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Sunday, 15 March 2009
CHRONIQUE
La meilleure introduction à l'art
Evidemment sous-entendu, parmi celles qu'il m'a été donné de connaître, et j'en ai lu plusieurs. L'auteur est Pierre Bergé, à qui ce billet est dédié. En début d'après-midi, un beau soleil m'a incité à prendre vingt minutes de loisirs volé sur mes obligations. J'ai été visiter la librairie du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, où on me connaît bien et il m'est donné de feuilleter tranquillement tous les livres, de quoi avoir un panorama assez étendu sur la production de livres sur l'Art Moderne et contemporain. J'ai ainsi acheté le dernier ouvrage sur Matthew Barney, un autre sur l'interprétation de l'Apocalypse par de jeunes artistes contemporains, le Pays Fertile, étude de Pierre Boulez sur Paul Klee (mon peintre préféré) et celui de Pierre Bergé : Histoire de notre collection, Actes Sud , février 2009. J'espérais ainsi découvrir des vues des appartements de la rue de Babylone, de la rue Bonaparte et d'autres demeures. J'en ai été pour mes frais. Il n'y avait que des reproductions de tableaux déjà illustrées dans les catalogues de la vente (il est vrai que plusieurs sont épuisés,mais ceux sur la peinture sont encore disponibles).
En revanche quelle surprise émerveillée ai-je ressenti à la lecture des entretiens entre Laure Adler et Pierre Bergé. Je ne puis vous en donner une idée de la richesse renfermée dans ces propos où réponse de Bergé me semble essentielle pour la compréhension de l'Art et qui vaut aussi bien pour la bibliophilie que pour la musique, pour l'orfêvrerie que - bien évidemment- pour la peinture. Aussi je me sens mal à l'aise pour en déflorer l'essence. Je ne saurais assez vous engager à vous précipiter sur ce livre qui me semble à la fois accessible, majeur et hors du commun.
Je me hasarde quand même à sélectionner de mémoire parmi les idées de l'ouvrage quelques unes qui m'ont particulièrement frappé.
1°. L'oeuvre d'Art digne de ce nom est aussi précise qu'une théorie mathématique. Est-ce un hasard si Mantegna, comme à une autre échelle évidemment, Alain Tarica, l'initiateur de Bergé et Saint Laurent, soit un mathématicien passionné? Elle requiert pour être appréciée la plus grande attention, et un contact répété, que ce soit une fugue de Bach, un roman de Proust, ou un tableau de Picasso. Le hasard n'y a pas de place, sauf quand il est délibéré et utilisé délibérément.Le hasard devient alors un anti-hasard, comme dans la transe qui saisit Pollock durant son activité de dripping.
2°. Avant de raconter une histoire, un tableau doit s'imposer en tant que peinture autonome, organisée et parfaite. Chaque détail est justifié par l'organisation rigoureuse de la construction formelle, le reste n'est que littérature. C'est une thèse que je partage avec Etienne Gilson qui l'a magistralement développée dans Peinture et imagerie . Pour lui l'image -anecdotique - masque bien souvent la peinture. C'est également la thèse soutenue par Guido Ballo, un des meilleurs initiateurs à la vision authentique : il distingue l'oeil critique de l'oeil commun. Je l'ai bien connu et il m'a aidé à édifier mes salles d'art moderne au Musée de Genève, dont la sélection ne serait pas désavouée par Yves Saint Laurent ni Pierre Bergé. On y trouvait les plus beaux Schwitters (étrangement ignoré par nos collectionneurs, bien que promu inlassablement par Tarica), un Klee exceptionnel de 1914, le premier mixed média sur gaze et d'où sortiront les carrés magiques, les rythmes ou encore la composition organique. J'ai dû dans un billet du blog, reproduire mon analyse de ce Klee et de trois Schwitters majeurs. On trouvait aussi dans cette première collection des Malewitch, des Duchamp, des Rodchenko. Tout ceci fut confisqué par l'inquisition fiscale qui me réclama des sommes que je ne devait pas. J'ai hélas quelque chose en commun avec Yves Saint Laurent : une allergie pour tout ce qui est argent, fiscalité, affaires. Mais je n'avais aucun Pierre Bergé pour me défendre. J'étais - et je suis toujours désespérément nu, aidé heureusement par de nombreux amis puissants et dévoués qui constituent ma raison de vivre. Mais cela ne remplace par un Pierre Bergé hélas. Que l'on me pardonne ces commentaires personnels, mais il est naturel que j'aie retenu en priorité ce qui se rattache le plus organiquement à mon être le plus profond.
