Friday, 10 October 2008
CHRONIQUE
Décadence du système monétaire
Dans le précédent billet j'ai présenté la constitution de la monnaie, son enrichissement progressif par des valeurs culturelles, politiques, artisanales. L'apogée fut proche de sa naissance : Grèce et la Sicile.
Le schéma ci-dessous montre le lent dépérissement, l'aplatissement des valeurs véhiculées, parallèle à un dessèchement culturel et spirituel porté par la mondialistation et aboutissant au regne de la mondialisation et de la technologie triomphante.
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Ci-dessus, extrait d'un feuillet,publicitaire, pour un salon de numismatique, montrant les étapes successives du déclin monétaire.
Le passage qui suit ne prétend pas esquisser une histoire de la monnaie. Il s'agit de mettre en évidence une évolution lente et inéluctable vers la banalisation et l'abstraction qui semble aller de pair avec le rétrécissement de l'espace sémantique des populations et des élites, dont le how ((comment faire) remplace le why (pourquoi faire?).
Les décadrachmes d'Euainetos et de Kimon, marquent le point exceptionnel où la fonction esthétique dépasse toutes les autres. Cette étape ne sera plus ni dépasséeni même égalée d'où la célébrité de ces documents de l'histoire de l'art.
La seconde phase cède à un style où la fonction esthétique est représentée par l'art du portrait, celui des empereurs. La finesse et la psychologie remplacent le mythe, témoin ce tétradrachme de Carrahe 215-217. 850-1000 €. Vente Burgan 20 juil 2007. En même temps l'emploi du bronze se généralise car il permet une subdivision plus fine des valeurs. Une pièce de bronze assez large remplace une microscopique pièce d'argent ou d'electrum. Certes, bien que la patine puisse être superbe, il s'ensuit une distanciation supplémentaire entre la valeur métal intrinsèque et celle de la monnaie de bronze qui repose davantage sur une convention.
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Comparez avec un exemplaire de la vente Vinchon du 7 octobre 2008
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Parallèlement la fonction symbolique très stylisée et quelque peu sommaire marque les monnaies "barbares" . Elles rappelent les manuscrits et les icones du temps du livre de Kells ou de Lindisfarne, mais la stylisation est plus poussée et les déformations des figures confine à l'abstraction.
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La troisième phase, bien que décorée est beaucoup plus conventionnelle. Les figures sont beaucoup moins individualisées. Il subsiste néanmoins une trace de la main de l'artisan et une préoccupation esthétique bien qu'accessoire.
Elles disparaissent avec la mécanisation qui transforme la monnaie en un objet industrialisé, dont le principal intérêt consiste dans le poids d'argent (silver dollar) ou d'or (napoléon). toute fonction artistique, culturelle ou religieuses ont disparu.
Cette valeur elle-même disparait avec la nécessité pour les Etats-Unis de faire face aux déficit énormes causés par la guerre du Viet-Nam. Le panurgisme des acheteurs, les habituent à l'idée, que la garantie militaire et la puissance de l'Amérique tient avantageusement lieu de présence physique réelle. La confiance remplace la certitude. Mais lorsque cette confiance vient à s'ébranler, plus aucun frein métallique ne vient garantir la valeur physique, réelle, de la monnaie qui n'est plus représentée que par un signe. L'aboutissement du processus de dématérialisation, est évidemment la monnaie électronique.
Que se passera-t-il si le processus continue à évoluer dans ce sens?
Deux thèses contradictoires s'affrontent.
1.On distingue la valeur de la monnaie, garantie par l'Etat ou toute autre instance "sûre" (la poste, les actions privées comme celles d'Auchan, le papier monnaie). La convertibilité-divisibilité sont assurées, de la valeur des actions, des obligations, etc. qui repose sur des activités naguère solides et inaltérables, aujourd'hui en faillite ou ne valant plus qu'un centième de leur valeur passée. Si l'on admet la permanence du système monétaire, on aurait intérêt d'attendre avant d'investir, et à thésauriser les billets de banque. Avec 100 000 € on pourra acheter des actions d'entreprises importantes, de véritables leaders, à une fraction du prix jadis normal. La fortune ira à ceux qui savent attendre.
