Thursday, 31 May 2007
..... La musique et le bruit qu'elle fait
Je fais référence à l'opinion injurieuse et imméritée que Beethoven aurait émise à propos des anglais : "Ils n'aiment pas ma musique mais le bruit qu'elle fait". De la Sonate Op.106 pour piano, il déclarait "voici une oeuvre qui donnera du fil à retordre aux pianistes, quand on la jouera dans cinquante ans". Et il ne se trompait pas. Il fallut attendre Liszt pour qu'elle soit exécutée et encore aujourd'hui, un Guy Sacre dit qu'il ne faut pas avoir d'oreilles pour l'aimer. C'est que Sacre a raison en un sens. Les oreilles entendent des sons et notre critique les veut agréables à l'oreille.
Mais en disant cela, Beethoven ne pensait pas aux sons, mais à la structure, c'est à dire l'agencement des notes, leur équilibre, leur groupement en des entités abstraites indéfiniment élaborées, développées, programmées comme une partie d'échecs. Dans la sonate détestée par notre musicologue,(à l'exception de l'adagio qui trouve grâce à ses oreilles), le bruit que fait la structure n'a souvent pas de sens pour le mélomane superficiel Par exemple on y trouve des canons à l'écrevisse. Les notes de la mélodie, sont émises dans l'ordre inverse, en commençant par la fin. C'est ce qu'on nomme la réccurence du thème. Pis encore, Beethoven superpose au thème particulièrement long, serpent musical qui n'en finit plus, sa récurrence Deux lignes sinueuses, l'une partie du passé, l'autre surgie du futur, se heurtent dans un présent fugace. Du jamais entendu.
Un certain Francès, (Psychologie de la musique, Vrin, Paris) psychologue expérimental scientifiquement correct (et musicalement incorrect) croit avoir démontré, protocoles rigoureux menés en laboratoire à l'appui, que les gens ne peuvent entendre des structures aussi complexes qu'une récurrence ou que la musique sérielle. Par exemple, les gens qui prétendent entendre de la musique dans Wozzeck d'Alban Berg, le plus grand opéra du XXe siècle, sont des snobs ou des charlatans. La musique dodécaphonique dont il est composé, d'une complexité inouïe, ne peut qu'être lue et pas écoutée. Aujourd'hui on ne compte plus les amateurs qui idôlatrent cette musique bouleversante, sans compter les chanteurs dont on ne peut imaginer qu'ils n'entendent pas ce qu'ils chantent.
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Une communication à mes amis,
en ce dernier jour de mai.
L'irrationalité internet
Nombreux sont ceux qui m'ont téléphoné pour protester. Ce matin, il n'ont pas reçu leur journal! Je m'en excuse auprès d''eux. La raison était qu'hier nuit je suis devenu stérile. La faute en est à cette maudite informatique, ou plus exactement au serveur de Dailymotion qui a refusé opinâtrement d'encoder le deuxième mouvement de la sonate de Mozart en la mineur. Après avoir usé deux informaticiens, qui tout l'après-midi et le débur de la soirée ont inlassablement repris une à une les quelques 75 étapes qui vont de l'enregistrement à la délivrance sur le blog, l'obsession m'a gagné. Rationnellement il est impossible qu'un mouvement de dix minutes ne puisse passer alors que d'autres, plus longs ont été enregistrés sans encombre. Mais - avis aux zététiciens qui reprochent à la parapsychologie son manque de rigueur - les diableries aléatoires de l'internet ne sont pas moins intrigantes. J'ai songé un instant de m'inscrire à youtube mais le même phénomène risque de se reproduire.Il reste que je me suis battu stupidement contre l'irrationnel electronique, comme ces poules décérébrées qui tournent inlassablement en rond. J'ai abandonné la partie, moulu, vidé, vers cinq heures du matin. Ainsi que vous le constatez avec un hochement de tête de commisération, j'étais devenu débile. Et c'est vrai. Ce matin j'ai demandé à des professionnels du blog ce qu'ils en pensaient. Ils m'ont répondu : il n'y a rien à faire. Cela nous arrive constamment, et nous avons toujours un type qui est là pour ça. Il fait la poule décervelée jusqu'à ce que ça marche. - Mais comment prévenir une telle défaillance, quelle est la règle? - La règle? C'est que l'informatique, à ce degré de compexité (la video sur le net), c'est comme le piston : quand ça marche, ça marche, et quand ça ne marche pas, ça ne marche pas !.