3°) Bien des choix découlent de cet axiome. Nos deux héros ne pouvaient que dédaigner la peinture anecdotique, celle qui ne tient que par l'histoire qu'elle raconte, comme Magritte, Salvador Dali, ou - horreur - l'Art di t engagé. Comme Schwitters Bergé déteste l'art politisé et proclame l'autonomie de l'oeuvre d'Art. Néanmoins cela n'empêche pas l'artiste, comme chacun d'entre nous, d'opter pour une cause juste et de lutter contre les monstruosités décrites par Robert Conquest dans Le féroce XXème dont notre malheureuse Europe a été le berceau. Bergé nous parle de Weimar. Comment sous l'occupation de nombreux artistes se sont - par vanité, ou par intérêt - laissé séduire par les nazis. Il ose dénoncer les silences coupables de Picasso pendant cette horrible époque, se dédouanant après la guerre en militant pour les communistes et en servant de caution à des monstres comparables aux nazis sur lesquels il s'est tu. Bergé remarque aussi, que les artistes qui se sont "fait avoir" comme André Derain n'étaient plus à l'apogée de leur art.
4°) Bergé fait judicieusement remarqué que si l'on peut - par l'initiation et l'accoutumance - changer de goût, en revanche il n'en est pas de même pour les dégoûts qui sont, eux, durables. Je comprends cela, car si je puis admettre chez moi un Kosuth auquel je ne comprends rien, jamais un Erro ou un murakami n'entreront chez moi. Encore moins un peintre à la mode comme Annigoni. La vie est courte, et Boulez me disait : pourquoi diriger des artistes secondaires alors qu'il existe des génies comme Wagner ou Berg qui ne demande qu'à être explorés en profondeur? Et qui peut se vanter d'en venir à bout. A mon sens c'est cela l'exigence d'excellence proclamée par Bergé : éviter de s'encombrer d'oeuvres secondaires au détriment d'oeuvres majeures quel que soit le domaine visé.
5°) La signature d'un artiste ne sert qu'à rassurer l'ignorant incapable de juger pa r lui-même de la valeur d'un tableau. Mon Maître Chou Ling, qui m'apprit à reconnaître de faux Wang Yuan C'hi ou Chen Tcheou, dont je n'ai pas voulu et actuellement exposés triomphalement au musée Guimet, se refusa toujours à émettre le moindre jugement sur la valeur d'une oeuvre, ni sur son authenticité (il y a pas loin de 75% de faux dans les musées occidentaux !) Il me dit que les gens méritaient ce qu'ils choisissaient. Si leur ignorance ou leur manque d'attention les empêche de distinguer un faux, tant pis (ou tant mieux s'ils sont satsfaits) pour eux. Il ne me dit jamais que les makemono de ces deux peintres à la provenance illustre (Dubosc) étaient des faux. Il se contenta de m'inviter à plus d'attention et à entrer dans les détails de l'oeuvre en traquant les incohérences. Ce n'est qu'une fois que j'eus de moi-même - au bout d'une investigation minutieuse - qu'il me confirma l'inauthenticité des peintures. Or quelle ne fut pas la surprise de voir mon Vang Yuan C'hi, exposé dans une grande salle noire devant deux centaines de sièges voués à sa contemplation. Je ne vis une telle installation qu'en Italie, pour une oeuvre je crois de Duccio. Je me dis, enfin voici l'original dont j'ai eu la copie entre les mains! Je m'approchai et découvris que c'était "mon faux" makemono. Je téléphonai aussitôt au conservateur responsable une femme intelligente et probe qui me dit : ce n'est pas possible. J'ai un oeil quand même! Je lui demandai : combien