CHRONIQUE
L'héritage LH III
Tout d'abord, il me faut dire qui est L.H.III.C'est le troisième avatar d'un modèle d'homme qui m'a fasciné et joué un grand rôle dans ma vie réelle et imaginaire. L.H.I correspond au jeune homme décrit dans Le Livre de Lasse Hall, celui que je connus à la fin de mon adolescence quand j'habitais avec mes parents au Grand Hotel, place de l'opéra. Il essaya de m'extraire du cocon lamentable où je stagnais , en pleine dépression, pour faire de moi un homme. Jamais personne ne fit autant pour mon bien. Mais j'avais une admiration sans bornes pour ce qui était un idéal inaccessible et je passai des moment inoubliables auprès de lui, dans ses rares heures d'intimité, où cet homme inflexible et impitoyable se détendait auprès de moi, et donnait cours à ses sentiments profonds. La sehnsucht, la nostalgie qu'il ressentait était poignante, je crois qu'il se sentait bien seul. A ce moment je pris une photo de lui et la copiai au crayon pour bien l'imprimer dans ma mémoire. C'est celle que vous avez dû voir dans un billet passé.
Ci-dessus, le livre de L.H. Le texte est daté le 30 juin 1962 à minuit. L'écriture du 29 janvier 1963. Le dessin date d'un Dimanche à Recloses, d'après une photo bien antérieure. Elle disparut comme toute la documentation d'avant 1962. Je crois que c'est ma mère qui détestait les souvenirs qui dût la jeter.
Mais j'avais peur de perdre ma liberté en lui cédant, je voulais par moi-même, sans l'aide de personne, remonter la pente. Je me conduisis avec lui d'une ingratitude inadmissible, et je rejetai avec brutalité le seul être qui m'aimât vraiment. dans tous les sens du mot. Je le regrette amèrement à présent. J'essayai de recoller les morceaux, mais c'était trop tard. Il était l'héritier d'une puissante dynastie et fonda un véritable empire en Amérique du Nord et au Mexique. Oui, c'était trop tard, mon heure était passée.
Ci-dessus, et ci-contre le portrait que je tirai à son insu pendant un de ces moments d'abandon, avec une camera minox. Je crois que le résultat était si mauvais que je dus la recopier avec un papier calque. (Voir l'illustration ci-dessus).
Lasse II, est le héros de l'Entretien, celui qui noue une Idylle avec la mystérieuse Clara. Je tiens le rôle de Valentin Ludell, le mentor de ses enfants issus de sa première femme Christine. Elle nous fit croire, à Lasse et à moi, que les gosses étaient de moi, et je l'épousai. Plus tard, lorsque celui-ci fut marié avec une riche héritière mexicaine, Vera Hartzmann, elle reparut et exerça un chantage sur son ancien amant, réclamant pour les deux enfants, leur part d'héritage du père de Lasse et sa reconnaissance de paternité. Elle n'en eût pas le loisir, car elle mourut peu après dans des conditions troubles. Mais Lasse s'affectionna pour les enfants, incontestablement de lui, et les reconnut. Il ne tolérait pas le chantage.
Ci-contre BL et Martha Modl la plus célèbre Kundry de son temps.
C'était à l'époque de LH I que je fréquentais les plus grands artistes, cela valorisait
et compensait ma médiocrité par rapport à
Lars Hall I.
L'image ci-dessus montre mon desarroi. Ces minuscules cartes plastifiées sont des anti-sèches à glisser sous la manche de la chemise. J'en fis des dizaines contenant l'essentiel de mes cours. Mais le moment venu j'eus tellement peur d'être pris et chassé du CNAM que je ne m'en servis guère. Mais j'avais mis tant de soin à condenser les cours et à les calligraphier en pattes de mouche, que j'appris ainsi sans le vouloir mon cours par coeur !
Ci-dessus, une page d'un cahier de cours, premier compactage destiné à préparer l'anti-sèche.
Je n'avais pas vingt ans, mais mon écriture était celle d'un gosse de quinze ans. L.H. I, lui, devait avoir 22 ans mais était déjà un adulte en pleine possession de ses moyens, comme l'était L.H.III au même âge.
Mon père refusa obstinément de me payer le moindre livre de cours. Je fus obliger d'y rémédier en confectionnant des fiches. J'étais déjà plus âgé, car je suivais les cours de l'INOP, institut de psychologie appliquée. Ci-dessous le papier de Jean Piaget, sur les deux théories qui essayent d'expliquer comment un substrat matériel pouvait influencer un psychisme immatériel. Ainsi, à son insu, Piaget rejoignait d'une manière détournée les concepts de Popper relatifs aux trois mondes et soutenant la thèse d'un esprit sans masse, ni dimension. Cette problématique fut à la basede toute ma vision du monde.
