Thursday, 19 July 2007
Art vivant
Une application frappante de mon billet sur l'eau vive, est la création artistique. Il suffit de se promener dans les galeries et dans les musées même célèbres, pour constater qu'à côté d'oeuvres qui nous frappent et qui changent notre regard, on trouve des centaine d'autres qui sans être mauvaises, ni même médiocres, suintent l'ennui.
Le musée du Louvre est ainsi empli de centaines de mètres de cimaises où sont accrochées des peintures au bitume du XIXe siècle. Les figures sont exotiques ou mythologiques, les poses maniérées, les couleurs affadies par une sorte de clair obscur imitant l'ancien. Le temps s'est vengé en assombrissant encore ce qui l'était déjà trop et en avalant dans une nuit sans gloire, des épopées glorieuses, des portraits convenus.
Bruno Lussato avait acheté un Contraste de formes de 1913, * la meilleure époque de Fernand Léger. Son pédigree était impressionnant : il provenait de la galerie Louise Leiris et il était authentifié par Kahnweiler, le découvreur et marchan officiel de Picasso, Léger, et bien d'autres génies. Il avait été exposé par Berggruen où il avait fait la couverture du catalogue préfacé par le célèbre Douglas Cooper et l'affiche de l'expo. Mieux encore, il avait été sélectionné par le Guggenheim qui le considérait comme une oeuvre marquante de l'artiste. Un des spécialistes avait déclaré : "ce tableau fonctionne". Bruno Lussato avait analysé le tableau et avait conclu à son importance historique Mais je n'étais pas convaincue car pour moi, précisément, ce tableau ne fonctionnait pas. Il était statique, faible, sans vie. Je finis par convaincre Bruno de le vendre, car il ne tenait pas le coup devant des oeuvres de Klee, de Tàpies ou de Hartung qui faisaient partie de l'exposition. Lussato envoya la photo à Sotheby's qui, très embarrassé, répondit qu'il faisait partie d'un lot de faux Léger, fourgués à Kahnweiler. J'écrivis à Cooper qui avait préfacé le catalogue. Il répondit à l'encre rouge, ce qui est mauvais signe chez lui, que le tableau était en effet un faux et qu'il avait écrit la préface sans le voir !
* NOTE: Les Contrastes de forme de Leger sont des oeuvres héritées du cubisme, composées de cylindres, de cones, de figures au fort relief et aux couleurs élémentaires assez brutales : rouges, jaunes, bleus et blancs. Le faux Léger dérogeait à cette franchise des couleurs, il montrait des tons pastel et des dégradés qui n'étaient pas dans la manière du peintre. Il reste à se demander pourquoi les conservateurs du Musée Guggneheim; Berggruen le marchand le plus avisé, et bien d'autres, ne se sont pas aperçus de la fraude. La réponse est que la signature de Kahnweiler a orienté leur regard. Ils ont attribué à une innovation ce qui était dû à une maladresse du faussaire.
Les leçons à tirer de cet épisode sont doubles.
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Wednesday, 18 July 2007
Chronique italienne N°22
Comment recruter un grand dirigeant?
Un billet de Francesco Alberoni dans Corriere della Sera du 16 juillet 2007. Première page.
J'ai trouvé cet éditorial dans le billet de Marina Fédier : Eau vive. J'en reproduit la fin qui sera utile à tous ceux qui cherchent à recruter pour leur firme un dirigeant vivant et non un technocrate mort. Ce ne doit pas être facile à juger par le nombre de zombies qui hantent les états-majors des états, des administrations et des grandes entreprises globalisantes. Les contre-exemples, comme par exemple le choix de Marchionne comme directeur de Fiat, sont particulièrement rares. Voici quelques notations particulièrement fructueuses.
Lorsque vous devez juger une personne dont on dit qu'elles ont beaucoup de talent, qund vous devez choisir un haut dirigeant, quand vous devez choisir un chef, je vous conseille une méthode.
Faites-le parler, participer à vos activités concrètes, écouter librement et connaître vos options. Puis, à l'improviste, dites -lui " peux-tu m'accorder deux minutes de ton temps? Dis-moi si je dois faire ceci ou cela, si je dois dire oui ou non. " S'il se trompe, perd du temps à répondre ou fait de longs discours fumeux, laissez tomber. S'il identifie le point essentiel, soumettez-le encore deux ou trois fois à d'autres épreuves de ce genre, et s'il les surmonte, choisissez-le.
