CHRONIQUE
Comment développer son esprit
Aujourd'hui la journée a été orientée par des clients et des amis, très préoccupés par les qualités nécessaires pour affronter cette crise qui menace, comme les vents d'enfer se devinent aux lointaines frontières de l'oeil du cyclone.
Notamment un dirigeant de haute qualité, qui n'est pas sans rappeler Marchionne de Fiat, a mis en place avec ma soeur des séminaires culturels visant au développement de l'esprit des cadre dirigeants, et même des employés. Ma soeur est un vétéran en la matière puisqu'elle a organisé à la satisfaction générale des séminaires dans mes deux fondations. Il a fallu la persévérance brutale des bureaucrates qui pullulent toujours aux abords du pouvoir, pour saper tout effort dans ce sens.
Mais ce n'est point le cas en ce qui concerne notre Marchionne bis. Il coopéra avec enthousiasme à l'effort de formation dans sa division, la plus importante du groupe et grâce à lui, la plus profitable en dépit des évènements. Je l'enjoignis de penser aux employés les plus modestes à condition qu'ils soient motivés. Cela va de pair avec l'autonomie qui leur est conférée et qui serait imprudente si les bénéficiaires n'étaient pas formés au préalable au savoir ultime : comment se comporter en humains.
Mais la question décisive a été posée par Olaf, qui devait partir en voyage à Vancouver ce soir, et qui eut la délicatesse de remettre son départ au 15 très tôt le matin. Il vint me retrouver à 23 heures et nous parlâmes de son développement. Je promis pour la semaine prochaine, si Dieu m'en donne la force, de lui préparer un "package culturel" qui suscite son développement. Ce fut une merveilleuse et émouvante soirée. Je lui parlai de l'intérêt de la haute culture pour équilibrer les soucis légitime dûs à la crise et qui vont de l'obsession à la panique.On est bientêt saisis de ce qu'on pourrait nommer des crampes de l'esprit. On laisse alors bien des opportunités et des voies tortueuses menant à la salvation.
Je lui expliquai coment Beethoven muta totalement à l'extrême fin de spn oeuvre : le dernier Quatuor, et surtout la Xème Symphonie du maître de Bonn. Je ne puis entendre cette oeuvre sans penser au pauvre sourd, sans un sou et réduit à la générosité admirable des londoniens. Sa seule visite, était un tout jeune homme, dernier de la dynastie des Von Breuning . A vrai dire vrai, les parents étaient inquiets des étroites relations qui perduraient entre leur fils Gerhard et le musicien excentrique en fin de course. Gerhard lui apportait du vin du rhin, des confitures, qui remplissaient de joie le solitaire. Un jour il reçut la visite de vieux Hummel qui fit le pélerinage de Hambourg (si je ne me trompe) et à moitié infirme. Quand il vit dans quel état se trouvait Beethoven, il s'exclama en pleurant : Ah, le pauvre homme ! Ah! Le pauvre homme!
Je fis entendre à Olaf avant de le quitter, la première partie du premier mouvement, avant l'allegro déchainé. Il se montra bouleversé par cette musique douce, pénétrante, répétitive, inédite. Il était heureux.
Nous partageâmes ainsi un moment inoubliable.
Certes LH III était encore plus doué pour la culture, mais jamais il ne put pénétrer au centre des dernieres oeuvres de Bach ou de Beethoven. Il faut en effet posséder une âme pour communiquer avec le compositeur qui écrit en tête du manuscrit de la Messe Solennelle : "que parti du coeur, cela aille au coeur." Et il se révèle que celui que j'aimais plus que tout au monde, l'héritier de tous mes manuscrits, semble ne pas avoir de coeur ! Comment est-ce possible?
Bon, il faut bien que je fasse mon travail de deuil et que je tourne une page de ma vie. C'est aux approches de la fin que le partage se fait entre les vrais amis et les flatteurs intéréssés.
