CHRONIQUE
LUXE,CALME, ET DISTINCTION
Voici une merveilleuse journée écoulée. Mon lumbago réside en cinq points qui diffusent dans tout le bas de la colonne vertébrale, et la ceinture lombaire ne peut en venir à bout. J’ai appris à trouver l’épicentre des douleurs, et je le manipule sans prendre garde aux brûlures et peines intenses qui en résultent. Je préfère une douleur vive à une douleur sourde. Grâce à ces manipulations ininterrompues, je parviens – avec l’aide de Michel – à mener une vie (presque) normale.
Le temps était ensoleillé et chaud (25°) ce qui n’est rien comparé à Paris (38° me dit-on).
Le matin nous avons retrouvé nos chaises longues près de la piscine, mais muni de mon Apple j’ai préféré m’asseoir à l’ombre, sous un dais dominant la piscine et muni d’une table et d’un fauteuil. En effet, en dépit des proclamations optimistes des fans de l’internet on ne peut y avoir accès partout dans le monde. En ce qui me concerne, tout juste en France, où Bouygues à un réseau. Point ailleurs. Hier Michel me fait une proposition alléchante : si je veux avoir accès à l’internet, c’est simple. Il me conduit de l’autre côté de la frontière, avant Menton !
J'ai préfère me tourner vers l’autre solution : payer ! Encore payer , toujours payer. Il suffisait de me brancher sur le Wi Fi de l’Hôtel, à 7 euros de l’heure. J’achetai le maximum, soit 26 heures, et pour les économiser, j’écrisvis mes billets sur Word, ce que je fais en ce moment. Mais ne croyez pas que cela s’arrêta là. L’ordinateur rejeta le Wi Fi en effectuant toutes sortes de grimaces et de simagrées. Par exemple il me notifia que le mot de passe était correct, que j’avais accès à l’internet et que j’étais le bienvenu. Mais lorsque je tentais d’en profiter, la fenêtre se représentait, le compteur tournant et m’indiquant le nombre de minutes restantes. Enfin, bientôt les images de bienvenue se multiplièrent 120 fois et envahirent l’écran, ne laissant même pas de place à Word. Le préposé au Wi Fi de l’hôtel tenta de faire marcher le bidule. Il abandonna à trois heures du matin. Il me dit que c’était la première fois que ça lui arrivait et qu’il fallait attendre l’expert informaticien qui passerait dans la matinée. Ceci ne m’étonne pas. Chaque fois qu’il y a un pépin, il tombe sur moi. Je les attire, comme le cheval de trait attire les mouches. Enfin, je laissai ce matin à la réception mon ordinateur et j’allai paresser au bord de la piscine. Quand je remontai, à treize heures, le technicien était passé et l’ordinateur fonctionnait – jusqu’à dernier ordre – parfaitement.
Le 2 juillet, je déambulai en fin d’après-midi dans les ruelles pittoresques et j’achetai des chaussures de plage chez « il mago delle scarpe » . Je retrouvai avec plaisir la devanture de « cose di carte », d’où proviennent mes beaux livres blancs en pur papier d’Amalfi, reliés sur mesure en un cuir épais. J’en possède plus d’une douzaine qui n’attendent que ma calligraphie pour prendre vie. Hélas, le laps de temps qui m’est imparti ne me laissera pas le temps de les faire vivre.
Ce soir, pas de promenade. Le ciel était blanc de chaleur réverbérante, habituelle à San Remo. Rien à voir avec le ciel profond et la mer turquoise du var. Mais la dernière fois que je séjournai à Cavallaire, mon motel de luxe était surfait. Ma belle-mère était descendue dans un trois étoiles infesté par les cafards. On m’expliqua que faute de palaces dans la région, aucun fournisseur d’aliments de qualité ne daignait desservir la région, jusqu’à Saint Rafael.
DE L'ARISTOCRATIE DES COMPORTEMENTS
Le soir, grand événement au Royal. Un personnage grand et sombre qui ressemblait à Oleg d’une manière frappante, fêtait l’anniversaire d’un de ses petits garçons. Un dais avait été dressé d’une manière somptueuse, desservi par quatre maître d’hôtel, sommelier et serveurs en gants blancs, une table merveilleusement garnie. Un prestidigitateur avait été convoqué pour les enfants, un plus beau que l’autre, tout blonds et impeccablement tenus. Les femmes étaient splendides, et nous croisâmes l’une d’entre elles, l’épouse du grand homme, qui était d’une beauté et d’une distinction à couper le souffle, pendant qu’elle conduisait deux des petits garçons dans l’aire de jeu, où ils se précipitèrent aussitôt sur les ordinateurs. L’apparition était d’une extraordinaire élégance et elle évoluait avec grâce parmi les estivants, comme si un mur invisible la préservait de toute proximité.
Les hôtes de la fête, étaient d’un silence et d’une distinction aristocratiques. Ils formaient un monde à part, bien loin des bruyants italiens et des braillements insupportables de leur marmaille. Les américains, étaient aussi sans gêne, et ne parlons pas de la vulgarité des émirs du golfe.
Nous apprîmes que le personnage ressemblant à Oleg, était un des hommes les plus puissants en Ukraine, où il contrôlait les télécommunications, la publicité et bien d’autres activités. Il avait fait étape à l’hôtel pour une nuit afin de fêter l’anniversaire d’un de ses fils et qu’il comptait repartir le lendemain à la première heure. L’excellent pianiste de l’hôtel secondé par une valeureuse chanteuse, jouèrent pour eux les plus jolies chansons italiennes de leur répertoire.
La distinction provenait ici des bonnes manières, de la politesse exquise et un peu froide d'une classe sociale. Mais il est des hommes ou des femmes qui ont cette prérogative, comme Marie-Antoinette de Bournay, Le Baron Asbach, ou John Elkann.
CARAVANSERAIL
Les soirées au Royal sont d’un charme indicible. Ma sœur et moi, nous nous installions au bar d’où on voyait aller et venir des personnages de toute sortes, depuis des italiens trapus indécents dans leurs nu-pieds, aux étrangers d’une grande distinction, des jeunes splendides, des vieilles dames et leurs petits enfants, et des excellent danseurs, certains étant des couples d’amoureux éperdus et … septuagénaires ! C'était un vrai théâtre d'ombres.
MAUX DE COEUR ET D'ESTOMAC
Ma journée fut assombrie par ma décision d’informer Olaf Olafsson, de l’attitude troublante d’une personne en qui nous avions tous deux confiance. Je le sentis perturbé, et je me demande si je n’aurai pas mieux fait de tenir ma langue, et de ne pas lui avoir annoncé trop brutalement mes soupçons, que j’ai soigneusement cachés à cette personne qui me fait assidument la cour et à l’affection de laquelle je croyais fermement. De plus les grands personnages n’aiment pas les mouchards ni d’être détrempés. Mais je lui devais la vérité et j’ai procédé comme avec tous mes clients. Cela pèse sur mon estomac davantage que des brûlures dont je souffre en ce moment et que je soigne avec du malox.
Il est deux heures et demie et je vous dis excellente nuit.
Bruno Lussato.