L'Entretien
Thursday, 2 August 2007
Cinquième livraison
Le dernier talisman
Séquence 218 de l'Entretien, suite. p.1620 du vol.XXV
Il fut aussitôt arrêté par le tenace vieillard, qui en l’agrippant cette fois par le pan de la chemise qui débordait du jean, l’apostropha en ces termes :
- Ecoutez-moi patiemment, Monsieur, (il avait repris son vouvoiement et son ton était empreint de respect), si l’objet que je me propose de vous montrer à présent ne vous tente pas, il est à vous ! Je suis persuadé que vous êtes homme d’honneur et que vous ne simulerez pas l’indifférence pour vous l’approprier indûment.
Excédé, mais curieux, se maudissant de céder au racolage de ce bonimenteur de foire, Lars suivit l’homme au fond d’un réduit, situé à droite de l’arrière boutique. La fille et le gérant étaient restés à l’écart, le cagibi étant trop exigu pour que tous s’y tiennent.
Quand le garçon émergea du réduit, son visage était bouleversé. – Qu’est-ce que cela? murmura-t-il, il me le faut !
- Je vous ai tenté, il vous faut donc négocier, répondit calmement le personnage pâle, ses yeux perçants rivés sur le suédois comme ceux d’un faucon.
- Combien vaut-il ?
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Wednesday, 1 August 2007
Troisième livraison
Avertissement. Nous rappelons aux internautes qui veulent suivre le feuilleton des Nuits d'aôut, qu'ils doivent remonter au début de l'intrigue, c'est à dire à la première livraison. C'est la loi du blog, et on n'y peut rien. Pour accéder directement au début du feuilleton cliquez ici♦♦♦et remontez par la suite à la livraison suivante.
Séquence 216 de l’Entretien
Talismans
Le premier de ces objets est vraiment exceptionnel, commença l’étrange personnage en dépliant soigneusement un drap de feutre mauve. Apparut alors une pièce de drap d’or, mi tunique, mi suaire. Sa texture était indéfinissable et chatoyante. Formée de brins assez épais entrelacés, sorte de cotte de mailles irisée. Les ors vert, jaune citron, or jaune, or rouge, or bleu et or noir, formaient des figures changeant au moindre courant d’air, à la plus infime variation lumineuse. Mais le plus surprenant était à venir : en bougeant les mailles frottaient les unes contre les autres en émettant un rire argentin, comme les écailles du crotale dressé. En agitant la cotte de mailles, le son s’amplifiait, s’approfondissait, elle émettait des résonances aiguës indéfinissables … puis parfois un bruit d’eau, un tonnerre lointain… Rien de tout cela n’était vraiment bruyant, ça le paraissait seulement, était-ce l’envoûtement causé par ces sons surprenants, modulés et variés à l’infini ?
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Tuesday, 31 July 2007
Deuxième livraison
La découverte
Séquence 214 de L'Entretien
Pour lui être agréable et lui témoigner sa reconnaissance, car s’il était cruel, il n’était pas mufle, et aussi par lassitude, il la suivit dans la boutique de joaillerie. Partout de fines chaînettes, des petits cœurs, de minuscules médailles pendaient derrière une vitrine plate. Ils étaient en or disait la pancarte. 9 carats, songea Lars. Sur les présentoirs, à portée de main, d’énormes chaînes dorées, de lourds pendentifs, des colliers d’émeraude, des bracelets de rubis. De la verroterie.
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Monday, 30 July 2007
Première livraison
ERRANCE
Séquence 212 de L'Entretien
Le jeune homme errait sans but sur la grève déserte. Il songeait à son père avec qui il avait si souvent sillonné les plages du côté d’Angelholm et les sombres forêts de l’arrière pays. Il avait été assassiné par le clan des informaticiens de Minsk.
Il le supposait du moins, car chaque fois qu’il essayait de glaner des informations, les regards fuyaient, les conversations sortaient de leurs cours, les propos déviaient, comme choqués par une indécence. On le consolait hypocritement. Ses demi-frères étaient mariés et ne pardonnaient pas à leur père ce rejeton tardif qui les privait d’un tiers d’héritage et d’autant d’affection.
