Musique et drame
Monday, 8 June 2009
CHRONIQUE
NOUVEAU REGARD SUR BEETHOVEN
Je viens d'arriver à Paris sous une pluie battante. Il était temps de quitter Deauville, le temps que cela se remette au beau. J'ai téléphoné au Professeur Pol qui ne répond pas. Cela me donne au moins un sursis mental, j'ai tellement l'illusion d'être en parfaite santé, que cela en est troublant, oeil du cyclone. Socrate m'a appelé comme chaque jour. Kimyasu Tatsuno, le conservateur de l'ex-musée du stylo, me poursuit avec les détails des transactions. C'est un compliqué, un tatillon sans précision et je n'ai pas besoin de cela en ce moment.
Je me suis précipité sur ma chaîne et j'ai écouté l'op 127, (le XIIème quatuor) et j'ai été rassuré sur l'état de mes oreilles. C'était mon coucou de Deauville qui trahissait la musique, et je ne crois pas que le quatuor Végh améliorât la clarté de l'audition. J'ai trouvé à Paris, traînant dans ma discothèque, une excellente édition des derniers quatuors, que je vous recommande. Elle est prise live par le quatuor Berg, l'héritier de la tradition allemande fondée par Schuppanzig qui créa la majeure partie des quatuors de Beethoven.
Il faut cependant avouer, que l'extrême complexité de la tessiture polyphonique, rend bien difficile l'écoute du thème du dernier mouvement, celui qui rappelle la IXème Symphonie. Cette troisième manière de Beethoven, d'où toute prise en compte des possibilités des instrumentistes et des choeurs est absente, le compositeur, muré dans sa solitude, est obligé de concevoir mentalement ses structures et de les projeter dans le futur; La logique l'emporte sur la qualité sonore, et les artistes subissent sa loi cruelle de laquelle ils sont étrangers. Des œuvres inhumaines verront le jour, dont la dernière sonate. Dans celle-ci on trouve des passages incompréhensibles, même pour Arthur Schnabel qui se contente pour toute remarque de répondre par un point d'exclamation, pour tout commentaire. Je pense notamment à des accents non compris au premier mouvement, mais surtout au battement oscillant à période variable. Les octaves vibrantes sont regroupées en cellules d'une longueur qui semble arbitraire et dont nul ne connnaît la signification.
Toutes ces considérations m'ont donné envie de rejouer la Sonate op.111, que j'ai interprété pendant deux décennies. Je me suis trouvé engagé dans un combat de titans. Il faut en dépit de de la rage qui déferle, garder le contrôle de la polyphonie à trois voix. Je ne m'étais jamais senti partie prenante, comme lors de cette dernière approche. J'enrage cependant car mes doigts peinent à se souvenir de tous les détails, et c'est la pulpe des doigts, et non la vue de la partition, ni l'oreille, qui détiennent le souvenir.
Friday, 5 June 2009
CHRONIQUE
EN ÉCOUTANT LE DERNIER QUATUOR
Vous avez deviné, c'est au dernier quatuor Op.135 de Beethoven que je fais allusion, celui qui annonce déjà la Xème Symphonie.
Je vous convie à l'écouter avec moi ce soir.
Pourquoi, contrairement à mes principes qui exigent que l'on procède par ordre chronologique, l'op 106, la terrible Hammerklavier ne prenant son sens qu'à la suite de l'Appassionata Op.57 par exemple, pourquoi commencer le massif imposant des quatuors qui balayent toute la carrière de Beethoven, par le tout dernier?
C'est tout simplement parce que c'est le premier. Le premier non pas d'un nouveau style, d'une nouvelle manière de Beethoven mais d'un compositeur inconnu dont a accouché le Beethoven que nous connaissons. Appelons-le Beethoven II. On peut à la rigueur reconnaître l'influence de Beethoven I dont il est l'héritier, mais pas davantage que celle de Haydn pour la Sonate Pathétique. Toute influence sera radicalement balayée avec ce que nous savons de la Xème Symphonie (Le CD indispensable dirigé par Wynn Morris).