2. Cette thèse repose sur la croyance, qu'en dépit de leur insolvabilité, les états pourront entretenir la confiance en des signes artificiels qui ne dépendent que de mesures hasardeuses. Dans le cas où la panique s'installerait, le fil tenu qui relie la monnaie (sgnifiant) à la réalité non arbitraire ( Signifié) se romprait, accroissant encore l'affollement des populations et débouchant sur la violence et la montée des extrémismes. A ce moment on en serait réduits à en revenir au troc, c'est à dire aux échanges entre biens à valeur concrète. Cela peut être de la nourriture (provisions, fermes, prosumérisme, bricolage) et du chauffage (abris oeu dispendieux ou bien placés, à proximité d'une école par exemple), pour ceux qui possèdent des biens important, on se rabattrait sur l'autres valeurs, notamment scientifiques (financement de la recherche), esthétique (achat d'oeuvres d'art de très haute qualité et surtout incontournables par leur rareté et leur importance, comme les pièces grecques décrites dans le billet précédent). En revanche les pièces de moyenne importance ou abondantes, comme les meubles Louis XV, s'écrouleraient.
Le deuxième scénario, nous l'avons appelé "catastrophe" parce qu'il se développerait sans aucun contrôle. Un seuil serait atteint puis dépassé, celui du déferlement, où les lois "normales" sont renversées. Vouloir raisonner en financier dans un tel contexte, c'est comme traiter les phénomènes quantiques avec les mêmes notions familières qui donnent sens à notree existence.
On peut même ajjouter, que cette phase catastrophique est déjà présente mais qu'elle ne se manifeste pas par un phénomène de sursaturation provisoire. Une goutte d'eau de plus (quand, laquelle?) et brutalement le liquide déborde, déclenchant l'irréparable.
Voici mes chers internautes, la manière dont j'utilise la numismatique comme modèle de ce qui risque de se produire. J'espère que mes prévisions, ou plus exactement le raisonnement qui leur donnent crédibilité, sont fausse. Jusqu'ici, cela n'a guère été le cas, mais lisons le hai-ku de Basho à l'envers
Le nuage
qui ne bougeait jamais,
n'est plus
Bruno Lussato. 6h.30 du matin, 11 octobre 2008
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CHRONIQUE
Grandeur et décadence de la monnaie
DU TROC AU TROC
Au départ était le troc,c'est-à-dire l'échange entre biens de valeur intrinsèque, opération sur les signifiés.
"Je te donne en dot quatre chameaux, dix tapis précieux, douze esclaves si toi, ô savant, tu te maries avec ma fille. "
Les valeurs échangées sont des objets U (utiles) contre un objet D (développement).
Il nous faut bien convenir qu'un tel échange est bien incommode sous deux aspects : il est difficile de transporter frequemment des chameaux ou des esclaves et de mesurer le degré de compétence d'un savant, il n'est pas plus aisé de calculer objectivement et précisément combien de chameaux valent-ils un tapis ou un esclave.
La solution consiste à utiliser un objet x facile à déplacer et à échanger que l'on troquera deux fois, une fois contre le chameau, une seconde contre le tapis, et dont le troc se fasse dans les deux sens. Chameau contre x, x contre tapis, un consensus s'étant obtenu durablement dans un espace aussi large que possible.
Le meilleur candidat à la fonction x est incontestablement le métal précieux : or, électrum (alliage d'or et d'argent), argent. Le petit lingot est facile à véhiculer des valeurs importantes sous un petit volume,
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Ci dessus un exemple de la finesse atteinte par les artisans grecs.
