Bouillon de culture
Tuesday, 26 June 2007
La réduction du paquet d’ondes, une métaphore de la création
Je me souviens qu’un devoir qui m’avait été imposé au Bac était lié à la distinction entre imagination diffluente et imagination créatrice.
L’imagination diffluente, n’est pas centrée, ni structurée. Elle n’obéit pas à une logique précise et d’apparente plutôt à ces rêves éveillés où vous vous rêvez tout à la fois grand savant, président de la République et jouisseur paresseux de la Jet Sociéty. Sans aller dans des exemples aussi caricaturaux, quel est le poète débutant, le peintre du dimanche, le romancier en herbe, le compositeur amateur, qui saisis par un enthousiasme irrépressible ne s’écrient
« je sens que je vais faire quelque chose de grand, de neuf, d’original, le vois clairement l’œuvre terminée, je sens les clameurs de mes admirateurs, oui, j’ajouterai ma pierre à la postérité ! »
Malheureusement dès que ces magnifiques images, ces sons délicieux ou âpres, ces intrigues originales mettant en scène des personnages saisissants, glissent de la rêverie, aussi aboutie fût-elle, à la réalisation, toute cette magie s’évanouit au dur contact du matériau.
Sous la plume, le vers hésite, le clavier stérilise la phrase inspirée, les couleurs ne veulent pas épouser la teinte rêvée, et il en est de la mélodie pressentie, comme des mots que l’on sent au bout de la langue et qui ne veulent pas sortir de leur silence. Pour rester dans la métaphore quantique, il suffit d’observer notre création en gestation pour la faire avorter. Lorsque nous comparons le résultat de notre rêve créateur dans l’univers matériel on a le plus souvent un choc, et il n'est pas agréable. C’est le fameux passage du Deuxième monde de Popper (celui du psychisme et des états de conscience) au Troisième monde (celui des projection mentales dans l'univers physique) qui fait problème.
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Monday, 25 June 2007
Chroniques italiennes
Tous les ans, de fin juin à la mi-juillet, j’occupe la même chambre dans le même hôtel, un des derniers palaces authentiques de la péninsule. Le propriétaire l’onorevole commendatore Bertolini (ils sont tous honorables et commandeurs dans ce pays, même votre serviteur !) dirige l’hôtel depuis que je le connais, c'est-à-dire au lendemain de la guerre, où je résidais à Courmayeur au « Royal Hôtel Bertolini ». Il ne payait pas de mine, l’hôtel, mais le service était de tout premier ordre avec cette gentillesse qu’on ne trouve pas chez le personnel compassé des Cala di Volpe et autres lieux pour le people. Là où je me trouve, la cuisine, l’accueil et l’environnement sont exceptionnels. Ma chambre donne sur un parc tropical, loin de la ville et de la plage, et les prix sont tout à fait à la portée de la bourse d’un commissaire de police (un des amis que je me suis faits, hôte de l’établissement depuis des années) que – pour les chambres de luxe, au niveau des russes les plus fortunés et de l’aristocratie la plus huppée. Le soir on voit la haute silhouette du commendatore, hanter les lieux, relever tel ou tel détail, mettre lui-même la main à la pâte… Il me rappelle de ce point de vue Gerard Mulliez en train d’inspecter, même après sa retraite, ses hyper marchés. Mais à la différence de Mulliez, l’obsession du profit et de l’accroissement sans limites de son pouvoir avait laissé indifférent Bertolini, qui au lieu d’acquérir d’autres établissements, avait au contraire vendu l’hôtel de Courmayeur à un groupe multinational, pour mieux se consacrer à celui de San Remo, dont il fit un véritable joyau, survivance d’un passé oublié, où la fusion du luxe, du calme et de la volupté sont une réalité concrète.
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Saturday, 23 June 2007
Impressions de Venise II
Penser avec les sens, sentir avec l’esprit
Jusqu’au 21 novembre
Arsenal et Pavillon italien des Giardini
www.labiennale.org
Revenons sur la Biennale de Venise, où à côté des pavillons nationaux installés dans les Giardini et dispersés dans la ville, se tient la toujours très attendue exposition internationale, sise à l’Arsenal et dans le Pavillon italien.
Confiée pour la première fois à un américain, Robert Storr, ancien conservateur au MoMA de New York, elle déçoit les nombreuses attentes placées en elles.
Storr, esprit brillant qui a orchestré au MoMa de très belles expositions, et notamment une formidable rétrospective Gerhard Richter en 2002, avait annoncé, avec sa thématique « Penser avec les sens, sentir avec l’esprit », vouloir réconcilier les « séparations factices » entre le sensuel et l’intellectuel, et pour ce faire « donner du plaisir là où il y a quelque chose de caché pour réfléchir ».
Une belle profession de foi peu suivie d’effets, alors que paradoxalement ce n’est pas le choix des artistes qui est en cause.
