Billets par Bruno Lussato
Saturday, 4 July 2009
CHRONIQUE
LUXE,CALME, ET DISTINCTION
Voici une merveilleuse journée écoulée. Mon lumbago réside en cinq points qui diffusent dans tout le bas de la colonne vertébrale, et la ceinture lombaire ne peut en venir à bout. J’ai appris à trouver l’épicentre des douleurs, et je le manipule sans prendre garde aux brûlures et peines intenses qui en résultent. Je préfère une douleur vive à une douleur sourde. Grâce à ces manipulations ininterrompues, je parviens – avec l’aide de Michel – à mener une vie (presque) normale.
Le temps était ensoleillé et chaud (25°) ce qui n’est rien comparé à Paris (38° me dit-on).
Le matin nous avons retrouvé nos chaises longues près de la piscine, mais muni de mon Apple j’ai préféré m’asseoir à l’ombre, sous un dais dominant la piscine et muni d’une table et d’un fauteuil. En effet, en dépit des proclamations optimistes des fans de l’internet on ne peut y avoir accès partout dans le monde. En ce qui me concerne, tout juste en France, où Bouygues à un réseau. Point ailleurs. Hier Michel me fait une proposition alléchante : si je veux avoir accès à l’internet, c’est simple. Il me conduit de l’autre côté de la frontière, avant Menton !
J'ai préfère me tourner vers l’autre solution : payer ! Encore payer , toujours payer. Il suffisait de me brancher sur le Wi Fi de l’Hôtel, à 7 euros de l’heure. J’achetai le maximum, soit 26 heures, et pour les économiser, j’écrisvis mes billets sur Word, ce que je fais en ce moment. Mais ne croyez pas que cela s’arrêta là. L’ordinateur rejeta le Wi Fi en effectuant toutes sortes de grimaces et de simagrées. Par exemple il me notifia que le mot de passe était correct, que j’avais accès à l’internet et que j’étais le bienvenu. Mais lorsque je tentais d’en profiter, la fenêtre se représentait, le compteur tournant et m’indiquant le nombre de minutes restantes. Enfin, bientôt les images de bienvenue se multiplièrent 120 fois et envahirent l’écran, ne laissant même pas de place à Word. Le préposé au Wi Fi de l’hôtel tenta de faire marcher le bidule. Il abandonna à trois heures du matin. Il me dit que c’était la première fois que ça lui arrivait et qu’il fallait attendre l’expert informaticien qui passerait dans la matinée. Ceci ne m’étonne pas. Chaque fois qu’il y a un pépin, il tombe sur moi. Je les attire, comme le cheval de trait attire les mouches. Enfin, je laissai ce matin à la réception mon ordinateur et j’allai paresser au bord de la piscine. Quand je remontai, à treize heures, le technicien était passé et l’ordinateur fonctionnait – jusqu’à dernier ordre – parfaitement.
Le 2 juillet, je déambulai en fin d’après-midi dans les ruelles pittoresques et j’achetai des chaussures de plage chez « il mago delle scarpe » . Je retrouvai avec plaisir la devanture de « cose di carte », d’où proviennent mes beaux livres blancs en pur papier d’Amalfi, reliés sur mesure en un cuir épais. J’en possède plus d’une douzaine qui n’attendent que ma calligraphie pour prendre vie. Hélas, le laps de temps qui m’est imparti ne me laissera pas le temps de les faire vivre.
Ce soir, pas de promenade. Le ciel était blanc de chaleur réverbérante, habituelle à San Remo. Rien à voir avec le ciel profond et la mer turquoise du var. Mais la dernière fois que je séjournai à Cavallaire, mon motel de luxe était surfait. Ma belle-mère était descendue dans un trois étoiles infesté par les cafards. On m’expliqua que faute de palaces dans la région, aucun fournisseur d’aliments de qualité ne daignait desservir la région, jusqu’à Saint Rafael.
DE L'ARISTOCRATIE DES COMPORTEMENTS
Le soir, grand événement au Royal. Un personnage grand et sombre qui ressemblait à Oleg d’une manière frappante, fêtait l’anniversaire d’un de ses petits garçons. Un dais avait été dressé d’une manière somptueuse, desservi par quatre maître d’hôtel, sommelier et serveurs en gants blancs, une table merveilleusement garnie. Un prestidigitateur avait été convoqué pour les enfants, un plus beau que l’autre, tout blonds et impeccablement tenus. Les femmes étaient splendides, et nous croisâmes l’une d’entre elles, l’épouse du grand homme, qui était d’une beauté et d’une distinction à couper le souffle, pendant qu’elle conduisait deux des petits garçons dans l’aire de jeu, où ils se précipitèrent aussitôt sur les ordinateurs. L’apparition était d’une extraordinaire élégance et elle évoluait avec grâce parmi les estivants, comme si un mur invisible la préservait de toute proximité.
