnelle qualité de leus créations.
LEGERETÉ ET COMPACITÉ
Les curieux, les poètes et les artistes, voyagent beaucoup et ont besoin d'utensiles compacts. Ils ont un esprit "camping".
LE CULTE DE LA QUALITÉ
Il s'établit une relation d'échange entre l'artisan et son acheteur. Une connivence. La qualité de l'objet ne doit pas se borner à être parafitement exécuté, il doit en émaner une aura affective, et une manifestation de solidarité culturelle. Comme le lecteur bibliophile qui apprécie le livre par sa reliure, la qualité du papier, de l'impression, l'odeur de l'encre, l'ouvrage de l'artisan se "lit" et possède cette humanité du fait main face à la production industrielle. L'artisan n'est que la partie éxecutante du désir de l'utilisateur, à son tour intimement lié au savoir-faire de l'artisan.
LE MOUVEMENT MINGEI
Cette volonté de regarder l'objet de l'artisan comme une peuvre d'art donne naissance en 1925 à un mouvement fondé par trois potiers célèbres dont Yanagi Sôetsu, qui invente le mot MINGEI par opposition à KÔGEI l'objet aristocratique. Le mingei bien qu'issu de potiers se véveloppe dans toutes les directions des métiers d'art. Cette sensibilité à l'âme collective et à un savoir commun est honorée du titre de "trésor national vivant" beaucoup plus enviable que celui d'artiste. Ces artisans au sommet de leur art, ont pour tâch de transmettre leur art et leur savoir-faire mais aussi leur capacité d'innovation
VOLER LE SAVOIR DU MAÎTRE
La transmission du savoir est pratique et non théorique. L'artisan novice entre dans l'atelier de son maître comme on entre en religion. Pendant 5 ans il fera le ménage et assumera les tâches les plus ingrates et répétitives. Les 5 années qui suivent il va se familiariser avec le travail de la matière. Le maître ne donne jamais de leçons, il se contente de pratiquer son art. L'apprenti essaye de l'imiter et de lui voler son savoir, lorsqu'il est aussi sûr que son maître, il s'établit à son compte.
DES OBJETS DE CEREMONIE
L'objet est toujours le maître d'une cérémonie. Le matériau reste le seul à déterminer une forme mais l'ensemble utilisant les matières les pus périssable (chanvre, paille...) est indépendant des modes car inscrit dans lla tradition.
DIALOGUE AVEC LA NATURE
Il serait de bon ton de choisir en été un récipient de verre bleuté pour contenir des nouilles glacées, afin d'évoques une cascade ombragée pendant que tinte la clochette aigrelette. La nature est violente, prompte à des débordement, il faut que cette violence exprimée par exemple dans les grés de Bizen soit compensée par le plus grand des raffinements. Plus l'artisan tend vers la perfection, plus il introduit l'imperfection dans son travail pour que cette perfection devienne imaginable;
DE L'OBJET AU SYMBOLE
Alors que l'art aristocratique essaye de dissimuler les imperfections alors que le Mingei les souligne d'or, pour magnifier le vécu de l'objet.
Un des meilleurs livres sur la poterie japonaise.
Catalogue de l'exposition Mingei au Quai Branly. Une demi-déception. Beaucoup d'oeuvres de design produites industriellement, ce qui est contraire à l'esprit Mingei, beaucoup de pièces contemporaines, certaines très belles, mais pas de masques, pas de pièces anciennes. Ce qui est privilégié c'est le spectaculaire.
Catalogue d'une collection des vêtements de pompiers, en tissu teint sur réserves, une spécialité de Montgomery, mais un peu criards. On en prend une indigestion.
Ci-dessus un livre entièrement rédigé en japonais mais qui montre un grand nombre d'images relatives aux objets mingei les plus méprisés des occidentaux.
Ci- desssus un exemple de productions faussement mingei, mais aux lignes lisses et pures.
Continuer à lire "Le journal du 28 juillet"
Tuesday, 23 June 2009
CHRONIQUE
Western Mingei-kan
Le Mingei-kan désigne un bàtiment de référence spécalisé dans l'art populaire.Il était à l'origine une magnifique maison traditionnelle japonaise qui servit à abriter en 1936 les 17 000 objets d'art populaire de tous les pays collectés par Soetsu YANAGI (1889- 1961).