Parmi les 100 sélectionnés, tous ne sont pas intéressants, heureusement ! Mais force est de constater que l’exposition réserve de beaux moments. Le jeune italien Paolo Canevari par exemple, qui avec « Bouncing Skull » (2007) livre un film remarquable et glacial, où un enfant joue au football avec un crâne humain devant un édifice presque détruit.
Le colombien Oscar Muñoz revient subtilement sur les disparitions politiques avec une suite de cinq écrans vidéos. Dans son « Proyecto para un memorial » (2003-05), un pinceau dessine à l’eau sur du béton des portraits qui s’effacent très rapidement sous l’effet du soleil.
La redécouverte de l’argentin León Ferrari est savoureuse. Particulièrement son Christ crucifié sur un avion militaire qui tombe en piquée, qui n’a pas pris une ride (« La civilización occidental y christiana », 1965).
Avec « Tijuanatanjierchandelier » (2006), le regretté Jason Roadhes livrait une belle et vaste installation où mots en néon et objets traditionnels évoquent les migrations.
De bonnes œuvres donc, et un accrochage impeccable. Mais l’ennui avec cette exposition c’est qu’à quelques exceptions près, telle une somptueuse série de six toiles très complexes de Richter (« Cage 1-6 », 2006), le rideau de perles dorées de Felix Gonzalez-Torres, ou le film d’animation très psychologique de la japonaise Tabaimo, où une main s’aventure dans une maison de poupée pour en faire et défaire l’organisation (« Dollfullhouse », 2007), on perçoit peu les notions de plaisir et de sensualité annoncée par le commissaire.
Son exposition fonctionne plutôt comme un réquisitoire accablant et sans échappatoire sur la déliquescence du monde contemporain. S’y enchaînent la guerre, les rétentions, les crises économiques, les problèmes migratoires, la faillite des utopies, l’enfermement et la surveillance… Tout cela sans que jamais, où presque ne pointe un relent d’optimisme. La traversée du long arsenal confine donc, au bout d’un moment, à l’épreuve.
Storr est américain. Il ne fait nul doute qu’il est profondément atterré et marqué par le comportement de son pays et son enlisement dans le bourbier irakien, et que cela influe sur sa perception du monde et du regard qu’y portent les artistes.
Reste que ce pessimisme exacerbé n’est pas la seule réponse à y apporter. Nombreux sont les artistes, à traiter de sujets difficiles sur le fond d’une manière plus légère dans la forme. N’importe quel visiteur est à même de faire la part des choses et de savoir que le monde dans lequel il vit ne tourne pas rond et comporte un lot phénoménal d’ignominies sans nom. Le seul constat, même s’il est salutaire, ne suffit pas à faire avancer la prise de conscience. Car la seule dénonciation, pessimiste et accablante, ruine l’idée qu’il y a encore des raisons d’espérer, des possibilités d’intervenir. On veut pourtant encore le croire.
Paolo Canevari
Bouncing Skull
2007
Video
Cortesy; Paolo Canevari, Galleria Christian Stein, Milano
Leon Ferrari
La Civilización Occidental y Cristiana
1965
Tecnica mista / Mixed media
cm 200x120x50
Colección Alicia y León Ferrari
Photo: Ramiro Larraín
Courtesy of the artist
NB : Contrairement à ce que j'annoncais dans la chronique du 9 juin, le Lion d'Or récompensant le meilleur pavillon, qui en 2005 avait récompensé Annette Messager, sera our la première fois décerné au mois d'octobre.
Le photographe malien Malick Sidibé a toutefois reçu un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière, qui lui a été décerné le 10 juin dernier.
Saturday, 16 June 2007
ART BASEL 2007
Du 13 au 17 juin 2007
www.artbasel.com
La 38e édition de la foire Art Basel – toujours considérée comme la plus importante au monde - s’est ouverte le mardi 12 juin, pour une journée réservée aux collectionneurs et aux professionnels, dans une ambiance euphorique.
Jamais les allées n’avaient été vues aussi encombrées dès 11 heures le matin, à l’ouverture des portes. Preuve que le contexte actuel est très favorable à un marché en pleine santé, encore dopé par les résultats astronomiques des ventes d’art contemporain de New York, à la mi-mai.
Public nombreux, et achats également. Il faut dire que la qualité était au rendez-vous, avec de beaux morceaux à emporter ici et là.
Beaucoup de galeries réservaient des pièces intéressantes, si ce n’est marquantes : un somptueux dessin préparatoire de Charles Ray chez Gladstone (New York), des touchantes peintures de Michaël Borremans chez Zeno X (Anvers), la confirmation du talent de la jeune Kathy Moran avec ses tableaux abstraits chez Modern Art / Stuart Shave (Londres et Andrea Rosen (New York), une magnifique installation mêlant photos et film 16 mm réalisée par David Lamelas à Milan en 1970 (Jan Mot, Bruxelles)… Sans oublier le stand de Eva Presenhuber (Zurich), mis en scène par l’artiste Urs Fischer, qui y a créé une véritable circulation avec un jeu de portes.
