Billets marqués comme Hayakawa
Billets indélébiles
Une discipline du sens
La sémantique est la discipline qui traite du contenu des messages par opposition à la sémiologie qui ne s'intéresse qu'à la genèse et à l'articulation des signes. La sémiologie est une science close, ne renvoyant qu'à elle même. La clôture linguistique est un terme couramment utilisé qui décrit la circularité des définitions des dictionnaires. Un mot renvoie à d'autres mots et en fin de chaîne on se retrouve au point de départ. La sémantique part des signes pour arriver à la signification, généralement non linguistique. Il existe de nombreux ouvrages sur le sujet, notamment ceux de Ogden et Richards, mais le plus important à mon sens est Language in Though and Action de S.I. Hayakawa, un classique facile à lire et à comprendre, qui popularise et approfondit les thèses du père de la Sémantique Générale, Alfred Korzybski.
Les premiers sémanticiens, comme les premiers sémiologues (Greimas, de Saussure, Prieto) ne s'intéressaient qu'au verbe et à l'écrit. Ne retenant de la vie que sa traduction livresque, ils finirent par se persuader qu'il n'est de pensée que du langage. Aujourd'hui, les esprits ont évolué et on a compris qu'une pensée élaborée peut s'exprimer par des notes de musique, des formes et des couleurs dans une toile, des Katas dans les arts martiaux. La prééminence de l'écrit et du verbe a cédé, à l'ère de l'explosion des multimédia.
Dans cette perspective ouverte, j’aborde la signification de la signification des oeuvres d'art, des concepts scientifiques, des performances et des spectacles multimédia. Ainsi, "Le Regard du sourd" de Robert Wilson, grandiose opéra élaboré et articulé, s'étendant sur plus de quatre heures, est-il dépourvu de parole.
Cette rubrique renvoie au "Ring" de Richard Wagner, où la musique entre en compétition avec l'image et le verbe, pour exprimer l'action.
Information : des concepts disparates
Information, système, deux mots fourre-tout qui finissent par ne rien dire, désignant des réalités et des concepts disparates, voire contradictoires.
Le concept d'information couvre un domaine aussi étendu que la vie elle-même. On l'emploie aussi bien pour désigner les communications intercellulaires que pour les influx nerveux qui sillonnent les neurones, les flux électroniques responsables de notre activité cérébrale, de notre comportement, ou du fonctionnement des automates, ou encore de ce que délivre à notre psychisme un tableau, une partition, un paysage, une émission de télévision. Cette hétérogénéité se traduit par la multiplicité des approches. La théorie de l'information initiée par Claude Shannon, n'a pas grand chose en commun avec la sémantique de Hayakawa, le behaviorisme étroit de Skinner, les expériences parapsychologiques menées à l'Université de Princeton, ou le discours d'un démagogue, étudié par un sociologue ou par un spécialiste de la communication non verbale.
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Monday, 17 September 2007
Quoi de commun entre Grâce Kelly et Annette Messager?
RIen en apparence. Mais lisez Hayakawa. Le grand sémanticien établit une claire distinction entre l'art d'évasion et le grand art, celui des génies de la dramaturgie, des arts de la peinture, des architectes, des compositeurs. L'art d'évasion qui est souvent celui du divertissement, nous éloigne de la réalité, d'une réalité douloureuse ou décevante, à l'instar d'une drogue, d'un tranquillisant. Vous vous projetez dans un monde imaginaire, vous vous identifiez à un personnage flatteur ou puissant, vous vivez par procuration des situations d'autant plus fascinantes qu'elles sont faites pour fasciner. Mais après, vient le réveil, et vous vous sentez désemparé, dépaysé par la rude réalité, le monde est désenchanté, et aussi vite que possible, vous vous replongez dans l'univers sans pesanteur de la fiction, comme l'enfant effrayé se blottit sous les couvertures dans une chaude obscurité utérine. Mais il en subsiste toujours un sentiment d'incomplétude, causé par un décalage deviné pais nié entre la fiction séduisante et la réalité. La magnifique saga de Grace Kelly fait partie de ces fictions enfantines, primaires. L'image de la princesse ne peut survivre au temps. Nul enseignement ne peut être tiré des ces images polychromes d'un bonheur inatteignable, et on n'en retire que le sentiment fondé, d'un paradis d'autant plus perdu qu'il n'a jamais existé.