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Tuesday, 17 July 2007
Chronique italienne N°21
Revue de presse
DANGER NUCLÉAIRE
La centrale de Kashiwazaki, la plus grande du monde, a déjà connu quatre incidents en dix ans. "Les données relatives à la sécurité sont fausses". Il Corriere della Sera du 17 juillet, p.11.
Le problème essentiel qui se pose, est celui de la malveillance inhumaine des terroristes et de l'erreur humaine des technocrates (cf. le billet de Marina Fedier sur l'eau stagnante : ils voient tout sauf l'essentiel).
Il existe une seule parade : loger les réacteurs dans des cavernes enfouies dans le sol. Ainsi en cas d'attaque aérienne ou de tremblement de terre, les parois de la caverne s'effondreront sur le réacteur, le scellant pour l'éternité. Deux objections :
1. Cela ne résoud pas le problème d'une infiltration terroriste.
2. Je vous parie une swatch contre une Breguet, que les cavernes ne verront pas le jour. Elle se révèleront plus coûteuses que les autres solutions, et si un jour un malheur devait arriver (cf. Rêves de Kurosawa), l'homme trouvera toujours une solution. (cf. La Prédominance du Crétin, de Fruttero e Lucentini op. inlassablement cité).
Une question : si le pire devait arriver, quelles en seraient les conséquences? L'homme ne peut regarder le soleil ni la mort, dans les yeux, cela vaut pour la mort de l'espèce.
Aliments frelatés
Corriere della Sera, 10 juillet 2007.
Vendre des aliments frelatés n'est plus un délit. Il n'y aura que des amendes pouvant atteindre au maximum 100 000 €
Sans commentaires.
Culture selon octopus
Nicole Kidman entraîne son cerveau tous les jours. Et toi, qu'as-tu fait aujourd'hui pour ton esprit.
Plus de 10 millions de personnes dans le monde entier d'entraînent avec Brain Training du Dr. Kawashima. Découvre ton âge cérébral * et stimulent ton esprit en quelques minutes par jour, avec une série d'exercices simples et amusants. etc... La seconde édition : More Brain Training est en route.
* âge mental n'est pas un terme scientifique, il a été simplement créé pour mesurer ton score dans le jeu.
Photo : Nicole Kidman (dont on connaît les perfromances intellectuelles), mordillant un crayon en signe d'intense concentration mentale, lit un fascicule. Elle est proprement ravissante. Les bienfaiteurs de ce multiplicateur d'intelligence sont les fameux savants de Nitendo. Qui dit mieux?
Le travail fatigue, des millions de gens sont usés. Dans la liste il y a aussi les danseurs, les portiers et les barmen.
Parmi les épargnés par l'usure on trouve les politiciens, les syndicalistes; les professeurs universitaires, les pilotes.
Ces propos sont inadmissibles. Allez voir se démener nos malheureux députés, en train de serrer des mains suantes à des milliers d'imbéciles, les gens de Nicolas Sarkozy qui ont dû renoncer à une vie de famille normale et des syndicalistes qui passent le temps à semer la zizanie chez une populace inerte ! Quant aux professeurs universitaires, dont je suis, je puis témoigner que toute ma vie j'ai travaillé vingt heures par jour, dont une par semaine, réservée à l'enseignement et une à préparer mes cours. Le reste est épuisant : réunions, séminaires, batailles pour de maigres privilèges, recherches de crédit pour décrocher une place d'avion de deuxième classe et une chambre d'hôtel, de troisième. Il y a de quoi être aigri contre les salauds d'entrepreneurs, qui ne font que créer des emplois et gagner du fric. Et aigri, je le suis. Comme bien d'autres de mes collègues, je me suis pointé chez Larguiller. (Oui, c'était moi!).
Vous croyez que je plaisante? Et bien non. Voici la définition officielle du mot "usant" (usurante). "Qui use, qui déchire. Activité usante : un travail qui soumet le corps, l'esprit à une usure excessive, c'est à dire une dégradation suite à un fonctionnement prolongé".