de temps avez-vouspassé en compagnie de ce rouleau? Combien? Je ne sais pas. Dès que je l'ai vu j'ai reconnu une oeuvre de génie, je me suis fiée à mon expérience et àmon flair. Cela a été un coup de foudre, en un instant ma décision a été prise! J'engageai madame W*** à examiner à nouveau le rouleau en lui signalant les incohérences en oubliant la beauté et le charme du paysage. Elle me téléphona deux heures après :vous avez raison, Dubosc m'a refilé un faux! - Qu'allez vous faire? lui demandai-je. - Quelle question! Il hors de question de le garder, je vais m'en débarrasser. - Avez-vous pensé que vous allez priver une foule de gens incapables de voir des faiblesses, que vous même n'avez pas décelé, pour admirer sincèrement l'ordonnance splendide de ce faux, son charme, la beauté de ce paysage? Et que ce premier contact attisera leur désir de mieux connaître la grande peinture chinoise? N'oublions pas que Wang Yuan C'hi est le Cezanne chinois, il est extrêmementrare de s'en faire une idée, sauf en Japon, au musée du palais à Formose, et peut-être àHonolulu. - Je ne puis admettre un faux dans ce musée, ce serait malhonnête répéta Mme W***. C'est ainsi que le rouleau finit au musée Guimet. Je me gardais bien de dévoiler la fraude à des conservateurs qui n'auraient sans doute pas daigné de me recevoir, encore moins d'accorder crédit à mes révélations. Et puis revoir ce rouleau près de chez moi, me donne une satisfaction nostalgique. Il me donne à rêver de ce que devait être l'original : un chef-d-oeuvre absolu.On rejoint une exigence de Pierre Bergé qui déclare que la démarche d'un musée, différente de celle d'un collectionneur, est un devoir.
6°) Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. Bergé avec raison n'a pas de mots assez durs pour fustiger des muséologues qui sous prétexte de montrer une époque d'une manière exhaustive, font coexister Bougurereau et Manet. Les public bêlant qui admire de bonne foi ces pièces de musée, confond le bon grain et l'ivraie sans que les conservateurs lui apprennent à établir une hiérarche que d'ailleurs, je le crains - ils récusent. André Nakov qui m'a appris beaucoup sur l'avant-garde russe,me disait que pour lui, un musée était une grange vide, peinte en blanc et ne contenant qu'une vingtaine de chefs-d-oeuvre majeurs. Bien de petits musées justifient leur existence par une oeuvre glorieuse qu'ils mettent bien en évidence. Je pense notamment aux Vermeer de La Haye.
7°) Un mauvais tableau au milieu de bons, se décèle immédiatement.Mais la réciproque peut être exacte. Allez au palais des papes à Avignon, dans le musée des multitudes de copies et de suiveurs vite oubliés. Une seule oeuvre domine tout, et fait oublier le tout venant : un merveilleux Botticelli. Cependant Picasso n'a pas tort quant il dit qu'un bon tableau au milieu de croutes semble moins bon et qu'un médiocre au milieu d'oeuvres prestigieuses, semble meilleur. Mais il ne s'agit que d'apparences. Samy Tarica, le père d'Alain qui a fait ma culture, m'a fait vendre un des plus beaux Tàpies et un des rares Poliakoff réussis pour me faire acheter des Schitters et donné un Klee. Losque j'accrochai ces tableaux minuscules à côté des autres , on ne voyait plus qu'eux : ils tuaient le Tàpies et le Poliakoff ! Un chef d'oeuvre est féroce, ils tue en effet toute oeuvre même admirable, qui lui est légèrement inférieure.