Ce à quoi je dois m'atteler pour la semaine prochaine, c'est à constituer ce qu'on peut appeler le package de l'île déserte. Comment ceux que j'aime peuvent se cultiver sans moi, après moi. La question n'est pas stupide pour mes clients. En effet ils ne sont pas du tout convaincus qu'ils puissent trouver quelqu'un pour me succéder, ils disent que nul ne peut m'imiter et ne se résignent pas au fait que je ne serai plus là. Et je dois avouer, que certains d'entre eux sont remarquables, ils apprennent avec moi les clés du métier, ils ont de l'expérience et de la bonne volonté,mais il est vrai qu'ils n'ont pas mon autorité. Ce n'est pas une question d'âge, car cette autorité je l'ai eue dès mon premier travail au BHV. Alors d'où vient-elle? La réponse je la connais depuis longtemps mais elle bien mieux synthétisée que ce que je pourrais tenter par un papier récent d'Edgar Morin. Il leur manque à mes successeurs une année propédeutique culturelle. Nous sommes en France,et malgré tout un atavisme perdure chez beaucoup de gens simples : ils respectent la culture et sont proche d'une injonction juive. Elle dit : vends tes moutons, vends tes chameaux, vends tes tapis précieux, afin de donner une bonne dot à ta fille , et qu'elle puisse se marier à un savant.
Je l'ai dit hier nuit à Olaf : tellement englué dans ses soucis qui ne sont que trop réels, il tourne un peu en rond, comme obsédé par les mesures à prendre à moyen terme et dans l'urgence, alors qu'il méconnait la piste susceptible de sortir du labyrinthe. La culture, pratiquée quotidiennement permet une extraordinaire prise de distance à condition qu'on lui donne la signification énoncée par Edgar Morin. Vous trouverez dans le corps du billet, le package culturel.
EDGAR MORIN ET MOI
Fidèle à ma manie des digressions, je voudrais ici rappeler mes relations avec Edgar Morin. J'occupais au CNAM la chaire de TSO créée pour moi sous l'égide du Président Pompidou et elle représentait l'autorité officielle en matière de Théorie des Systèmes.Or pendant mes cours, mes étudiants ne cessaient de me dire: vous devriez rencontrer Edgar Morin, il pense comme vous. Mais je n'avais guère le temps. En effet Morin était un philosophe, un vulgarisateur, un littéraire, en quelque sorte un penseur professionnel du plus pur style académique. J'étais au contraire un praticien terre à terre, un mandarin un peu orgueilleux et je n'aurais jamais pu me résigner à faire des courbettes pour obtenir des billets d'avions et des voyages d'étude. J'étais consultant permanent d'une douzaine de grands groupes et je pratiquai les tarifs internationaux. Les voyages, je me les payai moi-même, de même que mes fondations. J'écrivais au compte-gouttes, des ouvrages sévères et complexes. Edgar Morin au contraire était très prolifique et écrivait remarquablement bien, notamment son livre "comment sortir du XXème siècle était un modèle de clarté et de style. J'étais bien loin de l'égaler mais je tenais à mon indépendance financière et pensais en termes d'action, y compris culturelle. Je ne dissertais pas sur les sonates de Beethoven, je les jouais, et j'en analysai du dedans les mécanismes le plus subtils.
LE PACKAGE CULTUREL
Imaginez une boîte contenant tous les livres, les albums, les DVD et CD, les reproductions de chefs d'oeuvre, qui constituent le contenu du package.
A côté il y a les modes d'emploi qui permettent de faire vivre le contenu. Il s'agit des dictionnaires, des ouvrages d'initiation, de livres sur l'histoire de l'Art etc. C'est le software.
On ne peut se passer d'un home cinéma et d'une chaîne de Haute LE Fidélité, Hardware nécessaire pour "lire" les disques et les DVD.
LE HARDWARE
A bannir sans hésitation les i'pod, les morceaux téléchargés (un million de titres ... Où un milliard demain?), gratuitement vous inoculant dans l'oreille leur jus ecoeurant. Evitez également de voir des films
Pour le home cinéma, prenez un Sony qui lise les DVD, ls cassettes et les blue ray. A défaut un très grand écran plasma Pioneer et blue ray l'imege pconvenir pour les vieux fims en noir et blanc.
Achetez ches Présence Audio Conseil, une excellente chaîne d'occasion avec des hauts parleurs, classiques (et non electrostatiques qui vieillissentmal) et évitez de papillonner d'un magasin à l'autre ou d'essayer de faire des affaires sur l'internet.
LE SOFTWARE
J'entends par là les documents pédagogiques qui vous permettent de faciliter l'accès aux oeuvres majeures. En litterature, les éditions commentées des pièces du répertoire, répondent à ce besoin, de même que les préfaces et avertissements que l'on trouve dans les bonnes éditions de Shakespeare. En peinture nombreux sont les albums pour enfants et adultes, qui reproduisent sur la page de droite un tableau, et proposent sur la page de gauche, un décodage (ou plusieurs) de sa structure, son histoire et sa genèse. Guernica est un exemple célèbre dedécodages un des tableaux les plus complexes de l'histoire. Les éditions Palette sortent régulièrement des vidéogrammes qui montrent avec une grande minutie la fabrication du contenant mais quelquefois le sens de l'oeuvre.
