Virus
Billets indélébiles
Cette rubrique comprend des précisions, des réactualisations, des rectifications sur le livre à paraître aux Editions des Syrtes à la mi-février 2007.: VIRUS. * voir aussi les blocs du 16 mars, et du 5 Mars. On y trouvera notamment une revue de presse, une critique de films ou des pièces, et surtout des informations additionnelles sur le concept de désinformation et de noeud sémantique. Nous comptons établir un débat critique avec des lecteurs, et les inviter à nous faire part de leurs commentaires.
Dès l'ouverture de ce blog, j'ai reçu un certain nombre d'observations qui me donnent l'occasion de préciser ma démarche et de dissiper des malentendus.
Tout d'abord, en ce qui concerne les trois exemples majeurs : l'assassinat de Kennedy, le massacre de Harkis et la parapsychologie, on pourrait, à juste titre, penser que mon intention était de défendre la vérité, et de prendre parti pour la thèse du complot, de relativiser les tortures de l'armée française par rapport aux massacres insoutenables du FLN, ou de défendre les parapsychologues. Ce n'était pas du tout mon propos. Il s'agissait simplement de montrer la désinformation à l'oeuvre. On ne saura jamais la vérité sur l'assassinat de JFK, mais ce qui est factuel, ce sont tous les efforts pour étouffer les indices, et empêcher qu'elle vienne à être connue. La dernière désinformation remarquable provient de Wikipédia. Elle met en balance les "warrenistes" qui soutiennent qu'Oswald était seul et les "antiwarrenistes" qui démontrent qu'il y a eu forcément complot, avec une forte suspicion portée sur Johnson et les pétroliers texans. Or il s'agit d'une fausse symétrie. En effet - mis à part le fait que le complot n'est plus guère nié - on a maximisé les arguments de warrenistes, et passé sous silence ou déformé, ceux des détracteurs du rapport Warren. Un exemple est éloquent : on cite l'ouvrage de Posner comme référence, ( Gerald Posner, Case closed, 1993) ainsi que les allégations du FBI, mais on tait la réfutation accablante et très documentée de Michael T.Griffith pourtant accessible sur le web. Autre exemple parmi tant d'autres, la comparaison entre les empreintes relevées dans l'entrepôt et celle du tueur Wallace, montre qu'elles sont identiques d'après Reymond, mais est jugée non probante par le FBI. Or les photos des deux empreintes sont publiées dans l'ouvrage de William Reymond : JFK, le dernier témoin. Flammarion, 2003. Par ailleurs aucune réfutation n'a été émise à ma connaissance à l'égard des arguments de Griffith et de Reymond.
Une catégorie de désinformations qui a été oubliée dans "Virus" est ce que l'on nomme "les légendes urbaines" (voir l'article sur Wikipédia). En fait il s'agit plutôt d'intox, ou de canulars que de désinformation selon la définition que j'ai proposé. Un exemple en est la théorie d'un 11 septembre manipulé par le Pentagone.
A titre de curiosité citons un appel d'un lecteur qui a relevé une erreur dans ma remarque, qu'alors que l'Islam comme les cultures premières, exaltent la force, la virilité, le plaisir sexuel, le christianisme est empreint de misérabilisme, de dolorisme et prône la chasteté. Mon lecteur objecte que ceci est vrai pour le catholicisme mais point pour le protestantisme qui autorise le mariage des pasteurs. La critique s'explique par une erreur presque inévitable relative à la signification du mot chasteté. Si l'on se réfère au petit Robert, l'erreur est légitimée, mais si on entre dans le détail, let qu'on se réfère à Wikipédia (à l'entrée chasteté) le terme désigne non par la continence (c'est à dire l'absence de rapports sexuels) mais la modération du désir, et la décence dans ces rapports qui doivent respecter l'amour et les lois du mariage. Cet exemple montre, s'il était besoin, les malentendus qui surgissent des définitions.