Oubliez donc tout ce qui a précédé ce quatuor, puisque rien ne l'a précédé. Oubliez tout et ouvrez votre coeur et vos oreilles. "Que du coeur cela aille au coeur" écrivait Beethoven à propos de la "Missa Solemnis", mais le message émotionnel, subjectif, personnel du compositeur à l'auditeur, était véhiculé par une musique dont la volonté d'expression était affirmée, qui se lamentait, se révoltait, qui explosait triomphalement. Rien de tel dans ce quatuor 0 : aucune volonté d'expression, tout "sottovoce", lisse, introverti, avec de soudains cris d'angoisse fff, vite réprimés, et une fin dansante comme le "Printemps" de Botticcelli de quelques mesures qui prend son vol avant d'être tranché net. Mes chers amis, Beethoven, qui comme je vous l’ai déjà écrit est le e prédécesseur antagoniste du premier quatuor de Beethoven II, l’héritier du compositeur qui nous est familier.
A Deauville j’ai déniché dans un placard l’intégrale par le quatuor Végh, chez Valois-Auvidis, réalisé de 1972 à 1974 à La Chaux-de-fonds en Suisse. Ma chaine est un vieux coucou d’il y a trente ans, hérissé de réglages compliqués et de cadrans luminescents, très à la mode en ce temps-là et flanqué de deux boites à chaussures pompeusement dénommées Hauts-Parleurs, qui ne parvient pas à tomber en panne . Elle s’accroche à la vie, ma chaîne, elle ne veut pas être jetée au rebut !.
Pour autant que je puisse juger l’exécution des Végh m’a semblé confuse, brouillonne, bien inférieure à celle du quatuor Amadeus, dont j’ai conservé un souvenir impérissable. Evidemment Kolich ou à défaut Juillard sont la référence, mais est-il possible de se les procurer ?
En écoutant les effluves nostalgiques , tantôt désespérés à l’étouffée, tantôt d’une joie , ambiguë interrompus par des clameurs déchirantes, cris inhumains de bête blessée, je faillis pleurer malgré que j’en aie. Sandrine me manqua affreusement, la seule avec qui je puis partager pleinement la découverte de la beauté à l’état naissant. Elle part pour prendre des vacances pleinement méritées, mais sans elle je me sens si seul, si démuni. Ma sœur vit beaucoup plus durement que moi sa solitude. Elle est tournée vers les autres, les relations authentiques, le dialogue sur un plan spirituel élevé. Au bout de je ne sais combien d’efforts, Arnaud Mulliez au téléphone m’a enseigné à établir sur word le texte que je vous destinais et que j’ai dû recommencer en pure perte, au moins quatre fois. Il m’a appris comment effectuer mon copier coller, et ce n’était guère aisé avec un nul, réfractaire aux délices des logiciels contemporains.
Hier soir, vous confié-je, entre chien et loup, lorsque les silhouettes noires des villas normande se découpent en ombres sur un ciel d’une luminosité à la Magritte, j’écoutai le dernier quatuor de Beethoven. et j’ai relu le texte perspicace de Brigitte Massin qui a su entrevoir le côté prophétique, novateur, et il faut bien le dire « anormal » de cette œuvre généralement considérée avec condescendance comme une forme de lassitude pour le genre où le maître a excellé, ou encore un épuisement des forces créatives.
Il est effectivement intéressant de comparer un monument comme la Symphonie avec Chœurs et une miniature comme la dernière œuvre du compositeur. Tout dépend de quelle manière on la perçoit. La réaction première, encore plus marquée lorsqu’on la compare à l’autre pour chœur dont il ne subsiste que des lambeaux est la déception. Mais la réaction perspicace est au contraire la surprise, la stupéfaction d'une technique, d'une vision, d'une conception de la musique, opposées, pis encore, étrangères l'une à l'autre.
Sunday, 31 May 2009
CHRONIQUE
SOUVENIRS EPARS
I. Si j'ai modifié le parcours de l'internaute désireux d'accéder au royaume merveilleux de la musique, c'est que j'ai craint qu'un apprentissage trop austère risquait de fatiguer le débutant et le décourager. A ce propos permettez moi d'évoquer mes glorieux débuts.