Assez glosé sur ce sujet. J'ai découvert avec plaisir que bien des internautes se branchent sur le blog avant d'aller au travail, le matin. Les statistiques, très favorables, donnent la progression suivante du 3 février à ce soir du 31 mai :
1712 , 4915, 7239, 11528 visites pour un total de 25402 visites, avec un pic avant-hier de 730 visites. Ces chiffres sont à prendre avec précaution. Ils sont un bon exemple du pouvoir de désinformation des statistiques avec leur fausse précision illusoire. Un chiffre comme 11 160 peut aussi bien représenter une réalité de 300, 500 ou 1000 visiteurs réels? On a certes retranché les moteurs de recherche comme sphere, qui captent tous les nouveaux billets, mais un même visiteur peut se brancher plusieurs fois dans la journée. J'apprends aussi que si vous vous connectez au blog de x minutes en x minutes, cela ne compte que pour une seule visite. Quelle est la valeur de x? Il faut faire des tests pour le savoir, et ces tests sont aléatoires comme tout ce qui est parapsychologique et informatique! C'est ce qui fait la beauté de la chose. Vite, vite, que je mé réfugie dans une partition de Mozart ! Au moins dans une sonate, pourtant d'une bien plus grande complexité, plus vous creusez, plus la clarté et l'ordre apparaissent. Tout est rationnel et explicable... et pourtant quel mystère sous-jacent en dépit de la précision de l'architecture musicale. Dans un logiciel au contraire, tout est irrationnel dès que l'on creuse, mais aucun mystère ne se tapit derrière le chaos. De la contingence pure.
En ce dernier jour de mai
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Wednesday, 30 May 2007
Mozart. Sonate KV 310, Premier mouvement. 30 mai 2007
..... L'information derrière l'information.
PLAN DU PREMIER MOUVEMENT. Aller aussi à 1 2 3
En chiffres rouges, le numéro de la mesure. En vert, les commentaires..
Référence de la sonate : KV 300 d (310). Urtext Edition. Schott/Universal
Probablement composée au début de l'été 1778 à Paris.
..... Allegro maestoso
Cette indication laisse supposer que tout le mouvement est sous le signe du iambe un peu militaire, ou solennel, voire légèrement funèbre. Dans tous les cas elle implique un jeu "sérieux" et point trop léger. L'interprétation pourtant admirable de Dinu Lipatti, est trop diaphane, mis à part le fait que l'appoggiature a été normalisée ce qui supprime le côté âpre des premières mesures. Le début doit être joué forte, ce qui est impliqué par le p. qui suit.
L'Exposition
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Mes favoris
Un exercice prisé aussi bien par les auteurs que par les lecteurs, est le test de l'île déserte, vous savez : quels seraient les livres que vous emporteriez avec v ous ? Umberto Eco, mon illustre contemporain, a répondu, si je me rappelle bien, que cela dépendait de la durée du séjour. Et ça allait du Nouvel Obs, à l'annuaire de téléphone. (Dois-je préciser qu'il était interviewé par ... le Nouvel Obs?)
Je ne suis pas Umberto Eco, hélas, mais mes élèves et mes visiteurs n'arrêtent pas de me demander des conseils sur ce qu'ils devraient lire (ou écouter) pour ne pas mourir idiots. C'est que ce qui compte Comment dessaler l'immense déferlement d'eau sale qui vient de la télé, des maisons de la presse, de l'Internet, afin d'en tirer un peu de source potable.
Bien entendu, il y a les grands classiques, et parmi mes préférés, ceux auxquels je me réfère constamment, je citerai La divine comédie de Dante Alighieri, tout l'oeuvre de Shakespeare (en bilingue), de Joyce (Ulysse), de Molière, et de Goethe. J'ajouterai La confusion des sentiments de Stefan Zweig et Le docteur Faustus de Thomas Mann.En musique, de J.S.Bach, le clavier bien tempéré par le grand Richter, les Goldberg par Georges Malcolm au clavecin ou par Arrau au piano, l'Art de la fugue par Scherchen. De Mozart, la Flûte Enchantée par Levine, le Requiem par Krips, et le concerto pour Flûte et harpe par Zabaleta et Böhm. De Beethoven, la IX symphonie et la Messe solennelle par Toscanini, les sonates par Kempff ou Backhaus, et les derniers quatuors par qui vous voudrez. Cela résiste à tout ! Schumann par Richter, pour les oeuvres de piano, les scenes de Faust par Benjamin Britten, Chopin : la Sonate funèbre par Backhaus, la troisième sonate par Dinu Lipatti, les études, les préludes par Alfred Cortot. Je n'hésite pas pour Le Chant de la Terre de Mahler, la version la plus récente de Klemperer (avec Christa Ludwig) s'impose. J'aime particulièrement les Gurrelieder de Schönberg par René Leibowitz, de Richard Strauss, Ariane à Naxos à Dresde, en DVD, Pelleas de Debussy, par Desormière et Irène Joachim, Tristan et Isolde, dans la version de Furtwaengler avec Kirsten Flagstad, Le Ring en DVD par Boulez, et en CD par Clemens Krauss, Parsifal à Bayreuth avec Knappertsbuch, Mödl et Windgassen, Boris Godounov en DVD par Gergiev, Eugène Oneguine par Solti en playback DVD, Rigoletto avec Pavarotti dans la mise en scène de Ponnelle et pour mon plaisir Le Boeuf sur le toit de Darius Milhaud, dirigé par le compositeur... Je suis conscient que cette liste est tout à fait fantaisiste, j'ai jeté sur le blog, tout ce qui me passait par la tête, et c'est sans doute ce qui est le plus important. Pendant mes quarante ans d'enseignement à HEC, puis au CNAM et à Wharton, je n'ai jamais consulté une feuille de notes. Ce que l'on ne connait pas par coeur, n'est pas assimilé, ni prioritaire.
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