Art contemporain
Saturday, 20 October 2007
Le plus californien des artistes conceptuels
En attendant une rencontre avec un génie créateur
Je connaissais Baldessari par les ouvrages sur l'art conceptuel, où il se situe dans la lignée qui va de Duchamp, à Joseph Beuys, Kosuth, et à Neumann pour ne citer que les plus grands. Puis j'ai admiré ses collages de photos lors de l'axposition Los Angeles- Paris, à Beaubourg.
Je laisse le soin à Frédéric Bonnet de vous expliquer sa démarche, je me bornerai à vous relater mes impressions d'ahurissement devant certaines provocations apparentes, de celles qui défient les grandes personnes de répondre aux enfants qui disent : c'est de l'art?
Le premier vidéogramme exposé à Beaubourg, montre l'artiste en train d'apprendre l'alphabet à une plante verte. Cela n'est pas sans rappeler les leçons d'esthétique de Beuys à un lièvre mort. Où est la novation?
On trouve dans les libraires des musées d'Art Moderne un DVD de Baltessari contenant trois propositions conceptuelles. Dans la première, l'artiste tient d'une main un thermomètre, de l'autre un sablier. Pendant que l'un monte l'autre descend, parfaitement synchronisés. J'ai essayé l'explication suivante : le passage du temps coïncide avec l'élévation de l'entropie, donc de la température. L'identité entre les deux concepts est rendue physiquement visible dans le DVD d'autant plus que le spectateur ressent physiquement l'écoulement du temps. Il n'est pas contestable, que cette installation procure une sensation nouvelle.
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Monday, 15 October 2007
L'art chez les (très) riches
Suggestion ou autosuggestion?
Frédéric Bonnet débarque de Mexico, tout excité. Il a fait l'inventaire d'une des plus importantes collections d'art contemporain du pays afin d'en choisir les meilleures pièces pour monter une exposition qui fera date. Le collectionneur est l'héritier d'une fabrique de jus de fruits, dont je suppose celui de la passion. Il habite Los Angélès dont il ne bouge pas, alors que le gros des oeuvres et dans ce pays qu'il évite pour des raisons de sécurité. Son ambition : constituer une collection qui compte dans le monde, à l'exemple de Pinault, d'Arnaud pour ne citer que les deux seuls mécènes Français.
La collection comprend trois cent pièces majeures, ce qui est suffisant en effet pour attirer un public de connaisseurs. Le reste est constitué de 1700 oeuvres sans qualité, dont une majorité d'horreurs. Par ailleurs la sélection a été établie dans le désordre total, sans aucun plan muséal ou pédagogique. Le mécène a acheté au nez, à l'inspiration, d'après des propositions filtrées par sa directrice qui n' apparemment aucune initiative. Le pire du pire est mexicain et correspond sans doute au goût inavoué du mécène pour ce qu'il est capable de comprendre. Le médiocre vient des galéristes qui font la cour au bonhomme, et profitent de son ignorance pour lui fourguer des oeuvres secondaires de grands noms. Le choix du mauvais vient de la mode, d'artistes dont le look et le chic tiennent lieu de génie. Ceux qu'un très riche doit avoir dans sa collection. Il y avait Clemente naguère à New York, il y a Murakami partout.
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Monday, 17 September 2007
Art d'évasion, art d'élévation (suite)
Les messagers de Messager
Il vous reste à peine huit heures pour vous précipiter à l'exposition d'Annette Messager! Débrouillez-vous si vous habitez dans la région parisienne, annulez des rendez-vous, pretextez une forte migraine ou la grippe aviaire, peu importe, mais allez-y. Car vous n'aurez pas l'occasion de sitôt de vous retrouver dans un tel univers de cauchemar!