Jours d'enfance, la mort en suspens
Mon enfance fut handicapée par une forme grave de rhumatismes aigus qui nous faisait craindre la maladie de Bouillot qui frappait les enfants au deuil de l'adolescence, quinze ans. Mon voisin de palier mourut peu après avoir dépassé la date fatidique. Une autre limitation, était la menace que faisait peser sur nous l'occupation allemande. Si ma mère était italienne, fille d'un médecin-commandant très connu, mon père était issu d'une famille de génois émigrés à Tunis depuis deux générations et très intégrés au milieu juif tunisien. Moi même j'étais élevé par une cuisinière, Grazia et une femme de chambre Lucia, toutes deux siciliennes et dévotes. Elles me convertirent à la religion catholique que j'embrassai avec passion,ne manquant jamais mes trois prières par jour; et plus tard, grenouille bénitier. Le résultat de ce double concours de circonstances fut la quasi interdiction de quitter le 23, rue de Strasbourg, et l'administration massive de salicylate de soude, paillettes nacrées, depuis remplacées par la cortisone, et qui le dévastèrent les intestins durablement. Je me réfugeai, ainsi coupé de tout, dans un monde imaginaire, celui des grands auteurs. Au 23, rue de Strasbourg, immeuble qui appartenait à Maître Albert Bessis, l'homme le plus riche de Tunisie marié avec Pia, la soeur de ma mère, je bénéficiai de deux bbliothèques, celle du 4ème étage où habitait ma famille, celle, somptueuse, en acajou de Cuba abritant un Pleyel à queue en un même acajou.
Si la littérature était à l'honneur, en revanche la musique était, par la force des choses réduites à la portion congrue. Deux sources m'en permirent l'accès.
Mon père lors de son mariage se vit offrir un meuble majestueux de style gothique, un Atwater Kent qui cumulait électrophone et radio. Par la même occasion, il acheta d'occasion des 78 tours dépareillés. Ce trésor comprenait : le beau Danube Bleu, Granados, deux études de Chopin par Lortat, et les huit premières minutes du dernier mouvement de la IXème Symphonie de Beethoven, dirigée par Albert Coates. Ces disques avaient 30cm de diamètre, ceux de la musique classique. On les appelait les "grands disques", ( I grandi dischi, car nous parlions italien à la maison) et on les rangeait soigneusement dans une commode rococo de style vénitien, dans le salon aux lourdes tentures qui deux fois par an servait à recevoir des "visites" et le reste du temps restait fermé, baignant pendant les journées ensoleillées dans une douce pénombre.
Ne pouvant les écouter, faute d'appareil adéquat, j'en admirai les étiquettes : le Chien de la Voix de son Maître, étiquettes rouges, et exceptionnellement vert anglais, les deux croches sur fond bleu de la Columbia, le grand concurrent, la coupole d'Odéon, et bien d'autres, pittoresques, modern style ou art déco. Il y avait aussi, méprisés et réservées aux enfants, les 25 cm, au titre joyeux : comme "Simone est comme ça, on ne la changera pas.
Je finis par trouver un subterfuge pour pallier l'absence de gramophone. Je confectionnai un cornet de papier, fixé à une vieille aiguille usée que je maintenais d'une main sur le sillon du disque, pendant que de l'autre je tournais le plateau. Il sortait de ce grésillement, des fantômes de mélodies que j'essayai avidement de capter.
Le PIERRE LAROUSSE du XIXème Siècle
II L'autre source était le Grand Dictionnaire du XIXème siècle Pierre Larousse, en 22 volumes. Il contenait une mine de renseignements et des extraits sommaires des mélodies les plus illustres, celles de Rossini, de Mayerbeer, (Robert le diable), d'Auber (Fra Diavolo, que j'adorais), de Donizetti, de Gretry, de Thomas, bref, ceux qui sont gravés au fronton de l'Opéra Garnier.Chopin n'avait pas bonne presse un pianiste anémié, chrolotique. On lui préférait Liszt le flamboyant (le 2ème rhapsodie Hongroise) ou Paganini, le diable fait violonistte.