LE CONTENU
Je rappelle, et c'est important, que je rédige ces billets sans documents, de mémoire. En effet mes livres se trouvent dans des caisses, dans un entrepôt à UCCLE et se suis démuni de tout, à telle enseigne que pour vous donner certaines références, j'ai dû racheter les livres ou les disques. La liste des indispensables est de ce fait non seulement subjective, mais aussi lacunaire. J'écris ce qui ce présente à ma mémoire et il est possibles que demains j'aurai une nouvelle liste à proposer.
PEINTURE
Des livres spécialisés avec de bonnes illustrations sur la Renaissance Italienne, sur les chefs d'oeuvre de l'art flamand, et de bons catalogues d'exposition de musée sur toutes les merveilles du monde., comme cellles consacrées à de grand sartistes, comme Ne pas oublier d'y aadjoindre les rétrospectives grandioses à Bercy, au Grand Palais, au Petit Palaisu miusée Maillol.
MUSIQUE
Viser les lignes de crête c'est à dire des génies qui ont totalement transformé le langage musical. Ils sont peu nombreux :
Bach avec le Clavier bien tempéré (Par Richter)
Haydn, la Création,les dernières symphonies, la symphonie de l'horloge à comparer avec la 8ème de Beethoven.
Beethoven les trente deux sonates, les symphonies 3, 5, 9, et 10, et les derniers quatuors.
Wagner avec Le RING, (DVD du centenaire Boulez-Chéreau) et dans Parsifal, (Knappertsbusch)
Mahler, Le Chant de la Terre (Klemperer, Bruno Walter - Kathleen Ferrier),
Schönberg Les Gurrelieder, (Leibowitz)
Alban Berg:Wozzeck,(DVD Claudo Abbado et orch. de Vienne).
Debussy, Pelleas et Melisande (Desormière, Irène Joachim), un vieil enregistrement, la version authentique) , La Mer,
Strawinsky, le Sacre du Printemps.
Citons deux génies qui n'ont pas révolutionné la musique mais l'ont portée à son apogée :
Chopin, 24 Préludes,24 études,(Alfred Cortot. EMI) op.35 (Wilhelm Backhaus) op58 (Dino Lipatti). C'est le poète du piano, épris de perfection, mais entièrement focalisé sur l'instrument au contraire de Mozart.
Mozart. C'est le seul compositeur ayant excellé dans toutes les formes possibles de musique.Il imprime sa marque, comme Chopin dans ses moindres esquisses. On dit d'ailleurs chopinien ou mozartien, expressions plus courantes que Brahmsien ou Schumannien. Il est comme Chopin, inimitable et on a du mal à imaginer qu'au XIX° siècle, deux camps s'opposaient âprement :les mozartiens et les beethovéniens !
En outre, ce qui n'apparait guère dans la falsification "AMADEUS" de Polanski (à éviter absolument) Mozart n'était nullement puéril et ses farces témoignaient d'un profond mépris pour les imbéciles et les mondains qui l'entouraient. Bien au contraire il fut le plus grand dramaturge musical de toutes les époques, Wagner excepté, aucun n'explora aussi profondément et aussi finement,les travers, les passions et les pathologies de l'âme humaine. Cependant Mozart ayant écrit plus de six cent oeuvres, tout n'est pas égal dans la production. Il faut distinguer les oeuvres de la maturité, notamment le déchirant Requiem, (Joseph Krips avec des vois d'enfants,disque édité au lendemain de la guerre, et le premier microsillon a être commercialisé). la musique maçonnique et bien entendu La Flûte enchantée
Quatre opéras se détachent du lot: Don Juan, Cosi fan tutte, les noces de Figaro, et la Flûte. Le concerto pour flûte et harpe, joué par Zabaleta, est une merveille de sensibilité et de spleen.
LES GRANDS COMPOSITEURS
Entre les cimes universelles, de grands compositeurs assurent la liaison. Ce sont des artistes méprisant l'effet et l'hédonisme du public mondain ou populaire qui le leur rend bien. Ils ont cependant fini par s'imposer.