8°) Bergé et Saint Laurent se sont méfiés des antiquaires, de marchands de tableaux (les galéristes) et autres intermédiaires de l'Art. Il les oppose aux grands marchands d'autrefois qui défendaient leurs artistes, les aimaient, les soutenaient, les faisaient vivre et collaient à leur oeuvre. Par ailleurs vous avez aussi les très grands marchands qui sont de vrais initiateurs, et qui si vous leur faites confiance et manifestez le sincère désir de progresser, vous conseilleront. Alain Tarica fait partie de ces rares personnages authentiques. Dans mon petit domaine, (la deuxième fondation) je fais ainsi confiance à Tenscher pour les manuscrits anciens, à Clavreuil pour la bibliophilie, à Claude Burgan pour la numismatique et il ne me viendrait pas à l'esprit de m'adresser à leur concurrents ou à discuter leur prix, tant la relation de confiance est solide. C'est le conseil que donne un guide réputé pour les numismates débutants : déceler quel est le marchand qui vous convient et d'une éthique rigoureuse, parmi les plus réputés mondialement et s'y tenir.
9°) Il faut visiter des musées, des expositions, des concerts, de grands évènements artistiques, sans relâche avec une inépuisable curiosité etne pas perdre son temps à paresser, à se vautrer dans la facilité, à paresser au soleil des îles ou de la Côte d'Azur. Je meurs de honte lorsque je pense aux heures que j'ai passé à lire des SAS (c'est au temps où j'étais heureux et où j'avais un cocon familial en Sarre). Oui, des SAS! Des romans policiers de la série noire ou du masque. Et à présent que je voudrais le faire, mon état de santé ne me le permet plus. Mon horizon est bien limité. Peut-être un jour pourrai-je me rendre dans ma patrie, dans mon lieu de naissance, à la Spezia (où Wagner conçut le Ring, à Sienne, à Todi, à Assise... Et assister une fois encore au Festival de Salzbourg (et non de Bayreuth, bien frelâté). Pour l'instant je me cultive, je passe mes nuits à apprendre, le jour dans les musées proches : le MAM, le Guimet. Mais en lisant les entretiens de Bergé j'ai tellement honte, je me sens si petit! Vous qui me lisez, ne croyez pas que les loisirs sportifs ou les obligations
professionnelles ne vous laissent pas le temps d'imiter, à une moindre échelle certes, Pierre Bergé. On trouve toujours le temps quand on le veut. Que votre épouse, vos enfants participent de ces moments bénis où le temps s'arrête et où l'on, capte quelques lueurs venues d'en haut. Lisez les grand auteurs attentivement, etn'oubliez pas que l'important ce n'est pas l'histoire qu'ils racontent. C'est l'art avec lequel ils s'expriment, la précision de la langue qu'ils enrichissent. Je vous l'ai dit en lisant le Grand Jerzy Kosinski (encore un polonais de génie). Je me demandai d'où provenait l'atmosphère insolite et angoissante, qui impregne le début de STEPS. J'ai fini par comprendre :l'auteur est un des plus grands stylistes de la langue anglaise. Chez lui le mot juste a la place juste, comme un chef d'oeuvre pictural. Bergé apprécierait certainement cet écrivain aujourd'hui injustement oublié.
Le revers de la médaille
Mon admiration sans bornes pour Pierre Bergé ne m'empêche pas d'exercer mon sens critique. Il y a dans son discours comme dans sa pratique de petites incohérences que je pourrais laisser passer, si elles ne provenaient d'une telle autorité et d'un discours péremptoire. Comme je ne veux pas mélanger les éloges, de loin dominants dans mon billet, avec les critiques, somme toute secondaires, je les relègue dans le corps du billet.