La bataille faisait rage entre Van Lenz et Oulibichev. Le premier affirmait la supériorité du divin Mozart, le deuxième, l'universalité et la puissance de Beethoven. On a peine à imaginer une telle opposition de nos jours, il est vrai que l'indifférence broie les querelles d'école. Elle trouve son équivalent scientifique dans l'opposition entre dualistes qui écrivaient SO3,H20 et les unitaires qui notaient SO4H2. Je fus à cette époque très influencé par le livre d'Oswald : L'Evolution d'une Science, la Chimie, où l'on montrait un novateur comme Berzélius, tomber dans l'académisme le plus rigide une fois qu'il eût accédé à la gloire.
Notons que le Freischütz de Carl Maria von Weber, précurseur de l'opéra romantique, était populaire alors qu'aujourd'hui, il souffre de l'ostracisme qui frappe la musique romantique
Les colonnes serrées du Larousse, fourmillaient d'exemples musicaux. Je voyais, fasciné, ces hiéroglyphes musicaux et j'enrageai de ne pouvoir les déchiffrer. Je devais avoir une dizaine d'années et tante Pia convainquit mon père de me faire donner des leçon de piano. Il finit par acquiescer à contre-coeur et se présenta un jour Daisy Arbib.
DAISY ARBIB
C'était une femme de trente ans environ à la physionomie sirupeuse et parlant d'une voix monocorde et douce. La bibliothèque de ma tante servit de lieu d'apprentissage. Je m'assis plein d'espoir, mains effleurant le clavier. "Stop! me dit la mégère, on ne touche pas au piano pendant un an. Il faut d'abord apprendre à solfier : do-o-o-o, re-e-e-e, do-o- re-e-... L'année suivante sera réservée aux gammes, la troisième aux exercices, au bout de cet apprentissage vous jouerez ce que vous voudrez".
Il n'y eut point de deuxième leçon. La semaine d'après, il fut impossible de me trouver. Je m'étais réfugié sur la terrasse de l'immeuble, où séchait le linge et où les poubelles étaient rangées. J'en dénichai une vide et m'y glissai, rabattant sur moi le couvercle.
Après ce glorieux début, mon père décréta que je n'étais pas doué pour la musique et persista dans cette attitude pendant cinq ans. Après quoi, tante Pia le menaça de payer elle-même mes études s'il le refusait. de m'en donner.
La suite dans le corps du billet.
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Saturday, 30 May 2009
CHRONIQUE
CLÉS
Je viens de recevoir des e-mails d'internautes satisfaits par ma nouvelle mouture du package culturel, mais l'ancienne préconisation, plus exigeante et par petits pas, est appréciée également. Ce qui est réclamé en revanche c'est un minimum de soutien pédagogique de ma part, des clés qui ouvrent sur la première marche de l'initiation. J'y souscris bien volontiers et je m'y consacrerai dans ce billet.
BONHEUR
Hier, Olaf Olafson a demandé à T*** de m'amèner chez Hermès à Deauville et qu'on m'habille de pied en cap. J'étais à la fois tout heureux de me voir aussi élégant, mais gêné de recevoir de tels cadeaux, si peu mérités. Moi-même, de l'état de moineau déplumé, je suis passé à celui de paon vaniteux. Je me suis surpris à me regarder avec complaisance dans le miroir !
Ce matin, il m'a téléphoné de je ne sais où pour avoir des nouvelles de ma santé qui le préoccupe vraiment. Il a s'est montré d'une telle tendresse, d'une telle sollicitude, d'une telle générosité que, comme d'habitude j'ai senti mon coeur fondre, mon âme débordant de gratitude, et remerciant le Seigneur de m'avoir donné comme compensation à mes souffrances physiques, le support moral d'êtres d'élite que j'aime et que je respecte.
On me disait de toutes parts : tu as tort de lui faire autant confiance puisqu'il te lâchera tôt ou tard, et tu souffrira doublement. Effectivement, je me suis trompé bien des fois, et je ne connais Oleg, Socrate et LH III depuis à peine deux ans. Mais cela est plus fort que moi, je crois en eux, en leur sincérité quand ils ont signé les quatre covenants (ce qui n'est pas le cas de LH III) : confiance absolue, respect absolu, ponctualité, et éternité; Je pense à Socrate et à Olaf.