HAENDEL. Le compositeur le plus admiré par Beethoven, qui révait d'acquérir sa maîtrise des masses grandioses.Il est le plus choyé du grand public anglo-saxon, mais aussi des spécialistes qui apprécient son sens de l'expression dramatique inspiré par les opéras italiens. Acheter évidemment Le Messie.
HAYDN. Le papa de Mozart et de Beethoven. Son chef d'oeuvre :La Création, immense oratorio. dont le début qui évoque le monde d'avant la création, rejoint les recherches les plus osées d'un Mahler. Ses dernières symphonies sont un modèle d'audace et de classicisme. Procurez-vous la symphonie l'Horloge et comparez-la avec la Huitième Symphonie de Beethoven..
SCHUBERT. Trop tôt disparu et honoré par René Leibowitz qui le place parmi les cimes. Se symphonies, ses sonates, sont magistrales, avec de "divines langueurs" qui dénote le manque de concision de bien des pages. Ses lieder sont célèbres, notamment Le Roi de Aulnes très impressionnant, et le Voyage d'hiver (acheter la version de Hans Hotter, ou de Benjamin Britten et son compère Peter Pears). Achetez aussi la Symphonie inachevée (nom impropre, car elle a deux mouvements s'équilibrant).
SCHUMANN. Le romantique par excellence est tombé dans une ère cynique et désabusée. D'où sa notoire désaffection. Comme chez Brahms sa première oeuvre est insurpassable par son génie et sa maturité. Son style est trouvé instantanément. (Papillons) Au début c'est un grand maître du piano à l'instar de Chopin et de la musique de Chambre. Mais contrairement au polonais, il explore par la suite la symphonie, puis à la fin de sa vie, l'oratorio.
Le handicap de Schumann, est son incapacité à appréhender d'une manière originale la grande forme. Il excelle, comme Chopin, dans les tableaux impromptu,, les,pièces courtes. En effet sa pensée suit ses états d'âme, comme un sismographe. Cela ne signifie pas que les sonates (en particulier la deuxième sonate pour piano) et les quatre symphonies ne soient pas des chefs d'oeuvre, mais simplement parce que leur structure - comme chez Chopin - est conventionnelle, le génie et la novation sont ailleurs, dans les innovations de détail. En effet Schumann a un style très personnel et très audacieux fourmillant de surprises, et d'une hardiesse, d'une fantaisie, un sens du fantastique cotoyant l'humour le plus grinçant, la parodie et la dérision la plus amère.C'est l'homme de tous les excès, par toutes ses alternance entre étrangeté onirique et nostalgie émouvante et introvertie. L'oeuvre la plus significative pour piano est à monsens, et de loin, le cycle des Kreisleriana malheureusement impossibles à jouer parfaitement à cause de leur ambiguïté foncière et des risques qu'elles font prendre au pianiste. Le seul qui parvint à en donner une idée, fut le grand Joseph Hoffmann, le maître de tous les pianistes. Où le trouver? Il faut un coupde bol, oudébourser d'énormes sommes pouvant atteindre les 700 euros.
On le sait, Schumann fut atteint d'une forme pernicieuse de syphilis, qui finit après un cheminement souterrain, par atteindre le cerveau les dernières années. Il finit, on le sait ,dans une hopital de fous. Il n'en fallait pas plus pour que ses dernières oeuvres ne soient l'objet d'une désaffection et d'une suspicion permanente. Schumannn n'a jamais été apprécié à notre époque, on l'entend rarement en concert, ni à la radio. Les grands interprètes de Schumann sont peu nombreux : Siatoslav Richter, le meilleur, (voir Richter en Italie), Cortot, moins bon, Horowitz, ou diverses intégrales. Les chefs d'oeuvre pour piano : les kreislana au tout premier rang, très difficiles à interpréter, Kempff par exemple les rate lamentablement.Il faut se procurer les grands maîtres du passé et en particulier Hoffmann.
Le chef d'oeuvre absolu de Schumann est Scènes de Faust d'après Goethe. Point de grande forme. Bien au contraire, la musique colle au texte vers par vers, note par note, au point que les sons de l'orchestre ne font que traduire ceux du poème. De même qu'un vers ne se répète jamais à l'identique, aucune mélodie ne se reproduit à l'identique, ni même transposée. C'est un jaillissement continu, ignorant les nécessités de la composition musicale pour se plier aux moindres fluctuations du texte de Goethe. Cet effacement, unique dans son genre dans toute la musique, n'a évidemment pas servi l'oeuvre, déjà discréditée par avance, étant la dernière du cimpositeur. Aujourd'hui elle est en cours de réhabilitation et les plus grands musiciens la considèrent comme le couronnement de la production de Schumann.