Frédéric Bonnet m'avait averti, il s'agit d'une exposition splendide qui eût mérité mieux que l'aile sud de Beaubourg. Par ailleurs j'avais visionné le DVD où l'artiste explique son parcours, sa technique, son propos. Et je connaissais plusieurs de ses oeuvres pour les avoir vu dans des musées. Mais, Marina Fédier qui m'accompagnait a raison lorsqu'elle dit que la seule manière de connaître l'oeuvre d'un artiste, est d'assister à une grande exposition et autant que possible, une rétrospective. Et, compléter par la lecture de ses entretiens et si possible lui parler, visiter son atelier. Les oeuvres isolées de Massager prenaient un relief saisissant, intégrée dans un ensemble cohérent et aussi vaste que celui-ci. En lisant Bonnet j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une petite exposition tenant en deux salles, alors qu'il s'agit d'un ensemble d'installations immense, exigeant une heure pour son survol rapide et bien plus pour son approfondissement. Tout ce que je puis faire, n'ayant ni le talent ni les connaissances de Bonnet, c'est de vous communiquer mes impressions brutes, des connotations personnelles suscitées par ces objets monstrueux, sans cesse en mouvement et animés d'une pulsation nocturne, mystérieuse.
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Sunday, 16 September 2007
Art d'évasion et art d'élévation
Grace Kelly, Hitchcock et Annette Messager
On a beau tolérer les passerelles, on se demande quel rapport il est possible d'établir entre le documentaire sur la vie de la Princesse de Monaco à l'occasion du vingtcinquième anniversaire de sa mort, et l'exposition "Les Messagers" déjà commentée par Frédéric Bonnet et dont j'avais promis de livrer mes réactions; Mais le rapport existe, il faut oser le voir. Osons.
Le parcours d'une princesse
L'information : le bonheur, l'information derrière l'information : le vide.
C'est un vrai conte de fées que nous donnait à voir Arte avant-hier : les quatre chapitres d'une vie d'exception prématurément tronquée.
1. La naissance et la jeunesse protégée, dans une famille quelque peu puritaine et richissime.
2. L'évasion et la carrière de star. Mais quelle star : non pas une actrice mimant le comportement d'une princesse, mais une jeune fille qui pouvait en remontrer aux vraies princesses, sous l'angle de la dignité, de la discrétion un peu froide, de l'élégance, de la beauté, du charme, de l'intelligence et des bonnes manières, avec cette simplicité intimidante qui est la marque des vraies âmes artistocratiques. La rencontre avec Hitchcock permit à toutes ces qualités exceptionnelles d'atteindre leur apogée avec en prime un humour irresistible. Fenêtre sur Cour, la main au collet, sont des chefs'd'oeuvre de raffinement.
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Monday, 10 September 2007
Annette Messager. Les Messagers
Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 17 septembre
L’exposition d’Annette Messager qui se tient au Centre Pompidou est un formidable événement. Si l’on ne l’a pas encore vue, il faut y courir avant la fermeture.
Il est toutefois regrettable qu’une œuvre d’une telle ampleur ait dû se contenter des galeries sud du Centre Pompidou, alors qu’elle aurait plus qu’amplement mérité une grande rétrospective au 6e étage !
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
La présentation concentre les principales préoccupations d’une artiste partie d’un questionnement sur l’identité féminine à travers l’exploration des univers stéréotypés, à des œuvres beaucoup plus graves, macabres voire cruelles, tels ces animaux hybrides, sur les corps empaillés desquels sont greffées des têtes de peluches.
Ne négligeant pas une certaine théâtralité, en parfaite adéquation avec l’univers sombre qui caractérise son œuvre, Annette Messager s’est depuis deux décennies lancée dans de grandes installations, où souvent l’ambigu règne en maître. Organes et morceaux de corps en suspension y sont légion, provoquant des visions parfois troublantes et toujours empreintes d’un très fort impact.
Articulés-Désarticulés, 2001-02
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Je reproduis ci-dessous le texte d’un entretien réalisé avec l’artiste en 2005, quelques semaines avant la Biennale de Venise où elle obtint le Lion d’Or avec la Pavillon français.
