masterclassesSaturday, 9 May 2009Le journal du 8 mai 2009CHRONIQUE
Traduttore traditore
Qui ne connaît cet adage italien : traducteur = traître ?
Il est très difficile de trouver un équivalent exact à une oeuvre poétique ou littéraire, surtout lorsque les langues respectives sont l'anglais et le français par exemple. Que l'on songe aux transpositions plus ou moins fidèles de Shakespeare, aux mots et expressions intraduisibles faisant bon marché du contexte. En revanche la traduction de Faust II par exemple est relativement aisée si l'on suit le mot à mot, ce qui n'est guère le cas de bien des traductions qui sous prétexte de reconstituer le génie poétique du chef d'oeuvre, osent d'infâmes inventions. On se souvient à ce propos des absurdités de la traduction de "Don Giovanni ! " en " Voici l'heure !" ou encore "Don Jua-nan !" dans l'opéra éponyme de Mozart, alors qu'on aurait pu se contenter de faire chanter en italien cette impressionnante interpellation ! C'est d'ailleurs la raison de l'abandon des opéras traduits au profit des versions originales avec sur-titres. Le défi est évidemment encore plus difficile lorsque la langue écrite est étrangère aux règles de la langue traduite, par exemple les idéogrammes chinois et japonais. En revanche la différence est pratiquement nulle, lorsque la sémantique est identique pour toute la planète, et que la langue doit s'y conformer de force, en créant s'il le faut des néologismes.
C'est le cas des langues-outils comme la comptabilité, la finance, la science et la médecine ou l'informatique. Le cas de la transposition d'un texte littéraire en une version filmée est le cas le pire qu'on puisse rencontrer. Le cinéma a ses règles qui sont différentes de la lecture. Il doit reconstituer la subtilité d'une intrigue peaufinée, à savourer lentement en voyageant au besoin dans la phrase en images frappantes, condensées, destinées à faire appel aussi bien au son et à l'image qu'à ce qui ne devient qu'un scénario. Le cas est bien entendu différent dans une représentation théâtrale car, si le jeu des acteurs, leur personnalité, le décor et l'acoustique de la salle, altère le contexte, néanmoins l'intégralité du texte est préservée. On ne fait qu'à y ajouter des informations et des dimensions supplémentaires. Il y a des cas où le point de vue du cinéaste diffère de celui de l'auteur du scénario, par exemple "le Nom de la Rose", où le scepticisme de Umberto Eco, heurte l'optimisme de Annaud, comme celui-ci s'en explique dans le bonus du DVD. La fidélité est en revanche maximum lorsque auteur et cinéaste sont un seule et même personne. Le cas du film "being there" de Kosinski également l'auteur du roman, est exemplaire. D'autres transpositions sont particulièrement réussies comme celles de Boileau-Narcéjac dans "les diaboliques" (Clouzot) et "sueurs froides" alias "Vertigo" (Hitchcock).
Cela nous amène à la comparaison du "Club Dumas" de Arturo Pérez-Reverte et du film qui en est tiré "La neuvième porte". En dépit de la réussite de Polanski, les modifications apportées à l'intrigue sont telles qu'on peut parler de falsification. Et si certaines licences se justifient par les nécessités cinématographiques et ne font qu'appauvrir le roman, d'autres n'ont d'autres raisons d'être que d'introduire des images et des séquences inventées de toutes pièces dans des buts commerciaux. La recherche de spectaculaire dénature complètement le sens du livre. Je relèverai ici de mémoire des déviations grossières.
LE FILM : l'histoire du club Dumas et celle des neufs portes sont liées. Le club Dumas est une secte occulte comme celle de "Eyes Wide Shut" de Kubrick et se livre sous nos yeux à des messes noires démoniaques, où l'auteur des crimes fait irruption et déclame sa volonté de commercer avec le diable.