L'Idylle entre entre Lasse et Clara, sort de mon imagination car elle puise ses ressorts dans la structure profonde de L'Entretien . Il me fallaît développer le thème de la fusion des contraires et la manière dont l'un modifie l'autre. Mais les caractères dans leur épaisseur sont à peu près préservés, dans la mesure où ils ne sont pas transformés par les nécessités structurelles. Par exemple les photos de Lars Hall II et de Clara sont extraites de la réalité.
Ci dessus, Lasse II et Clara, morceaux choisis de l'Entretien.
Il m' été impossible de retrouver dans les milliers de pages du texte original "éléphant" les passages reproduits dans le tapuscrit des morceaux choisis. J'ai dû me contenter des mauvaises images de la version imprimée.
Lasse II diffèrait de Lasse I par son ambiguïté à mon égard, alternant l'affection qu'il doit à son mentor (Valentin, alias votre serviteur) et une cruauté consistant à faire planer sur moi une menace terrifiante. Il aimait je suppose ce jeu du chat et de la souris.Il résidait un peu partout dans le monde mais le siège de son empire se trouvait entre Los Angeles et San Diego. à Santa Samarea. Il subventionnait le zoo de la ville et le centre de tératologie. La ville était mystérieuses, d'une insécurité et d'une corruption totales, peuplée d'immigrés venant de tous les pays du monde et se regroupant par origine, dans des quartiers spécifiques : la petite France, Venise, le quartier juif, l'enclave chinoise etc. Clara avait étudié à l'université de Fontanahead, d'une qualité surprenant pour une ville aussi deshéritée. Une brume l'enveloppait comme la vapeur d'un hammam, mais tantôt nauséabonde, tantôt suffocante. Mais on le devine sans peine, Lars et Vera ne demeuraient pas dans la ville, mais loin au dessus dans la colline avoisinante de Bringstile, un paradis de verdure et d'opulence discrète, habitée par les milliardaires du coin et gardée par des miliciens sinistres armés jusqu'aux dents.
On en vient maintenant à Lars III. Il parlait bien le français et son père, issu d'une longue et glorieuse dynastie qui joua un rôle majeur dans l'histoire de son pays, un vrai seigneur qui en imposait à tout le monde par son charme et sa chaleur naturelle, voulut que je lui serve de sponsor. Comme Lasse I auprès de qui je remplis au départ un rôle pédagogique.
Je vis le jeune homme sortir d'une limousine noire et se diriger vers moi d'un pas assuré. Il était d'une rare élégance dans le style classique formel, et d'une extraordinaire distinction. J'eus un éblouissement en le voyant. C'était le sosie physique de Lasse I et, je m'en apeçus par la suite, la ressemblance n'était pas seulement extérieure mais également morale et cactérielle. Il était aussi glacial que son père était chaleureux et d'un laconisme extrême. Je ne connus jamais un homme de son âge (il avait alors 22 ans) aussi intelligent, aussi désireux de se cultiver et dans tous les domaines,. C'était une véritable éponge. Hier, une dame assez pipelette me dit qu'elle n'avait jamais connu d'intelligence aussi fulgurante, dotée de la capacité de comprendre les intrigues les plus compliquées en un clin d'oeil. Cependant lui et son père étaient craints de ceux qui dépendaient d'eux. m'apprit une journaliste. Par la suite je découvris qu'il menait une vie qui dépassait mon
entendement. Mes clients sont des gens modestes et avares bien que fortunés, à qui il ne viendrait pas à l'esprit d'avoir un jet privé, un bateau ultra rapide pour se rendre d'une résidence sur la côte d'azur à une autre à Montecarlo. Des maisons un peu partout, dans les emplacements les plus privilégiés. Mais ce n'était pas un fils à papa, loin de là. Certes il profitait de ces avantages matériels, mais sans s'en rendre compte tant c'était naturel pour lui. Il n'en parlait jamais et ce n'est qu'en le connaissant que je l'appris par inadvertance. En revanche ce que tout le monde lui reconnaissait, c'était une capacité illimitée de travailler vite et bien, une autorité naturelle qui faisait qu'il jouissait d'une crédibilité et d'un respect rare pour un homme aussi jeune. Il était aimé par les travailleurs de la base, et leur chefs, pour qui il était "Monsieur Lars", et qui lui obéissaient au doigt et à l'oeil. Partout où il était passé au cours de stages chez des crelations d'affaires, son départ laissa une impression de vide et périodiquement j'entendais dire : "que devient Lars? On voudrait bien le revoir." En revanche il se méfiait des gens du haut, et en particulier des PDG et des DG, qu'il trouvait prétentieux, suffisants, et paresseux. Il n'hésitait jamais à couper la tête de ses vizirs et préférait payer des indemnités coûteuses ou d'affronter les prud'hommes que d'admettre dans ses sociétés, des éléments faibles, qu'il serait de plus en plus difficiles de licencier par la suite.