Or, comme vous le constatez, je travaille non stop de sept heures de matin à cinq heures, dont quatre passées de une heure à cinq heures du matin. J'ai fait le calcul. J'aurais dû prendre ma retraite à l'âge de vingt quatre ans, tout de suite après avoir décroché mon diplôme. J'ai l'intention d'exiger la rétroactivité et j'incite mes collègues professeurs, fonctionnaires, ronds-de-cuir, diplomates, pilotes de ligne, syndicalistes et politiciens à se joindre à moi contre ces propos discriminatoires. Nous revendiquons notre droit à la paresse ... pardon, lapsus calami, notre droit au non travail.
Meurtre au polonium
Ou ils sont fous, ou c'est moi qui le suis. Voici un gugus qui s'amuse à tirer la queue du tigre qui dort (à moitié) et ce qui dernier rêve à son élimination. Comme il n'y a rien de plus simple que de louer les services d'un honnête tueur à gages, discrétion assurée, ou au pire, si on cherche les ennuis, un accident style Diana, l'affaire aurait été vite conclue pour quelques milliers de dollars. (Je ne connais pas les tarifs, mais je puis me renseigner, discrétion assurée). Or, ils trouvent le moyen de monopoliser une escouade au complet pendant des mois, puis de signer le meurtre avec un moyen qui les désignent sans confusion. Comme cela ne suffit pas, il faut aussi le signer. L'auteur du crime prendra soin de laisser des traces radioactives dans tous les lieux où il traîne, avant de regagner la mère patrie. Deux hypothèses s'affrontent :
1. Les gens des services secrets sont un ramassis de sombres crétins, paranoïaques et dépensiers. Ils sont dirigés par ces bureaucrates dont parle Marina Fédier dans "eau vive". Il s'agit ici d'eau stagnante et l'agencement du meurtre a été fait avec l'intelligence qui caractérise les chefs de ces services : ils voient rien, ils comprennent rien, ils n'écoutent rien, mais ils agissent.
2. Il s'agit d'un montage machavélique dirigé contre la Russie (c'est la thèse russe).
Les images ne mentent jamais.
Interrogeons-les. Scrutez le visage pathétique d'Alexander Litvinenko (Corriere della Sera 17 juillet 2007), passé, il faut l'avouer par Photoshop. Le drame est tout entier dans l'expression triste, désabusée, les yeux las et accusateurs, fixés vers le lointain. Une victime vouée à une mort atroce.
Ajoutons quand même qu'Alexander est un ex-colonel du KGB, ce qui n'est pas un brevet de sainteté.
Voici le féroce Lugovoi, ex agent russe, et accusé d'avoir empoisonné son ex-camarade.
La bouche est accusatrice, les yeux d'un fanatique, aimeriez-vous affronter un tel adversaire?
"Le gouvernement Poutine n'a pas compris avec quel sérieux nous traitons le cas de l'ex-espion occis.
(Le Foreign Office)
La photo ci-contre du ministre des affaires étrangères David Milliban, exprime cette farouche résolution qui nous rassure : justice sera rendue, proclame le visage tendu et l'expression intelligente de ce haut personnage. Poutine n'a qu'a bien se tenir.
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Eau vive
Un article très intéressant de Francesco Alberoni est paru dans la première page du Corriere della Sera : "La méthode pour reconnaître les personnes géniales". Il essaye de définir l'essence du génie et en tire des leçons sur le choix des collaborateurs. Je vais en citer quelques extraits qui me paraissent dignes de réflexion.
Les savants, les artistes, les leaders vraiement grands, placés devant une situation pomplexe, ont l'intuition qui leur permet d'identifier immédiatement l'essence d'un problème, le point-clé sur lequel agir. Les autres au contraire se perdent dans mille détails sans importance.
... Les personnes géniales ressemblent généralement à des félins : ils semblent distraits, en réalité ils observent tout, écoutent tout puis, en un bond, ils ss saisissent de l'idée-clé qui leur est utile.
Il est au contraire des personnes qui ne regardent pas, ne voient pas, n'écoutent pas ce qui se passe autour d'eux, et s'ils le font, il ne comprennent pas ce qui est important et ce qui ne compte pour rien.