C’est qu’il était le préféré du puissant chef de la dynastie des Hall-Bentzinger. Venu bien tard mais d’autant plus désiré par la deuxième épouse de Lars Hall. Elle mourut empoisonnée par Helmwige, la marâtre, celle qui tenait les cordons de la bourse. Elle était assurée de l’impunité : enquête bâclée, boucs émissaires, l’affaire fut classée. Le cœur du garçon brûlait de haine rentrée. On lui avait enlevé sa mère, puis son père. Plus tard, il le savait, ce serait son tour. Un événement fortuit : un accident ou une rixe qui aurait mal tourné.
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Sunday, 29 July 2007
5 XII a. Banlieue. La ville est déserte sous une chape de plomb,je parcours sans but une voie vers une campagne inaccessible.
CHANT DE L’ACIER
Cette rue, précédée d'autres semblables, débouche sur sa réplique à l'identique. L'asphalte luit, fleuve réverbérant bordé de façades aveugles.
Un arbre presque vivant, quelques plantes en pot, soulignent l'abdication de la nature.
Derrière un hangar délabré se cache une venelle. L'impasse mène à un jardin encombré d'un tilleul et mangé par des herbes malsaines.
Protégé par les hautes grilles, on surprend un pavillon vétuste aux persiennes closes. Seule une fenêtre est ouverte au premier étage. Un chant nostalgique m'étreint.
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4 Le fils et son père
SÉQUENCE IX de L'Entretien
Deux ombres à cheval. Le ciel strié de rouges horizontales. La mer verte et noire, si froide, bat et palpite contre la falaise comme les flancs d'un poulpe échoué sur la grève. Les coquillages se sont tus, douceur d'algue pourrie.
CHANT DU GUETTEUR, voix rauque et sourde.
J'aimais chevaucher pendant de longues heures avec mon père, avant que celui-ci ne fût brisé en combat. Il nous arrivait d'aller très loin du côté d'Angelholm et de revenir tard dans la nuit, lune couchée et nos vêtements lourds de la sueur des forêts.Le retour n'était pas gai. Trop fatigués pour manger, nous nous couchions après nous être débarrassés de nos vêtements.
Je n'ai plus trouvé depuis de meilleur camarade que mon père. J'avais seize ans lors des derniers jours qu'il passa avec moi et il paraissait si jeune qu'on nous prenait pour de frères.
Il était mince, blond et plutôt frêle, mais son intelligence était prodigieuse et il me contait des choses extraordinaires, comme ces étoiles mortes qui brillent encore pour nous. Le crépuscule de notre dernière promenade luit encore dans mon souvenir ébloui.
Moi, j'étais robuste et père disait que je serais un fier lutteur et un rude amant aussi. Il était discret et ne me parla qu'une fois de ses aventures.
À cette époque je couchais avec une appétissante créature toute en fraîches rondeurs. Mais elle était stupide, sans cette naïve innocence des bêtes. Je m'en lassai bientôt ainsi que d'autres que je connus depuis. Lorsque je les étreins, elles se raidissent en des poses affectées, leurs cris de jouissance me paraissent feints.
Au sortir de ce bain d'anéantissement, je sombre dans celui du sommeil sans rêves... ou, si c'est le matin, je cours me plonger dans la mer toute noire.
Les yeux ouverts sur le passé, je songe à mon père et ne puis pleurer. Lointaine me parvient une voix déçue : à quoi penses-tu? Tu es froid, tu n'es pas gentil, viens contre moi. Et j'obéis.
J'erre de fantôme en fantôme. Dissiper le cauchemar, briser les murailles qui m'emprisonnent, l'armure qui m'enserre, donner sens à mon existence, mourir pour une noble cause. Je suis seul, faible, nu et affamé. Gare à qui se tient sur mon chemin. Je l'anéantirai ou qu'il me tue!
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