Le concept fut inventé en 1926 par Yanagi non pas en opposition avec l'art classique ou de cour, mais afin de sortir de l'ombre l'art populaire authentique alors menacé de disparition par la diffusion de masse de produits manufacturés sans âme ni beauté. (Les "japonaiseries").
Le terme mingei vient de la contraction de MINshuketi (peuple) et de koGEI (art).MINGEI-KAN signifie musée du Mingei.
Le Western Mingei-Kan (Le musée occidental du Mingei)
Le terme Mingei a été en quelque sorte officialisé par un groupe de potiers sous la conduite de cet homme exceptionnel Yanagi Sotetsu. Mais la chose existait depuis des siècles. On peut la définir de deux manières : l'une concerne le but et la destination, l’autre les techniques pour y parvenir et qui font sa spécificité.
LA DESTINATION
La destination est le peuple, celui des travailleurs qui oeuvrent pour leur subsistance et à des échelons divers exercent un métier. Citons pêle-mêle : les pompiers de différents grades (métier très respecté à cause de la fréquence et la gravité des incendies) les potiers qui fabriquent des poteries, des textiles, des meubles, des ustensiles pour la cuisine ou pour la cérémonie du thé, les vêtements pour le Nô japonais comprenant les masques, les robes, les éventails, les ceintures, et autres ingrédients. Ils correspondent aux parures que portent les acteurs de théâtre occidentaux, costumes de scène qu’on ne peut comparer à ceux qui sont destiné à être portés par les aristocrates. C’est aussi la différence entre la couronne d’un personnage représentant le Roi, et celle portée par un personnage royal véritable.
Souvent les vêtements du théâtre Nô sont par nécessité aussi somptueux que ceux portés par les aristocrates, et même plus encore, car il s’agit d’épater ces derniers. Ce sont des outils de travail, au même titre qu’une jarre pour le noir aux lèvres des jolies femmes, où les innombrables modèles de cruches, d’assiettes, de tabatières, de futons etc…
LES TECHNIQUES SPECIFIQUES
La principale est la sincérité. L’objet Mingei exprime ce qu’il est, à l’état brut, sans laques précieuses et peintures de grands maîtres comme les paravents de l’école Rimpa. Il arrive que de grands génies comme Ogata Korin participent à la confection d’objets Mingei, mais ils abandonnent alors tout registre artistique pour rehausser la beauté d’ustensiles utiles. Lorsqu’une poterie est ébréchée, non seulement on ne camoufle pas l’accident, mais on le réhausse en le décorant de laque d’or, par exemple. Ces cicatrices du temps, sont les témoins d’un vécu, comme la patine dans une pièce ancienne.
LA BEAUTE ET LA QUALITE
Comme partout ailleurs, l’inégalité est une réalité. Le tort de Yanagi a été de nier ce fait indéniable. Mais il y avait beaucoup de mauvaise foi dans cette exigence égalitaire, car il a pris bien soin de n'admettre que des pièces exceptionnelles dans son musée. C'est qu'il y a des potiers malhabiles, d’autres excellents, d’autres encore dont le génie dépasse le simple artisanat pour atteindre le statut de grand maître, comme le montre les qualifications de « Trésor National vivant » pour les artisans artistes, propriété nationale éminente, pour leurs plus belles pièces.
L’artisanat, le contact direct d’un homme avec la matière, sont des caractéristiques inaliénables du Mingei, la matière devant être non seulement respectée mais valorisée, devenir expressive. Alors que dans l’art classique, la matière : bois, papier, textile, fonte, porcelaine, ne sont que des supports à l’information, dans le Mingei, ils sont eux-mêmes information. De ce point de vue ils partagent avec les autres pièces de musée deux prérogatives :
1. La qualité d’exécution, pouvant atteindre la transcendance,
2. L’antiquité et la valeur artistiques d’une pièce. Un masque d’époque Kamakura(13° Siècle) sera plusieurs fois plus rare, plus cher, et souvent plus vivant que les imitations ultérieures.
Voir des photos dans le corps du billet
Wednesday, 17 June 2009
CHRONIQUE
Le voyage de Tatiana au pays des mingei
Tatiana, en plus d'une amie très chère est désignée pour prendre la succession du Musée du Mingei (Western mingei-kan) le département le plus abouti de la Fondation Lussato-Fedier, à UCCLE (Bruxelles, Belgique).