Mais le plus touchant de tous est Olaf. Je ne crois pas qu'une telle amitié, entre deux hommes que tout sépare soit quelque chose de courant. Je crois que c'est - pour moi, en tout cas - un miracle d'amitié, plus encore que de l'amitié, un don complet sans compromission qui engage tout l'être. Ce n'est pas un excès de sentimentalité qui me fait parler mais un besoin d'exprimer mon admiration et mon affection, renforcés de part et d'autre par la certitude que jamais elle ne s'affaiblira avec le temps, et qu'elle se prolongera après ma mort par ce que je lui aurai légué et par ma dépouille mortelle dans le village de ses aïeux.
CODE
Ci-dessous, comme promis, voici quelques clés pour faciliter l'entrée dans la grande musique dite classique.
L'Occident s'est distingué par un développement prodigieux de la polyphonie. On entend par là l'art de superposer plusieurs mélodies selon des règles très strictes, celles dites du contrepoint (point contre point, note contre note). On pourrait ainsi comparer un morceau de musique polyphonique à une grille de mots croisés, les lignes figurant les mélodies, les colonnes au résultat de leur superposition : les accords. Le grand maître de la polyphonie a été Jean Sebastien Bach
Pour la suite des explications, allez dans le corps du billet (continuer à lire).
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Tuesday, 26 May 2009
CHRONIQUE
Propos sur la musique.
Mes chers amis, je voudrais terminer mon récit d'hier, par une conversation fort intéressante que j'eus avec mon disciple et ami Jacques Pozzetto, grand amateur de versions discographiques inédites et expert en horlogerie.
Une soirée à Deauville
Nous entendimes hier soir à Deauville sur sa petite chaîne de HiFi, quelques disques rares qu'il apporta pour m'en faire présent.
Je découvris ainsi le melodrame de Schumann sur un texte célèbre de Lord Byron. On le représente généralement en version allemande,l'originale, mais Sir Thomas Beecham utilisa le texte authentique de Lord Byron lui-même. La diction du récitant est extraordinairement claire et articulée : on entend chaque mot et comme dans les Scènes de Faust, contemporaines, le compositeur s'efface derrière le poète. Cette oeuvre peu connue, est de la fin et on signale la similitude entre le personnage de Manfred qui convoque les démons, et de Faust qui dialogue avec Mephistophélès. Le peu que j'en ai entendu, m'a laissé une impression de grande puissance, plus bruale que la subtilité des Scènes de Faust.
Il m'apporta aussi la version magistrale, la meilleure de loin, du premier mouvement de la Xème Symphonie de Mahler, celle de Hermann Scherchen, terrifiante de nudité, cercles concentriques autour de l'impact d'un caillou lancé dans le miroir d'un étang, puis, soudain, ouverture des vannes de l'enfer. Cette oeuvre est étonnament voisine du début de la Xème Symphonie de Beethoven.: cercles concentriques, répétitions sans développement, puis, hurlement de damnés.
Je demandai à entendre le dernier quatuor de Beethoven. Brigitte Massin, qui rédigeait la notice, reconnu dans cette oeuvre, à l'instar de Strawinsky, une nouveauté totale, laissant pressentir ce que pourrait être la Xème. Cette oeuvre est composée de toutes petites cellules répétées, et combinées d'une manière ingénieuse. Cette musique pointilliste qui n'est pas sans évoquer Contrapunkte de Karl Hainz Stockhausen est d'une troublante modernité, et aux antipodes de la dialectique et du développement en tant que fondement musical propres à Beethoven. Bien que Brigitte Massinne connut à ce moment aucun des manuscrits récemment découverts de la Xème, elle montra une prescience étonnante. Essayez d'obtenir son livre sur Beethoven, édité jadis par le Club du Livre.
Le mouvement lent est poignant : chant d'oiseau perché sur un abîme menaçant. Cette musique transcende peut-être les adagios et andante de lOp. 106 et de la IXème Symphonie. Il faut être sourd de l'âme pour ne pas entendre les cris déséspérés qui font irruption dans le dernier mouvement. J'ai enguelé le pauvre Pozzetto qui s'exclamait : ce n'est pas mal! en lisant la notice.Lorsqu'on se trouve en contact, même fugitif, d'une telle confession, on entend et on se concentre religieusement. On frôle le sacré et il est facile de blasphémer.