Les hôtes de la fête, étaient d’un silence et d’une distinction aristocratiques. Ils formaient un monde à part, bien loin des bruyants italiens et des braillements insupportables de leur marmaille. Les américains, étaient aussi sans gêne, et ne parlons pas de la vulgarité des émirs du golfe.
Nous apprîmes que le personnage ressemblant à Oleg, était un des hommes les plus puissants en Ukraine, où il contrôlait les télécommunications, la publicité et bien d’autres activités. Il avait fait étape à l’hôtel pour une nuit afin de fêter l’anniversaire d’un de ses fils et qu’il comptait repartir le lendemain à la première heure. L’excellent pianiste de l’hôtel secondé par une valeureuse chanteuse, jouèrent pour eux les plus jolies chansons italiennes de leur répertoire.
La distinction provenait ici des bonnes manières, de la politesse exquise et un peu froide d'une classe sociale. Mais il est des hommes ou des femmes qui ont cette prérogative, comme Marie-Antoinette de Bournay, Le Baron Asbach, ou John Elkann.
CARAVANSERAIL
Les soirées au Royal sont d’un charme indicible. Ma sœur et moi, nous nous installions au bar d’où on voyait aller et venir des personnages de toute sortes, depuis des italiens trapus indécents dans leurs nu-pieds, aux étrangers d’une grande distinction, des jeunes splendides, des vieilles dames et leurs petits enfants, et des excellent danseurs, certains étant des couples d’amoureux éperdus et … septuagénaires ! C'était un vrai théâtre d'ombres.
MAUX DE COEUR ET D'ESTOMAC
Ma journée fut assombrie par ma décision d’informer Olaf Olafsson, de l’attitude troublante d’une personne en qui nous avions tous deux confiance. Je le sentis perturbé, et je me demande si je n’aurai pas mieux fait de tenir ma langue, et de ne pas lui avoir annoncé trop brutalement mes soupçons, que j’ai soigneusement cachés à cette personne qui me fait assidument la cour et à l’affection de laquelle je croyais fermement. De plus les grands personnages n’aiment pas les mouchards ni d’être détrempés. Mais je lui devais la vérité et j’ai procédé comme avec tous mes clients. Cela pèse sur mon estomac davantage que des brûlures dont je souffre en ce moment et que je soigne avec du malox.
Il est deux heures et demie et je vous dis excellente nuit.
Bruno Lussato.
Friday, 3 July 2009
CHRONIQUE
A BON PORT
C’est avec un sentiment indicible de déjà vu heureux que je retrouvai mon cher hôtel Royal. Marina et moi fumes reçus, je l’ai dit, comme les membres d’une famille trop longtemps absente. J’ai bénéficié de la constante et silencieuse aide de Jean Marie, tout heureux de découvrir l’endroit. Je lui ai conseillé avant de repartir à 7h30 pour Paris, de prolonger son séjour de quelques heures afin de découvrir la petite ville de San Remo. Malheureusement en un accès de zèle mal placé Marie-Jo a pris soin de prendre le billet La petite pour me dépanner le premier jour, n’avait ni short, ni teeshirt, ni rien d’utilisable. Ce qui fait que j’ai dû me promener en costume de ville complet veston. En revanche, elle a placé dans la valise 24 heures, 7 paires de chaussures ! Lorsque le lendemain Michel, mon chauffeur, m’apporta toutes les valises, je trouvai les vêtements dans un tel état que je dus les donner à repasser. Mon beau polo jaune était constellé de tâches d’eau de Javel, et tout à l’avenant. rectification [ Ce sont les teinturiers qui ont diagnostiqué l'eau de javel. Mais ce n'était que des marques de dentifrice. Honneurs aus spécialistes !] Je dois me racheter ce qu’elle a oublié. Enfin tout ceci ne suffit pas pour gâcher cette belle journée ensoleillée ou je déambulai dans les rues piétonnières pleines de charme du vieux quartier. On reconnaissait l’Italie par le linge multicolore qui pendait aux fenêtres. Un an écoulé, bien de vieux bâtiments pouilleux et misérables, se révélèrent, une fois ravalés, de délicieux décors d’opérette, où chantaient les bleus pastel, les rose saumon, les vert amande, les jaunes citron, les violets de glycine. D’alléchantes boutiques d’alimentation régionale, des joailleries de pacotille, des cabinets d’architectes, des repaires de fausses antiquités d’Afrique noire, de petits restaurants familiaux, animaient ces ruelles étroites, où on se parlait de fenêtre à fenêtre d’en face. De vieux retraités discutaient avec animation, assis devant les cafés, et on ne faisait pas dix mètres sans être poursuivis par ces noirs enveloppés de boubous pittoresques et chargés de Vuitton si mal imités qu’on hésite de les qualifier de faux. Et que dire des montres que vendaient au rabais ces démarcheurs, ou les joailleries bon marché qui abondaient dans la vieille ville ?
