Bouillon de culture
Monday, 23 February 2009
CHRONIQUE
La vente du siècle
Quelle vente et quel siècle? Je n'ai pas été vérifier si c'est le 22ème ou le 22ème mais ce serait les deux siècles réunis, que cela ne m'étonnerait pas outre mesure. Quelle vente? Ben, voyons! Celle de la collection d'Yves Saint Laurent et Pierre Bergé évaluée 500 millions d'euros, soit un peu plus que celle qu'un nabab russe aurait dit-on payé la tape-à l-oeil Villa Leopolda. On a la culture qu'on mérite. Par un de ces revirements dont le sort est friand, un de ceux-ci, pour qui 500 millions d'euros n'était qu'une paille dans sa fortune, se trouve par un captice de la géopolitique, couvert de dettes abyssales. Les 500 millions d'une collection hors pair, lui eût été bien utile! Un autre que je connais quelque peu, s'est arrêté d'acheter pour des raisons mal connues mais pour qui l'intérêt pour la culture est tellement suspect, qu'il préfère se ruiner dans l'inculture, que de s'enrichir par les objets uniques du patrimoine humaniste. Tel n'est pas le cas du sympathique couple Bergé-Yves St Laurent qui vendent, ou donnent aux musées français des joyaux culturels inestimables pour venir en aide à des hôpitaux et oeuvres sociales, qui constituent l'objet de leur Fondation. Mais je ne puis me défendre d'une réserve dictée par l'expérience. Dans un siècle ou moins, que restera-t-il de leur oeuvre caritative qui n'ait été sanctionnée par la bureaucratie? En revanche s'ils avaient créé une fondation culturelle à partir d'un fonds admirable, il est à parier, que dans un demi-millénaire elle sera toujours présente, comme la bibliothèque de Grolier avant sa dispersion. Je me disais cela en parcourant de salle en salle les oeuvres exceptionnelles du couple mais surtout leur variété, leur juxtaposition, leur richesse. Le public ne s'y est pas trompé. Venu des quatre coins du monde, de toute religion, de toutes tendance, arabes exceptés, ce me semble, ils firent la queue pendant toute la journée d'hier, file d'attente la plus longue qu'il soit possible d'imaginer, contournant le Grand Palais, jusqu'au Palais de la Découverte! Les gens prenaient patience sans songer à la pluie, au froid, à la cohue qui ne bougeait pas. Vers onze heures la queue était toujours immense bien que tout espoir soit perdu pour les badauds, ces strollers, de pénêtrer dans une enceinte close à minuit. Pour ceux qui seraient désireux de visiter ce qui reste, les dates sont aujourd'hui de 9h à 13 heures, c'est à dire déjà trop tard.
Je pus entrer muni d'un certificat médical bien commode, bien que cher payé, mais même dans les salles on piétinait sur place, c'était pire qu'à Versailles un jour de pointe.
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Sunday, 22 February 2009
CHRONIQUE
Réductionnismes
Je ne sais si je vous l'ai dit,mes chers internautes, mais je suis en train de compléter le plan de la seconde fondation, dont on m'a promis que s'il était "logique", elle existerait. Malheureusement comme il n'est jamais assez "logique" pour mon sponsor, l'avènement de cette merveilleuse aventure culturelle risque de finir dans le pays défini par Thomas More: Utopia.
Neanmoins, ce qui doit être fait doit s'accomplir et je tente une dernière esquisse "logique" de la deuxième fondation. Fort heureusement la Première Fondation : Le Centre Culturel d'Uccle, Bruxelles, est en voie d'édification : le site, magnifique, existe, les bâtiments sont modern style et classés (1933), et surtout le sponsor, homme d'entreprise et d'imagination, s'y intéresse.
Un des passages de la Deuxième Fondation, traite de l'opposition humanisme/réductionnisme. Autant j'ai eu plaisir à relater l'aventure du grand bibliophile et numismate Jean Grolier, homme d'affaire intègre, conseiller avisé du Vatican et de la Cour de France, protecteur des relieurs, des imprimeurs et des poètes, autant citer les esprits étroits et bornés qui pullulent ces temps-ci : les réductionnistes, me répugne. Et il y en a tant!