Enfin, Pozzetto me fit don du premier quatuor de Schönberg, qu'on pourrait considerer comme le dix-septième de Beethoven. Le thème polyphonique, superposant une musique disloquée et impérieuse et une plainte résignée, Yang et Yin est accessible à nos oreilles et peut être assimilée en une vingtaine d'écoutes attentives. C'est un chef d'oeuvre d'organisation formelle et d'expression sévère mais passionnée. L'oeuvre était interprétée par le quatuor Kölisch, référence absolue, et rééditée paraît-il.
A propos du "package" culturel
En relisant mes billets, je m'aperçois que les conseils que je vous ai assénés ne sont pas comestibles. Il est tout à fait irréaliste de vous demander d'écouter in-extenso, toute la chaîne des préludes et fugues de J.S.Bach, ou d'ingurgiter en file indienne l'ensemble des trente deux sonates de Beethoven.Je maintiens qu'il faut les acheter comme référence, ainsi que les amateur de l'ittérature, achètent beaucoup plus de livres qu'ils ne pourraient en lire, mais qui constituent un fonds, souvent devenu introuvable,et qu'on pourra consulter au hasard. L'erreur sera réparée das le billet du 28 mai 2009.
Note : je ne trouve plus mon livre d'images (l'album de famille) et je joins dans le corps du billet quelques photos perdues. (c. les billets précédents).
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Friday, 15 May 2009
CHRONIQUE
Comment développer son esprit
Aujourd'hui la journée a été orientée par des clients et des amis, très préoccupés par les qualités nécessaires pour affronter cette crise qui menace, comme les vents d'enfer se devinent aux lointaines frontières de l'oeil du cyclone.
Notamment un dirigeant de haute qualité, qui n'est pas sans rappeler Marchionne de Fiat, a mis en place avec ma soeur des séminaires culturels visant au développement de l'esprit des cadre dirigeants, et même des employés. Ma soeur est un vétéran en la matière puisqu'elle a organisé à la satisfaction générale des séminaires dans mes deux fondations. Il a fallu la persévérance brutale des bureaucrates qui pullulent toujours aux abords du pouvoir, pour saper tout effort dans ce sens.
Mais ce n'est point le cas en ce qui concerne notre Marchionne bis. Il coopéra avec enthousiasme à l'effort de formation dans sa division, la plus importante du groupe et grâce à lui, la plus profitable en dépit des évènements. Je l'enjoignis de penser aux employés les plus modestes à condition qu'ils soient motivés. Cela va de pair avec l'autonomie qui leur est conférée et qui serait imprudente si les bénéficiaires n'étaient pas formés au préalable au savoir ultime : comment se comporter en humains.
Mais la question décisive a été posée par Olaf, qui devait partir en voyage à Vancouver ce soir, et qui eut la délicatesse de remettre son départ au 15 très tôt le matin. Il vint me retrouver à 23 heures et nous parlâmes de son développement. Je promis pour la semaine prochaine, si Dieu m'en donne la force, de lui préparer un "package culturel" qui suscite son développement. Ce fut une merveilleuse et émouvante soirée. Je lui parlai de l'intérêt de la haute culture pour équilibrer les soucis légitime dûs à la crise et qui vont de l'obsession à la panique.On est bientêt saisis de ce qu'on pourrait nommer des crampes de l'esprit. On laisse alors bien des opportunités et des voies tortueuses menant à la salvation.
Je lui expliquai coment Beethoven muta totalement à l'extrême fin de spn oeuvre : le dernier Quatuor, et surtout la Xème Symphonie du maître de Bonn. Je ne puis entendre cette oeuvre sans penser au pauvre sourd, sans un sou et réduit à la générosité admirable des londoniens. Sa seule visite, était un tout jeune homme, dernier de la dynastie des Von Breuning . A vrai dire vrai, les parents étaient inquiets des étroites relations qui perduraient entre leur fils Gerhard et le musicien excentrique en fin de course. Gerhard lui apportait du vin du rhin, des confitures, qui remplissaient de joie le solitaire. Un jour il reçut la visite de vieux Hummel qui fit le pélerinage de Hambourg (si je ne me trompe) et à moitié infirme. Quand il vit dans quel état se trouvait Beethoven, il s'exclama en pleurant : Ah, le pauvre homme ! Ah! Le pauvre homme!