Le corso Matteotti est le faubourg St Honoré de San Remo. On y trouve, plus cher qu’à Paris, dont les magasins vides pratiquent des soldes de 75% , des Cavalli, des Gucci, Pucci, Bulgari, etc. Annamode est le plus beau des magasins, somptueuses salles de marbre blanc, et verre étincelant, vendeuses affairées et débordées, étrangers huppés ou italiennes réservées.
Je revins épuisé et heureux à l’hôtel, ayant acheté des espadrilles et un parapluie portatif.
CHRONIQUE
LA CÔTE SOUS LA PLUIE
CE 1ER JUILLET. NOTES DE VOYAGE
Le départ se fit dans une sorte d’affolement. Les médecins m’interdirent de rester une heure de plus dans la chaleur et dans la pollution parisienne. J’avais donc le choix de me rendre à Deauville puis, lorsque j’aurais récupéré, arriver en retard à San Remo, soit
affronter huit heures de train et me rendre directement à ma destination. Ce que j’ai fait.
Une de mes visions préférées, lorsque je prends le TGV est d’admirer de Saint Raffaël à Cannes, le contraste des roches rouges, de la mer d’un bleu intense sous le ciel pur. C’est aussi de percevoir dans un éclair de pure jalousie les magnifiques villas toutes blanches à colonnades et ornées de balustrades descendant les pieds dans l’eau. Mais une surprise m’attendait : à partir de Saint Rafael, le soleil s’éteignit, la mer, le ciel étaient
D’un gris sombre, bientôt zébré d’un fouet de pluie ininterrompue. Je ne reconnus point le paysage naguère si joyeux. Les roches étaient d’un brun sale, les couleurs fuligineuses,. On supporte une mer d’encre à Deauville, le brouillard et le ciel gris, en sont des attributs naturels, et cela ne dure point, mais sur la côte d’azur, cela produit un effet déprimant, contre nature. Je pensais aux gens qui avaient acheté à prix d’or une bicoque pieds dans l’eau pour retrouver les jeux de pluie une humidité et un brouillard mous pis que ceux des plages du nord.
A partir de Cannes, le temps empira. Les plages naguère animées par des corps heureux étaient désertes. On se serait cru à Maubeuge, où jamais quiconque n’a admiré le moindre crépuscule. La mer était criblée par les rafales de pluie torrentielle, ininterrompue. Ma sœur et moi, regrettâmes Deauville, où le ciel était méditerranéen et la mer de soie grise. En général, là où il fait beau ailleurs, il fait mauvais à Monaco.
Adossée à de hautes falaises qui arrêtent les nuages, emprisonnant la brouillasse entre les gratte-ciels immondes, Monte Carlo autrefois station balnéaire paisible et quelque peu tentatrice par son casino, est devenue le haut lieu de l’argent noir et des margoulins flambeurs. Aujourd’hui, il faisait plus que mauvais. En voyant la ville depuis la crique suivante, elle m’apparut comme une vision de cauchemar. De sinistres cristaux de plomb émergeaient d’une ouate corrompue, sous une bruine fuligineuse. Comment Alexandre Pugachev qui y a vécu une partie de sa vie et qui a un appartement peut-il s’y plaire ?
A partir de Ventimiglia c’est l’Italie qui commence. Les bâtiments sont plus pauvres, pas tous ravalés, on sent que les milliardaires russes et du golfe, ne fréquentent guère la Riviera italienne.