Des méandres et des recoins
On a connu Annette Messager Truqueuse, Collectionneuse, Amoureuse… à la faveur d’œuvres de jeunesse où ses « albums-collections » rassemblaient des constats acides et lucides sur la condition féminine et ses désirs. On a vu des fragments corporels raconter des histoires. On a traversé des « forêts » de peluches et d’animaux métamorphosés. On a visité des organes disproportionnés… Les atmosphères sont toujours étranges, parfois inquiétantes. Comme si un théâtre d’ombres nous dévoilait soudain sensations et sentiments enfouis ou occultés.
Lancée depuis toujours dans une recherche de l’être via la prospection de l’intime, Annette Messager use d’une veine toute personnelle, à la fois fantastique et attractive, qui ouvre une porte sur les dérèglements du monde et les arbitraires de la peur.
Elle est aujourd’hui, en 2005, la première femme à représenter la France à la Biennale de Venise, la plus prestigieuse des biennales d’art contemporain ! À la veille de l’ouverture, retour sur un parcours fort et prégnant, parce que troublant et cohérent.
Pour quelles raisons la question de l’intimité, de l’exploration de l’être au plus profond, traverse-t-elle sans relache l’ensemble de votre œuvre ?
Il n’était pas si évident d’être une jeune femme artiste dans les années 70 en France, et je n’avais pas de référence de cet ordre. Je me posais beaucoup de questions. J’ai donc essayé d’interroger les autres, ma culture, mon environnement, les journaux, pour voir comment on définissait une jeune femme de l’époque. Et souvent, assez ironiquement, j’ai pris le sens inverse, j’ai joué en fait. Il était plus facile de parler de son intime, de son quotidien, en littérature que dans les arts plastiques. J’ai essayé de le faire tout en jouant complètement sur le faux : ce n’est jamais moi mais en même temps c’est moi. Je me suis dit « je vais me donner de multiples personnalités, de multiples identités, m’inventer des hommes que j’aime, une vie tout à fait normale de jeune femme. » J’étais peut-être plus femme dans mon travail que dans ma vie. J’ai commencé à dire « je », « moi », « mes ». J’ai beaucoup employé le possessif, d’une manière très agacante. J’ai tout fait pour être agacante.
Cherchiez-vous à créer un ou des personnages ?
Les femmes sont multiples et ont peut-être plus de choses dans la tête : le travail, la vie amoureuse, les amis, la cuisine… Je me disais qu’Annette Messager était tout à la fois une midinette, quelqu’un qui veut être artiste, qui veut séduire… Je disais que je voulais être belle et rebelle plutôt que moche et remoche !
Vous situiez-vous dans une perspective féministe, et notamment dans la dénonciation de la violence sociale faite aux femmes ?
J’ai toujours été dans la dénonciation très souterraine. Je préfère prendre le problème à l’envers et par en-dessous plutôt que de dénoncer brutalement.
Au regard de votre carrière, avec des rendez-vous prestigieux à l’étranger comme la Documenta ou une exposition personnelle au MoMA, êtes-vous satisfaite d’être devenue artiste ?
Je pense n’avoir pas trop trahi mes désirs de jeunesse, et je crois avoir toujours été libre. J’ai la chance extraordinaire de faire ce que je veux, de continuer. Cette liberté est formidable dans une vie. Je ne vais pas m’en plaindre ni me plaindre que préparer la Biennale de Venise c’est lourd. Oui c’est lourd, mais en même temps c’est amusant. Il faut prendre les choses avec un peu de légèreté.
Venise est un enjeu important.
Une exposition est toujours un enjeu. Il est vrai que Venise c’est lourd parce qu’on sait que ce sera très vu. Parfois c’est dans de petites expositions, où il y a peu de moyens, qu’une sorte de légèreté et de magie s’opèrent.
Beaucoup de votre travail est lisible par le biais du conte, de la fable, du récit. C’est pour raconter des histoires ?
