CHRONIQUE
De l'Art et de la cohue
Les caprices de mon serveur m'ont empêché de vous parler de ma visite de l'Exposition : Dufy, le plaisir.
Autant Emile Nolde était déserté, autant on se pressait chez Dufy. L'avantage de ces grandes retrospectives est qu'elle révèlent des aspects rares et insoupçonnés du peintre.
On s'attendrait chez l'artiste des débuts placés sous le signe des plus légers des impressionnistes, ou des féériques décors de Chagall pour la Flûte Enchantée. Mais c'est Cezanne, le construit, le sévère, l'austère, qui l'influence jusqu'à l'imitation obsessionnelle. On se situe alors avant la grande guerre mondiale. Le souci de solidité architecturale se conjugue avec des teintes sombres et tragiques, rappelant Gromaire. C'est la deuxième période de Dufy, toiles de grande taille, monumentales et lugubres.
La troisième période déclenche, on l'a vu, une explosion créatrice qui n'a d'égale que la variété des genres et des matières.On peut alors parler de plaisir, de jouissance, et... il faut le dire, de séduction destinée aux gens de goût et aux mécènes. Il faut tout particulierement noter les tissus d'ameublement et les motifs art déco. Mais où Dufy se dépasse c'est dans les dessins et décors pour de magnifiques vases rapellant la poterie grecque.
J'ai la chance (ou la malchance) d'avoir un papier d'handicapé, ce qui nous évite, moi et mes accompagnateurs de faire la queue. Mais, comme tout le monde, je suis noyé dans une marée de têtes qui m'empêchent de contempler les oeuvres. Le plaisir sous-titre de l'exposition en est irrémédiablement gâché.
La quatrième période est placée sous le signe de la musique et culmine avec "le violon rouge" du Musée d'Art et d'Histoire (qui abritait jadis quatre salles pédagogiques portant mon nom, que diable vient-il faire là aujourd'hui ?). ) Les peintures ont une légèreté d'aquarelle, elles sont aériennes, féériques, et c'est à cette période que Dufy doit sa popularité.
Je crois qu'on doit à un maréchal de Napoléon qui voyait pour la première fois la mer et sommé de donner ses impressions les fortes paroles : "que d'eau, que d'eau !"
Jeff Koons
Si dois résumer mes impressions de l'exposition Koons à Versailles, je m'exclamerais :"Que de monde, que de monde! "
Au sépart, en bon mouton de l'élite, j'anonnerais " c'est Koons, quel succès époustouflant, on comprend que devant une telle popularité, le marketing l'ait propulsé au premier rang des valeurs artistiques contemporaines".
Mais en interrogeant les bee bee bee! qui envahissaient les lieux,plus encombrés qu'un RER un jour de grève, on découvrait la réalité. Nul parmi les Anglais, les Espagnols, les Lettons, les Chinois, les Mexicains, les Tcherbrousks, les Neo-zélandais, et j'en passe, on découvre que nul ne connait Jeff Koons. Ils viennent tout bonnement visiter Versailles. En cette dernière semaine de l'année, il doivent affronter un océan agité de centaines, de milliers de visiteurs, mais ils ont peut-être raison. Car la façade principale a été rénovée et les plombs dorés brillent sur un ciel d'un bleu d'une pureté invraisemblable.
Les boules qui constituent les corolles de l'immense fleur métallique d'un or acide, reflètent en une anamorphose aplatie les bâtiments qui prennent des airs de Canaletto.
En revanche l'énorme chien d'un rouge lie-de-vin qui envahit une des salles produit un effet désastreux. On sait que le Roi Soleil jaloux de Fouquet, voulut faire mieux que Vaux-Le Vicomte, cette merveille d'équilibre et de distinction. Il fit plus grand, plus riche, plus doré, plus prestigieux.
Comme il était très pressé, il fit de la peinture mythologique au mètre, comme les parvenus achètent pour faire cultivé, de la reliure ancienne au mètre et des portes d'or ciselé et sculpté admirables de perfection artisanale. Mais il faut convenir que tout cela était noirâtre et terne, d'une grande monotonie, mais grandiose.
Le constraste entre l'humour populaire et ludique de l'un et le guindé de l'autre, était frappant. Il faut bien reconnaître que Koonz l'emportait, il tuait son environnement.
Interrogés, les guides, les gardiens,les familiers du palais faisaient la grimace. Pouah, quelle horreur !
Bruno Lussato