Luigi, le chauffeur est venu nous chercher, ma sœur et Jean-Marie notre « maître d’hôtel » pour nous conduire au Royal. Plus on approchait de notre destination, plus le temps s’arrangeait. Un petit brin de ciel bleu, puis un soleil nous souhaita la bienvenue à San Remo, alors qu’on avait oublié de qu’était un beau temps méditerranéen. Méditerranéen l’accueil qu’on nous réserva à l’hôtel. Tous nous firent la fête, depuis le portier et la réception jusqu’aux femmes de chambre et la gouvernante. Cette dernière, une humble et modeste personne n’est autre que la propre fille et héritière du Signor Bertolini, le fondateur et l’âme de l’hôtel que nous connaissons depuis le lendemain de la guerre, où il tenait un établissement à Courmayeur, qui ne payait pas de mine mais bénéficiait d’un service et d’un cuisine digne des plus grands palaces de l’époque. On pouvait en dire autant du Baur au Lac de Zürich, le plus réputé de la ville, qui ressemble à une pension de famille mais le service unique au monde. Depuis, avec la mondialisation les critères ont bien changé. Les chambres sont ultra modernes et dotées de tout le confort électronique et normalisé. Internet, boutiques de grandes marques, 40 restaurants de spécialités faussement exotiques, des voyages organisés, des activités sportives, de la musculation et le hammam, toujours identiques d’un Four Seasons à l’autre, d’un Hyatt à l’autre, des salles de séminaires, de l’épate pour cadres supérieurs d’une prétention et d’une nullité dépassant celle des émirs. Un cadre pour des cadres. Et du papier, du papier, du papier glacé, des sites internet, des questionnaires interactifs en guis de dialogue avec les consommateurs, … tels sont les prérogatives du luxe en ce début de XXIème siècle.
A San Remo, on essaya de s’adapter. On aménagea le sous-sol en centres de fitness, de massages à la noix, de balnéothérapie et de remise en forme, de gymnastique mécanisée, et autres gadgets, destinés à justifier une croissante augmentation de prix du Royal.
Mais un fantôme circulait, silencieux, veillant à chaque détail, à exiger la célérité dans le service et les petits détails utiles : remise de beaux sacs de plages aux clients, plats de fruits et champagne de bienvenue… Le fantôme était Bertolini, nonagénaire, silhouette haute et maigre, agitée par la maladie de Parkinson, mais combien réconfortante nonobstant son grand âge.
Il est mort cet hiver, Bertolini, les sacs de plages ne sont pas disponibles, ils ont oublié les fruits de bienvenue parce que l’ordinateur disait qu’on n’était pas là. Ce qui n’était pas faut : on n’aurait pas dû être là, on était un jour en avance. Si on se fondait sur le jugement humain, on aurait bien vu que nous étions, mais l’ordinateur eut le dessus.
Enfin, aurait tort de se plaindre. N’était un épouvantable lumbago, et des crampes aux mollets, qui n’ont rien à voir avec mon opération, je puis bénir le Seigneur : pas la moindre réaction à tout ce qu’a subi mon foie, et le moral est toujours au beau fixe surtout depuis qu’Alexandre Pugachev est venu me voir deux soirées de suite à Paris, gêné au début, souriant à la fin en voyant que je ne lui en voulait pas pour ses silences prolongés. J’espère le voir à San Remo pendant un de ces week-ends.
J’appréhende toujours la nuit, cauchemar où les crampes et la lombalgie s’emparent de ma carcasse.
Bonne nuit.
Bruno Lussato
Tuesday, 30 June 2009
CHRONIQUE
FUITE
Tous sont sur le départ sauf moi. Je suis obligé de rester actif et mon appartement qui est aussi un bureau, en activité. Bien que tout ce qui puisse avoir une quelconque valeur, Socrate Papadopoulos a insisté pour installer chez moi un garde du corps à demeure, chargé de surveiller la personne qui arrose tous les jours les plantes, et mon informaticien qui est en train d'imprimer les blogs, le corriger puis les donner à la duplication. L'appartement est tellement encombré qu'en ce qui me concerne ce n'est pas de départ que je devrais parler mais de fuite!
J'ai eu ainsi une nouvelle preuve de la fidèle sollicitude de mes amis et de mes deux fils adoptifs Oleg et Misha. Sergei Pugachev a été également plein d'égards pour moi, et j'espère qu'après San Remo, je pourrait terminer chez lui ma convalescence provisoire. On se tiendra ainsi compagnie mutuellement dans sa propriété de la Côte d'Azur.