Pour anticiper, considérer cette image présentée par le commisseur priseur au moment de l'adjudication comme provenant de l'atelier des célèbres céramistes Della Robbia et attribuée à Giovanni, celui qui introduisit la couleur dans les pièces de Luca, le génie, qui se limitait à un camaîeu de bleu et de blanc.
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Wednesday, 15 October 2008
CHRONIQUE
Une journée bien remplie
Après l'effort de formalisation du billet précédent qui m'a épuisé par sa concision et par son sujet propre à nous plonger dans la dépression, j'ai envie de partager avec vous des moments de pure joie.
Ci-dessus à l'entracte du concert Prokofiev salle Pleyel : Valery Gergiev, Henri Dutilleux, Bruno Lussato.
Je devais diner avec un de mes anciens élèves, qui est devenu quelqu'un dans l'ex-yougoslavie, et doté d'un sens de l'humain et d'une élévation spirituelle hors du commun, quand j'ai reçu un coup de téléphone pressant de la part du plus grand de nos chefs d'orchestre, Valery Gergiev, directeur du célèbre London Symphony Orchestra, et ardent propagateur du Marinsky, l'illustre opéra de Saint Petersbourg. Il donnait salle Pleyel deux concerts Prokofiev. J'avais décliné pour cause de santé le premier, mais il tenait absolument à m'avoir au second car le grand compositeur Henri Dutilleux avat tenu à lui rendre visite. Le tandem Gergiev - Dutilleux se révéla un succès étonnant, et le maestro russe exécuta de nombreuses oeuvres du compositeur. français. Or il se trouve que j'ai eu l'honneur d'emmener le compositeur à l'hôtel de Gergiev, rue St. Louis en l'île. Je croyais à l'entente des deux grands hommes. Mon intuition se révéla exacte et c'est aussi pour la commemorer que je fus invité au concert Salle Pleyel.
La composition du programme mérite quelques commentaires. On donna dans l'ordre la deuxième symphonie, le concerto de violon, et après l'entre-acte, la Septième Symphonie.
La Deuxième Symphonie op.40, 1925 en ré mineur op.19 aux puissantes dissonances fut composée au moment où Nolde revenait des Iles Salomon. Même sens de la couleur, même rugosité,
Gergiev l'exécuta avec un sens du rythme, et une puissance meurtrière terrifiants. J'eus beaucoup de mal à d'y déceler quelques lambeaux de mélodies qui m'eussent donné l'envie de la réentendre. Je jetai un regard en coin inquiet à mon ami qui n'avait jamais assisté à un concert et que j'avais emmené avec moi à tout hasard. Je craignais qu'il ne soit agacé par ce pandémonium. Loin de làIl était sidéré, transporté, comme galvanisé par tout : la puissance, le rythme implacable de la gestuelle de Gergiev, le son de l'orchestre. Il venait de découvrir la musique classique in vivo, non congelée dans le numérique ni réduite en bouillie par le téléchargement. L'ambiance solennelle de la salle, le maintien recueilli de l'assistance, l'interdiction d'émettre le moindre son, la moindre toux, l'habit de cérémonie des musiciens interprétés comme un signe de respect envers l'oeuvre et le public, il n'avait pas imaginé que tout cela puisse exister.
La structure de la symphonie est d'une rigueur et d'une puissance presque Beethoveniennes: même plan en deux parties la dernière étant un thème et variations rappelant l'Op. 109.
Concerto pour violon N°1 en ré majeur op.19, 1919, première à Paris en 1923.
La facture romantique et trop simple fut sévèrement jugée par les personnalités présentes : Picasso, Pavlova, Arthur Rubinstein etc...Cette oeuvre met en lumière le sens mélodique et le penchant au classicisme de Prokofiev. Il aimait les pièces claires, sans trop d'innovation et destinées à durer. On se doute que le grand public d'aujourd'hui, peu accoutumé à affronter les innovations de Schönberg à John Cage, était ravi qu'on se mettre à son niveau. Il en alla ainsi hier dans la salle.