Je fis entendre à Olaf avant de le quitter, la première partie du premier mouvement, avant l'allegro déchainé. Il se montra bouleversé par cette musique douce, pénétrante, répétitive, inédite. Il était heureux.
Nous partageâmes ainsi un moment inoubliable.
Certes LH III était encore plus doué pour la culture, mais jamais il ne put pénétrer au centre des dernieres oeuvres de Bach ou de Beethoven. Il faut en effet posséder une âme pour communiquer avec le compositeur qui écrit en tête du manuscrit de la Messe Solennelle : "que parti du coeur, cela aille au coeur." Et il se révèle que celui que j'aimais plus que tout au monde, l'héritier de tous mes manuscrits, semble ne pas avoir de coeur ! Comment est-ce possible?
Bon, il faut bien que je fasse mon travail de deuil et que je tourne une page de ma vie. C'est aux approches de la fin que le partage se fait entre les vrais amis et les flatteurs intéréssés.
Ce à quoi je dois m'atteler pour la semaine prochaine, c'est à constituer ce qu'on peut appeler le package de l'île déserte. Comment ceux que j'aime peuvent se cultiver sans moi, après moi. La question n'est pas stupide pour mes clients. En effet ils ne sont pas du tout convaincus qu'ils puissent trouver quelqu'un pour me succéder, ils disent que nul ne peut m'imiter et ne se résignent pas au fait que je ne serai plus là. Et je dois avouer, que certains d'entre eux sont remarquables, ils apprennent avec moi les clés du métier, ils ont de l'expérience et de la bonne volonté,mais il est vrai qu'ils n'ont pas mon autorité. Ce n'est pas une question d'âge, car cette autorité je l'ai eue dès mon premier travail au BHV. Alors d'où vient-elle? La réponse je la connais depuis longtemps mais elle bien mieux synthétisée que ce que je pourrais tenter par un papier récent d'Edgar Morin. Il leur manque à mes successeurs une année propédeutique culturelle. Nous sommes en France,et malgré tout un atavisme perdure chez beaucoup de gens simples : ils respectent la culture et sont proche d'une injonction juive. Elle dit : vends tes moutons, vends tes chameaux, vends tes tapis précieux, afin de donner une bonne dot à ta fille , et qu'elle puisse se marier à un savant.
Je l'ai dit hier nuit à Olaf : tellement englué dans ses soucis qui ne sont que trop réels, il tourne un peu en rond, comme obsédé par les mesures à prendre à moyen terme et dans l'urgence, alors qu'il méconnait la piste susceptible de sortir du labyrinthe. La culture, pratiquée quotidiennement permet une extraordinaire prise de distance à condition qu'on lui donne la signification énoncée par Edgar Morin. Vous trouverez dans le corps du billet, le package culturel.
EDGAR MORIN ET MOI
Fidèle à ma manie des digressions, je voudrais ici rappeler mes relations avec Edgar Morin. J'occupais au CNAM la chaire de TSO créée pour moi sous l'égide du Président Pompidou et elle représentait l'autorité officielle en matière de Théorie des Systèmes.Or pendant mes cours, mes étudiants ne cessaient de me dire: vous devriez rencontrer Edgar Morin, il pense comme vous. Mais je n'avais guère le temps. En effet Morin était un philosophe, un vulgarisateur, un littéraire, en quelque sorte un penseur professionnel du plus pur style académique. J'étais au contraire un praticien terre à terre, un mandarin un peu orgueilleux et je n'aurais jamais pu me résigner à faire des courbettes pour obtenir des billets d'avions et des voyages d'étude. J'étais consultant permanent d'une douzaine de grands groupes et je pratiquai les tarifs internationaux. Les voyages, je me les payai moi-même, de même que mes fondations. J'écrivais au compte-gouttes, des ouvrages sévères et complexes. Edgar Morin au contraire était très prolifique et écrivait remarquablement bien, notamment son livre "comment sortir du XXème siècle était un modèle de clarté et de style. J'étais bien loin de l'égaler mais je tenais à mon indépendance financière et pensais en termes d'action, y compris culturelle. Je ne dissertais pas sur les sonates de Beethoven, je les jouais, et j'en analysai du dedans les mécanismes le plus subtils.
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