Sandrine reste aussi à Paris, immense travailleuse; la femme idéale selon mes critères. Ah! Si j'avais eu quarante ans de moins! Et puis j'ai ma fille adoptive Tatiana qui vient me voir demain, toujours pleine de sollicitude, comme toute fille à papa! J'ai donc de quoi être heureux.
N'était une ombre au tableau. Alors que ce soir je m'escrimai avec mon Apple, qui ne veut décidément pas accepter mon blog et mon nouvel ami Guilhery, on sonne à la porte : c'était l'intense objet de ma douleur,le jeune homme dont je vous ai entretenu. J'étais dépenaillé,en pyjama, décoré d'une ceinture lombaire; lui d'une élégance impéccable comme d'habitude. Il avait tellement l'habitude de me poser des lapins que je ne l'attendais pas!
L'entrevue fut pire que tout ce que je pouvais en attendre. Un mutisme glacial... pire, indifférent. Lorsque je lui posais la question de savoir comment il pouvait passer de l'affection la plus réconfortante à une indifférence totale. Il me répondit : je ne sais pas. Il fut le seul, lui fis-je remarquer, à ne pas avoir pris de nouvelles de mon opération. Il répondit distraitement, "je vois que ça c'est bien passé puisque vous êtes là". Je passai des considérations affectives ainsi enterrées par son cynisme, à des affaires ponctuelles qui le concernaient. Pas de réponse.
Par ailleurs il m'avait causé un grave préjudice et je lui demandai une réparation symbolique.
- Quel préjudice?
- Vous avez ruiné ma réputation auprès de personnalités importantes pour ma carrière.
- Oui? Je vous donnerai la réponse demain. Je compris alors que je n'en n'obtiendrais même pas un geste symbolique. Je lui demandai pour finir ce qu'il comptait faire dans le futur de nos relations.
-Ce que vous voudrez, me dit-il.
- Mais ça dépend de vous. Que voulez vous de moi?
- C'est à vous de me le dire.
J'arrête car ce dialogue surréaliste est pire qu'une prise de bec franche. Il va venir me voir demain, mais il m'a entraîné dans un piège pour que je sois sous sa coupe et il joue avec moi, et le sait.
Un jour peut-être dévoilerai-je son identité, que connaissent mes amis intimes.Si ce n'était le piège dans lequel il m'a englué, il y a longtemps que j'aurais pris la fuite, comme le recommendait La Bruyère, qui dit que lorsqu'on est en présence d'un homme cruel et puissant, même les antipodes seront trop proches pour se garder de son influence destructrice.
Cela nous ramène à des notions de bien et de mal dont j'ai discuté ce soir à dîner autour d'un Sushi, avec Sacha. Ses interrogations étaient si angoissantes et si justes que je lui ai demandé d'en faire un billet. Je lui répondrai alors.
Il est 5h30 et je vous dis bonne nuit.
Bruno Lussato.
13 heures , lire dans le corps du blog , si cela vous dit, mes souvenirs d'enfance.
En fouillant dans ma bibliothèque de manuscrits à la recherche de quelque ouvrage personnel que je pourrais laisser en souvenir à un ou une qui m'ont été fidèles en ces jours difficiles, j'ai trouvé un très joli volume en cuir artisanal fabriqué pour moi à San Remo sur un merveilleur papier à la forme, Amalfi, le meilleurs de toute l'Italie.
Il m'a semblé que cela pourrait intéresser certains d'entre vous, d'une part parce qu'il écrit la vie cent ans en arrière (Tunis avant la guerre et pendant, vivaitau siècle dernier), d'autre part parce qu'il complète les réflexions de Sacha sur l'impossibilité de concilier contact avec la nature, exploitation autarcique et productivité. Vous trouverez ce Journal des temps d'innocence dans le corps du blog.
Continuer à lire "Le journal du 30 juin 2009"
Sunday, 28 June 2009
CHRONIQUE
IDOLES
Idole de fertilité shamanique Mingei. La patine difficile à reproduire en photos est causée par les milliers d'attouchement des femmes désirant avoir un enfant. C'est un rare exemple de fétiche japonais.
Ce billet a été évidemment inspiré par les réactions mondiales exceptionnelles à l'annonce de la mort prévisible de la star Michael Jackson. Ci-dessous à la une de France Soir.