Le pari initial était de devenir le premier musée du Mingei au monde, hors Japon. Or pour cela, il nous fallait devancer la collection Montgomery, que ce collectionneur un peu marchand mit trente ans à rassembler et qu’il met en vente pour la coquette somme de 1,5 millions de dollars. Outre le fait que je n’aime pas la composition de cette collection, bien qu’elle soit publiée dans de magnifiques livres et catalogues et présente dans tous les ouvrages qui parlent du sujet, je lui reproche de ne s’être transformée en ensemble muséal que récemment. Mais elle conserve les traces de son origine : une collection, pas un musée. Cela est dû me paraît-il, à l’absence des critères qui font la différence :
Une collection est rassemblée pour le collectionneur, et obéit à se goûts. Ce n’est que lorsque la croissance ininterrompue porte l’amateur à un degré de complétude tel, que tous y trouvent leur compte. C’est ainsi que Montgomery privilégie les poteries magnifiques d’époque Edo, principalement des assiettes très variées et d’une beauté de décor remarquable. Cet ensemble est imbattable et c’est lui qui apparaît dans les ouvrages et font la renommée de la collection. Les textiles en coton (vêtements en cuir et surtout en coton imprimé en stencil.) sont sur- représentés. En revanche il est difficile d’y retrouver des oribe ou de simples objet faits « par le peuple et pour le peuple.
Une collection est rassemblée pour le collectionneur, et obéit à ses goûts. Ce n’est que lorsque la croissance ininterrompue porte l’amateur à un degré de complétude tel, que tous y trouvent leur compte ce qui est la marque d’un musée ouvert. C’est ainsi que Montgomery privilégie les poteries magnifiques d’époque Edo, principalement des assiettes très variées et d’une beauté de décor remarquable. Cet ensemble est imbattable et c’est lui qui apparaît dans les ouvrages et font la renommée de la collection. Les textiles en coton (vêtements en cuir et surtout en coton imprimé en stencil.) sont sur-représentés. En revanche il est difficile d’y retrouver des oribe ou de simples objets faits « par le peuple et pour le peuple
Un musée au contraire doit être édifié non pas sur les goûts du conservateur ou du fondateur, ni son agrément personnel, avec en vue le public, et autant que possible le plus varié possible, comprenant aussi bien les experts les plus érudits que les profanes qu’un hasard a amené dans le musée et qui éprouvent une lueur, une étincelle, une révélation, qui les incite à se cultiver, à aller plus loin dans la connaissance. Cela peut même aller jusqu’à un véritable choc qui aboutisse au discernement. D’après Socrate, il est important de distinguer le bon du moins bon et le moins bon du mauvais. Bien qu’en matière d’Art et d’Artisanat, ce tri soit forcément subjectif, on aboutit souvent à une concordance pour les œuvres anciennes qui ont subi l’épreuve du temps et décanté l’éternel de la mode.
Je répéterai inlassablement les paroles d’André Nakov : un musée c’est une grange peinte en blanc contenant une vingtaine de chefs d’œuvre absolus. La quantité et le fatras sont en effet ennemis de la qualité. Le plus beau musée d’Art chinois du monde est le musée du Palais de Formose (aujourd’hui Taiwan). La grande salle des peintures comprend tout au plus vingt pièces sublimes. Le fonds immense est ainsi montré par rotation, ce qui préserve les œuvres de la lumière toujours néfaste, et incite le public à revenir. Il faut de ce point de vue ranger à part les musées documentaires qui doivent tout montrer. C’était le cas de mon musée du stylo. Il montrait tout, y compris de véritables monstruosités, afin de faire ressortir les évolutions, les périodes creuses comme les âges d’or. J’avoue néanmoins que lorsqu’on me vola la presque totalité de cette collection à vocation encyclopédique, je poussai un soupir de soulagement. J’avais honte en effet de montrer la majorité des pièces, faites pour flatter le goût dépravé de milliardaires sans culture.
Une règle impérative d’un musée et de ne pas admettre des spécimens tels qu’il puisse en exister ailleurs de meilleurs. Les pièces exposées doivent porter témoignage d’un style, d’un genre, d’une époque. Seul le sublime, l’incomparable peut créer un choc. Qu’on ne croie pas que noyer une œuvre géniale au milieu d’autres médiocres permette par effet de contraste de faire ressortir sa supériorité. Ce n’est pas faux et je me souviens qu’au Palais des Papes d’Avignon on était envahi par une masse d’œuvres d’une honnête facture. Et dans toute cette masse anonyme et ennuyeuse, une seule peinture faisait oublier le reste, une seule était dotée de cette magie indicible qui emplis d’une admiration stupéfaite le spectateur heureux, puits sans fond de sensations fortes et subtiles. C’était un Botticelli, une vierge à l’enfant.