LE LIVRE : Le Club Dumas est une association bien innocente des admirateurs du romancier, qui se réunit tous les ans dans la demeure de la fanatique femme du premier mort, mais étrangère à sa pendaison comme aux autres morts. Son but est de s'emparer du manuscrit d'un chapitre des "trois mousquetaires" les autres étant confié aux mains de chaque membre de l'association. Le pendu a libéré une place et grâce au manuscrit apporté en don à l'association elle espère d'être acceptée comme 64ème membre. mais la tenue est inférieure à celle d'un Hitchcock ou d'un Kubrick. La découverte de l'indépendance entre le club Dumas et la recherche du livre magique, est un clou de l'intrigue et permet de mener à la conclusion, qu'il y a forcément deux manipulateurs distincts derrière les évènements.
LE FILM : La femme aux yeux verts est une sorcière jouée par Emmanuelle Seigner. C'est elle qui, au delà de la neuvième porte, environnée de flammes et d'une clarté insoutenable, se livre tout nue à une danse érotique de possession, sous les yeux d'un Johnny Depp médusé.
LE LIVRE : Le coup de théâtre supprimé par Polanski : on découvre que cette interprétation est fausse. La prétendue sorcière n'est qu'une jeune fille (comme on l'appelle dans le livre) très courageuse, pleine de pudeur, et capable d'une infinie douceur. A la fin, elle est simplement amoureuse de Corso et cela finit sur une scène de tendresse, certes moins spectaculaire que la danse érotique, mais combien plus émouvante.
LE FILM : Le nécromancien s'entoure d'un cercle de feu, pour prouver que les flammes ne le brûlent pas. Au début tout ce passe comme prévu et il pousse des cris de triomphe, bientôt mués en hurlements de douleur lorsque il découvre - trop tard que ce n'est pas le cas, et il finit comme Don Juan, entraîné en enfer. En effet le sortilège des neufs bois gravés était de la fantasmagorie issue de la superstition.
LE LIVRE. Si le nécromancien meurt c'est parce que les neuf bois étaient incomplets. Le neuvième était un faux réalisé par les restaurateurs espagnol d'après une reproduction prise dans une publication. C'est une autre surprise éludée par Polanski.
CONCLUSION : j'ai relu mes appréciations enthousiastes du film. C'est que je n'avais pas relu alors, le livre original de Arturo Pérez-Reverte que j'avais oublié. Ce qui montre que l'admiration peut avoir comme source l'ignorance. Il reste que le DVD est passionnant, les acteurs collent aux personnages, et la mise en scène particulièrement efficace. Mérite plusieurs visions répétées. Voyez le film, lisez le livre après coup sans vous laisser décourager par l'abondance de références relatives au métier de marchand de livres anciens. Wednesday, 22 April 2009Le journal du 22 avril 2009CHRONIQUE De la faiblesse
La notion de faiblesse est dès plus subjectives et son évaluation des plus controversées. Dans notre siècle ou seul le Vae Victis est à l'honneur, où les sentiments de compassion et d'empathie sont mués en sentimentallité est l'hommage que l'égoïsme rend à la pitié et à la piété, où le sentiment, la pitié et la pété sont paroles honteuses, où le respect de la parole donnée où l'honneur et la fidélité sont marques de faiblesse, comment différencier la faiblesse telle que nous venons de la décrire, à un manque de caractère, une absence de ténacité, de courage et de promesses non tenues par peur d'être critiqué, d'instabilité et de revirements, qui marquent la faiblesse véritable. Ces faibles vous soutiennent, vous engagent dans une voie périlleuse, courageuse, et quand vous êtes parvenus au milieu du gué, vous laissent tomber. La faiblesse, est une lâcheté travestie en courage tant qu'il n'y a pas de passage à l'acte. C'est en ce sens que je dis toujours à mes clients : méfiez vous de l'amitié des faibles. Mieux vaut traiter avec des adversaires forts. Vous savez au moins à quoi vous en tenir et ils vous renforcent au lieu de vous amollir dans une douce confiance. Et puis, s'ils sont ouverts à la discussion et que vous faites les premiers pas sincères pour conquérir leur estime, il n'est pas rare qu'ils ne se muent pas en amis fidèles. Ce sont déjà des situations que j'ai maintes fois vécu et qui étonnent tous mes familiers.