CONTRADICTIONS
Le terme idole est chargé de connotations contradictoires, mais ne livre ses potentialités qu’à l’analyse sémantique.
La notion d'Idole est issu d’une position de l’Eglise Chrétienne et en particulier de sa branche catholique. Seules les saintes reliques et les objets reliés à la foi : la croix, le cilice, les statues, les médailles bénites peuvent être objet d’adoration. Tout le reste n’est qu’idole.
PRATIQUE ET ESTHÉTIQUE
Cette position est confortée par le fait que les idoles proviennent généralement de pays arriérés, non encore christianisés et par l’aspect esthétiquement répugnant de leur figures grimaçantes, et moralement répréhensible des sacrifices humains. Ainsi, pratique et esthétiques se confortent-ils mutuellement pour faire de idoles des reliques au noir, des instruments du diable comme ces fétiches vaudou.
CHANGEMENT DES PARADIGMES ESTHÉTIQUES
Avec le temps, les esprits évoluèrent sur toutes ces croyances et simultanément. Picasso dans les Demoiselles d’Avignon, Derain et d’une manière générale, virent avec un œil de plasticiens ces formes nouvelles. Ils ne purent que constater l’immense réservoir de formes novatrices de ces arts dits dorénavant premiers par opposition de primitifs. Ils comparèrent cette richesse avec la froideur et la monotonie de l’art grec et de ses rejetons, qui aboutirent à l’académisme abhorré et aux sucreries de Saint Sulpice.
J’eus le privilège vers la trentaine de connaître Jacques Kerchache, de loin le plus grand connaisseur mondial d’art africain. Je voulais me constituer une petite collection et avec la verve du marchand, il m’expliqua la différence entre une pièce de qualité et une banale, me fit caresser les statues pour déceler l’harmonie de transitions de forme, toute rupture dans une courbe, tout déséquilibre entre pleins et vides étant un signe de disqualification. J’étais ébloui bien qu’un peu effrayé par son cabinet funèbre mémento mori. La mort imprégnait cet art et certaines pièces émettaient de véritables ondes de terreur qui perturbaient physiquement des âmes sensibles.
Kerchache n’était pas un expert, il avait appris sur le tas, circulant dans les villages les plus déshérités et inaccessibles, voyant tout, ramassant tout, entretenant des relations cordiales avec les populations. Ceci, joint avec une intelligence aiguë et une mémoire infaillible fit de lui la référence incontournable. Il le savait et on dit qu’il en abusa, car c’était un marchand et il était trop tentant de duper les novices comme moi. Je ne pus rien acheter car c’était hors de la portée de ma maigre bourse.
A cette époque se constituèrent de prestigieuses collections ; la Fondation Barbier-Müller de Genève en tête. L’art nègre au surplus se mariait bien avec l’Art Nouveau et il n’ensuivit un phénomène de mode qui ne s’épuise pas, freiné seulement par l’immense déferlement des faux.
Dans de telles conditions, il devenait difficile de qualifier les fabricants d’idoles de primaires. Restait à justifier la sémantique sous-jacente. Admettre au même plan les sacrifices humains, et les rites démoniaques et les danses de possession et la charte chrétienne, ou la sagesse bouddhiste, était difficile à avaler.
CHANGEMENT DES PARADIGMES MORAUX
C’est là que les intellectuels œuvrèrent au nom de principes tiers-mondistes et égalitaires, confortés par les ethnologues peu soucieux de problèmes métaphysiques et religieux. Au nom de quoi avez vous décidé que telle pratique religieuse doit être vouée aux gémonies parce qu’elle ne correspond pas à votre sensibilité ?
LA FOULE ET LA MASSE
Il nous faut à présent considérer une autre face de la notion d’Idole.
Une idole, comme toute relique et symbole religieux, ne peut exister sans des croyants. Plus ceux-ci sont nombreux, plus le symbole se renforce. L’homme qui a le mieux cerné ce phénomène est Rupert Sheldrake, le créateur des notions de morphogenèse et de champs de forme. Il montre, exemples très faciles à reproduire à l’appui, que lorsqu’une forme nouvelle apparaît on peut la comparer à une bille qui dévale une surface plane creusant un sillon. Avec le temps, plus le sillon s’approfondit, plus il attire les billes, jusqu’à devenir une vallée. Il montre ainsi que lorsque des esquimaux sont soumis à un texte en hébreu, il seront plus attirés par ceux qui déclinent la prière millénaire Barouch Attah Adonaï (vous me pardonnerez d’estropier l’orthographe) que par ceux qui lisent le mode d’emploi d’un aspirateur. Ceci n’est pas lié à l’intérêt du texte mais à sa répétition. On se souvient encore de Garap produit inexistant diffusé à grande échelle sans un mot d’explication. Ce fut la ruée, tous voulaient du Garap.