Autre handicap, cette oeuvre ne donne rien jouée au piano, ni lue. Pis encore, elle exige une interprétation à fleur de nerfs, d'une extrême délicatesse. La seule qui satisfasse ces conditions est la version est celle de Benjamin Britten dans DECCA. C'est un CD qu'il faut avoir avant qu'il soit retiré de la circulation. Eviter le pire : la version en DVD.
Un exemple de la sous-estimation de cette oeuvre : le manuscrit intégral autographe de oa grande partition.Il fut présenté aux enchères voici dix ans, et ne trouva pas preneur ! Essayez de trouver la toccata, par Richter, et le Carnaval de Vienne (à ne pas confondre avec le Carnaval Op., plus connu mais moins important) et la deuxième sonate de piano, tous morceaux joués par Richter
BERLIOZ
Aussi extraverti que Schumann est introverti, il ne devrait pas figurer dans cette anthologie qui élimine les compositeurs soucieux de l'effet sur le grand public. Berlioz recherche l'effet, le théâtral, l'excès "ninivite" qui attire l'attention et force l'admiration.Témoin le Requiem tonitruant,
Si je l'ai néanmoins mis dans la liste,c'est à cause l'incroyable originalité de ses trouvailles qui donnent à ses oeuvres un cachet inimitable. Aussi une conception de la polyphonie qui en fait un outil d'expression et d'étonnement hors pair. Il faut absolument avoir la Symphonie Fantastique dont l'organisation thématique coïncide parfaitement avec l'histoire autobiographique des relations de Berlioz.
1er mouvement : Rèveries et passions, le thème de "l'idée fixe" est le leitmotiv de l'objet de sa passion.
2. Le Bal : une valse effrénée, irresistible, perturbée par l'idée fixe, au milieu du mouvement : la bien-aimée le trompe avec unautre homme !
3. Scène au champs. Le mouvement lent. Une surface plate, deux pasteurs qui communiquent entre eux par le,son d'un pipeau. Puis éclate l'orage, désespoir et colère aveugle, le calme revient,mais aucun pipeau ne répond au premier pasteur.
4. La marche au supplice. Lehéros a tué sa bien-aimée et il est condamné à la décapitation. Longue montée funèbre et brutale. Au moment où la hâche tombe, flotte le thème de l'idée fixe.
5. Sabbat : danse effrénée et démoniaque : variations sur fond de Dies Irae de l'idée fixe hideusement déformée, comme l'enfer de Hieronimus Bosch dans le tryptique du Jardin des Délices.
Interprètes de référence : Monteux, Munch.
BRAHMS
C'est, comme l'a fait remarquer René Leibowitz, l'antithèse de Schumann. Sa première oeuvre, Les quatre ballades dont j'ai longtemps parlé dans mes billets, sont un pic de la production brahmsienne, mais leur structure s'apparente à celle de Schumann : pratiquement inexistante à force de simplification, plus près de la X° Symphonie de Beethoven et ignorant comme celle-ci le développement et la dialectique de deux thèmes,masculin et féminin qui est la marque de la musique classique allemande et que Beethoven a porté à son apogée.
Cela ne dura guère. Très vite Brahms se posa comme successeur officiel en faisant du développement des thèmes la pierre angulaire de son oeuvre. Sa Première Symphonie était destinée à prolonger la Neuvième de Beethoven, avec une allusion spécifique au thème de l'ode à la joie. Ainsi, il laissa s'installer le mythe des trois grands B: Bach - Beethoven - Brahms.
Bien que remarquable dans le traitement des thèmes, Brahms n'avait pas la même invention géniale que possédait Schumann. Non plus romantiques mais Post-romantiques, ses grandes oeuvres étaient plus remarquables par leur logique d'ensemble, par la puissance de leur architecture, que par la sensibilité de ses idées.
Cela ne signifie nullement que sa musique était académique et sèche, loin de là. Au contraire, elle était expressive mais dans un seul régistre : la nostalgie et la mélancolie. A telle enseigne que son éditeur lui demanda de lui composer quelque chose de gai. Il lui adressa alors une cantate : Je descendrai joyeusement dans ma tombe." Par ailleurs on trouve chez lui des innovations stylistiques de détail que l'on constate déjà dans les Ballades du début, par exemple la superposition de doubles croches et de triolets de croches.