Des séductions de l'esclavage
C'est Toqueville qui disait, je crois, qu'il n'y aurait pas tant de tyrans, si les esclaves n'y trouvaient leur compte. Mon expérience des entreprises, m'a montré, qu'en dépit de leurs revendications à plus d'autonomie et de décentralisation, bien des cadres répugnent à une liberté qui entraîne des responsabilités et des risques de sanction. La centralisation a ceci de bon, est que pourvu que le subordonné obéisse servilement aux ordres de son supérieur, il sera relativement en sécurité. Ceci est encore plus vrai dans les mégaentreprises publiques et les bureaucraties, où le cerveau droit se voit dispenser de tout jugement de valeur, et le cerveau gauche accomplit avec régularité ses tâches formalisées. (cf. la théorie bicamérale de Jaynes, in Virus).
Le best-seller de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, décrit fort bien cet état d'esprit, dénoncé par Hannah Arendt et confirmé expérimentalement par les expériences Milgram. On y constate que lorsque l'homme est dédouané par l'autorité et dispensé de tout jugement de valeur, il devient aussi impitoyable qu'un robot sanguinaire. Il faut cependant tenir compte de ce que toutes les cultures n'ont pas cette propension à la servilité, elles la rejette au delà d'un seuil inacceptable de barbarie. Littell observait avec raison que si l'Allemagne et la France , se distinguaient par une soumission consentie à l'horreur, les Danois et les Italiens se révoltaient et refusaient les directives imposées par les Nazis, à la grande indignation de ces derniers.
La dialectique soumission-domination se trouve à l'état pur dans le rapport entre maître et esclave, actif et passif, seigneur et valet. Elle trouve également une illustration dans la "dhimmitude", cet état de soumission imposé par les musulmans respectueux du Coran envers les infidèles, qui doivent payer par un tribut, et des marques de subordination, le privilège d'être toléré.
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Un observatoire des médias
L'ISD est un Think Tank animé par quatre spécialistes de la théorie des systèmes, qui se réunissent tous les ans à Divonne-les-Bains dans la plus grande discrétion En effet les thèmes explorés sont politiquement incorrects, et risqueraient de compromettre leur carrière universitaire, d'où l'anonymat qu'ils souhaitent garder. Leurs travaux font l'objet d'une publication annuelle réservée aux sponsors. Un des thèmes abordés est le décodage des médias autour de thèmes bateau, les "issues" des américains. Certaines de ces analyses sont publiées dans le livre "Virus, huit leçons sur la désinformation" paru aux Editions des Syrtes (voir la rubrique Virus). L'internaute est vivement encouragé à ajouter ses commentaires et ses propres analyses.
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Qu'est-ce que la désinformation?Cette rubrique étudie le processus de désinformation. Il existe plusieurs définitions de ce terme. Chacun a le droit de le définir comme il l'entend, mais il faut qu'il l'énonce clairement et qu'il s'y tienne. Dans ce blog, la désinformation est définie comme une altération volontaire du processus de communication, depuis sa source jusqu'à la conscience d'un récepteur humain. Encore faut-il définir la source, et savoir comment la comparer au message reçu. On peut considérer que l'information originale est un événement, un objet, une création mentale, une oeuvre d'art ou de technique... C'est le territoire qui par des chemins complexes sera représenté par sa projection dans notre psychisme. La désinformation consiste à fausser le processus de communication et de re-création de telle sorte que la carte soit distincte du territoire, et que la déformation obéisse à un but défini, une manipulation par un ou plusieurs agents. On ne peut donc parler de désinformation, lors de bruits et de pertes accidentels ou aléatoires, mais lorsque la distorsion du message obéit à une logique indentifiable. Qui sont les désinformateurs. Cela peut être nous-mêmes et le processus plus ou moins conscient de l'altération des messages a été tout spécialement étudié par Festinger et ses descendants. Il montre que la distorsion a pour but de réduire la dissonance entre des faits et des informations, et un modèle implanté dans notre inconscient. Ce modèle, peut être individuel, en relation avec les désirs et les peurs du sujet, mais bien souvent il obéit à des schémas collectifs, des faisceaux de croyances fortes, que nous désignons sous le terme de "noeuds sémantiques" et qui déforment notre perception, comme un aimant un spectre magnétique.