Le Musée Jacquemart-André a la spécialité de montrer l’art d’une époque, mais le manque de fonds ne lui permet pas d’avoir deux ou trois pièces géniales. Mais bien souvent, noyées dans le tout venant, on peut passer à côté. Il faut alors écouter Picasso.
Un bon tableau exposé au milieux de mauvais, devient moins bon. Un tableau médiocre, entouré de tableaux de haute qualité, devient meilleur
J’ai toujours pensé que les musées contemporains ont pour origine des collections très exigeantes issues de l’enthousiasme et les fonds de mécènes éclairés et la coopération d’un seul marchand de référence, par catégorie. Les grands marchands, sont les meilleurs initiateurs à condition qu’ils se sentent les seuls à intervenir. Ils assurent alors la responsabilité de leur choix et en même temps forment le goût de leurs clients les plus fidèles. Ainsi Heinz Berggruen, Daniel-Henri Kahnweiler, Ambroise Vollard ont formé des générations de grands collectionneurs. Plus près de nous la célèbre collection Yves St. Laurent, Pierre Bergé a été édifiée avec la complicité par quelques grands marchands. Alain Tarica a été un de ceux-là, dont la probité et la compétence atteignent un sommet. Lorsque nos collectionneurs se sont passés de ces guides sûrs, se fiant à leur instinct, ils ont acheté des faux et des médiocrités, comme le faux Della Robbia, que j’ai eu l’imprudence d’acheter (et qui m’a été repris) sans tenir compte de la provenance.
Les marchands d’un niveau mondial, ont une réputation à défendre et leurs prix sont raisonnables lorsqu’ils savent qu’ils seront intégrés à l’existence d’un grand ensemble muséal. Ce sont eux qui constituent la base des achats des grands musées comme le Metropolitan ou la Fondation Getty. Lorsque ces musées achètent aux enchères ou dans des successions, ils se font toujours assister ou représenter par leur marchand de référence. Par exemple, ma collection de partitions musicales était édifiée par Albi Rosenthal et lorsqu’il y eut conflit d’intérêts avec la Pierpont-Morgan Library, il refusa de m’assister et me le dit honnêtement.
Pour la collection wagnérienne, ce fut Hans Schneider de Tutzing, qui était le plus cher et le plus compétent, dénigré par les autres plus accessibles. Ce fut pourtant lui qui me procura les pièces les plus importantes est m’apprit tous les secrets de la bibliophilie musicale. C’était une sorte de Tenscher, le plus cher aussi, par rapport à d’autres rivaux, doté d’un fort égo, entouré d’un respect général un peu intimidé.
Un exemple de probité est donné par le spécialiste français du Mingei, Philippe Boudin. Alors que nous consentîmes, mon mécène et moi-même à acheter des pièces fort chères, il renonça à nous les proposer après mûre réflexion. On peut avoir mieux, me dit-il. Il faut attendre.
Il est des cas où un collectionneur peut surclasser n’importe quel expert. C’est ainsi que Ludwig, jadis spécialisé dans l’art médiéval moyenâgeux allemand, revendit ses parts dans une firme allemande de chocolats pour se consacrer uniquement à la fondation de son musée. Il alla directement à la source, connut intimement tous les artistes les plus représentatifs, comme Rauschenberg ou Rothko, et en obtint d’immenses concessions car ils comprirent qu’ils allaient coopérer au musée d’Art contemporain le plus important au monde. Et ce fur le cas.
De même, comment voulez vous demander son avis à n’importe quel expert, sur un manuscrit à peintures médiéval, ou une première édition comme la Bible de Gutenberg, alors que les marchands comme Tenscher ou Clavreuil, ce dernier représentant la troisième génération d’une dynastie connue de grands libraires, dominent de très loin la connaissance de leur domaine ?