Malheureusement, bien souvent le volume est si petit, qu'on peut aisément égarer la pièce, voire l'avaler. Jenkins montre un échantillon de monnaies avec des tailles comprenant le drachme,la triobole, la trihemiobole,l'obole, l'hemiobole,le tritartemorion, le trihemitartemorion, noms barbares qui montrent le besoin de fragmenter les valeurs. En dépit de cette exiguïté, la plus minuscule de ces pièces est encore trop chère pour permettre de faire son marché !
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Ci-dessus,une sélection du British Museum des différentes subdivisions du drachme. Athènes 480 à 420 BC.
Graduellement, les monnaies tirèrent leur valeur de la qualité esthétique de la pièce et du prestige politique qu'elle apportait à la ville dont elle était isuue. Ceci, à telle ancienne, que lorsqu'une ville était vaincue, on conservait le poids de métal, élément constant de valeur, mais on refrappait la monnaie aux effigies de la ville dominante. En d'autres termes, la pièce était, outre, une sorte de Fort Knox microscopique, garantissanrt le patrimoins du détenteur, mais une oeuvre d'art à part entière pour les uns, un manifeste politique pour les autres.
On peut en inférer que les civilisations en déclin, ou uniquement matérialistes, limitèrent leur vision, à des images stéréotypées, banales et sans intérêt. Ce fut le cas également pour les cités vaincues. C'est effectivement ce qui se passa et qui a atteint un paroxysme aujourd'hui.
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Thursday, 9 October 2008
CHRONIQUE
L'édification de l'abstraction monétaire
Vue par les grecs pendant la création de la monnaie de 600 à 350 av. Jésus Christ. Utilité, politique et esthétique...
Ce billet est rédigé sous l'influence toute puissante de mes contacts avec les numismates et leurs publication. Est considérée seulement la période de forte créativité, avant la déchéance des signes monétaires aboutissant à celle de l'argent scriptural qui nous occasionne tant de sueurs froides.
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Il est avant tout indispensable de consulter des ouvrages de référence. On peut en acheter chez Vinchon,rue de Richelieu, boutique de numismatique, qui en outre recèle de véritables trésors. Le principal livre est déjà ancien :
Ancient Greek Coins
G.K.Jenkins
The world of numismatics. Office du Livre, Fribourg (Suisse) 1972
On trouve dans ce livre des notations intéressantes et qui ne manquent pas de sel :
Jamais l'attraction pour les monnaies anciennes - et en particulier des monnaies grecques - n'été supérieure qu'aujourd'hui. Cela est confirmé avec éloquence par les prix fantastiques atteints en salle des ventes. Ceci est dû, évidemment, partiellement à l'extrême rareté de certaines de ces pièces, qui dans quelques cas sont les uniques survivants d'une édition originale de plusieurs milliers. Mais un facteur encore plus important est que ces monnaies sont des objets de beauté à part entière; tout en ayant leur intérêt historique et suscitant la curiosité.
En fait, les prix d'alors étaient hors de proportions avec les sommes atteintes aujourd'hui par les spécimens exceptionnels, en dépit de leur très petite taille.Les côtes atteignent pour les belles pièces de 28.000 € (un des fameux decadrachmes d'Evainète, un spécimen passable) à 250.000 €. (Un décadrachme très rare de 279 AC, en mauvais état, usé).
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Ci-dessus l'exemplaire Vinchon, au prix absurde de 250 000 €
L'ouvrage de Jenkins, reproduit un magnifique exemplaire, provenant du British Museum. On le comparera avec le Vinchon.
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Ci-dessus, l'exemplaire reproduit dans le Jenkins
Les ouvrages de référence sont indispensables pour situer un exemplaire qui se dit exceptionnel. Par exemple Vinchon vend pour la modique somme de 250 000 € , une pièce d'une grande rareté et d'une extrême importance, mais défectueuse. L'examen et le toucher par un connaisseur
sont supérieurs, mais encore faut- il pouvoir se déplacer à Londres, en Suisse ou à New York.