Une question se pose alors. Est-il possible que dans certaines circonstance un faible devienne fort, et un fort montre des signes de faiblesse? Relisez Stefan Zweig ou interrogez la chronique. Louis XIV était le prototype de l'homme fort,mais à la fin de sa vie il céda à l'influence de Mme de Maintenon dont il devint le jouet. En revanche Louis XVI, exemple peu glorieux de velléitaire soumis à toutes les influences, et dépourvu du moindre caractère, fit preuve face à la mort d'une dignité et d'une force d'ame peu communes. Alors? Cela montre qu'en suivant l'exemple de Korzybski, nous devons proscrire le verbe et le remplacer par AVOIR On se gardera d'affirmer qu'un personnage EST faible et dire qu'à tel instant, à tel moment, il a fait montre de faiblesse. De même le plomb n'est pas lourd et la plume légère, comme Galilée l'a démontrer en les laissant tomber de la tour penchée de Pise. Il s'agit là du combat entre les modes de pensées aristotélicien et galiléen. On remarque la faiblesse d'un personnage par contraste par rapport aux hommes forts qui l'environnent. Mais il est des exceptions, et la force de son entourage peut déteindre sur lui et lui conférér un semblant d'existence, comme la lumière du clair de lune qui ne fait que réfléchir celle du soleil. Picasso avait remarqué qu'un objet médiocre mis dans une vitrine parmi des chefs d'oeuvre, semble en quelques sorte enobli, alors qu'un bel objet, placé dans un grenier plein de vieilleries semble plus mauvais. C'est un phénomène que connaissent bien les antiquaires lors qu'ils installent leur vitrine.
Force et faiblesse des objets d'art Pour le connaisseur la notion de beauté n'a pas grand sens. En Chne, ce qui fait la valeur d'un paysage, est son aptitudeà refléter l'harmonie du monde et l'énergie du peintre-calligraphe. Pour le connaisseur contemporain, ce qui compte est "la force" de l'oeuvre, c'est à dire son aptitude à s'imposer à toutes les autres, à les "faire tomber" en quelque sorte.
Claude Médiavilla en tant que calligraphe particulièrement sensible aux notions de force, d'authenticité et de justesse, n'eut pas détat d'ames pour dénoncer la faiblesse du tracé de Kandinsky par rapport à Lascaux.
De même Claude Mediavilla tient en grande estime un peintre chonois contemporain peu connu, dont notre musée de l'écriture expose depuis des années de magnifiques calligraphies et peintures.
Ci-dessus. Tad Chen 2001, calligraphie du caractère xing qui signifie "forme", style xing-cao, pigment rouge sur papier 34 X 45 cm. In Abécédaire de la calligraphie chinoise, Claude Mediavilla,Flammarion 2002.
L'enseignement des Tarica J'avais étant jeune, comme initiateurs André Naggar et les Nahon qui me firent acheter dans une vente aux enchères au Palais Galliéra, un Hartung de 1950, que j'ai toujours devant moi auprès de mon ordinateur. Il coûta je crois 10 000 francs, un an d'économies. Mon père faillit s'évanouir, mais il finit par assimiler ce tableau et ne voulut pas que je m'en sépare. L'année précédente je l'avais investie dans un Steinway demi-queue de New-York, toujours en ma possession. Je découvris par la suite Tàpies et Poliakoff. Je révais depuis longtemps à de grands tableaux, format 120 figure ou paysage. Ainsi je pus grâce à Naggar acheter un Tàpies de 1950, une merveille aussi complexe que mystérieux e t un très beau Poliakoff de l'époque Troubezkoï.La plupart des Poliakoff étaient ratés ou ennuyeux, tous rouges , et un certain Zerbib les payait en alignant des tas aussi épais que possible de petites coupures. Je crois que Poliakoff jouait aux chevaux. J'adorais le mien mais Marina le trouvait déséquilibré.
Ci-dessus, mon Poliakoffdans mon bureau au BHV. A droite une maquette de l'entrepôt d'Ivry, statue de Rutzch, familier de Dalì qui finit mal.
Une interprétation sur papier d'Auvergne, de mon tàpies.