J’aime bien me raconter des histoires. J’aime les clichés, les proverbes. Les histoires d’enfants c’est monstrueux. Psychanalytiquement il y a toute notre société dans les contes de fées. Cela m’a toujours intéressée et c’est souvent un point de départ. Pour Venise c’est la même chose, je prends un petit héros légendaire et puis je fais mon histoire. Et pour ce faire je cherche une forme à moi, qui colle avec ce qu’on est, à notre époque. La forme pour la forme m’importe peu. Ce sont nos histoires, nos peurs, nos angoisses qui m’intéressent.
Il y a chez vous beaucoup de méandres et de recoins.
Oui j’aime beaucoup les labyrinthes, je ne suis pas du tout linéaire. Je ne m’en rends même pas compte, mais je sais que je n’aime pas les accès directs. J’aime les endroits un peu cachés, sombres, pas la forte lumière. Je suis dans les choses un peu souterraines, occultées, à ressorts.
Vous tendez aussi vers un aspect un peu fantastique.
Oui, nous avons tous en nous un côté noir.
Vous cultivez ce côté-là ou ressort-il spontanément ?
Non il ressort comme ça. Peut-être qu’en vieillissant ça s’accentue. Je trouve que le monde va très mal, mais si je ne voyais que ce côté dans l’humain je ne ferais rien.
Pensez-vous qu’on puisse aborder notre vie d’humain via la métamorphose ?
Nous entrons dans une époque de plus en plus post-humaine et je m’intéresse justement beaucoup à l’aspect métamorphose. On peut tout se changer physiquement, se changer les organes… Et tout cela est irréversible. Il y a peut-être déjà des clonages humains. C’est passionnant mais effrayant car un nouvel être humain est en train de se constituer.
C’est ce qui vous a conduite à explorer le revers monstrueux du corps dans vos pièces où il est éclaté, les organes détricotés ou suspendus ?
Mais le corps est monstrueux. Le corps, les organes… on ne veut pas savoir ce qui se passe à l’intérieur. Pourtant j’aime beaucoup les monstres, parce que le monstre est peut-être ce qu’il y a de plus humain. Frankenstein est fabriqué de toutes pièces. Il est à la fois gentil, balourd, maladroit. C’est une pauvre chose simulacre de nous-mêmes.
Diriez-vous que votre travail est devenu plus grave au fil du temps ?
Vous n’avez pas tort en disant qu’il est devenu plus grave mais en même temps il est devenu plus ludique, justement en jouant plus avec des choses graves. Le ludique permet de faire passer plus facilement des choses difficiles.
De toute façon on joue beaucoup à cache-cache dans votre œuvre.
Oui, car je pense que les choses cachées sont ce qu’on a le plus envie de voir. On est toujours attiré par ce qu’on ne peut pas voir ou qui est défendu.
Vous avez envie de montrer des choses défendues ?
C’est ce qui m’intéresse le plus.
Chimères, 1982-84
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Sunday, 29 July 2007
Conversations avec un génie
Henri Dutilleux (voyez Wikipédia) est sans conteste le plus grand compositeur français actuel, avec Pierre Boulez et Olivier Messiaen. Des chefs d'orchestre mythiques comme Valery Gergiev, pensent même qu'il est peut-être le plus grand compositeur vivant de la planète. Il est honoré dans tous les pays, et même la France l'a décoré de sa plus haute dignité : la grande croix de la légion d'honneur. Et pourtant le grand public n'a jamais entendu mentionner son nom et les mélomanes avisés, seraient bien incapables de se familiariser avec son oeuvre particulièrement subtile.
Le 26 octobre 2007 l'orchestre du Mariienski de Saint Petersbourg donne un concert consacré à des compositeurs français et russes. Côté français, Debussy et Dutilleux, côté russe Moussorgsky. Outre l'aspect musical du concert qui se tiendra dans la chapelle royale de Versailles, on notera la volonté de rapprocher la culture russe et la culture française, étroitement entremêlées jadis et que les vicissitudes de la politique ont contaminées. Le Président de la République a tenu à honorer à cette occasion notre gloire nationale. Cela nous changera de Johhny Halliday et de Mireille Mathieu.
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