Symphonie N°7 en do dièse mineur op. 131, 1951 - 1952
C'est la dernière oeuvre d'un homme affaibli physiquement et moralement.Comme tous ceux qui ont eu la malchance de vivre sous l'oppression jadnovienne, il doit comme Chostakovitch se plier à l'esthétique socialiste et publier une humiliante autocritique. Le goût de Jnadov pourrait certainement convenir à ceux qui trouvent la musique classique est trop intellectuelle et réservée à une élite de snobs.Ces gens-là n'ont évidemment jamais essayé de travailler sérieusement une grande oeuvre. L'Art est divertissement populaire et non masturbation intellectuelle!
Prokofiev est classé artiste dégénéré (comme l'avant-garde sous Staline et Hitler) et subit harcelements et sévices. Le 20 février 1948 Lisa son ex-femme est condamnée à vingt ans de déportation pour espionnage !
Le compositeur essaie de rentrer dans les bonnes graces du pouvoir communiste et compose une symphonie correspondant aux critères communistes. Ils correspondent il faut le reconnaître au goût de la plupart des ignorants recherchant le joli et l'agréable. Plus de contrepoint, plus de dissonances (au propre comme au figuré) . Mais on obligea Prokofiev à recommencer le dernier mouvement pour luii imprimer un caractère plus brillant que la fin inhabituelle jugée trop discrète. C'est cette fin imposée que Valery Gergiev a donné en bis. Notons que des rangées de fauteuils vides étonnaient dans une salle jusque là archicomble. C'est le public éduqué et peu curieux qui boudait la musique trop facile.
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Saturday, 14 April 2007
Warhol est-il un fumiste?
Emmanuel Dyan me pose la question sous une autre forme. Warhol est-il un artiste important?
- Oui, très important.
- Aussi important que Picasso?
- Non, car un tableau de PIcasso est en soi une oeuvre méditée,travaillée, unique, organiquement constituée, tout en étant novatrice. Ue oeuvre de Warhol, vous secoue, elle vous fait voir la vie, l'image, la réalité d'une autre façon. Mais en soi elle n'est pas aussi forte qu'un Picasso, ou un Klee.
- Et Basquiat?
Marina Fedier qui est une fan de l'artiste intervient.
- Basquiat c'est très fort, plus que Warhol. Il émane de ses tableaux une énergie, une violence, une originalité dans l'expression et dans les formes, qui sont impressionnantes. Comme Bacon, ou Picasso. MAis pour les apprécier il faut voir les oeuvres elles-mêmes, et s'impregner de leur présence, les situer dans une rétrospective de l'artiste. Les reproductions ne donnent qu'une simple référence visuelle qui ne vaut qu'à condition d'avoir été exposés au tableau lui-même.
- Et Duchamp?
J'interviens à mon tour.
- Ce qui est important chez lui, c'est sa démarche. Je ne parle pas évidemment du Grand Verre ou du Nu descendant l'escalier qui sont des oeuvres classiques aujourd'hui. De même, Etant donné le gaz d'éclairage etc. représentant une scène érotique très mystérieuse qu'on ne peut voir que par le trou d'une serrure, annonce les installations du XXIe siècle.