J'achetai par la suite d'autres tableaux dont un grand Soto qui avait vaincu le premier prix à la biennale de Venise. Et voici que je rencontrai Samy Tarica. Il vint voir mes tableaux et haussa les épaules. Du second ordre, me dit-il. Basardez-moi tout cela et achetez des oeuvres valables. Pour lui, c'était Fautrier, Duchamp, Schwitters et autres Klee. Alain, son fils, ajouta Kosuth. Je finis par me laisser convaincre et achetai chez lui un minuscule collage : le N°9 et, chez le concessionnaire, la Malborough, trois Schwitters dont le meilleur datait de 1918 et le plus spectaculaire de 1925. Il faut y ajouter un Klee de 1914, un chef d'oeuvre minuscule sur gaze. que je dus à sa générosité.
Ci-dessous le Klee, mon tableau préféré. Je ne me suis pas encore remis de sa perte. Il tuait tout ce qu'il entourait. En dépit de ses dimensions exiguës, onne voyait que lui. Disparus Tàpies et Poliakoff ! Le vieux Samy avait raison !
Ci dessous mon Schwitters préféré, d'une complexité et d'une rigueur structurelle ahurissante étant donné son petit format (20,4 X 17,4 cm. Non signé ni daté, oeuvre N°1918/19 - ST. Proveannce Ernst Schwitters. Il était accroché dans la grande maison et avait été transférée sans cesse pour accompaner l'artiste et son fils. Néanmoins de mauvaises langues murmuraient qu'il s'agissait d'un faux. Plus tard je devins un véritable expert en la matière et l'on fit souvent appel à moi pour détecter les faux. Je n'avais aucune hésitation, et je démasquai pas mal de faussaires. Mon rève était de rassembler leplusgrand nombre d'oeuvres majeures, reproduites dans le Schmalenbach, qui faisait autorité. Je fis de nombreux outils pédagogiques voués à l'artiste et amassai une importante bibliothèques de références. Bien. Je dois avouer que le Klee le surclassait, mais celui-ci, le tableau à la bougie de 1925 très connu, et l'extraordinaire et minuscule N°9 qui provenait je crois de chez Tarica, écrasaient les Tapàpies, les Hartung, les Poliakoff. Mon apprentissage avec Naggar était terminé. Avec les Tarica j'étais passé à la vitesse supérieure. La notion de beauté (sous-entendu hédonique et jouissive) était remplacée par les nobles concepts d'innovation, d'avant-garde,, de force et d'énergie, assez proches des valeurs chinoises des lettrés. Tuesday, 21 April 2009Le journal du 21 avril 2009CHRONIQUE La plume et la pensée
On pense trop souvent que la pensée est chose abstraite qui se fixe certes dans l'écrit, mais qui est indifférente à la forme de ce dernier. Quelle importance que ce soit une demi-onciale du IXème siècle, comme celle du Livre de Kells, La Divine Comédie dans le premier folio illustré d'après Botticelli, ou en livre de poche?
LE JARDIN ALBERT KAHN Je me permets une digression pour vous présenter ces jardins et en particulier la section dédiée au Japon. J'y suis allé un moment ce matin, car le temps était radieux et cette description par les images, aurait mieux trouvé sa place dans le billet dédié au printemps. Vous pouvez vous procurer le catalogue, un peu confus et dont les images ne vaudraient pas les votres sur un seul coolpix de Nikon.
Pour voir mes photos, reportez-vous au corps du billet.
Le tout début de l'écriture Vous trouverez une explication très claire et remarquablement complète dans le livre magistral de Claude Mediavilla Calligraphie parue en 1993 à l'Imprimerie Nationale. L'exploit constitué par les 332 pages grand format de ce volume abondamment illustré par des reproductions, des planches, des synoptiques, n'est pas près d'être recommencé. On ne saurait assez recommander l'achat de ce livre exceptionnel. J'essayerai de synthétiser les principales étapes de la découverte de l'écriture sans remonter au déluge,c'est à dire aux grottes de Lascaux! Tout le monde sait que l'origine des signes scripturaux a pour fondement la nécessité de comptabiliser les biens.C'est à Sumer et à Uruk au niveau dit Warka IV , 3500 Ans avant Jésus-Christ qu'apparaissent les premières tablettes sémi-pictographiques. La transition se fait graduellement vers les célèbres tablettes cunéiformes. J'en avais une dans le cadre de ma collection du Musée du Stylo et de l'écriture, et elle disparut au cours du hold-up sanglant de 2001, avec l'essentiel des pièces les plus rares. Mais le rôle ne se limita pas par la suite à favoriser les inventaires et les échanges commerciaux. Entre 2000 et 1000 BC, l'extension considérable de cette écriture la rendit propre aux échanges diplomatiques dans tout le Proche-Orient. En Egypte, trois mille ans avant notre ère, l'Egypte disposait déjà d'un système phonétique et symbolique complet et elle comprenait trois types d'écriture dont une, dite démotique était tracée sur papyrus et devint adoptée par l'administration mais aussi la littérature. Malheureusement la civilisation des pharaons ne se soucia guère de précision et en resta au stade de l'évocation et de l'hiératique. Elle en mourut.
