CHRONIQUE
SUNNYDAYS
Jours ensoleillés. Après le terrible orage d'hier soir, et la touffeur glauque de la journée, ce matin (il est 7h45) un temps superbe a fait son apparition. Le jardin tropical qui s'étend sous mon balcon, étincelle sous le soleil encore clément. Certes, San Remo a un climat beaucoup plus brumeux que Cannes, l'idéal, et le fuligineux Montecarlo, mais sunnydays est plutôt à prendre au sens métaphorique plutôt que météorologique.
La masseuse est venue à 9 heures comme convenu. Elle a découvert des contractures beaucoup plus profondes que les trois que j’avais identifiés et elle les a traité. Pendant qu’elle travaillait, je m’endormis du sommeil profond des anesthésies. A dix heures j’étais complètement groggy et cet état semi comateux se poursuivit pendant le reste de la journée. Mes yeux étaient grands ouverts et fixés sur le néant, mes gestes, ceux d’un somnambule, m’exposaient à toutes sortes de désagréments.
GASTRONOMIE FAMILIALE
La matinée, était splendide et je la consacrai à mon blog sur word, assis à l’abri devant une petite table, sous une pergola dominant la piscine et la mer. Après quoi je dégustai l’excellents cuisine de l’hôtel : rizotto au safran, foie de canard à la moutarde de figue, poisson pêché dans les eaux de San Remo et accompagné de pommes de terre au four à la mode anglaise et pour terminer, un parfait à la framboise. Je me régalai et je montai faire une petite sieste. Il fallut me réveiller à cinq heures. Je me trouvais dans un état de léthargie complète et Michel m’obligea à nager dans les eaux tièdes de la piscine.
CATASTROPHE
A ma grande surprise, je coulais à chaque brasse, comme un débutant. Je finis par faire la grenouille et marchai en nageotant. C’est alors que je m’aperçus que j’avais laissé mon Nokia de luxe dans mon maillot de bain. Je devins comme fou. J’attendais d’importants coups de téléphone et la puce n’enregistrait pas les évènements, les adresses, les sms, etc. Je me serais giflé. On démonta le téléphone, on le sécha à l’air chaud, mais l’écran était empli de buée et l’eau de mer est mortelle pour les circuits électroniques. J’ai un Nokia de rechange à Paris qui ressuscita mystérieusement au bout de deux jours d’inactivité, ridiculisant tous les instruments de mesure qui le donnaient pour mort, mais il s’agissait d’une légère imprégnation d’eau douce.
Demain, Michel se rendra à Menton, en zone française pour essayer d’acheter un petit téléphone compatible avec ma puce.
Du coup, je me trouve bien réveillé et prêt à reprendre le cours du billet là où je l’avais laissé. (Journal d’innocence).
Lire le texte intégral de "journal des temps d'innoncence", première partie dans le corps du blog.
JOURNAL DES TEMPS D'INNOCENCE
TEXTE ORIGINAL, TRADUIT DE L'ITALIEN.
Introduction
In memoriam la mia mammina cara.
Je me retrouvai à San Remo avec mon grand livre vert, avec l’intention de le compléter, en y collant des fragments de journaux, témoins de la monstrueuse bestialité produite par l’inculture médiatique. (En définitive l’intention se concrétisa et le volume vert fit partie des volumes destinés à la BNF) Mais l’inspiration (l’estro) était absente, vide la mémoire. Et voici que pendant que je nageais pour la première fois après la longue nuit de mon corps, font irruption des souvenirs d’enfance, heureux ou mélancoliques. Comme les esprits qui entourent Giulietta dans le film éponyme de Fellini, des images vivaces appellent sans relâche « Nous voici, nous sommes ici, tu ne peux nous nier. Nous voulons reprendre vie sur l’heureuse surface du papier à la forme (la lieta superfice cartacea), nous voulons témoigner en faveur de ce gentil Brunetto, de ce Bruno blond que tu as trahi, renié et enterré.
SOUVENIRS DES TEMPS D’INNOCENCE
Nel mezzo del cammino di nostra vita,
Mi ritrovai in una selva oscura
Che la diritta via era smarrita
Dans le milieu du chemin de notre vie,
Je me retrouvai dans la jungle ténébreuse de mon enfer personnel
Cet « Entretien » dont j’ai sous les yeux un volume resté inachevé depuis San Remo, l’année dernière si l’on excepte des séquences sans importance.
Auparavant j’avais consigné dans un volume in-4° carré, relié en toile écrue mes souvenirs d’enfance. Il disparut mystérieusement avec huit autres volumes de la bibliothèque de mon Centre Culturel des Capucins. Alors que j’hésitais entre commencer « Virus » le thriller de Kevin Bronstein, destiné à Serge de Pahlen, mon éditeur, ou poursuivre ma chronique de la désinformation, ces souvenirs perdus firent irruption brutalement, comme issus de la piscine bienvenue où je renouais avec mon corps après une longue nuit des sens.
Comment résister à ces pauvres lambeaux des temps d’innocence alors qu’ils m’entouraient, heureux de me retrouver, moi qui inconscient, sourd à leurs appels, les rejetais systématiquement ? Mais celui auquel ils se blottissaient n’était qu’un inconnu qui avait usurpé mon nom et que ma vie tourmentée et égoïste renia obstinément. C’est à celui dont il ne reste que des fragments déchiquetés, que je dois réparation, à la fin du chemin de notre vie.