Friday, 14 August 2009
CHRONIQUE
ÉTAT DE DISGRÂCE
C'est toujours d'état de grâce qu'on parle : la grâce de Dieu, celle du prince, ce miracle qui fait sauter les procès verbaux ou les remises de peine.
Mais c'est d'un phénomène d'essence politico-médiatique qu'il est question dans ce billet. La rumeur veut qu'un président fraîchement nommé se voie accorder le bénéfice du doute pendant les six premiers mois. C'est le fameux état de grâce. Mais il ne fonctionne que dans des cas très limités. Il faut en effet que le vainqueur d'une élection soit plébiscité, qu'on on attende de lui une salvation, mais aussi qu'il parvienne à un consensus dans l'opinion public, une résolution des forces contraires. Ce n'est possible que dans le rêve qui s'affranchit des règles du tiers exclu et suit la logique des contradictoires de Stéphane Lupasco ou... de la physique quantique où un chat peut être vivant et mort tout à la fois. Ce serait le contraire d'un homme élu ou nommé par lassitude (Vincent Auriol, les présidents Ford et Carter) ou porté par un puissant charisme étayé éventuellement par la contrainte (Napoléon, Hitler, De Gaulle, Mitterrand) Ceux-là ne connaissent pas d'état de grâce donc de disgrâce.
On peut comparer ce qui suit l'état de grâce à un soufflet refroidi, ou encore à un cimetière hanté. A minuit les promesses anciennes, les espoirs suscités, les promesses non tenues, se lèvent comme des spectres et se
muent en accusateurs.
On l'a compris, c'est à Obama que nous faisons allusion. Sa prestance, son soutien par les intellectuels de gauche qui s'arrogent le monopole de la moralité et culpabilisent leurs adversaires, le symbole qu'il incarne d'une Amérique multiraciale, et sa maîtrise du verbe ont fait illusion en période électorale. On a d'aileurs eu tort de prétendre qu'il a tout promis. Il n'a rien promis mais il est resté dans le flou. Chacun pouvait y trouver ce qu'il voulait. Parvenu au pouvoir la brume s'est dissipée et les américains se sont réveillés un jour avec un homme de gauche dont les convictions heurtaient la culture de son pays. Certes, la sécurité, les soins prodigués à toute le population, demain la couverture de chômeurs réduits à la mendicité, qui serait contre? Mais c'est oublier un fait essentiel : la bureaucratie, le gaspillage et les privilèges des administrations tentaculaires qui se substituent à l'initiative individuelle. Une des conséquences perverses, que nous connaissons bien en France, est qu'au lieu de travailler et d'essayer de s'en sortir, les chômeurs sont incités à prendre des arrêts maladie, à saboter leur travail pour se faire licencier, à militer pour travailler moins et moins longtemps. Pis encore, les entrepreneurs n'ont pas la possibilité de choisir leur personnel. En lisant ces lignes de bonnes âmes poussent des cris d'orfraie et prétendent qu'il ne s'agit que de pratiques condamnables certes, mais exceptionnelles. Mais nous savons tous que c'est de l'intox et qu'entre les congés payés, fériés, (en Algérie les week-ends ont trois jours) maternité, paternité etc... la France est la patrie de la paresse. Mais cela nous convient parfaitement.
Or s'il est vrai que la droite est synonyme d'injustice et de cruauté pour les vaincus, il n'en est pas moins avéré que la gauche est un désastre et pour les vainqueurs et pour les vaincus. L'Etat tout puissant et ses mensonges, l'appel à la haine pour les riches, la dictature d'un corps de fonctionnaires obtus et rigides, mettent tout le monde d'accord en dispensant la pauvreté. Cela, la France l'accepte, ce pays dont les deux mamelles sont la jalousie et le mépris, mais point la prosaïque Amérique, patrie de la liberté. On se souvient d'un Mitterrand qui disait qu'il ne serait pas le président d'un million de chômeurs. Qui lui demanda de rendre compte? Mieux encore, Mitterrand entrant les mains nues au Panthéon et en sortant une rose miraculeusement apparue dans la main !