Je les ai donc traités collectivement, en signalant que le béhaviorisme, la plus célèbre de ces doctrines, est passé de branche obligatoire d'approche de la psychologie à celle de variété psychiatrique !
J'ai défini le réductionnisme comme la tendance de ravaler l'homme à une de ses lectures. On pourrait la synthétiser par l'expression : L'homme n'est que...
Les Américains épris de quantification et de technolatrie, les Français, anticléricaux détestant tout ce qui essayerait de donner une place privilégiée à la personne humaine dans ce qu'elle a d'irreductible, de spirituel, ont fait bon accueil aux déviations réductionnistes. A présent qu'elles sont reconnues comme telles par les esprits sérieux comme l'épistémologue Karl Popper, elles survivent encore sous la plume d'esprits compétents dans toutes les matières du "comment" et ignare dans celles du "pourquoi". Bridgman s'exclamait ainsi : The how is the why of modern man! "
Mais là où les réductionnisme fait florès, c'est dans les romans de futurologie de kiosque de gare, les films de Science Fiction, les tournures de phrases populaires telles que : il a un cerveau puissant.
Notamment une belle brochette de best sellers plus ou moins futurologiques et pseudoscientifique, constitue un palmarès qui donnerait à sourire, n'était sa diffusion dans les mlieux académiques. Je vais en reproduire quelques couvertures.
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Sunday, 15 February 2009
CHRONIQUE
Le classicisme meurtrier
Á PROPOS DE L'EXPOSITION DE CHIRICO au Musée de la Ville de Paris.
Le parcours de Chirico n'est que trop connu des historiens de l'Art. Plusieurs phases se suivent et ne se valent pas. La première, glorieuse, explose inopinément comme une révélation venue d'ailleurs. La novation à l'état pur. C'est la peinture métaphysique. La tête encombrée d'images étranges qui vont de pair avec une poésie d'association d'idées poétiques et étranges (Hebdomeros) mais énonçant un réseau corellé et stable d'évocations. On est à mi-chemin entre le symbole et le rêve. L'imagerie est simple -en apparence - y dominent les thèmes suivants: Une place de Ferrare connue pour ses arcades et au coucher de soleil, lumière de quatre heures, la plus chaude. Au milieu de la place une statue généralement allongée (Ariadne) ou un régime de bananes, ou des personnages masqués. Les ombres sont extraordinairement denses, autant que les palais ou que les statues, sinon plus. Elles sont d'un noir angoissant comme la lumière du crépuscule aux ombres naissantes. La perspective est plongeante, vue d'en haut, ce qui permet de discerner tout au fond un train qui passe en émettant un nuage de fumée blanche. Le train qui passe, souvent des horloges dans des gares désaffectées, signalent l'énigme de l'heure. Une gare aux quais vides, à l'horloge sans doute arrêtée, deux silhouettes enveloppées d'ombre attendent immobiles. Quoi? Nous avons peut être tous ressenti la nostalgie due au contraste entre la beauté ordonnée des arcades et ce train qui inlassablement n'arrête pas de passer. On croit entendre en un écho infini le sifflet émis par la fumée. J'ai personnellement toujour été angoissé et fasciné par les crépuscules. Le Chant de la Terre de Gustav Mahler est impregné de cette "sehnsucht", spleen,mais pas cafard bien au contraire un sentiment d'intense et de poignante beauté nous étreint le coeur. Apparaissent aussi d'étranges mannequins à la tête ovoide traçant des architectures mathématiques dans des tableaux mis en abîme, à l'infini, comme deux miroirs qui se répondent.
Le plus impressionnant et le plus célèbre de ces tableaux est sans conteste le Portrait de Guillaume Apollinaire, acquisition magistrale des Musées Nationaux. On y discerne un buste de marbre, affublé de lunettes noires et représentant prophétiquement le sort du poète gazé.
Le moment de stupeur créatrice est passé, les places s'encombrent de mannequins, d'objets issus de la période géniale. On tend vers un clacissisme d'intentions. A la fin de cette période, on se rapproche de plus en plus de modèles classiques. De Chirico visite beaucoup de musées et en tire des leçon de "belle peinture", une nostalgie des époques bénies des grands peintres.