En revanche, voyez Wozzeck, l'opéra d'Alban Berg. L'histoire atroce d'un homme misérable qu'on rend fou, qui égorge sa femme et se noie, laissant un petit orphelin. Les dernières mesures juxtaposent trois images mentales fortes, plus fortes encore de leur superposition. 1. Les enfants excités qui cruellement viennent apprendre la nouvelle au petit : "La Marie, elle est morte! " et qui, joyeusement vont voir le cadavre, 2. Le pauvre petit tout seul dans la rue déserte et dans le monde hostile, qui continue à chevaucher son cheval de bois, un vieux balai et dit "hop hop ! hop hop ! ". 3. A l'orchestre un accord de douze sons étale répété trois fois, accord horizontal calme comme le grand sommeil, comme l'étang, comme la mort injuste et indifférente. Et cela donne une immense pitié, qui nous anime du désir que cela n'arrive jamais plus, une grande compassion. On pleure et cette catharsis est nécessaire, la splendeur formelle de la musique, le génie du compositeur, inversent le désespoir, apportent une réponse à tant de malheur quotidien. Sans cynisme, l'oeuvre d'élévation accroît notre lucidité, elle nous prépare à affronter les malheurs de l'existence et à y apporter des réponses positives. Et c'est cette catharsis qui fait que contrairement à l'oeuvre d'évasion, des images éffrayantes nous laissent un arrière goût consolant, nous font progresser dans la voie du développement et dans la connaissance de notre être essentiel.
Les installations d'Annette Messager sont des visions funèbres d'épouvante et une révélation des tréfonds de notre inconscient; Mais nous en sortons émerveillés, grandis, plus sages et plus conscients de la complexité de l'âme féminine et pour les hommes, mieux préparés pour la comprendre.
Friday, 24 August 2007
Le paradigme Necromonte, niveau d'abstraction
Quatrième livraison
Bessie la vache, et ses amies
(D'après Hayakawa)
Armin Necromonte
Le grand public a compris qu'une des raisons de la desaffection des épargnants pour les actions, tient à l'opacité et à l'extrême sophistication des outils boursiers.
Alexandre
A quoi est-ce dû?
Necromonte
A un phénomène qu'on nomme l'abstraction au point mort. En général lorsqu'on remplace la réalité par des mesures, des indices de qualité, des coefficients, des chiffres d'affaires, des mètres carrés, on est capables de retransformer - au moins par l'imagination - ces données abstraites par une image de la réalité qu'ils représentent. La carte permet de retrouver le territoire, et d'en donner une idée qui permette de nous orienter. Mais il arrive des cas où les manipulateurs de signes afin de distiller les données, de les triturer, d'en évaluer les probabilités d'occurrence, ne sont plus capables de retrouver la voie qui leur permettrait de revenir au réel. C'est comme un avion monté à une très haute altitude et qui ne pourrait ni redescendre sur terre, ni rattache ce qu'il voit à une expérience concrète. C'est cela qu'on appelle l'abstraction au point mort;
Alexandre
J'ai entendu dire que les gens qui manipulent les modèles économétriques, et qui prévoient par exemple si un fonds classé AAA va donner du B, n'ont pas la moindre idée des réalités qu'ils notent. Ils ne font pas la différence entre une usine agroalimentaire tchecoslovaque et un atelier de designers situé dans la silicon valley.
Necromonte
C'est tout à fait exact. Ils manipulent des chiffres comme les physiciens quantiques ce qu'on suppose être le réel. D'ailleurs leurs modèles, comme les paquets d'ondes de la physique quantique, sont probabilistes. Plusieurs scénarios incompatibles peuvent être simultanément admis, lisez n'importe quelle prédiction sur le futur et vous verrez que souvent c'est un événement imprévisible qui oriente le trigger, l'embranchement du rail dans telle ou telle direction. Par ailleurs, lorsque nos mathématiciens formulent un prévision sur un paquet de créances sur l'immobilier, certaines informations sont superbement ignorées : la vue, la tranquillité, l'effet de masse, le voisinage etc... Et pourtant ce sont ces données qualitatives qui décident qu'un bien sera acheté ou ne trouvera pas preneurs. On voit des quantités de programmes immobiliers dont l'architecture reflète l'idéal qui les sous tend et qui a nom "greed".Mais lorsqu'on passe des ondes de probabilités à l'échelle humaine, qu'on réduit le paquet d'onde à une particule et que le chat de Shroedinger finit par mourir ou rester vivant, on se trouve dans un univers dense, concret : celui de la transaction. Et on s'aperçoit que ce ne sont par les données économétriques qui l'emportent, mais la certitude de ne pas se tromper due à l'intuition, l'instinct et la deserendipity. Ainsi, les modèles probabilistes prétendent refléter une réalité dont les constituants individuels leur échappent complètement; La réaction psychologique des acheteurs en fait partie.
Bessie la vache et ses mystères
Hayakawa, le grand sémanticien, introduit Bessie la vache pour expliquer la notion de niveau d'abstraction.
Pour un petit éleveur, à la tête d'un cheptel d'une douzaine de vaches, chacune à ses caractéristiques propres, son caractère, ses forces et ses faiblesses. Il peut même entretenir des relations conviviales avec certaines d'entre elles et leur donner de petits noms affectueux. C'est ainsi qu'il distingue Rosie la noire, de Bessie la blanche tachée de brun. Rosie peut être plus robuste, Bessie meilleure laitière... Mais qui est Bessie la vache? Si nous demandons ceci à un boucher nous n'aurons pas la même réponse que celle d'un vétérinaire. Dans tous les cas c'est un tas d'organes, de viande, et en allant plus loin, une organisation complexe de cellules.