Mais l'Amérique ne saurait admettre l'intervention de l'Etat bureaucratique dans ce qui est affaires privées. Deux traits caractérisent sa culture : 1. L'attachement à la nation et à ses symboles, que l'on soit mexicain ou WASP pionnier venu d'Europe sur le Mayflower.
L'ÉTAT DE DISGRÂCE DANS LES AFFAIRES
Ce que j'entends par affaires, est aussi bien l'entreprise que la grande administration qui est une sorte de pont jeté entre le privé et le politique. Autrement dit le comportement des grandes bureaucraties est toujours le même qu'elles règnent dans des agences étatisées ou des multinationales. Il suffit qu'au sein de ces monstres oeuvrent des hommes pouvant déterminer la carrière de leur subordonnés selon leur bon plaisir, et à plus forte raison des leaders charismatiques agissant sans contre poids, pour qu'on voit apparaître états de grâce et de disgrâce. A la différence que l'état de grâce n'est pas limité à six mois, délai imposé par le rythme des campagnes électorales qui impose des contraintes.
C'est pour lutter contre l'arbitraire des barons, et l'existence d'un état de grâce ou de disgrâce, que Colbert institua la bureaucratie à la française, limitant jusqu'à la paranoïa le pouvoir discrétionnaire des décideurs.
Je vais vous donner un exemple personnel sur la manière de tomber en disgrâce.
J'étais le conseiller de GM*** depuis plus de dix ans et participai d'une manière très étroite à la réorganisation de sa compagnie. Cet homme génial avait fondé de toutes pièces une des plus importantes entreprises de sa branche. Je m'entendais fort bien avec lui, et il me poussa à investir massivement dans le Centre Culturel des Capucins entraînant ainsi le départ de Rhone Poulenc et de Digital, qui ne supportaient pas une telle préférence. Je finis par accepter, car il était difficile de résister à la cordialité, au charme et à l'affection d'un tel personnage. Il finit ainsi par représenter les trois quarts de mon chiffre d'affaires, et les séminaires se déroulaient à la satisfaction générale.
Le soir de mes soixante ans, Olivier Pelat invita Haberer, les Bettencourt, les Beregovoy (une autre victime de l'état de disgrâce) et GM et son épouse. Vers minuit GM m'emmena au Sacré Coeur dans une rangée de sièges à mi chemin entre l'autel et la porte d'entrée. Il dirigea la paume de ses mains vers le ciel et dit d'un air inspiré : "c'est là ! ". Au retour il fit des remarques sur ma grosse Mercédès (achetée d'occasion !) et me dit "vous me coûtez trop cher, les temps son durs. J'arrêterai ma collaboration, et je vous donnerai un délai de grâce (sic ! ) de six mois.
Lorsque je lui représentai que par contrat il s'engageait jusqu' à une date qui me permette de couvrir les investissements consentis pour lui, il posa de telles conditions qu'elles étaient impossibles à réaliser. Par exemple il exigea que les conférenciers fassent don de leurs droits sans contrepartie, ou qu'on les remplace par des vendeurs munis de vidéocassettes. Il voulait aussi que l'on mette à la tête des Capucins un de ses enfants totalement incapable d'assumer cette tâche, pour utiliser un euphémisme. D'où le dialogue suivant qui restera toujours gravé dans ma mémoire :
- Vous ne pouvez pas résilier ce contrat avant la date de 2002.
- Je suis d'accord.
- Alors?
- J'arrête de vous payer un sou dès demain et je vous mets en faillite
- C'est illégal.
- Et après? Vous me ferez un procès, vous le gagnerez dans dix ans, mais
d'ici là comment payerez-vous vos avocats?
Que vouliez vous répondre? J'étais fini. En fait je fus sauvé par le directeur de la Région qui bravant les interdits de GM me fit un nouveau contrat d'un an, de quoi souffler. Lindsay Owen Jones et Guy Landon, patrons de l'Oreal, prirent la succession et sauvèrent les Capucins. Je leur dois ma reconnaissance. Mais revenons-en au sujet de ce billet.