Le clou de la prochaine vente aux aux enchères par exemple une magnifique tête de lion prétendûment fleur de coin, mais néanmoins le meilleur exemplaire connu. L'estimation est de 90 000 FS, et il sera intéressant de voir l'effet de l'effondrement boursier sur les pièces "insubstituables" convoitées par les grands musées.
Il m'a été pratiquement impossible d'accéder au conservateur qui délivre le droit de voir un tel trésor. Il faut remplir des paperasses complexes pour avoir le privilège de le voir (le conservateur, pas le trésor!).
Ne croyez pas qu'il en aille différemment dans des bibliothèques muséales comme celle de Guimet. Comme je demandai à la dame intitulée bibliothécaire où se trouvait le Ko-Ji-Ho-ten, l'ouvrage de référence le plus répandu chez n'importe quel amateur, elle me répondit : voyez les fichiers. Mais c'était impossible, l'ouvrage devait être classé selon des critères spéciaux que ne connaissait pas la dame, qui vraisemblablement n'avait pas entendu parler de l'ouvrage, pas plus que n'importe quel autre d'ailleurs!
Il me faut à ce propos revenir à l'intérêt de mes fondations. Aussi bien l'accès aux livres que celui aux objets, est très rapide et on fait tout pour guider les visiteurs. C'est ce que je suis parvenu à atteindre dans mes différents musées : celui de la photo, des stylos, de l'acoustique, les librairies japonaises ou les collections de partitions anciennes.
Ackoff en majesté
Ce matin, j'ai fait un saut à la BNF, sote Richelieu. Je voulais accéder à leurs Grolier, à leur fonds de Moinnaies et médailles, et à la salle où doit être entreposée l'entretien:la salle des manuscrits anciens. Tout a été un parcours du combattant. Un temps considérable pour obtenir une carte d'accès... pas aux oeuvres! Aux conservateurs susceptibles de me guider ou de me renseigner. Il m'a été impossible de trouver ma route. Enfin je trouve deux jeunes barbus bien sympathiques à qui je m'ouvris longuement, croyant parler à des aides conservateurs, car ils connaissaient parfaitement l'entretien et mes ouvrages. Ils étaient enfin au courant. Hélas je finis par apprendre que c'était d'anciens étudiants; et la salle de lecture en était truffée. Je repartis bredouille, dégoûté, après avoir discuté avec des préposés à la conservation, des conversations dignes d'Ionesco. Je me demandai quel accès pourra être réservé à mes dépôts : la paix des cimetières.
Au musée Guimet le classement de la bibliothèque est fait de telle sorte, qu'il est impossible pour moi comme pour la bibliothécaire de retrouver le moindre ouvrage important. Existe-t-il dans le fonds, ou a t-il été volé, perdu dans les réserves, oublié, que sais-je?
Prochain billet
Il développe le développement des monnaies comme une illustration "numismatique " de la catastrophe financière. Ceci est logique en dépit des apparences. Les monnaies représentent un lien entre la valeur plus ou moins physique et la valeur réelle; au 550 av.JC la pièce a une valeur concrête substituable au chameau, au tapis, au savant.Elle se charge par la suite d'un contenu additionnel esthétique ou politique, puis se dépouille par la frappe automatique, de toute valeur intrinsèque, puis par le décrochement avec l'étalon-or, le lien et rompu, le sugnifiant se développe en roue libre par rapport au signifié, puis finit par n'avoir aucune valeur que la confiance, la peur ou la menace. On en est là avec la monnaie électronique où le substrat est non pas dévalué mais anéanti.
Tuesday, 7 October 2008
CHRONIQUE
Le Chant de la Terre
Le cheminement d'une nostalgie, de Li-Taï Po à Gustav Mahler.
