Théories des systèmes
Thursday, 16 August 2007
Le nuage qui ne bougeait jamais...
. . . n'est plus.
Ce sont les deux derniers vers d'un hai-ku japonais qui illustre le danger de se reposer sur de fausses certitudes. Il est particulièrement approprié dans un monde de mutations rapides comme le notre, et le cauchemar que vivent les bourses à la suite de l'effondrement de l'immobilier américain, vient nous le rappeler. La première question qui se pose est la suivante : comment personne n'a-t-il vu rien approcher ? En effet le phénomène a saisi le monde financier par surprise, sans aucun signe avant-coureur autre que les mises en garde de gens politiquement et économiquement incorrects. On vivait sur un modèle concocté à MIT et à Harvard, transplanté à Wharton, et en vigueur depuis plusieurs années. Pis encore, il était cloné à des centaines d'exemplaires, et régnait sans conteste. Nul ne se serait avisé de faire remarquer qu'il était déconnexé du réel, et qu'il fabriquait del'hyper-réel. Nul encore n'aurait relevé qu'il est malsain d'accepter un système voyant le futur dans le rétroviseur, et protégé par les critiques et les contestations, par une sorte d'acceptation tacite, celle qui caractérise les trous noirs. Celui-ci en l'occurrence appartenait au noyau sémantique Matrix, dit aussi "esprit de Davos".
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Thursday, 2 August 2007
Quatrième livraison
Le deuxième talisman
Séquence 218 de l’Entretien
- Attendez d’avoir examiné ceci, mon garçon, insista l’homme en gris en le saisissant par le bras. Lars eut un vif mouvement de recul, comme si un reptile sec et froid l’avait happé. L’autre s’en aperçut car il retira sa main et la fit voltiger en l’air, traçant d’invisibles lassos.
- Voyez cet objet, qu’en dites vous ? Il sortit de dessous la table recouverte d’un feutre noir, une sorte de bâton enveloppé dans un drap de soie pourpre. C’était un rouleau d’environ un mètre qu’il déroula comme un kakemono.
Ainsi déplié il avait l’apparence d’un store vénitien aux lames d’acier exceptionnellement fines. En l’examinant avec attention, il découvrit à sa grande surprise qu’il était lisse comme un miroir, à peine strié par d’imperceptibles horizontales et aussi réfléchissant. S’étant approché du miroir, il s’attendait voir en toute logique l’image d’un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, blond, rougeaud, aux formes lourdes et pataudes. Mais celui qui lui faisait face était inexplicablement de tous ceux qu’il avait rencontré dans les autres miroirs et dans la glace du magasin. C’était lui et pas lui. Le rose des joues, l’éclat mystérieux des yeux, l’or pâle du casque bouclé dru, les épaules larges mais sans vulgarité, les jambes longues mais robustes, et surtout les lèvres sensuelles et un peu mélancoliques, révélaient un être mythique, un « Waldknabe » un héros de la forêt nordique comme ceux qu’il avait vu dans les livres pour enfants.
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Wednesday, 18 July 2007
Chronique italienne N°22
Comment recruter un grand dirigeant?
Un billet de Francesco Alberoni dans Corriere della Sera du 16 juillet 2007. Première page.
J'ai trouvé cet éditorial dans le billet de Marina Fédier : Eau vive. J'en reproduit la fin qui sera utile à tous ceux qui cherchent à recruter pour leur firme un dirigeant vivant et non un technocrate mort. Ce ne doit pas être facile à juger par le nombre de zombies qui hantent les états-majors des états, des administrations et des grandes entreprises globalisantes. Les contre-exemples, comme par exemple le choix de Marchionne comme directeur de Fiat, sont particulièrement rares. Voici quelques notations particulièrement fructueuses.
Lorsque vous devez juger une personne dont on dit qu'elles ont beaucoup de talent, qund vous devez choisir un haut dirigeant, quand vous devez choisir un chef, je vous conseille une méthode.
Faites-le parler, participer à vos activités concrètes, écouter librement et connaître vos options. Puis, à l'improviste, dites -lui " peux-tu m'accorder deux minutes de ton temps? Dis-moi si je dois faire ceci ou cela, si je dois dire oui ou non. " S'il se trompe, perd du temps à répondre ou fait de longs discours fumeux, laissez tomber. S'il identifie le point essentiel, soumettez-le encore deux ou trois fois à d'autres épreuves de ce genre, et s'il les surmonte, choisissez-le.
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Friday, 13 July 2007
Chronique italienne N°17
Surmenage
Ce journal arrive in extremis et je ne puis accuser le serveur. Tout simplement, depuis que ce blog existe, j'ai déserté mon poste, la nuit de minuit à cinq heures du matin. Je me suis bêtement endormi devant l'écran !
Il y a évidemment bien des raisons à cette défection. Le soleil d'Italie, enfin au rendez-vous en Ligurie, mais surtout un défilé de clients venus en hélicoptère, en yacht ou en voiture escortée. Par un étrange concours de circonstances, tous venaient chercher des réponses que leurs conseillers étaient bien incapable de leur donner. C'est que ces gens là, espèce raisonneuse et raisonnante,ne peuvent répondre qu'à des familles raisonnables de questions, c'est à dire des questions bien délimitées, formalisées et interprétables par des logiciels aussi puissants que sophistiqués. Mais mes clients ne voulaient pas des réponses à des questions mais à des interrogations. Pour la bonne raison qu'ils ne savaient pas quelle question poser (autrement leurs spécialistes leur auraient répondu, bien ou mal). Ils ne savaient même pas où résidait exactement le problème et s'il avait une solution.