Voici mes chers internautes, la problématique à laquelle je suis confronté. J’ai le bonheur d’être suivi par le patron de la fondation de UCCLE, mais Socrate Papadopoulos, et Alexandre Pugachev, de leur propre chef, cherchent des experts, essayent, alors qu’ils n’ont ni le temps ni la compétence, d’acheter en faisant des affaires, sans me faire confiance… Sans réfléchir que j’ai toujours édifié des ensembles premiers ou second au niveau mondial… Mes proches en sont indignés et désolés. Et encore trop heureux qu’il ne me soupçonnent pas de poursuivre des buts indélicats !
L’aube est là et je me trouve à Deauville. Les nouvelles de ma petite personne, vous les trouverez dans le corps du blog, sous la rubrique : « A bâtons rompus »
Continuer à lire "Le journal du 16 juin 2009"
Saturday, 9 May 2009
CHRONIQUE
DEFENSE ET ILLUSTRATION DU MINGEI
Il s'agit d'un thème traité abondamment dans les billets précédents. Aujourd'hui j'ai l'intention d'établir un premier effort de synthèse entre les différents ouvrages sur le sujet ou proches, comme l'histoire de la poterie, la cérémonie du thé etc.
Le néologisme MINGEI fut forgé par le Grand Maître Sõetsu Yanagi et deux amis potiers, vers le milieu des années vingt pour désigner les objets d'artisanat populaire par opposition à l'art léché et précieux de l'aristocratie, mais aussi l'objet manufacturé bon marché et industriel qui était méprisé. Il créa le principal musée d'art populaire du Japon, le Mingei-kan.
Malheureusement son concept tout à fait louable : honorer l'artisanat et l'objet fabriqué par main d'homme, fut dévié par un postulat indéfendable : il stipulait que tous les artisans se valaient, et que par conséquent, tous les objets étaient d'un qualité identique. Il niait ainsi le rôle de l'individu, son apport personnele et ses dons particuliers. C'était de la mauvaise foi tout simplement. En effet les objets qu'il rassembla dans son Mingei-Kan, étaient de toute évidence soigneusement choisis pour leur beauté, leur rareté, leur originalité. Cette contradiction fut déplorée d'ailleurs par de nombreux auteurs.
Tous sont bien placés pour savoir qu'entre une pièce commune de la fin EDO et une jarre d'époque Kamakura, les prix varient du simple au centuple. On est loin de la prétention à l'égalité des artisans et de leur production.
Paradoxalement son postulat fut vérifié Par son fils Söri qui réussit à l'appliquer à la lettre et produire des objets rigoureusement anonymes, et dont les fabricants étaient tout à fait anonymes. Il s'agissait tout simplement du design ! Ainsi Söri et ses amis, produisirent des objets plus ou moins élégants, et d'une froideur minimaliste et hygiénique, qui excluait toute traca artisanale. Pis encore, une dichotomie bien plus forte s'établit entre les machines et leurs mécaniciens d'une part, et les concepteur de l'autre, qui se prenaient, et pour cause, pour des artistes et non des artisans. Cette dichotomie était reflétée par les prix très bas atteints par le produit de masse, et très élevés attachés aux prototypes comme les designers français qui infusèrent leur science de la pureté minimaliste aux partisans du prétendu Mingei.
Une autre conséquence de cette déviation, est la perte du style et de la spécificité japonaises au profit d'un style international créé par les Saarinen, les Mies Van der Rohe, ou La Permanent de Copenhague. A vrai dire le désign italien ou scandinave avaient un style différencié par la culture de leur pays.
Ci-dessus, 4ème de couverture du tiré à part du N°163 de la Revue de de la céramique et du verre réalisé à l'occasion de l'expo "L'esprit mingei au Japon" organisée au musée du quai Branly, Paris.
Monday, 27 April 2009
CHRONIQUE
La progression mingei
Ainsi que je vous l'ai dit, le comportement courageux d'Olaf contraste avec la fuite incompréhensible et humiliante de LH III face à sa promesse de prendre la relève de Socrate. On murmure bien ça et là dans les milieux parisiens une explication plausible, mais je la trouve si invraisemblable que j'ai peine à lui accorder le moindre crédit. Et puis elle serait très insultante pour la dynastie illustre des Hall.
En dépit de conditions de crise qui ont dramatiquement affecté la situation économique du plus puissant marchand de bois canadien, Olaf a tenu de tenir ses engagements en ce qui concerne le but du Mingei : battre la collection Montgomery afin d'être le plus important musée occidental. On est en passe de réussir le pari, et ce billet a pour but de vous informer sur cette prestigieuse collection, et de reformuler ce qu'est le Mingei.