Blecher vient de remettre en état ma chaîne de moyenne fidélité, silencieuse depuis des mois. J'avais en fait oublié d'appuyer sur un bouton! J'en ai profité pour parcourir les méandres et le cheminement souterrain de cette sehnsucht, (nostalgie) avec Sandrine, ma complice préférée. J'aimerais bien vous faire profiter de ce voyage quelque peu initiatique, et saisir aussi l'occasion, puisqu'on est au chapitre de l'émotion, pour vous commenter le début de la Xème symphonie de Beethoven, sitôt publiée, sitôt enterrée.
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Ci-dessus, la meilleure version du Chant de la Terre, sous-estimée par rapport à celle de Bruno Walter. Comme lui, Otto Klemperer était un disciple du compositeur, mais l'enregistrement ci-dessus est plus puissant, plus déchirant, et merveilleusement enregistré.
Ci-dessus, l'émouvant enregistrement de Wyn Morris. Une autre version, sèche et inexpressive, servit de bonus à une intégrale des neuf symphonies et demeurée confidentielle, comme celle-ci d'ailleurs. A acheter absolument si elle est toujours disponible.
Il est intéressant de suivre l'évolution du texte utilisé par Gustav Mahler et qui pour trois mouvements, remonte au plus grand des poètes chinois Li Taï Po.
Le recueil de poésies d'où est tiré le livret, est La Flûte de Jade, dans la traduction de Hans Bethge, d'origine plus ou moins douteuse mais dont l'esprit s'accordait avec la fugacité de la vie d'un homme et la permanence
de la nature.
Le recueil a été à son tour traduit par Franz Toussaint, edité chez Piazza en 1920 pour l'édition originale, la seule qui indique les dates et l'auteur de chaque poésie. Elle est rare malheureusement. Essayez de vous la procurer chez un bon libraire, ou à défaut, la version tronquée chez Amazon.
Ci-dessous,édition princeps sur Japon, miniature du frontispice par Siu-Koung..jpg)
A la mémoire de TSAO-CHANG-LING qui a été dormir dans le jardin des neuf sources après m'avoir confié le soin de présenter aux lecteurs français ces illustres poésies, choisies et traduites par lui. F.T.
J'ai choisi de comparer pour vous, un court fragment représentatif de la nostalgie (sehnsucht) typiquement pos romantique. Celui, où de gracieuses jeunes filles en train de s'ébattre dans un champ fleuri, le voient piétiner sauvagement par une troupe de cruels cavaliers, passant en trombe. La plus jolie des jeunes filles feint l'indifférence, mais elle est folle de désir pour le plus brutal d'entre eux.
LI-TAI-PO. 702-763.
SUR LES BORDS DU JO-YEH ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤
... Une des jeunes filles laisse tomber ses nénuphars et comprime son coeur qui bat à grands coups ¤¤¤¤¤
(La Flûte de Jade par Toussaint).
IV Von der Schönheit
(Li-Tai--Po)
***
Texte de Bechtge
und die schönste von den Jungfrau sendet
lange Blicke ihrm des Sehnsucht nach
in dem Funkeln ihrer grossen Auge
im dem Dunkel ihres Blicks
schwingt klagend noch die Erregung
ihres Herzens nach. ¤¤¤¤¤¤¤
mot-à-mot
Et la plus belle des jeunes filles adresse
de longs regards de désir vers lui
dans l'étincelle de ses grands yeux,
dans l'ombre de son regard brûlant
palpite encore de douleur l'exaltation
de son coeur ¤¤¤¤¤¤¤
Traduction DECCA 1967
Et la plus belle des jeunes filles
jette vers lui de longs regards pleins de désir.
son fier maintien n'est qu'attitude.
