CHRONIQUE
Décadence du système monétaire
Dans le précédent billet j'ai présenté la constitution de la monnaie, son enrichissement progressif par des valeurs culturelles, politiques, artisanales. L'apogée fut proche de sa naissance : Grèce et la Sicile.
Le schéma ci-dessous montre le lent dépérissement, l'aplatissement des valeurs véhiculées, parallèle à un dessèchement culturel et spirituel porté par la mondialistation et aboutissant au regne de la mondialisation et de la technologie triomphante.
Ci-dessus, extrait d'un feuillet,publicitaire, pour un salon de numismatique, montrant les étapes successives du déclin monétaire.
Le passage qui suit ne prétend pas esquisser une histoire de la monnaie. Il s'agit de mettre en évidence une évolution lente et inéluctable vers la banalisation et l'abstraction qui semble aller de pair avec le rétrécissement de l'espace sémantique des populations et des élites, dont le how ((comment faire) remplace le why (pourquoi faire?).
Les décadrachmes d'Euainetos et de Kimon, marquent le point exceptionnel où la fonction esthétique dépasse toutes les autres. Cette étape ne sera plus ni dépasséeni même égalée d'où la célébrité de ces documents de l'histoire de l'art.
La seconde phase cède à un style où la fonction esthétique est représentée par l'art du portrait, celui des empereurs. La finesse et la psychologie remplacent le mythe, témoin ce tétradrachme de Carrahe 215-217. 850-1000 €. Vente Burgan 20 juil 2007. En même temps l'emploi du bronze se généralise car il permet une subdivision plus fine des valeurs. Une pièce de bronze assez large remplace une microscopique pièce d'argent ou d'electrum. Certes, bien que la patine puisse être superbe, il s'ensuit une distanciation supplémentaire entre la valeur métal intrinsèque et celle de la monnaie de bronze qui repose davantage sur une convention.
Comparez avec un exemplaire de la vente Vinchon du 7 octobre 2008
Parallèlement la fonction symbolique très stylisée et quelque peu sommaire marque les monnaies "barbares" . Elles rappelent les manuscrits et les icones du temps du livre de Kells ou de Lindisfarne, mais la stylisation est plus poussée et les déformations des figures confine à l'abstraction.
La troisième phase, bien que décorée est beaucoup plus conventionnelle. Les figures sont beaucoup moins individualisées. Il subsiste néanmoins une trace de la main de l'artisan et une préoccupation esthétique bien qu'accessoire.
Elles disparaissent avec la mécanisation qui transforme la monnaie en un objet industrialisé, dont le principal intérêt consiste dans le poids d'argent (silver dollar) ou d'or (napoléon). toute fonction artistique, culturelle ou religieuses ont disparu.
Cette valeur elle-même disparait avec la nécessité pour les Etats-Unis de faire face aux déficit énormes causés par la guerre du Viet-Nam. Le panurgisme des acheteurs, les habituent à l'idée, que la garantie militaire et la puissance de l'Amérique tient avantageusement lieu de présence physique réelle. La confiance remplace la certitude. Mais lorsque cette confiance vient à s'ébranler, plus aucun frein métallique ne vient garantir la valeur physique, réelle, de la monnaie qui n'est plus représentée que par un signe. L'aboutissement du processus de dématérialisation, est évidemment la monnaie électronique.
Que se passera-t-il si le processus continue à évoluer dans ce sens?
Deux thèses contradictoires s'affrontent.
1.On distingue la valeur de la monnaie, garantie par l'Etat ou toute autre instance "sûre" (la poste, les actions privées comme celles d'Auchan, le papier monnaie). La convertibilité-divisibilité sont assurées, de la valeur des actions, des obligations, etc. qui repose sur des activités naguère solides et inaltérables, aujourd'hui en faillite ou ne valant plus qu'un centième de leur valeur passée. Si l'on admet la permanence du système monétaire, on aurait intérêt d'attendre avant d'investir, et à thésauriser les billets de banque. Avec 100 000 € on pourra acheter des actions d'entreprises importantes, de véritables leaders, à une fraction du prix jadis normal. La fortune ira à ceux qui savent attendre.
2. Cette thèse repose sur la croyance, qu'en dépit de leur insolvabilité, les états pourront entretenir la confiance en des signes artificiels qui ne dépendent que de mesures hasardeuses. Dans le cas où la panique s'installerait, le fil tenu qui relie la monnaie (sgnifiant) à la réalité non arbitraire ( Signifié) se romprait, accroissant encore l'affollement des populations et débouchant sur la violence et la montée des extrémismes. A ce moment on en serait réduits à en revenir au troc, c'est à dire aux échanges entre biens à valeur concrète. Cela peut être de la nourriture (provisions, fermes, prosumérisme, bricolage) et du chauffage (abris oeu dispendieux ou bien placés, à proximité d'une école par exemple), pour ceux qui possèdent des biens important, on se rabattrait sur l'autres valeurs, notamment scientifiques (financement de la recherche), esthétique (achat d'oeuvres d'art de très haute qualité et surtout incontournables par leur rareté et leur importance, comme les pièces grecques décrites dans le billet précédent). En revanche les pièces de moyenne importance ou abondantes, comme les meubles Louis XV, s'écrouleraient.
Le deuxième scénario, nous l'avons appelé "catastrophe" parce qu'il se développerait sans aucun contrôle. Un seuil serait atteint puis dépassé, celui du déferlement, où les lois "normales" sont renversées. Vouloir raisonner en financier dans un tel contexte, c'est comme traiter les phénomènes quantiques avec les mêmes notions familières qui donnent sens à notree existence.
On peut même ajjouter, que cette phase catastrophique est déjà présente mais qu'elle ne se manifeste pas par un phénomène de sursaturation provisoire. Une goutte d'eau de plus (quand, laquelle?) et brutalement le liquide déborde, déclenchant l'irréparable.
Voici mes chers internautes, la manière dont j'utilise la numismatique comme modèle de ce qui risque de se produire. J'espère que mes prévisions, ou plus exactement le raisonnement qui leur donnent crédibilité, sont fausse. Jusqu'ici, cela n'a guère été le cas, mais lisons le hai-ku de Basho à l'envers
Le nuage
qui ne bougeait jamais,
n'est plus
Bruno Lussato. 6h.30 du matin, 11 octobre 2008