Après des décennies d'état de grâce j'étais tombé en disgrâce. Je sus plus tard ce qui s'était passé. Une femme, le bras gauche du patron, d'un dévouement à toute épreuve, et suscitant perpetuellement les confidences des gens, était crainte et respectée. Je lui trouvais un air de vieille corneille aux yeux perçants de prédateur. Elle avait ses têtes, vraie femme de pouvoir. Et elle n'aimait pas ma démarche humaniste de nivellement par le haut. Elle préférait la démagogie, le nivellement par le bas, qui avait de plus l'avantage de fermer l'entreprise sur elle-même au lieu de la rendre perméable à des conférenciers de l'extérieur et à des idées nouvelles. Elle joua sans doute un rôle important sur la décision de GM. Celle-ci dût beaucoup à des gourous dont il s'entoura. L'un d'eux numérologue lui apprit qu'en additionnant les lettres de nos initiales on obtenait un nombre néfaste à la compagnie.
Lorsque Marina m'exhorta à ne pas faire totalement confiance à ceux que j'aime sans restriction et en l'amitié qu'ils me portent (voir le billet " question de confiance") elle entend par là l'état de disgrâce qui pourrait me détruire moralement. Celui-ci est d'autant plus cruel que réconfortant était l'état de gräce qui le précédait. Les grands qui disgracient leurs favoris font bien souvent montre d'ingratitude. La devise d'un concurrent de Jean Grolier fait état de l'ingratitude des grands. Et l'exemple de l'état de digrâce dans lequel je suis tombé auprès des Poliakoff, n'est-il pas un signe éclatant de la plus noire des ingratitudes?
Friday, 7 August 2009
CHRONIQUE
LE GRAND ÉCART
Le sujet général de cette chronique a trait à la tendance du monde à pratiquer le grand écart entre le presque zéro et le quasi infini, écart qui échappe à toute logique.
UNE ANOMALIE MUSICALE
Prenons l'exemple très médiatisé de la découverte d'un manuscrit de Mozart, présenté comme un événement majeur. Un intéressant article lui est consacré par Christian Merlin qui à juste titre déplore la publicité faites autour de deux pages composées à 7 ou 8 ans. Cette partition a certes un intérêt pour un collectionneur d'autographes musicaux et un historiographe pointu, mais n'apporte aucune connaissance sur le compositeur, qui ne devait prendre sa personnalité qu'environ dix ans après. Mais paradoxalement le Figaro illustre une des pages par une grande image en couleur qui ne peut intéresser qu'un graphologue spécialisé dans les notations musicales.
Malheureusement un curieux phénomène de cécité musicale frappe M.Merlin. Avec complaisance il cite les principaux exemples de manuscrits sans intérêt mis sur le marché : en 2001 une minute de musique manuscrite de Beethoven acquise par la fondation Bodmer pour 400.000 FS . Cet achat était justifié en tant qu'autographe que collectionne la fameuse fondation dédiée à l'écriture. Pour le reste, M.Merlin cite des oeuvres sans intérêt de Puccini, de Sibélius, de musique baroque. Mais dans tout ce fatras pas un mot sur les fragments retouvés et joués par Wynn Morris, de la Xème Symphonie de Beethoven. Cette oeuvre a une importance fondamentale à plus d'un titre. Elle prolonge la tendance du dernier quatuor à aborder de nouveaux rivages. La Xème on l'a dit dans ce blog, fait plus qu'annoncer un changement de style. C'est d'un changement de compositeur qu'il faut parler, un Beethoven II qui est l'antithèse du Beethoven que nous connaissons et qui donne une idée de l'extraordinaire transformation initiée par le compositeur, dont l'esprit fourmillait de projets jusqu'au dernier souffle. Mais il y a autre chose : il fut à mon avis manquer de coeur, d'empathie, être musicalement sourd pour ne pas être ému jusqu'aux larmes par cet adagio qui tourne en spirale autout d'un chant qui développe la charge affective qui a valu la célébrité de l'adagio de la Sonate Pathétique. Mais quel progrès, quelle évolution admirable... la mélodie et les cercles concentriques qu'elle trace dans l'étang étal d'un orchestre épuré, musique empreinte de douceur, de résignation, dépourvue de toute emphase, est aux antipodes de tout développement, de toute dialectique, de tout ce qui caractérise Beethoven I. Lorsque le disque (en fait les disques, car il y eut deux interprétations, dont seule la première réussie) fit son apparition on aurait pu s'attendre à une couverture médiatique bien supérieure de celle dont les deux morceaux de Mozart ont bénéficié. Au lieu de cela, un silence gêné, de critiques aigres, une censure totale. Je compris que les musicologues et les critiques musicaux, ne voulaient pas admettre un Beethoven aussi hérétique, détruisant un modèle inscrit dans leur inconscient. Je suppose que c'est ce même ostracisme qui a poussé M. Merlin à occulter cette partition même parmi les oeuvres mineures. Triste.