Dans l'étincellement de ses grands yeux,
dans le sombre feu de ses brûlants regards,
palpite la dolente exaltation du coeur ¤¤¤¤¤¤
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Sunday, 5 October 2008
CHRONIQUE
Logiques de crise
Cela n'en finit pas. Tous mes visiteurs et mes clients veulent avoir ma version de la crise en cours, sur son évolution, et éventuellement sur les mesures à prendre pour se prémunir. Outre que je ne suis pas Madame Soleil, ce n'est pas ma vocation, ni mon job d'aborder des domaines où tous se plantent. Je ne puis que recueillir du discrédit " Oui vous m'aviez averti il y a des mois... des années et j'aurais dû suivre vos recommandations. Je ne l'ai pas fait, je n'y croyez pas. Mais c'est votre faute. Vous n'avez pas su me convaincre ! " D'autres, il est vrai me remercient et me félicitent, mais le mérite n'est pas mien. Je ne suis pas le seul à avoir anticipé sur la précipitation des désastres. D'autres l'ont fait en même temps que moi, et ils sont si nombreux qu'ils forment un mouvement cohérent. Et d'ailleurs les bases de leur raisonnement remonte au temps de Jay Forrester, le fondateur des mémoires à tores et de l'écologie. Avec Général Dynamics (ouvrage luxueux en noir et rouge!) puis Urban Dynamics, enfin World Dynamics, il jeta les bases théoriques qui furent imprudemment et impudemment, exploitées par Meadows patronné par Aurelio Peccei du Club de Rome, et auteur de Halte à la croissance.
Ma dernière visite au grand homme (Forrester, pas Meadows !) au MIT, me laisse l'image indélébile d'un homme sec aux yeux clairs et froids. Il était furieux de l'exploitation qui était faite de ses théories. Les charlatans commencèrent à pondre un système à 1200 équations, en expliquant que c'était à titre démonstratif et qu'il fallait injecter des sommes considérables (qu'ils voulaient obtenir à tout prix) pour en tirer de premieres prédictions significatives. Puis, emportés par leur enthousiasme, ils prétendirent avoir décelé le futur dans leur boule de cristal. Et leur recommandation majeure était un arrêt de la croissance, la limitation volontaire de notre consommation et de notre activité industrielle, dont les conséquences sur l'écologie seraient néfastes en matière de pollution et d'épuisement des ressources naturelles. C'était l'époque du film Soleil Vert dans lequel un recyclage écologique inédit, transformait les bouches inutiles en aliments pour le reste de la population.
Si le Club de Rome pêcha par manque de prise en considération de quelques centaines de millions d'équations, faute de temps et d'argent, le temps se chargea de suppléer à cette lacune et aujourd'hui le futur qu'ils auraient décelé avec des moyens adéquats, commence de lui-même à se profiler, que dis-je, à faire irruption dans notre vie quotidienne. Mais ce qui n'est pas prévu ne peut être corrigé et se manifeste de la pire des manières. Ce qui reste valable dans les équations de Forrester, c'est la théorie de base et les notions fondamentales de la théorie des systèmes, alors en pleine éclosion avec West Churchman,(Wharton), Johnson, Kast et Rosenzweig,(Seattle), Stafford Beer (Manchester, Wharton). Leurs théories s'allièrent aux travaux sur le sens de Bertallanfy, de Korzybsky et de Hayakawa. C'est la synthèse entre ces courants de pensée qui permet de fonder une des grandes visions explicative de la crise que nous vivons.
J'ai subi aujourd'hui une séance particulièrement frustrante. Un de mes disciples particulièrement intelligent (celui qui ressemble tant à L.H.) est venu me voir de Nice. Il devait rester deux jours, il me consacra deux heures! Et pendant ces deux heures je dus visiter avec lui l'exposition de Nolde, et ... lui expliquer les ressorts de la crise économique que nous vivons.