Lorsqu'on considère La Divine comédie de Dante, ou encore Guernica de Picasso, on est en présence d'oeuvres autonomes, closes, tirant leur signification de leur organisation interne. En revanche ce que l'on vend dans les galeries de Matthew Barney: une photo encadrée de vaseline, un costume , des objets mystérieux et, ne peut être considéré que comme des fétiches, des fragments épars de l'oeuvre, un peu comme des ruines ou ces frises du Panthéon éclatées entre plusieurs musées. De même un tableau de Warhol ne représente rien si on ne le met pas dans son contexte. Dans le catalogue édité à l'occasion de l'exposition sur Los Angeles, à Beaubourg, on expliquait qu'un galériste avait commandé en dépôt-vente une série des Brillos de Warholl? Des caisses toutes identiques. Je crois qu'il y en avait une trentaine. Et voici que quelques tableaux sont vendus. Le galériste comprit que l'effet impressionnant de l'accumulation de ces cartons d'emballage, tous identiques, était détruit par l'absence d'un seul élément. Il finit par reprendre à son acheteur les tableaux vendus et à Warhol, il demanda des conditions de paiement pour le reste des cartons. C'est ainsi qu'on ne peut considérer une oeuvre isolée de l'artiste que comme un fragment. On ne peut juger Warhol que sur un ensemble assez vaste de pièces et de documents, reconstituant la démarche de l'artiste, et qui est très novatrice. Par ailleurs en voyant une matrice de Marilyn Monroe on s'aperçoit que l'artiste a calculé les rapports chromatiques d'une manière très subtile.
- Et Duchamp?
- Hans Richter qui était un des grands protagonistes de DADA et que j'ai assez bien connu, me disait en souriant que l'urinoir et le porte-bouteille, n'étaient que l'oeuvre d'un jour. Une fois le choc subi, le message compris, elle était anéantie, elle n'avait plus qu'une valeur de fétiche, de talisman, d'autographe. Par la suite l'éditeur Schwartz persuada l'artiste après la guerre de 39-45, de signer des répliques pour des collectionneurs et des musées. Duchamp accepta, mais il avoua qu'il avait envie de jeter les faux urinoirs à la tête des imbéciles qui les payaient à prix d'or. La jobardise atteint dans ce domaine des sommets et on peut affirmer que le message de Duchamp a été déformé d'une manière intentionnelle : c'est donc de la désinformation pure. Ce cas est intéressant car il nous conduit à nous intérroger le part de l'autosuggestion et de la stratégie marketing des musées et des galeries, dans le processus de l'art contemporain.
Note : Masterclass 3 a été complété aujourd'hui et traite de la bureaucratie à la française .
Voir la suite du journal, ci-dessous. Thème : Serendipity ou un argument en faveur de la zététique
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Sunday, 29 March 2009
CHRONIQUE
Première fondation
Il est difficile et pénible de bâtir dans un temps où les forteresses s'écroulent, les digues cèdent sous la poussée des flots aveugles, et les forêts flambent chassant les habitants terrorisés vers les plaines balayées par les vents hurlants. Non il ne s'agit pas d'une vision d'apocalypse mais du nouveau monde qui nous attend.
Ce billet ne concerne pas la situation internationale, je m'en suis déjà entretenu maintes fois avec vous, mais de la Première Fondation à UCCLE. Essayez d'imaginer ce que représente la mise sur pied d'une telle fondation en nageant à contre-courant. Nous devons toute notre reconnaissance à notre sponsor pour son soutien. Même si nous devons réduire la voilure l'important est de sauvegarder le futur. Marina a toutes les peines du monde pour aménager les lieux faute d'aide efficace pour l'aider en Belgique. Quant à moi on n'a pu me trouver un successeur. En revanche la collection Mingei destinée à devenir un des plus importants musées dans le monde voués aux arts populaires au Japon, progresse rapidement.Nous avons déjà acquis 75 pièces significatives et de la plus haute qualité, dont certaines particulièrement rares.
J'ai pensé qu'il vous serait favorable de jeter un coup d'oeil sur les lieux tels qu'ils sont aujourd'hui, non encore aménagés. C'est le but de ce billet et vous permettra de suivre l'avancement des travaux et des collections.
