CHRONIQUE
Grandeur et décadence de la monnaie
DU TROC AU TROC
Au départ était le troc,c'est-à-dire l'échange entre biens de valeur intrinsèque, opération sur les signifiés.
"Je te donne en dot quatre chameaux, dix tapis précieux, douze esclaves si toi, ô savant, tu te maries avec ma fille. "
Les valeurs échangées sont des objets U (utiles) contre un objet D (développement).
Il nous faut bien convenir qu'un tel échange est bien incommode sous deux aspects : il est difficile de transporter frequemment des chameaux ou des esclaves et de mesurer le degré de compétence d'un savant, il n'est pas plus aisé de calculer objectivement et précisément combien de chameaux valent-ils un tapis ou un esclave.
La solution consiste à utiliser un objet x facile à déplacer et à échanger que l'on troquera deux fois, une fois contre le chameau, une seconde contre le tapis, et dont le troc se fasse dans les deux sens. Chameau contre x, x contre tapis, un consensus s'étant obtenu durablement dans un espace aussi large que possible.
Le meilleur candidat à la fonction x est incontestablement le métal précieux : or, électrum (alliage d'or et d'argent), argent. Le petit lingot est facile à véhiculer des valeurs importantes sous un petit volume,
Ci dessus un exemple de la finesse atteinte par les artisans grecs.
Malheureusement, bien souvent le volume est si petit, qu'on peut aisément égarer la pièce, voire l'avaler. Jenkins montre un échantillon de monnaies avec des tailles comprenant le drachme,la triobole, la trihemiobole,l'obole, l'hemiobole,le tritartemorion, le trihemitartemorion, noms barbares qui montrent le besoin de fragmenter les valeurs. En dépit de cette exiguïté, la plus minuscule de ces pièces est encore trop chère pour permettre de faire son marché !
Ci-dessus,une sélection du British Museum des différentes subdivisions du drachme. Athènes 480 à 420 BC.
Graduellement, les monnaies tirèrent leur valeur de la qualité esthétique de la pièce et du prestige politique qu'elle apportait à la ville dont elle était isuue. Ceci, à telle ancienne, que lorsqu'une ville était vaincue, on conservait le poids de métal, élément constant de valeur, mais on refrappait la monnaie aux effigies de la ville dominante. En d'autres termes, la pièce était, outre, une sorte de Fort Knox microscopique, garantissanrt le patrimoins du détenteur, mais une oeuvre d'art à part entière pour les uns, un manifeste politique pour les autres.
On peut en inférer que les civilisations en déclin, ou uniquement matérialistes, limitèrent leur vision, à des images stéréotypées, banales et sans intérêt. Ce fut le cas également pour les cités vaincues. C'est effectivement ce qui se passa et qui a atteint un paroxysme aujourd'hui.
SYRACUSE ou l'apogée.
La Grèce (à l'exception d'Athènes, en déclin) connut une floraison de chefs d'oeuvre très novateurs et sortant du statut de haut artisanat pour accéder ) celui de création artistique.
Mais c'est dans les décadrachmes de Syracuse (notamment à Gela, à Camarina et à Naxos). que les artisans atteignirent le statut de grands artistes, comparables à Phidias ou à Praxitèle.
Ci dessous, la plus rare et la plus illustre des productions siciliennes. Sans doute commmandée par la reine Demarète pour commémorant la victoire sur Carhage. Bien que l'artiste ne soit pas indentifié, il est évident que comme l'écrit Jenkins l'on atteint ici au statut de grande oeuvre d'Art.
Je vais citer pour la troisième fois la description admirative de Jenkins, rejetée avec opiniâtreté par mon logiciel ne doit pas apprécier la déesse!
"Une impulsion irresistible fut imprimée au développement de la monnaie par la brillante cour des tyrans, dont Gelon fit de Syracuse sa capitale en 485 BC. ... Pendant le règne de Gelon (485-478 BC) cette émission, principalement de tétradrachme fut amplement diffusée.
Cependant, dans un cas, une pièce plus grande, le decadrachme, fut frappée comme un tirage spécial. ...mais c'est la tête d'Arethuse qui fait de la pièce le chef d'oeuvre qu'elle est; encerclée par des dauphins qui se meuvent dans une même direction, à l'inverse de l'inscription qui va dans la direction opposée. A première vue, de modelé ferme et délicat, la tête a une subtilité et une vie intérieure qui impregnent tous les détails; l'oeil retient encore le style archaïque, la chevelure - surmontée de la couronne d'olivier comme pour la victoire - se meut en ondulations précises avec une boucle trainant derrière l'oreille, pendant que les vagues au dessus du front font écho sur le côté le plus distant d'une telle manière que nous pouvons presque voir le côté postérieur , ce qui donne de la profondeur à la composition."
. Les plus deux fameuses monnaies de toute l'histoire de la numismatique
Ces pièces sont toutes deux signées par deux grands artistes :Kimon et
Euainetos.
Voici une description de la monnaie mise en vente le 28 octobre 2008 à Zürich et Londres, sur une estimation de 60 000 FS, qui sera sans doute dépassée étant donnée la qualité de cet exemplaire qui, sans être exceptionnelle peut prendre place dans une collection muséale.
Euiainetos
Ses contemporains comme ses successeurs considérèrent Euainetos comme le maître suprème. La tête fit ine impression durable sur les antiques, et on ne connait aucune oeuvre ancienne qui ait été aussi copiée et pendant si longtemps.
Jenkins n'est pas moins admiratif.
A EUIAiNETOS sont dues certaines innovations radicales dans la structure du chariot qui nous le rapproche et donne un sens de la perspective et de la rapidité et d'un mouvement réel. Son premier chariot montre fort bien la direction de ce développement. Les chevaux ne sont plus rangés selon une disposition symmétrique et le cheval le plus écarté semble s'échapper, litteralement, ce qui est indiqué par les brides et le bas des roues ne touchant jamais la ligne du sol. Le chariot et son conducteur sont vus en un profil de trois quarts complet avec la roue extérieure. L'angle du chariot est en fait plus aigu que celui des chevaux, qui sont encore plus ou moins rigides, bien que la contradiction passe inaperçue tant les éléments sont intégrés. En bas on voit une roue qui sans doute est tombée d'un autre chariot, sans doute endommagée durant une autre manifestation, montrant à quel point le moment capté était intense et dangereux. Sur cette matrice, le nom d'Euiainetos est caché par des lettres minuscules lisibles à travers un microscope. Dans la frappe qui a suivi celle-ci, Euiainetos est parvenu à une harmonisation supérieur mais l'effet, plus doux, manque de l'exubérance dramatique, bien que le cheval le plus écarté montre qu'il a toujours rompu ses rènes. La tête de cette monnaie est sans doute le chef d'oeuvre d'Euineitos.