Par ailleurs, très justement Christan Merlin fait observer le grand écart qui existe dans l'univers médiatique, entre la popularité d'oeuvres faciles et l'engouement pour d'autres réservées aux musicologues les plus pointus. A Radio Classique il est plus facile d'entendre des baroqueux médiocres que des sonates de Beethoven !
50° D'ÉCART
C'est celui que l'on vante entre les 45° à l'ombre de la piscine extérieure d'un grand hôtel de Dubaï et les -5° de la station de ski ou la patinoire de l'intérieur, où on vous donne des parkas et des fourures pour vous empêcher de geler.
Je me suis déjà indigné dans ce blog : en été par 35° à l'ombre, il faut se couvrir lorsqu'on entre dans un magasin ou un hôtel où l'air conditionné abaisse la température à 18°. En hiver, phénomène inverse : par une température extérieure de 0°, il faut supporter des magasins et des hôtels surchauffés à 28°.
ÉCARTS ARCHITECTURAUX
Restons-en à Dubaï, futuriste sanctuaire pour très riches sans culture.
Les bonnes âmes qui s’indignent à la vue de ces bourgeois qui conduisent une voiture sans passagers, pour eux tous seuls, ou qui utilisent des motos au lieu de bicyclettes et les exhortent à se priver d’air conditionné par 35° à l’ombre, ressemblent à ces écologistes fanatiques américains qui réclament un monde sans confort tout en bénéficiant d'un écart absurde et mauvais pour la santé, de 15° entre l’extérieur et l’intérieur.
Mais ce n’est pas encore le grand écart. Il appartenait aux émirs arabes de s’en approcher à Dubaï, où la pire provocation fait figure de publicité. « Vive le gaspillage climatique, vive la démesure, à bas les équilibres naturels » semblent-ils dire. Et croyez vous qu’une de ces croisades promptes à nous fustiger les clouent au pilori ? Non. On détourne pudiquement la tête.
LE PARADOXE BERLUSCONI
A propos de Silvio Berlusconi, le journal "La Tribune de Genève" s’interroge sur le grand écart entre sa côte de popularité dans son pays, en dépit de ses frasques et l’unanime antipathie de la presse internationale.
Il y a évidemment des succès là où la gauche a échoué à répétition, en premier lieu la gestion des urgences : l’organisation réussie du G8, la gestion efficace du tremblement de terre d’ l’Aquila, la diminution des immigrés clandestins… C’est de plus un archi-italien comme un prince de la Renaissance, la culture en moins, la grossièreté en plus. Mais on n’est plus à l’époque de Dante ni de Michel-Ange. « Les reality shows et les navets battent tous les records d’audience, les librairies sont désertes et le Milan AC compte plus que la Scala. Berlusconi est le reflet de cette Italie-là. »
Charles Poncet, un Italien de Genève vise juste quand il écrit « Les Italiens sont un vieux peuple sophistiqué et cynique. Ils préfèrent Berlusconi à la gauche et au diable les histoires d’alcôve. Il a l’appui d’une majorité, qui le trouve moins mauvais et pas plus pourri que ses prédécesseurs. »
A propos de Silvio Berlusconi, la revue s’interroge sur le grand écart entre sa côte de popularité dans son pays, en dépit de ses frasques et l’unanime antipathie de la presse internationale.