Vers la fin de sa vie, Brahms muta. Il composa des oeuvres courtes, confessions pour le piano d'un ton désenchanté envahi par la nostalgie d'une vie manquée. Et en quelque sorte elle l'était. Tout jeune, lors de ses premières compositions, il rencontra Schumann en fin de course qui s'enthousiasma pour les quatre ballades. Le compositeur fou était marié à Clara, une des plus grandes pianistes de son temps. Brahms tomba follement amoureux de la jeune femme et lorsque le pauvre Schumann mourut, terrassé par le chagrin, il écrivit le premier concerto pour le piano. Par une extraordinaire fidélité posthume, ni Clara ni Brahms voulurent se marier. Brahms changea alors physiquement. Le splendide jeune homme blond, au physique d'ange nordique, se laissa pousser une grande barbe, grossit et fréquenta des filles de joie. Ce fut celui qu'on a coutume de voir dans les portraits habituels, figure de patriarche bourru.
Le grand interprète de Brahms fut Wilhelm Backhaus et il est indispensable de joindre dans le package, le deuxième concerto pour piano, avec Karl Böhm au pupitre,et les pièces de piano de la fin. Mais si l'on veut l'intégrale de piano, Julius Katchen, est la référence. Remarquables sont les variations sur un thème de Paganini et variations sur un thème de Haendel. Brahms se pose comme le successeur des Variations sur un thème de Diabelli, de Beethoven, elles-mêmes hommage aux plus grandes de tous les temps les monumentales Variations Goldberg de J.S. Bach. A ce propos, il faut absolument joindre dans votre package, ces oeuvres monumentales : Les Goldberg par Claudio Arrau (la meilleure étant la version de Georges Malcolm au tympanon royal, malheureusement introuvable).
La loi du genre est la difficulté. Les limites techniques du piano sont dépassées et Brahms n'est pas en reste avec ses Paganini variations, qui essaient avec succès de transposer pour le piano les difficultés diaboliques du violoniste-star du XIXeme siècle.
Par ailleurs le procédé de la variation poussé à son extrême logique, finit par assurer une cohérence organique interne dont se souviendront les novateurs de l'école de Vienne. On peut ainsi prétendre que le conservateur Brahms, enfanta à son insu, les bases de la série dodécaphonique de Schönberg !
MUSSORGSKY
Notre internaute ne manquera pas de noter, s'il s'y connaît un peu, l'absence remarquable d'immenses compositeurs comme Verdi ou Richard Strauss, Gershwin ou Puccini. Cela correspond de ma part à un parti-pris de sincérité. Les compositeurs mentionnés, n'ont jamais voulu tenir compte de la réaction du grand public, et n'ont jamais composé avec l'intégrité de la composition vis-à-vis des contraintes matérielles. Certes, Mozart a écrit des oeuvres de commande mais selon son génie propre, tenant tête à ses commanditaires. Tous se souviennent de sa réponse à on mécène qui lui reprochait à propos des Noces sa complexité : "Il y a trop de notes!" . Il répondit "Sire il y en a juste ce qu'il faut ! " et il refusa de s'adapter au désir de l'empereur, qui était aussi celui du grand public.
Ce qui fait la spécificité de la musique allemande et qui en fait la première au monde, est ce mélange de profond sérieux professionnel et de nostalgie romantique et d'expression des sentimentsles plus fins, musique introverties'il en fût. On peut en dire autant de la musique russe qui cependant privilégie la sincérité et l'audace à la complexité. Ce n'est point un hasard que les russes furent toujours les meilleurs interprètes de la musique allemande: Guillels, Richter,Hoffman, Horowitz, Gergiev, et bien d'autres.
On peut qualifier selon une vieille coutume, Mussorgsky comme Tchaikowsky de "musicien local", mais il me semble que par leurs innovations ces deux musiciens ont apporté un apport considérable à leurs successeurs : Shostakowitch, Srawinsky, à l'instar des grands compositeurs espagnols comme Manuel de FALLA.
Si l'on revient à Mussorgsky, les must sont en DVD, Boris Godounov dans la version de Tarkowski, dirigé par Valery Gergiev à la tête du Kirov (Philips) et les Tableaux d'une Exposition, orchestré par Rimsky-Korsakoff (par n'importe quel bon interprète et en l'absence de la version Toscanini, introuvable). ).