La liste des œuvres de qualité serait trop longue à égrainer, d’autant qu’il faudrait y rajouter le moderne, toujours de très grande qualité à Bâle. Ce qui en fait une foire à l’ambiance muséale, tant y abondent les chef-d’œuvres inattendus. Dans ce domaine, le londonien Helly Nahmad a frappé fort, avec un stand dédié à Picasso comportant pas moins de 20 toiles, toutes du début des années 1960, avec en position centrale son fameux « Déjeuner sur l’herbe ».
Si le volume et le montant des transactions dans le moderne ont été eux aussi excellents, il est frappant de constater que l’on y a beaucoup plus pris son temps pour conclure. C’est bien vers le contemporain que désormais se ruent en premier lieu les acheteurs. Signe de la fascination toujours croissante qu’exerce ce secteur, et du véritable facteur d’investissement qu’il représente, pour un auditoire toujours plus large.
Friday, 15 June 2007
Nouvelles du blog
Le médecin à un ami qu'il vient d'examiner :
J'au deux nouvelles à vous annoncer, une mauvaise et une bonne. La mauvaise la voici : vous n'en avez pas plus de trois mois à vivre. La bonne : je viens de coucher avec ma secrétaire.
Non, ce n'est pas une plaisanterie : c'est une oeuvre de Richard Prince de la série des "jokes". Prine est un des vingt cinq artistes de la liste New Wave. J'attends que Bonnet m'explique où réside le génie de cet artiste , dans le traitement de la surface, le caractère des lettres?
J'ai été revoir Chute d'étoiles avec un jeune Russe fort intelligent mais tourné vers les choses matérielles de la vie et ne connaissant rien d'autres que les arts de distraction. Il a découvert là, un art d'élévation. J'espère que cela constituera un déclic pour toute une vie. Mais aussi qu'il utilisera une partie de son immense fortune pour faire du mécénat et s'intéresser à l'art si riche de notre époque. Quant à moi, j'ai commencé de lire les lettres à Félician de Ingeborg Bachmann, Actes Sud, 2006. Une nostalgie mystérieuse, tendre et déchirante. Le duo d'amour me rappelle celui entre Lars et Clara. J'ai l'intention à ce propos de vous livrer demain la suite et la fin du duo d'amour de Saga. J'ai lu aussi quelques poèmes choisis de Paul Celan, chez Gallimard, 1952-1998. La richesse de la poésie est désespérante, comme celle de la musique d'ailleurs. Des centaines de relectures n'épuisent pas les connotations de ces mots mystérieusement juxtaposés.
Le tableau intitulé Voie Lactée, est peut être ce qui m'a le plus impressionné. Ce qui est décourageant, c'est le sentiment qu'on reverra jamais pareille exposition, et son passage est si court? Un mécène serait bien avisé de transporter tout l'ensemble dans un musée construit ad hoc. Pendant que j'écris ces lignes, la lumière grise de l'aube me rappelle celle, mystérieuse de l'immense tableau de Kiefer.
J'ai écrit cette nuit deux textes que je vous soumets. L'un provient de L'Entretien. D'une secheresse voulue on ne peut le comprendre que dans son contexte qui est d'un thriller assez effrayant, car il a été placé dans une enquête macabre, pour faire diversion. Le second texte, est la suite de la masterclass sur la grande distribution. (David le chameau).
Tuesday, 12 June 2007
Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es
Faute de place, ma bibliothèque est dispersée aux quatre coins de la région parisienne, dont une partie importante à la Bibliothèque Nationale de France et une autre au Musée Armando Simoni. Je n'ai à ma portée que le strict nécessaire. Ce ne sont pas forcément les livres qui m'ont le plus nourris et pour cause : ils sont en moi : Thomas Mann, Stefan Zweig, Molière, Goethe, Shakespeare, Joyce, sont toujours à mes côtés dans mes soirs de solitude. Non. Les ouvrages que je vous présente ont simplement attiré mon attention en ce moment parce qu'ils correspondent aux aliments dont j'ai besoin en ce moment. Je vous les livre pêle-mêle car ils défient , comme ce blog, toute taxonomie.
L'homme dans tous ses états
Il est numérique avec Nicholas Negroponte : L'homme numérique Robert Laffont 1995.
"C'est un homme d'aujourd'hui, qui maîtrise des outils nouveaux pour se préparer une vie plus simple, plus créative et plus heureuse". (sic!)
Negroponte a dirigé les Centre national de l'informatique, fondé par François Mitterrand et présidé par JJSS. Negroponte au MIT, avait mis au point un robot expérimental capable de déplacer des cubes et autres objets, d'une manière qu'il jugeait créative et il en a déduit, avec Herbert Simon, que l'ordinateur du futur pourrait surpasser l'homme. Salzmann m'avait proposé de m'inpliquer dans ce projet grotesque : créer dans un centre mondial de l'informatique, le microordinateur convivial pour les pays en voie de développement. Jugez-en : poids 300grammes, coût 500 francs, parlant swahili ou chinois, et permettant de détecter une panne de tracteur ou une maladie rare. Finies la faim et la maladie dans le monde!
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