La Crête offre un exemple d'une civilisation extrêmement aboutie, dotée d'une écriture très différenciée, témoin ce disque d'argile trouvé à Phaestos, daté de 1700 BC et non pas taillé mais moulé à partir d'une matrice. Malheureusement cette écriture nous est encore totalement impénétrable en dépis de toutes les recherches et demeure une des plus irritantes énigmes de l'histoire de l'écriture. L'alphabet phénicien à partir de 1200 BC est à la base de toutes les écritures occidentales modernes. Il est encore écrit de droite à gauche et ne comporte que des consonnes ce qui est encore le cas de l'hébreu et de l'arabe contemporain. Il donna naissance à l'alphabet grec, matrice de toutes les langues occidentales, du latin au cyrillique. Les lettres grecques appelées par Hérodote lettres phéniciennes, est le plus riche de toutes l'Antiquité et a été le premier à noter les voyelles. Mais son orientation est toujours de droite à gauche.Les grecs ont abandonné les consonnes gutturales sémitiques et ont utilisé les signes des gutturales sémitiques en sognes destinés à figurer des voyelles dont on ne pouvait se passer. En 338 BC, on distingue trois types d'écriture : celle des livres et manuscrits, celle de chancellerie, et celle des documents privés. On notera que les premières monnaies existaient déjà depuis plus de deux siècles et de ce fait constituent des documents irremplaçables. C'est à l'alphabet latin que l'on doit les premières réalisations vraiment esthétiques. On distingue l'écriture actuaire relativement négligée et utilisée pour les actes juiridiques et comptables, et la magnifique écriture monumentale dont les caractères sont encore les notres. Mais ce n'est qu'à partir du IVème siècle que l'orientation vers la droite l'emporte définitivement. Par ailleurs la capitale romaine présente de nombreuses variantes et ne s'est pas créée d'un coup. Ce n'est sans doute qu'au IIème siècle qu'elle se stabilise. Elle donnera naissance à toutes les écritures ultérieures. Il est également de noter l'abandon du pinceau, pour des instruments comme un simple bout de craie carré ou un calame biseauté. Dernière particularité d'une extrême importance : l'écriture même la plus élaborée était exécutée à main levée sans recours au compas et à la règle. Le maître la possédait en lui et l'exprimait avec une spontanéité créativité remarquables. On est loin des théorisations de Tory et autres humanistes qui recherchèrent des règles de construction rationnelles, n'aboutissant qu'à une sorte de perfection froide, mécanique et ennuyeuse.
Les ancêtres chinois Comme Claude Mediavilla, expert en la matière, l'explique dans son ouvrage l'abcdaire de la calligraphie chinoise (Flammarion 2002) l'écriture chinoise daterait de la dynastie Chou (soit 800 BC).Mais ce n'est qu'en 221 BC qu'elle devint unifiée, telle qu'on la connaît.