Voir la suite des photos dns le corps du billet
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Thursday, 30 August 2007
Voyage d'Hiver
Note : les trois billets de la série "Le samovar de Galina Zoubov", sont des exercices de décodage. Les poèmes commentés par l'assistance choisie par Zoubov, contiennent en fait des pièges, que vous découvrirez peut-être, car je me garde bien de les signaler. Plus tard, peut-être. Disons, que derrière l'information poétique et l'atmosphère post-romantique de ces textes, de cache une autre information qui n'est ni poétique, ni, encore moins, sentimentale. Pour ceux qui veulent aller plus loin, je signale Les Sonnets de Shakespeare, Le Chant de la Terre de Gustav Mahler dans la version de Klemperer (et à ne pas télécharger, car le son est important,ainsi que le livret bilingue), et La Flûte de Jade de Franz Toussaint, dans l'édition Piazza, épuisée, mais peut-être accessible sur Amazon ou ailleurs dans le Net. Cherchez Google.
JOHN ABELL
I. Prologue
Cette nuit, j'ai joué ma dernière partie et j'ai perdu. Je contemple les nuits perdues auprès de toi et pleure mes premières larmes adultes. Tu m'as blessé et je ne pouvais me justifier tant tu croyais comprendre. Cette nuit, je cède. Non. Je lutte en cette heure de mon dernier combat. Des perspectives lointaines traversées par de grands vents hurlants m’apparaissent. Déchiré, mutilé, ne sachant où aller, je sors anéanti de notre dernière rencontre, et tu croyais donner! Qu'adviendra-t-il de ma pensée, jadis close et compacte?
La jeunesse ne m'a pas été douce.
Continuer à lire "Le samovar de Galina Zoubov III"
Saturday, 31 March 2007
Le grain du génie (Suite)
Une visite au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
En me rapprochant d'un tableau de Braque de la période fauve, assez près pour soulever l'inquiétude du gardien, j'ai découvert une extraordinaire palette de teintes quasi miraculeuses, dont la combinaison d'une originalité stupéfiante changeait d'une touche à l'autre. Chaque centimètre carré dévoilait un tableau abstrait dont la richesse de coloris ne le cédait en rien aux plus subtiles aquarelles de Klee, aux toiles bibliques vibrantes d'une sourde luminescence intérieure, vitrail phorphorescent.
Dès que l'on s'éloignait, les diaprures disparaissaient, le paysage gagnait en unité, en naturel, il paraissait presque évident. D'une évidence aveuglante : passez, il n'y a rien à voir! C'est ce que faisaient les visiteurs après avoir lu d'un air distrait l'étiquette. Il ne faut pas croire qu'une telle richesse microscopique soit naturelle. Bien des peintures avoisinantes de maître célèbres : un Delaunay à droite, un Derain à gauche, n'avaient pas cette conjonction improbables de nuances antagonistes. Elles plaquaient des accords parfaits : des rouges avec des verts, des bleus et des jaunes. Les teintes étaient à la fois franches et uniformes dans leur "contraste simultané". Un équivalent me vient à l'esprit : la différence entre une étude de Chopin et une paraphrase de Liszt. Vues de loin, les gammes chromatiques descendantes semblent identiques : des fusées éblouissantes de tons adjacents qui de marche en marche descendent le spectre des tonalités. Mais prenez une loupe temporelle et jouez très, très lentement, les deux gammes descendantes. Bien que la ligne de crête soit identique (la gamme chromatique descendante) et c'est celle qu'on entend à première audition, chez Liszt, les notes intermédiaires sont d'une monotonie mécanique, alors que chez Chopin, elles sont d'une variété et d'une complexité confondantes. Ainsi que je l'ai écrit plus haut, tout va trop vite pour qu'on puisse entendre la différence, cela fait le même effet dans une salle de concert, mais quel travail pour le compositeur, l'interprète, le public attentif ! Cela en vaut-il la peine? On peut en dire autant des successions d'accords de Debussy d'une subtilité qui dépasse les possibilités d'analyse de l'oreille.
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