Je vous ai quelque part dans le blog vivement conseillé d'acheter Ariane à Naxos dans la version admirable et hilarante de l'Opéra de Dresde. Dans le prologue on expose l'action: un richissime oligarque... pardon bourgeois, donne à ses hôtes deux spectacles avant le feu d'artifice. L'un est de la commedia dell'Arte, improvisation follement gaie animée par des masques : Zerbinette, et Arlequin... L'autre est un opéra sérieux qui pleure sur la triste mésaventure d'Ariane, fille du Roi de Crête, et abandonnée par Thésée. Chacun se bat pour passer devant l'autre, mais parait le majordome. Le souper a fini en retard, on ne peut retarder le feu d'artifice, on donnera donc les deux pièces ... en même temps!
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Mon Lars N°2 me traite comme le majordome. Je pensais lui faire visiter Nolde, puis la soirée venue, lui expliquer les arcanes de la situation économique, et voilà : il m'annonce avec un calme imperturbable que son jet part à huit heures. Etant arrivé avec une heure et demie de retard, il ne me reste que l'option d'Ariane à Naxos : lui expliquer à la fois Nolde et lui commenter l'exposition et la théorie systémique qui me parait bien expliquer la crise! On imagine ma satisfaction! Et qui a lu le livre de L.H. aura compris qu'on ne resiste pas à l'autorité de mon disciple. Ce qu'il veut, il l'obtient.
Me voici donc contraint de me focaliser sur les tableaux majeurs de Nolde : les premiers paysages éclatant d'une lumière intérieure dorée, la simplification brutale des tonalités et l'expression dramatique du Christ dans le polyptique de la crucifixion, le contraste entre la superficialité des dandys occidentaux, leur morgue et leur suffisance, l'accord avec la nature et l'harmonie de la vie des natifs des îles Salomon, dontl'occident s'emploie à détruire ce qu'il y a de plus précieux : l'accord spirituel et le sens esthétique admirable. Les images de mer démontée, des paysans solides et frustes, l'angoisse que dégagent les landes désertes, dont les chaumières isolées incendiées par la lumière triste du crépuscule orageux... Et en même temps, lui parler des feedbacks positifs et négatifs, des boucles oscillantes, de l'hystérésis et de la demi période. Fondre tout cela avec les notions de sémantique, et fuir la perte de sens (le mot remplaçant la chose) et celle de l'affectivité, du sentiment et de l'amour, évacués par un How qui remplace un Why.
Mais ce faisant j'ai été contraint à un considérable effort de compactage, de condensation, de synthèse. Dire que j'ai atteint mon but, serait présomptueux, mais peut-être en reste-t-il quelque chose d'utile? Tant il est vrai que l'information est magnifiée par le manque d'information (Russel Ackoff, Wharton). Essayons donc de retrouver le fil de mon échange avec L.H.2. Tout d'abord j'ai bien différencié les deux logiques opposées : l'analyse systémique et la théorie des systèmes. La première stipule qu'on peut déduire le comportement du tout à partir de celui de ses composants.En étudiant, problème après problème, ces fragments confiés à des spécialistes compétents on espère progressivement réduire les disfonctions. L'analyse des systèmes fait donc appel à des réunions interdisciplinaires afin de faire communiquer les spécialistes. L'économie moderne nait de là. Le risque est que chacun écoute sans s'entendre ou s'entend sans s'écouter; c'est sour les apparences d'un langage commun, voire d'une synergie, une tour de Babel.
L'approche antithétique est la synthèse des systèmes, dite aussi Théorie des systèmes ou approche systémique. Pour l'approche systémique, le tout est plus que les parties, les relations entre objets, plus importantes que les objets.
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CHRONIQUE
Des prix et des valeurs
Je compte dans ce billet, terminer la réfléxion et les exemples sur la tenue des biens et oeuvres d'art, notamment de la bibliophilie et dans le double cas d'une récession et d'une catastrophe.
Le premier cas qui s'impose et nous intrigue est celui des Grolier, déjà traité dans ce blog.