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Friday, 22 June 2007
La réduction du paquet d'ondes, une puissante métaphore
Cet article devrait avoir sa place dans la rubrique spécialisée consacrée à la Théorie des Systèmes et aux spécialistes en organisation. Mais je trouve que sa signification dépasse singulièrement le champ étroit de la réflexion technologique et incite à une réflexion approfondie sur la nature de nos systèmes fondés sur les sondages et les modèles abstraits.
J'ai bien dit métaphore. En effet il n'y a rien en commun entre les phénomènes quantiques qui se manifestent à une échelle infinitésimale et l'expérience courante à l'échelle humaine. Cependant les énigmes posés par la dualité onde-particule se retrouvent dans notre univers sensible. Cette réflexion est issue de la rencontre de deux interrogations. La première émane de ma soeur qui a du mal à comprendre comment le chat de Schroedinger peut être à la fois mort et vivant. Je lui ai undiqué un site de vulgarisation très bien fait, qui termine son exposé en conseillant aux lecteurs de prendre un comprimé d'aspirine.
C'est plutôt du paracétamol qu'il faudrait pour apaiser les doutes de l'informaticien d'une entreprise que je conseille. Il est confronté à un problème dans lequel il se débat depuis des mois sans parvenir à le résoudre. Et s'il était indécidable?
Le chat mort-vivant et la roulette de Monte Carlo
Considérons un corps radioactif qui se désagrège en perdant tous les ans la moitié de son poids. On peut prévoir avec une bonne précision le nombre de photons émis par mois. Mais lorsqu'on examine de près ce qui se passe au niveau de l'emission, nous constatons qu'a un instant donné on ne peut prédire s'il y aura ou non décharge d'une particule. Si oui, elle frappera sur une plaque photosensible qui actionnera un marteau, qui cassera une fiole de poison, qui tuera le chat. Sinon, le chat sera vivant. Mais avant d'observer la particule, tout ce qu'on peut dire à son propos est qu'elle est émise et non émise. En fait elle n'est pas une particule mais une onde de probabilité. Ce n'est que lorsqu'on observe l'émission de la particule que le ET logique se transforme en un OU exclusif.
Rendons nous au casino. Deux observateurs sont assis à deux tables de roulettes. Ils ont des martingales. Savez-vous ce qu'est une martingale?
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Monday, 11 June 2007
La feuille de route du président Sarkozy
Sans complexe le président distribue à ses ministres leur feuille de route. Fayol un des pères fondateurs de l'organisation avec Taylor et Weber, et mon prédécesseur à la chaire d'organisation du CNAM, écrivait que les travailleurs seraient motivés par deux buts : être rémunérés convenablement et durablement, avoir une feuille de route, c'est à dire savoir exactement ce qu'on attend d'eux, et ce qu'ils doivent faire. Il ne leur appartient pas de tracer la route, les chefs le font pour eux et ainsi ils s'épargnent les cruels dilemmes générateurs d'incertitude, de responsabilité, et d'ulcères à l'estomac.
Le grand problème pour l'organisateur du travail a qui est confiée la tâche ingrate de décentraliser, n'est pas l'opposition sournoise ou ouverte des mandarins du siège, c'est la crainte des directeurs locaux de devoir trancher. L'autonomie leur fait peur. Elle n'est souhaitée que lorsqu'elle est hors de portée. Les locaux se plaignent alors bruyamment de leur manque d'autonomie et nous explique que s'ils avaient le pouvoir de décision, on verrait ce qu'on verrait. Mais prenez-les au mot, ils seront empoisonnés. Certes ceci ne vaut que pour une partie de la population, mais cela tient à plusieurs facteurs. Il est tout d'abord des gens qui détestent prendre les initiatives et préfèrent effectuer un travail animal, selon l'expression de Karl Marx. D'autres, en nette minorité, piaffent et se révoltent. Ils veulent bouger, ils veulent faire des choses, entreprendre, aller vers de nouvelles aventures, relever de nouveaux défis. Lorsqu'ils perdent, ce sont des révoltés, des hors-la-loi, des empêcheurs de tourner en rond. Lorsqu'ils gagnent ils deviennent des chefs, des leaders, des patrons. Entre les deux tempéraments, sinon génétiques, ou géniques, du moins astrologiques, on trouve les comportements dûs à l'environnement. Dans une société centralisée, les futurs-éventuels entrepreneurs sont découragés, usés, contraints à quitter l'organisation. Ceux qui restent sont châtrés et obeissent aux lois de Fayol : ils absorbent leur pitance et comme l'âne muni d'oeillères, s'en vont tout droit vers la retraite.
Ce qui est vrai pour une société, l'est aussi pour la société. La France comme la Russie, découragent les initiatives privées. Il s'ensuit une passivité de la population dont le rêve est d'être fonctionnaire, bureaucrate, professeur d'université, juge ou écrivain. L'action qui leur manque, ils la projettent dans le rêve, la fiction, l'abstraction. L'idéologie les dispense de réfléchir, ce qui signifie déjà agir mentalement, prendre partie, accepter paradoxes et dilemmes. Incontestablement le clivage entrepreneurs-fonctionnaires, est tributaire des croyances religieuses. Dans notre occident, les pays catholiques favorisent la relation maître-esclave et cela donne le paradigme impérial (monarchie absolue, catholicisme intégriste, national - socialisme, communisme, islamisme intégral etc). Les protestants se sont évadés du joug idéologique mais le payent par un opportunisme qui frise le cynisme.
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