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Friday, 17 August 2007
Le paradigme Necromonte
Une leçon de démolition
Première livraison
Le cabinet du Professeur Armin Necromonte à Berkeley.
Armin Necromonte, maître en systémique, donne une leçon à Alexandre Ludell, en présence de Sixtus Famulus.
Extrait de l'Entretien. Voir à ce sujet les relations entre Valentin Ludell, Lars Hall et Alexandre ►♦♦
Ci-contre, "le nuage qui ne bougeait jamais".
Personnages
Sixtus Famulus. Assistant personnel d' Armin Necromonte, professeur honoraire à Berkely.
Le professeur Necromonte
Alexandre Ludell, frère de Richard Ludell et de Christine. Fils naturel de Lars Hall-Bentzinger III et de Christine.
Note : toute ressemblance avec des personnages existants est purement fortuite.
Necromonte. Je suis heureux de vous recevoir. J'ai bien connu votre père. Il doit avoir aujourd'hui 42 ans, il n'en avait alors que 18.
Alexandre.
Il a 42 ans Monsieur, et j'en ai 22.
Necromonte.
Il sortait à peine de l'adolescence lorsque vous êtes né.
Famulus
Alexandre Ludell est le fils de Valentin Ludell. Monsieur Hall-Bentzinger n'est que son père biologique. Mais il le considère, ainsi que Richard Ludell, son frère, comme son héritier. Il désire que vous lui expliquiez certains mécanismes financiers qui le préoccupent comme par exemple la bulle immobilière qui a fait partir en fumée quelques deux cent millions de dollars, pour adoucir la vérité.
Necromonte Qu’est-ce que la vérité ? De toute façon la finance n'est pas ma spécialité, et vous avez dû, mon garçon, bénéficier des conseils des plus grands économistes. Que pourrais-je donc vous apprendre ?
Alexandre Les fondements cachés, monsieur.
Famulus
On ne s'adresse pas comme ça au maître. On dit professeur.
Alexandre Oui monsieur.
Necromonte, souriant. Quelle importance Sixtus? Appelez-moi comme vous voudrez, jeune homme.
Famulus (réprobateur)
Les formes sont les formes. Voici le curriculum des deux frères. Richard fait de bonnes études à Wharton. Alexandre n'a qu'un diplôme de bachelor à l'Université Hartzmann à Santa Samarea.
Necromonte L’université Hartzmann ?
Famulus Elle a été fondée par le beau-père de Monsieur Hall-Bentzinger.
Necromonte Quelles sont vos activités actuelles?
Alexandre Je m'occupe de l'Uxelladum Center, et du secteur armement non conventionnel.
Necromonte Et votre frère, que fait-il?
Alexandre Rien
Famulus Il vient de terminer ses études à Wharton et n'entre que maintenant dans les affaires de Monsieur Hall. Ce dernier a tout de suite mis Alexandre au travail car c’est un gros bûcheur et il jouit d’une large autonomie.
Necromonte Je vous l'ai dit, la finance n'est pas ma spécialité. Des études abondent sur le mécanisme des hypothèques et du rating. Mais ce n'est que de l'information de surface. Par exemple on s'étonne que le dollar ne soit pas plus faible après que la banque fédérale ait fait fonctionner à plein la planche à billet. On dissimule le fait que les professionnels des marchés ont déjà anticipé la catastrophe, et c'est pourquoi le dollar est faible depuis deux ans. Il a déjà payé par avance les aberrations du système financier. Mais, tout cela, vous devez le savoir, je suppose.
Alexandre Oui.
Necromonte Ce qui vous intéresse est donc au niveau au dessus, ce qu’on pourrait appeler la méta-économie. Se demander quels sont les ressorts intimes qui font que le marché agit de façon aussi chaotique tel est son objet. Mais, vous devez aussi connaître le problème de l'opacité des fonds, et les erreurs d'évaluation des cabinets de rating. Elles conseillent les banques sur les valeurs à acheter en les classant de AAA à D. Puis, en fonction du risque, elles préconisent les AAA. Mais ce sont elles qui attribuent les premiers prix! Par ailleurs, comme nul ne sait la proportion des junksbonds et des hypothèques notées AAA et ravalées à BB, dans la plupart des fonds, il devient impossible de leur donner une valeur précise et cela ne plait pas du tout, mais pas du tout aux investisseurs. On est ainsi contraints à suspendre la cotation de fonds qui sont peut-être peu contaminés. Mais vous devez être tributaires de ces distorsions : je vois que votre père possède une banque privée.
Alexandre Trois.
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