Une caractéristique de cette écriture, est qu'elle ne se contente pas d'être compréhensible et de refléter le signifié,mais elle devait être belle.Certes, l'écriture occidentale peut revêtir des aspects d'une grande beauté, mais il restent stéréotypés, si l'on excepte la cursive courante, plus intéressante pour le graphologue que pour l'amateur d'art.C'est ce qui explique qu'en Occident, l'écriture ne parvint jamais à la distinction d'art majeur, comme en Chine, où elle était prisée à égalité avec la peinture, qu'elle complétait souvent. Ces remarques expliquent aussi la dissociation opérée par les "intellectuels" et les muséologues, qui dans bien des cas ne voyaient pas de différence entre un texte bien ou mal calligraphié, ou diffusé en livre de poche, voire téléchargé dans l'internet ! On se reportera avec fruit, à l'avis Une caractéristique de l’écriture chinoise est qu’en principe elle est formée de blocs tenant dans un carré, et disjoints. Mais on peut également relier ces blocs entre eux pour former un ductus fluide et imaginatif, ressemblant à une cursive spontanée, l’esthétique en plus. Cette variété inépuisable de formes, hautement individualisée permet de distinguer les grands maîtres des honnêtes calligraphes. Rien de tel dans la calligraphie occidentale d’une grande uniformité au sein d’un modèle donné : caroline ou fraktur. Certes les calligraphes contemporains essayent de s’évader de ce carcan mais ils tombent alors dans l’art pour l’art alors que dans la calligraphie chinoise, les deux sont indissolublement liés.
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Une rectification Nous avons émis, mon fils et moi, l'hypothèse que le Musée du Palais à Taipeh pratiquait la rétention à l'égard des éditeurs du monde entier. On se fondait sur le fait que la plupart des ouvrages sur la peinture chinoise font l'impasse sur les oeuvres du musée, se limitant à des collections des musées chinois nationaux, et provenant de musées occidentaux, en Allemagne, en Suisse,etc. Or, en fouillant dans la librairie du Musée Guimet, j'ai trouvé l'ouvrage suivant qui fait amplement appel à Taiwan : La Peinture Chinoise par Emmanuelle Lesbre et Liu Jianlong. Ed. Hazan, 69
Je l'ai longuement feuilleté et j'ai fini par l'acheter. Il contient au moins dix reproductions provenant du Musée du Palais à Taipei. J'y reviendrai sans doute dans le prochain billet. Pour l'instant, revenons à William Blake.
Blake est le plus célèbre poète anglais. Méconnu de son vivant, il ne fut reconnu que cinquante ans après samort et Angleterre et jouit d'une renommée dans tous les pays anglophones, dont les Etats-Unis qui possèdent le plus important de ses livres : Le Livre d'Urizen absent de l'exposition parisienne qui ne contient que les oeuvres provenant de musées anglais à une exception près. Je connaissais l'existence de ce livre exceptionnel par un ouvrage acheté à New York au moment de sa parution en 1978 et introuvable aujourd'hui. Mais sait-on jamais, par l'internet à en croire le grand expert qui a contribué à la chute de la Deuxième Fondation, vous devriez pouvoir le consulter gratuitement sur la toile !
Une propriété unique me relie aux ouvrages de Blake, toutes proportions gardées bien entendu. Je lui dois l'accueil de mon Apocalypse à Images dans le saint des saints de la Bibliothèque Nationale de France : la salle des manuscrits anciens. En effet les ouvrages de Blake sont les seuls à être nés à la fois comme texte et comme image, alors que les calligraphes copient généralement des textes célèbres et les illustrateurs, ajoutent leur imagerie qui n'est guère de la peinture. Ceux qui ont essayé, en France notamment comme Cortot, de s'en inspiré ont échoué piteusement.
Certes, alors que mes moutures du même texte sont des réinterprétations graphiques, où je suis l'illustrateur de mon propre texte, donc uniques dans leur genre, les livres de Blake sont tirés à plusieurs exemplaires. Mais que cela ne fasse pas illusion. Comme les estampes originales d'un Hokusai, aucun tirage n'est une reproduction du précédent. Chaque exemplaire est repris, travaillé à l'aquarelle et quelquefois enluminé à l'or fin. Ci-dessous, une page de mes "chansons de la vallée" où l'illustration est une espèce de monotype. Aucun tirage ne ressemble à l'autre et au bout de quelques exemplaires, l'image est illisible. Il en est de même chez William Blake, où texte et illustrations, gravés en relief à même le cuivre (donc en écriture en miroir) sont encrés en un seul passage.
Ci-dessous, une page de "L'Histoire d'un Fleuve" dédiée à Wang Wei, où j'ai essayé de transferer une matrice.