TCHAÏKOWSKY
Ce n'est certainement pas ma tasse de thé, ni des musiciens exigeants qui se respectent. En effet on trouve chez lui une virtuosité creuse, la recherche de l'effet, joints à un sentimentalisme et un auto-apitoyement agaçant et surtout des monuments de mauvais goût comme le célèbre premier concerto pour piano et orchestre.
La Symphonie Pathétique, la dernière, agace plus d'un par son étalage de desespérance et on n'apprécie guère que ses ballets, (Le lac des Cygnes) genre,supposé mineur.
Mais en analysant avec empathie certaines de ses oeuvres, on s'aperçoit qu'elles sont moins superficielles qu'il n'y paraît. Pour commencer par la Pathétique, on y trouve tous les codes expressifs de la musique allemande, portés à l'ébullition. Mais nul ne devrait parler de pose ni d'artifice, car le compositeur était réellement acculé au suicide. D'autre part, non seulement la grande forme est respectée avec sa forme cyclique, mais l'économie et l'intégration des thèmes est remaquable et commande le respect. Par ailleurs le scherzo nous fait cotoyer des âbimes impressionnants, qui donnent le vertige, et le rythme impitoyable, original et obsessionnel, ouvrira la voie à toute la musique contemporaine russe, jusqu'à Strawinsky, l'anti-romantique par excellence. La fin est impressionnante. Il est indispensable d'acquérir cette oeuvre par n'importe quel grand interprète.
En ce qui concerne le ballet, son chef d'oeuvre est à mon sens le dernier, le "casse-noisettes" miracle d'humour et de fantaisie, et l'une de ses dernières oeuvres. J'ai beaucoup aimé la version d'Ernest Ansermet chez Decca, un des premiers microsillons, mais en DVD on trouve des versions intéréssantes en dépit des limitations techniques de cadrage. Achetez sans hésiter Casse-Noisettes! Walt Disney dans Fantasia, lui a consacré de merveilleuses séquences pleines d'humour et de nostalgie.
Mais sans conteste,le chef d'oeuvre de Tchaikowsky est un opéra, ou plutôt un ensemble de séquences consécutives, correspondant à un moment décisif de la vie de son héroïne, Tatiana. Malheureusement cet opéra,est aussi fragile que les Scènes de Faust de Goethe. Le poète de référence étant ici, Pouchkine (comme pour Boris Godounov). Le titre de l'opéra? Eugène Onéguine. Les réalisations sur une scène d'opéra, avec une héroïne grasse et imposante, des décors anti romantiques,et,un environnement mondain, tuent l'oeuvre. Heureusement la perfection existe et elle est à la portée de toutes les bourses. C'est la version filmée en play-back avec les meilleurs acteurs acteurs polonais, sélectionnés en fonction de l'adéquation parfaite aux personnages. Les décors sont somptueux et correspondent au luxe de l'époque, et tout l'art du ballet de l'artiste est transcendé comme partie intégrante d'une histoire émouvante. Le chef d'orchestre est Sir Georg Solti, dont la précision froide permet de réfréner les moments trop expressifs de cette oeuvre déchirante, finissant aussi mal, que Lohengrin : aucun des protagonistes,ne meurt mais tous sont perdants et frustrés. N'écoutez pas les snobs et les mélomanes obsédés qui préfèrent contempler le gosier ouvert comme celui d'une oie qu'on gave, noyés dans une masse graisseuse, à la grâce d'une actrice choisie pratiquant un play-back indiscernable.
OBJECTIVITÉ
Je pense que cette liste est inattaquable et ne pêche que par omission. Ce n'est qu'un tout petit échantillon car le package est aussi limité dans ses dimensions, que le cerveau d'un amateur débutant.
Mais il est évident que si je préconise d'acquérir les trente-deux sonates de Beethoven, c'est pour la vie ... ou une ile déserte. Par quoi commencer dans l'immédiat? Et comme on ne peut toujours se tenir dans les hautes cimes, mais qu'on a envie de danser, de rêver, de frédonner avec volupté, de faire entendre aux enfants, que préconiser?
L'espace et le temps me manque pour uvous proposer une réponse détaillée et j'ai pris du retard. Je remets à une date ultérieure la réponse.
Bruno Lussato 1h23. Lundi 18 mai.