Dans une troisième partie de son oeuvre, Chirico est parvenu à copier les oeuvres de peintres anciens, il crée ainsi un musée de faux Rubens, Fragonard, etc. Qui sont un clou impressionnant et décevant de l'exposition. Car la copie se rapproche dangereusement du pastiche. Il excelle cependant dans l'autoportrait.
Dans la dernière partie de son oeuvre, Chirico finit par se copier lui-même. En voulant reconstituer la période métaphysique, il ne fait qu'accentuer son manque d'inspiration. Ces "faux Chirico" reprennent tous les thèmes passés, souvent servilement, mais le mystère de l'heure ne fonctionne plus. Le nuage de fumée est devenu un petit nuage drôle comme un chou-fleur. La matière est tellement légère qu'elle risque d'être prise pour une gouache. L'explication il la donne lui-même : tout cela n'a aucune importance et la peinture métaphysique n'est qu'un passage dans sa vie. Mais les dernières années, quel désastre! Des chevaux faits de palais grecs, des personnages figés mais sang poésie. Chirico a retiré de son expérience des anciens du mal peindre. C'est mauvais et répétitif.
Cette triste régression (ou rétrogression) nous conduit à nous poser des questions, qui seront traîtées dans le corps de ce billet.
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CHRONIQUE
Du jardin enchanté
C'est du petit musée Mingei dont il s'agit, évidemment. On se souvient que le Mingei est l'art populaire japonais, peu sophistiqué par opposition à l'Art de cour. A ce que j'ai compris, ce musée, dont j'espère faire le deuxième en Europe, et peut-être dans le monde, avec l'aide de Philippe Boudin, en me passant de reconstituer ou d'acheter en vrac la collection Montgomery, la deuxième mondiale, ce musée donc, vivra à UCCLE d'ici un an, le temps d'obtenir les autorisations de construction nécessaires pour le pavillon japonais. Voici quelques dernières propositions.
Saturday, 14 February 2009
CHRONIQUE
Lectures anglaises
Mes chers internautes,
Ce matin, en me réveillant, un oiseau tout guillet, pas un moineau déplumé, m'a chanté : cou-cou! Tu es guéri ! La vie est devant toi, profites-en!
J'ouvre un oeil, avec précaution, puis l'autre, et mon corps me dit : Du bist gesund!, mon âme à l'unisson est remplie d'allégresse. Je constate avec surprise que j'ai pu dormir, en dépit de la douleur, et sans plus de 200 mg d'antidouleurs légers. Me voici autonome malgré quelques nausées qui flottent autour de moi, comme des traînées brumeuses non encore dissipées.
Et je suis sorti dans le soleil.
Au bras encore indispensable de mon fidèle Michel, je suis allé retirer chez Smith, rue de Rivoli, Steps de Jerzy Kosinski mais je ne me suis point arrété en si bon chemin. Lire Steps et en rester là, repu, quelle paresse d'esprit! J'ai donc commandé tout ce qui est encore disponible, acheté ce restait en magasin : "Being here" qui était en magasin, immortalisé, dit la couverture, par Peter Sellers, et , selon l'inspiration The Daughter of time de Josephine Tey (Heinemann, London 1951). C'est le plus formidable thriller historique sur l'intex, jamais écrit, où Shakespeare a le mauvais rôle ! Il fallait bien qu'il mange, tout génie qu'il était ! Je l'avais lu dans les années cinquante, et j'ai eu l'idée de le retrouver. Mais en suivant ma pente toute nouvelle, j'achetai un autre thriller disponible de Tey : The Franchise Affair ( Random House, London, 1949). Enfin, je trouvai deux DVD de La Nuit des Rois.
Je voulus compléter mes achats par un somptueux manteau de vigogne doublé de vison, que je vis voici deux ans chez Hermès, en rêvant de le posséder quand je gagnerais au loto (pas de chance, car je ne joue pas au loto!) Mais traitreusement, Hermès baissa les prix et la fantaisie, ne vendant plus que de simples manteaux non doublés et me dépossédant de mes rêves!
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Sunday, 28 December 2008
CHRONIQUE
De l'Art et de la cohue
Les caprices de mon serveur m'ont empêché de vous parler de ma visite de l'Exposition : Dufy, le plaisir.