Ce livre de feuilles de papier à la forme, support précieux derrière lequel se love attendant son heure, la saga de la famille Agnelli, et produit feuille par feuille, dont « Cose di carta » de San Remo m’a certifié provenir d’Amalfi, a fourni l'environnement bibliophilique pour ce journal d’enfance.
5 juillet 3h du matin
diario dei tempi d ‘innocenza
Contrairement à l’Entretien, destiné à la BNF, ce petit volume doit échoir à un étranger, mon fils, mon antithèse, celui qui a fait ma joie et ma douleur, causé fierté et déception. Un jour quand il contemplera la lune posée sur un amandier fleuri, il pensera à son père, dont la tristesse fut si grande, qu’il s’en alla faire un voyage au pays d’où on ne revient pas où alternent les vallées de la solitude, les landes stériles de l’imagination.
Ce texte rédigé d’un jet est tantôt rédigé en italien, ma langue maternelle, ce qui est bien naturel pour mes premières pensées qui ignoraient le français, tantôt en français mais écrit à l’envers, pour ce qui me paraît propre à choquer la sensibilité puritaine de mon fils à demi allemand. La paresse le dispensera de lire ces passages sulfureux, seul le papier les connaîtra.
En caractères droits on évoque la saga de John Philip Elkann, personnalité complexe et fascinante, qui a fait mystérieusement son entrée dans la quiétude désolée de ma vie.
Mon fils, Arnaud Mulliez, le jeune homme que j’ai été, John Elkann, voici des trajectoires si différentes, si proches dans leur dissemblances, si étrangères à l’être tourmenté et inviable qui avait pour initiales BL.
PREMIERS SOUVENIRS
Ils sont, comme le veut Freud, des clichés anonymes, des images fixes plus ou moins fiables, des flashes stroboscopiques. Je les livre bruts de fonderie et libres de tout commentaire psychanalytique. L’herméneutique n’a pas sa place dans le discours de l’enfance.
IMAGE
Ci dessus, un cliché obsessionnel : la vue du balcon de la chambre de ma mère, plein sud, où je jouais avec Fatima, la tortue qui se nourrissait de salades et de géraniums. A droite voici le fort de Djebel Djelloud, à gauche, le faux volcan dit Bou Cornin et entre eux les falaises hautes de Djebel R’sass, que je surnommais Matadoine. En descendant on trouvait la colline de Saint Germain où résidèrent Macke, Moillet et Paul Klee et où ce dernier fut investir par la couleur légère : « je deviens peintre » devait-il s’exclamer. Plus bas le port sur le canal, avancée de la méditerranée dans la ville. Entre le port et mon balcon le quartier pouilleux des misérables siciliens réduits à la condition d’artisans corvéables à merci , par la morgue des occupants français, qui profitèrent de la trahison de Giulio Ferri, devenu Jules Ferry. Entre la petite Sicile et mon balcon, voici les Champs Elysées de Tunis : l’Avenue Jules Ferry divisée en trois sections : les marinas.
PREMIERES IMAGES
La poussette.
La poussette abhorrée achetée d’occasion dont la capote en cuir emprisonnait l’enfant. Cette inélégante et encombrante chose, était rangée sous la cage de l’escalier de l’immeuble et devait servir plus tard à ma sœur. Elle était associée aux promenades sur l’Avenue Jules Ferry, aujourd’hui Habib Bourguiba, et les promenades représentaient un ennui mortel.
L’ENNUI
Ce fut d’ailleurs l’obsession de ma première enfance. Promenades sans but , sous la conduite de bonnes négligentes, visites de ma mère « le visite « en italienn conversations interminables entre grandes personnes auxquelles je ne comprenais goutte.
Particulièrement pénibles étaient les promenades au Belvédère première porte, (dit inférieur). Les caroubiers, je les détestais, grossiers arbustes trop tôt venus des arbres, ils portaient des fèves non comestibles.
Je préférais le Belvédère deuxième porte, dit supérieur, et dominant la ville. Ces portails gris ouvragés, gardaient des bâtiments fantômes : in beau casino désaffecté, une magnifique piscine vide, et une Kouba (la cuba des italiens), mystérieux sanctuaire cubique en belle majolique turquoise, hermétiquement close, et montant le guet vers le lac stagnant.Ce lac torve, pourri, hanté par l’île de Clichy, inhabitée sinon par les rats qui l’infestaient.
La piscine me fascinait. Ses gradins, ses cabines bleues éternellement closes, le bassin en petits carreaux de céramique d’un bleu turquoise irréel, évoquaient en moi des fêtes énigmatiques, visions évanescentes, nostalgie de ce qui n’a jamais été.
Et le beau casino aux portes fenêtres en arcades festives et aux nobles balustrades donnant sur une majestueuse terrasse, quelle était sa destination, quelles réceptions clandestines, quels secrets, avait-il dissimulé ?
Les fleurs : roses, bleues clair, ennuyeuses dans leur monotonie, bougainvilliers envahissant, et les incontournables caroubiers… Ennui, banalité, stérilité.
FIN DE LA PREMIERE SECTION