Il vous sera arrivé à tout d'avoir un chef de service, un dirigeant, un associé, totalement privé de fantaisie, se perdant dans des détails et ne voyant aucune des opportunités qui lui passent sous le nez. Et si vous les lui montrez, il s'entête, il ne vous écoute pas et laisse régulièrement échapper l'affaire;
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Monday, 16 July 2007
Chronique italienne N°20
À la recherche du fruit défendu
Une des caractéristiques de Force de la Terre est la proclamation de tabous, qui définissent le licite et l'illicite (un peu à la manière de l'Islam et de la religion chrétienne), dans toutes les dimensions HUMELD, celles qui déterminent notre jugement. Ces tabous, jadis codifiés, ont été introjectés dans la population et ont fait partie de ce que l'on appelle d'un nom disparu aujourd'hui avec la chose : les moeurs, bonnes ou mauvaises.
Les limites balisaient le champ sémantique et suggéraient jusqu'où on pouvait aller trop loin dans la permissivité. Ainsi les notions de bon et de mauvais goût, (E) de débauche ou de plaisir grossier (H), de vérité et de fausseté (V), de cohérence ou de démence (L), de progrès et de culture ou de déconstruction et de barbarie (D), de morale ou d'immoralité (M) faisaient-elles partie d'un consensus propre à la civilisation occidentale et fondant en retour son identité.
Malheureusement, au fil des décennies, ces valeurs se sont desséchées, elles ont régressé en conventions creuses, et tout ce qui n'était pas utile ou agréable fut exclu du socialement admissible. L'eau vive de la création stagna et se figea dans un académisme stérile. Les principes introjectés et ressentis par la population et par les élites, se muèrent en postures artificielles et figées. Les esprits épris de liberté, les créateurs, les génies, se révoltèrent contre ce qu'ils attribuèrent à la bourgeoisie étroite du XIXe siècle et ainsi naquit Médusa.
Médusa, influencée par l'Union Soviétique et par la haine de classe infusée par des intellectuels aigris, prit l'exact contrepied de Force de la terre. Notamment les totems furent inversés, devenant tabous. La bourgeoisie tirait un plaisir pervers de la rupture des tabous, l'attrait du fruit défendu pimentait la vie sans grand danger pour les totems destabilisés en connaissance de cause. Mais Médusa ne connaissait d'autre fruit défendu que les valeurs bourgeoises. Ce qui était obscène, condamnable, immonde au point de ne pouvoir être prononcé, était ce que la bourgoisie portait au pinacle : la décence, la propreté, l'honneur, l'obéissance, la discipline, le respect des forces de l'ordre, la pudeur, la famille, le travail assumé comme une valeur sacrée, le sacré lui-même, l'élégance de la langue et la richesse des vêtements et des palais, les signes extérieurs de richesse et réussite, l'attachement à la patrie etc. En revanche, on montrait la plus grande tolérance, pour les criminels, les voleurs (surtout s'ils s'attaquaient aux riches), on prônait le misérabilisme, la laïcité, voire le blasphème, le mariage homosexuel, l'alliance entre couples libres, les "gros mots" et le perler des banlieues pauvres, l'escamotage plus ou moins réussi des signes extérieurs de richesse, la pornographie, etc...
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Sunday, 15 July 2007
Chronique italienne N°19
Prodi et Sarkozy
Plus que jamais, Sarkozy devient le héros des italiens. Cela il le doit évidemment à ses qualités personnelles d'entregent et de bon sens. Mais plus encore à l'effet de repoussoir de Prodi qui devient chaque jour plus calamiteux. Il a failli sauter sur l'affaire de la justice et des retraites, et son maintien il ne l'a dû qu'à une seule voix, celle ,peut-être, d'un électeur somnolent.
Ci-contre une illustration de l'intérêt passionné que soulève les débats.Photo : LaStampa.
Ci-dessous, un bel exemple de désinformation. Prodi mis en examen. La photo de Libero, journal libéral, montre un homme aux abois, serrant ses poings pour se défendre, pour sauver une cause perdue.
Soyons honnêtes : l'opposition s'est bien gardée d'accabler Prodi, bien au contraire, afin de mettre en évidence le critère de dissymétrie caractéristique de la désinformation. En effet la gauche en des circonstances bien moins graves, n'a pas manqué de se déchaîner contre Berlusconi, avec la complaisance des médias.
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