Un pari difficile à tenir
Ci-dessus la plus prestigieuse des céramiques qui, en dépit de sa dimension (20cm) a toutes les qualités requises d'une pièce de musée, füt-il japonais. Ce Tokkuri, flacon à sake de Bizen, est d'époque Kamakura (début du moyen-âge),dans un état parfait et un décor sublime. Malheureusement le prix va de pair.Ce serait la pièce la plus chère du musée Mingei de UCCLE. Information de dernière heure, ce 3 mai 2009. Cette pièce serait Edo et non Kamamura. Il faut donc l'oublier dans le plan d'achats.
L'hésitation : nous craignons que la pièce, à cause de ces qualités ne soit pas Mingei, mais conçue pour les aristocrates.
On ne doit pas vendre la peau de l'ours...
En revoyant attentivement le livre luxueux édité sur la fondation Montgomery, on est saisi d'inquitétude.
Les points forts de la collection sont nombreux.
Les céramiques récentes comprennent une abondance de plats de tous dessins provenant des faïenceries de Seto. La variété et la beauté en a été reconnue puisque tout ouvrage sur le Mingei et même sur la céramique japonaise, les citent et les reproduisent comme une source importante.
Emporté par son enthousiasme le commentateur de la collection prétend que les céramiques de la collections remontent jusqu'à un millénaire BC, mais on n'en voit nulle trace. En fait les pièces les plus anciennes, des jarres, remontent au plus tôt à l'époque momoyama ou murumachi. Ce qui n'est déjà pas si mal.
Autre point fort : une quantité et une variété spectaculaires d'imprimés sur coton : vêtements de pompiers, futons etc. Mais la qualité selon les critères japonais est médiocre et il est facile et meilleur marché de faire beaucoup mieux. Pari tenu.
Et puis, ça et là quelques pièces d'une qualité exceptionnelles, toutes modernes mais très originales. par exemple, une bouilloire cubiste avant la lettre...
Nous avions déjà des pieces dans les textiles qui pouvaient largement rivaliser avec Montgomery ou les dépasser nettement. Un exemple en est cet habit ataya très rare.
Le paravant est également une pièce très importante signée par un grand maître du Mingei.
Cette paire de paravents Kitsune - no - Yomeni, est une peinture d'esprit mingei, due à Gosyun (ancien nom de la ville de Kyoto) Matzumura. (1752 - 1811 ). Il a étudié la peinture et le haiku avec le grand Buson Yosano (1716 - 1784) et avec Oukyo Maruyama (1733-1795). Il fut le fondateur de Shojou - ha, une des sectes de l'école Maruyama et habita Osaka.
Nous avons acquis à Drouot des pièces intéréssantes et d'un prix modique telles que cette pouilie en Oribe.
ou cet éventail Uchiwa-e , peinture rue washi représentant Jurïjin, le dieu dela longévité, par Emura Shumpo;Kyoto, ca. 1790
Malheureusement ce n'est pas avec ces pièces que nous allons surclasser la collection rivale,pour cela il faudra voguer vers des prix un ordre de grandeur au dessus de ceux que nous avons déjà débourser, et j'espère qu'Olaf pourra nous suivre. Ence qui concerne les jarres, celles que nous visons sont bien plus anciennes, descendant jusqu'à l'époque Kamakura,soit le haut moyen âge. Mais nous y ajoutons des pièces dignes des plus grands musées japonais, telles que ce costume Nô qui permettait aux aristocrates de passage d'être ébloui par cette somptuosité.
Si le musée devient opérationnel, et il le sera tout de suite en cas d'acquisition des pièces de musée citées, Il sera exposé pendant un an à l'actuel musée du stylo, qui reprendra une nouvelle vie.Le temps que les travaux d'aménagement de la fondation d'UCCLE soient terminés. Je suis convaincu que bien des amateurs seront heureux d'avoir un endroit permanent où puiser des idées et faire connaissance d'un artisanat qui a besoin d'être réhabilité en Occident.
Bruno Lussato. Ce 28 avril 2009, 2h23.
Dans le corps du billet, on trouvera les prévisions d'achat
Continuer à lire "Le journal du 27 avril 2009"
|
Commentaires