Autant Emile Nolde était déserté, autant on se pressait chez Dufy. L'avantage de ces grandes retrospectives est qu'elle révèlent des aspects rares et insoupçonnés du peintre.
On s'attendrait chez l'artiste des débuts placés sous le signe des plus légers des impressionnistes, ou des féériques décors de Chagall pour la Flûte Enchantée. Mais c'est Cezanne, le construit, le sévère, l'austère, qui l'influence jusqu'à l'imitation obsessionnelle. On se situe alors avant la grande guerre mondiale. Le souci de solidité architecturale se conjugue avec des teintes sombres et tragiques, rappelant Gromaire. C'est la deuxième période de Dufy, toiles de grande taille, monumentales et lugubres.
La troisième période déclenche, on l'a vu, une explosion créatrice qui n'a d'égale que la variété des genres et des matières.On peut alors parler de plaisir, de jouissance, et... il faut le dire, de séduction destinée aux gens de goût et aux mécènes. Il faut tout particulierement noter les tissus d'ameublement et les motifs art déco. Mais où Dufy se dépasse c'est dans les dessins et décors pour de magnifiques vases rapellant la poterie grecque.
J'ai la chance (ou la malchance) d'avoir un papier d'handicapé, ce qui nous évite, moi et mes accompagnateurs de faire la queue. Mais, comme tout le monde, je suis noyé dans une marée de têtes qui m'empêchent de contempler les oeuvres. Le plaisir sous-titre de l'exposition en est irrémédiablement gâché.
La quatrième période est placée sous le signe de la musique et culmine avec "le violon rouge" du Musée d'Art et d'Histoire (qui abritait jadis quatre salles pédagogiques portant mon nom, que diable vient-il faire là aujourd'hui ?). ) Les peintures ont une légèreté d'aquarelle, elles sont aériennes, féériques, et c'est à cette période que Dufy doit sa popularité.
Je crois qu'on doit à un maréchal de Napoléon qui voyait pour la première fois la mer et sommé de donner ses impressions les fortes paroles : "que d'eau, que d'eau !"
Jeff Koons
Si dois résumer mes impressions de l'exposition Koons à Versailles, je m'exclamerais :"Que de monde, que de monde! "
Au sépart, en bon mouton de l'élite, j'anonnerais " c'est Koons, quel succès époustouflant, on comprend que devant une telle popularité, le marketing l'ait propulsé au premier rang des valeurs artistiques contemporaines".
Mais en interrogeant les bee bee bee! qui envahissaient les lieux,plus encombrés qu'un RER un jour de grève, on découvrait la réalité. Nul parmi les Anglais, les Espagnols, les Lettons, les Chinois, les Mexicains, les Tcherbrousks, les Neo-zélandais, et j'en passe, on découvre que nul ne connait Jeff Koons. Ils viennent tout bonnement visiter Versailles. En cette dernière semaine de l'année, il doivent affronter un océan agité de centaines, de milliers de visiteurs, mais ils ont peut-être raison. Car la façade principale a été rénovée et les plombs dorés brillent sur un ciel d'un bleu d'une pureté invraisemblable.
Les boules qui constituent les corolles de l'immense fleur métallique d'un or acide, reflètent en une anamorphose aplatie les bâtiments qui prennent des airs de Canaletto.
En revanche l'énorme chien d'un rouge lie-de-vin qui envahit une des salles produit un effet désastreux. On sait que le Roi Soleil jaloux de Fouquet, voulut faire mieux que Vaux-Le Vicomte, cette merveille d'équilibre et de distinction. Il fit plus grand, plus riche, plus doré, plus prestigieux.
Comme il était très pressé, il fit de la peinture mythologique au mètre, comme les parvenus achètent pour faire cultivé, de la reliure ancienne au mètre et des portes d'or ciselé et sculpté admirables de perfection artisanale. Mais il faut convenir que tout cela était noirâtre et terne, d'une grande monotonie, mais grandiose.
Le constraste entre l'humour populaire et ludique de l'un et le guindé de l'autre, était frappant. Il faut bien reconnaître que Koonz l'emportait, il tuait son environnement.
Interrogés, les guides, les gardiens,les familiers du palais faisaient la grimace. Pouah, quelle horreur !
Bruno Lussato
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