Cz phénomène les systémistes le désignent par « boucle de feedback positif ». La notoriété s’alimente d’elle même. Le phénomène est d’autant marqué que l’élément déclenchant concentre toutes les valeurs dominantes de la population. Andy Warhol comprit cela en vendant à prix d’or un gigantesque symbole du dollar, icône de notre civilisation.
Nous en revenons aux phénomènes d’hystérie collective qui transforme les foules d’individus en masses agglutinées. Nul mieux que Gursky n’a mieux saisi cet effrayant phénomène. Mais on le retrouve dans ces photos du IIIème Reich, où des centaines de bras se levaient parfaitement parallèles tendus vers le fétiche, la croix gammée. On ne connaît que trop où mena cette hystérie collective. Grâce à elle, pour la première fois de l’histoire, l’homme donna des leçons à l’enfer, pour adopter la formule frappante d’André Malraux .
ON A LES IDOLES QU'ON MÉRITE
Il est de ce fait important d’étudier les idoles qui soulèvent les foules. On trouvera le ballon de football exalté à Paris dans une manifestation inspirée des danses de possession tribales. Puis la mort de Diana, promue en symbole de courage non conformiste. Les masses soulevées par la mort d’Elvis Presley furent presque aussi importantes que les manifestations agressives Gay Pride qui paralysent une métropole pendant une journée. Mais le personnage de Jackson en tant que symbole ou fétiche, se disant une idole pose des interrogations sérieuses sur le basculement des valeurs au XXIème siècle. Je vous laisse tout loisir d’y réfléchir sérieusement, car cela nous mènerait trop loin dans un billet déjà bien lourd. Songez tout simplement qu'alors que l'hystérie était manipulée par les chefs poliiques, aujourd'hui c'est elle qui les manipule les forçant de se joindre à sa barbarie et d'y faire chorus pour des raisons électorales.
Rédigé sur Word, ce 29 juin 2009 à Oh.30
Transféré 1h10
De l'Hôpital Cochin, je vous souhaite une bonne nuit.
Votre Bruno Lussato.
CHRONIQUE
PROJETS
Comment vivre sans projets? Un projet est un pôle aimanté à la fois structuré et informe, provisoire et révisable et fixe à long terme comme l'étoile polaire. C'est lui qui oriente la boussole. Autant dire que sans projets, un humain est déboussolé.
A propos d'un de mes projets, devenu réalisation, le WESTERN MINGEI-KAN je vous conseille de vous reporter au billet du 24 juin 2009, qui integre les précieux commentaires de Philippe Boudin.
PROJETS
J’ai connu au cours de ma profession bien des hommes puissants et adulés, tout entiers voués à leur entreprise. Lorsque je voulais les intéresser à des activités artistiques, ou à n’importe quel sujet qui ne touchait pas à leur profession ils répondaient :
- Je n’ai pas le temps, je suis submergé en ce moment. Plus tard on verra.
- Les moments libres sont consacrés à ma famille (ou à mes activités sportives etc.)
- Lorsque je serai à la retraite j’aurai tout le temps de me cultiver.
- La semaine prochaine. (reconduite de semaine en semaine)
- On voit bien que vous n’êtes pas à ma place. Vous êtes un intellectuel. J’ai charge d’hommes.
Mais la retraite venue c’était la chute, soudaine ou différée. Soudaine : une bonne attaque enchantait leurs héritiers. Bon débarras. C’était mieux que l’Alzheimer. Mais le pire était le déclin lent. Notamment, ils essayaient avec les fonds mis de côté de reconstituer une entreprise, quelquefois dans un métier qu’ils ne connaissaient pas. C’est ainsi que François Dalle misa sur la production cinématographique. Le problème venait de ce qu’étant habitués à bénéficier de l’appui d’un état major compétent et serviable ils s’adaptaient mal à la parcimonie qui est indispensable dans une PME de petite taille.
Continuer à lire "Le journal du 28 juin 2009"
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