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Ci-dessus, Antonio Zantani, le Imagini con tutti i riversi trovati et le vite de gli imeratori tratte dallemedagie et dalle historie de gli antichi? Libro primo. Parme, Enea Vico, 1548
Maroquin rouge, dos lisse orné de filets.Premier plat : ("Io. Grolierii et Amicorum") Second plat la devise : "Portio Me. a Domine Sit in Terra Viventium", Gardes de papier vergé, coupoes ornées, tranches ornées, tranches dorées. Exemplaire cité par Brunet V,1174. E.O.
Livre de numismatique. 70 pl. gravées sur cuivre. Mortimer en ref. à Johnson et Hofer, un des tout premiers livres italiens contenantun livre gravé aussi élaboré. Reliure exécutée vers 1553 par Gommard Estienne pour Jean Grolier, passionné de numismatique et de bibliophilie. Il existe un autre exemplaire du même livre portant la signature de Grolier. Provenance de l'exemplaire : collections La Bourdaizière, Cailhava, marquis de Coislin, etc. Exposé à Manchester, "The Art Exhibition" août 1857. Décrit dans le recensement de Leroux de Lincy(N°325) et de Gabriel Austin (N°528).
PRIX: 450 000 €.
Ci-dessus : Relié pour Thomas Mahieu
MACROBIUS, Aurelius Theodosius. In somnium Scipionis libri II ; Satunaliorum libri VII.
Bâle., Johan Herwagen, 1535.Reliure 1557.
In-folio; veau brun, décor d'entrelacs, doré et peint à la cire.Mention "Ingratis servire nephas" (il est amer d'être au service des ingrats) tranches dorées. Quelques restauratiobs? Mahieu qui vivait en France entre 1550 et 1595 était en relation avec Grolieret fut entre 1549 et 1560 secrétaire de Catherine de Médicis, conseiller du Roi, et par la suite trésorier général. Comme Grolier, nom suivi d'une devise et mention "et amicorum).
112 splendides reliures de la bibliothèque Mahieu recensées par Anthony Hobson. Celle-ci est le N°72.
Provenance : Librairie Lardanchet, cat. 57, N°202. Sotheby's Londres, 27 dec. 1951, N°172.
PRIX : 250 000 €
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Ces deux livres extrêmement rares représentent la quintessence de l'humanisme renaissant de l'humanisme français. Ce sont les plus beaux exemplaires disponibles.
Cf.
bibliographie Grolier,http://www.grolierclub.org/jean_grolier_biography.htm
... C'est dans les reliures qu'il commanda, que Grolier donna les preuves les plus positives de son goût admirable. L'art de l'exécutionn'était pas inférieur à la beauté de l'ornementation. Ce n'est qu'en 1675 que la célèbre bibliothèque fut dispersée, mais Louis XIV l'acheta à haut prix, ne voulant pas que la Franv=ce perde une collection d'une telle valeur. Aujourd'hui les bibliothèques lpubliques les plus riches considèrent comme un honneur de posséder des livres reliés par Grolier. Les bibliohiles les recherchent avec une avidité attestée par le prix élevé de certains de ces volumes vendus à Paris. 1520 in-Folio 1,729 ff. 3.750 frs un simple in-8 ... La BN de Paris et le British Museum à Londres possèdent de beaux specimens de la bibliothèque Grolier.
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On comparera la reproduction ci-dessus à un exemplaire plus modeste en vente chez le même libraire.
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Ci-dessus. Relié pour Grolier. Crinitus Petrus, libri de poetis latinis.
Florence, Filippo Giunti 1505/1506
Petit in-folio de 48 ff. ; maroquin brun à nerfs.Ed.originale. Dans le texte initiales peintes en bleu et rouge,les plus grandes bordées d'or.
Relié vers 1550 dans l'atelier à "larc de cupidon". Provenance : Boze, Parisd'Illens, Strange, Fowles Woodhull, Caperon, Brunot, A.Borès, Lonscle, Otto Schaffer. Recensé par Leroux de Lincy (N° 90) et Gabriel Austin (N°150)
PRIX : 380 €
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