Il y a évidemment des succès là où la gauche a échoué à répétition, en premier lieu la gestion des urgences : l’organisation réussie du G8, la gestion efficace du tremblement de terre d’ l’Aquila, la diminution des immigrés clandestins… C’est de plus un archi-italien comme un prince de la Renaissance, la culture en moins, la grossièreté en plus. Mais on n’est plus à l’époque de Dante ni de Michel-Ange. « Les reality shows et les navets battent tous les records d’audience, les librairies sont désertes et le Milan AC compte plus que la Scala. Berlusconi est le reflet de cette Italie-là. »
Charles Poncet, un Italien de Genève vise juste quand il écrit « Les Italiens sont un vieux peuple sophistiqué et cynique. Ils préfèrent Berlusconi à la gauche et au diable les histoires d’alcôve. Il a l’appui d’une majorité, qui le trouve moins mauvais et pas plus pourri que ses prédécesseurs. »
L’anniversaire d'un condottiere à l’accession au pouvoir.
LE GRAND ECART POUTINE
Il est venu au pouvoir comme au hasard. Rien ne prédisposait ce fonctionnaire des services secrets à prendre la succession des Eltsine et des Gorbatchev. De petite taille bien que rompu aux arts martiaux, il n’était pas particulièrement charismatique : un homme froid et volontaire, n’éveillant pas la sympathie.
Et le voici devenu le plus grand condottiere de la Russie qui n’en manque pourtant pas. Il a créé son remplaçant, Medvedef dont en pensait qu’il prendrait goût au pouvoir et finirait par écraser son premier ministre, la fonction faisant l’homme, et disposant d’un clan puissant. Mais son ombre n’a cessé d’obscurcir l’éclat de son rival.
Jusqu’ici, la Russie passait par une période de vaches grasses et on lui attribuait ce succès, dû à une poigne de fer et à une politique nationaliste. Mais les vaches maigres ont succédé et servent de révélateur aux carences criantes du régime. A corruption, un chaos généralisé, le grand écart entre les richissimes et gaspilleurs oligarques et une population qui ne cesse de diminuer, et dont l’espérance de vie baisse régulièrement.
Poutine agissant en bon tzar, et utilisant son patron théorique comme court-circuit, s’en
est pris en un premier temps aux oligarques désobéissants. L’un a fini en Sibérie,
d’autres en exil, les derniers font leur cour et tremblent. Le peuple pourrait lui attribuer sa misère et ses résultats économiques désastreux.
Mais là ne se situe pas le grand écart. Il a réussi à concilier la tradition soviétique et l’héritage soviétique, pôles extrêmes impossible à faire coexister. Il célèbre la saga héroïque de ka seconde guerre mondiale, révère l’Eglise orthodoxe, fait le grand écart entre l’aigle impérial à deux têtes et l’hymne soviétique et en définitive représente une large fraction des croyances populaires.
Mais il n’en est rien. Jamais le Tzar n’a été aussi puissant, aussi respecté, aussi populaire. Cela est sans doute dû au fait qu’il est archi-Russe, qu’il incarne les rêves d’un peuple jadis pissant et cultivé. Grâce à lui, la Russie a repris sa place parmi les grandes puissances.
Mais là ne se situe pas le grand écart.
Il réussit à enjamber les deux pôles les plus distants qui soient : la tradition tsariste et l’héritage soviétique. Il célèbre les actions héroïques de la Seconde Guerre mondiale, honore l’Eglise Orthodoxe, rétablit l’aigle impérial à deux tête et l’hymne soviétique et par là il est assez représentatif aux croyances populaires. Détesté par les intellos européens, il est relegué hors de l’Europe et se tourne dès lors vers la Chine, l’Inde, voire l’iran. .
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