Je m'attachai profondément à lui, plus que de raison certainement, pour des motifs divers, souvent pas glorieux. Il me rappelait irresistiblement Lars I que j'avais rejeté, et je me promis de ne pas faire une telle erreur une seconde fois. Puis j'étais fier d'être le mentor d'une telle personnalité. Certes toute la famille était d'une distinction remarquable, mais lui - était-ce dû à sa réserve et à son élégance sévère? - les dépassait. Il possédait plus que de la classe, il était racé comme ces superbes chevaux de course peints par Van Dyck. J'avoue qu'un tel motif d'attachement est puéril et indigne d'un intellectuel, mais enfin... malgré que j'en aie, je ne suis pas un intellectuel et je suis affecté par toutes les naïvetés d'un vaniteux , le caractère d'un parvenu qui a manqué son but et qui admire ceux qui lui en imposent.
Au fil des ans, mon attraction et mon attachement se transformèrent en un dévouement absolu, résistant à toutes le rebuffades et les cruautés, que Lars III partageai avec ce prédécesseurs. C'est ainsi qu'il joua longuement avec moi au chat et à la souris, alternant une tendresse extrême avec une indifférence inxplicable. Il devenir inaccessible pendant de longs mois. Il m'avoua un jour après mûre d'affection qu'il tenait à moi comme à un bon professeur, mais qu'il ne ressentait aucune affection pour moi. Il ajouta qu'à ma place, il m'aurait quitté depuis longtemps. Cette cruauté, le rendait inhumain et son père lui-même le déplorait... Et puis, tout bascula voici deux semaines. Je découvris qu'il portait une affection indicible pour son père, et un jour il me confia gêné, qu'il n'était pas très sérieux lorsqu'il me déclarait qu'il n'avait aucune affection pour moi.
J'avai pensé depuis longtemps lui léguer ma bibliothèque avec mes manuscrits les plus significatifs, à l'exception de l'Apocalypse destinée à la salle des manuscrits anciens de la BNF. et à condition d'être sûr qu'il ne les laisserait pas pourri dans un grenier. Lorsqu'il les vit avec moi, il en fut si heureux, il les aima tant, que ma décision fut prise aussitôt. Je n'attendrais pas mon dernier souffle pour les lui léguer. Son père désirait qu'il prenne un appartement à Paris, auprès de mon domicile et il en cherche actuellement un qui lui convienne. Dès qu'il aura une bibliothèque, je lui donnerai aussitôt mes livres préférés et mes manuscritset le lui annonçai. Je crois que c'est alors qu'il comprit qu'il détiendrait une partie de mon âme , cette partie qui me survivra. Certes, je ressentirai un manque cuisant, un vide nostalgique, mais il arrive un moment où il faut savoir se dépouiller, vant que la mort ne le fasse.
Si je me suis tant étendu sur ce sujet, c'est pour expliquer la signification de cet héritage. Il ne prétend pas à l'excellence culturelle et ni à une portée spirituelle, ni même à une perfection artisanale. Ces livres manuscrits ont été faits dans l'intention un peu puérile, je le reconnaîs, d'imiter ces sublimes livres de peintres que j'ai vu chez Nicaise ou Lardancher, et que j'ai contemplé jusqu'à l'obsession dans leurs catalogues. N'ayant jamais eu les moyens de me les payer, et à défaut j'essayai d'un posséder un reflet.
Dans le corps du billet, vous pourrez prendre connaissance de quelques témoins de ce travail. C'est tout ce qui me restera de mon passé, et j'aimerai partager avec vous ces moments de mémoire. Après tout si Lasse III et bien des amateurs et des professionnels les ont apprécié,pourquoi pas vous? Et pourquoi n'essayez vous pas de faire votre propre livre manuscrit ? (c'est bien mieux que le traitement de texte).
Page d'ouverture de La flûte de jade.
Dali voulait faire croire que mes aquarelles étaient des vrais Dalì. Il m'encouragea à poursuivre, mais jen'en n'eus pas le courage.C'était au temps de la parution de L'Apocalypse de Joseph Foret, et j'essayai d'imiter même dans son emboitâage de satin blanc, un exemplaire de tête qui était bien au dessus de mes moyens. Dalì descendait à l'hôtel Meurice, et Marina lui rendait toutes sortes de services, moi-même déjeunant tous les jours avec lui en tant que "conseiller scientifique". Sa curiosité était inépuisable et il était un des êtres les plus sensés qu'il m'ait été donné de connaître.Il simulait la folie à la manière des bouffons de Shakespeare, et se propos les plus loufoques étaient de la sagesse concentrée et les gens riaient sans comprendre! Lui s'amusait beaucoup de ces moqueries qui satisfaisaient son ironie pince sans-rire. En tête à tête c'était un homme très doué pour les affaires, et qui m'enseigna bien des recettes pour mon job.
Calligraphie "bambou" de la Flûte de Jade.
Pour les illustrations, voir le corps du billet (continuer la lecture).
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