Les idées politiques de William Blake Blake conteste énergiquement l'idée d'égalité, et d'égalitarisme cher aux révolutionnaires de 1789. Mais il fustige aussi le capitalisme et le commerce, alors prisés comme facteur de prospérité. Mais la conséquence ultime du capitalisme et du commerce, est de rendre les individus interchangeables, ou comme le dit bien mieux Blake : "inter-mesurables". Tout individu avalé par la sphère du capitalisme comercial est réduit à sa plus misérable dimension culturelle et humaine. Il n'est plus une personne. Ce point de vue est prophétique en notre période de matérialisme mondialiste.
Urizen pour Blake, est le symbole du rationalisme obtus, de la logique péremptoire du spécialiste ou de l'idéologue. Gauchisme et capitalsme effréné, se rejoignent paradoxalement sur ce terrain. De ce point de vue, le vrai art mingei, proche du peuple et de la matière, empreint de spiritualité, est radicalement opposé du Mingei théorisé revendiqué comme une propriété industrielle par Sôri Soetzu, le fils de Yanagi Soetzu. Alors que ce dernier créa le terme de Mingei et prôna la renaissance de la pièce unique d'artisanat, en fondant la plus grande collection mondiale de Mingei,son fils se lança dans le désign industriel, où l'essence du mingei ,pour lui, résidait dans la diffusion de masse de produits de design, tous identiques. L'individualisme de chaque dupliqueur était évidemment abolie et s'effaçait derrière le concept.
Voici des extraits d'un texte de Blake cité par Seree Makdisi dans le catalogue du Petit Palais, p.105.
Voici les ébauches d'un système commercial international (aujourd'hui, la mondialisation) et conçu par Urizen :
D'abord il besogna pour faire des Métiers et du Commerce, des navires et des vaisseaux armés pour voguer sur l'abîme, et sur terre les enfants furent vendus par les métiers De l'horrible nécessité, travaillant sans cesse nuit et jour, jusqu'à ce qu'épuisés, ils prissent la forme du spectre dans le sombre désespoir ; Et des myriades d'esclaves, en cargaison, font un refrain à la voix rauque de l'abîme, Avec le cliquetis de leurs chaînes ; l'Empire Universel gémit.
Voici à présent l'amour selon Urizen :
Voici que je déploie mes ténêbres, et que sur Ce rocher, d'une main forte, je place,le Livre de bronze éternel, ecrit dans ma solitude : Les lois de paix, d'amour et d'unité De compassion, de pitié, de pardon. ... ... ... Un commandement, une joie, un désir, Une malédiction, un poids, une mesure, Un Roi, un Dieu et une Loi.
On le voit,Urizen est un loup qui parle par la voix de l'agneau, mais l'article "un" dit tout le contraire, un absolutisme religieux destiné à encore mieux asservir les êtres. Un lamentable exemple est donné par le Pape. Une pauvre jeune femme a été violée et a gardé l'enfant. Le Souverain Pontife n'a pas excommunié le violeur, mais la victime et son enfant. Comment après cela garder la foi dans la religion catholique? Passe encore de se mêler dans l'affaire des préservatifs qui ne le concerne pas, appartenant à César et non du domaine de Dieu, mais appliqué de manière rigide une loi du passé, sans compassion, sans distinction pour la personne humaine, donne raison à William Blake. Voici au contraire une image de la présence divine : Tous doivent aimer la forme humaine Chez le Turc, le Juif, le Païen ; Où Merci, Amour et Pitié demeurent, Dieu demeure pareillement.
Un décodage
Comme vous l'avez constaté par mon décodage des paraboles de S*** , mon esprit est bassement prosaïque. Je dois cette absence d'envergure à ma double formation de simplificateur du travail et de psychotechnicien. Je suis très attaché aux détails et au bon sens paysan. Je me méfien en revanche des théories simplificatrices, j'ai horreur des idéologies, y compris celle qui préside au système commercial et monétaire multinational. Les économistes raisonnent toujours comme s'il n'y avait qu'un processus mondial : déflation ou inflation, domination des Etats-Unis appelée à durer et garante de la solidité des échanges commerciaux tributaires de la monnaie. Il proposent par voie de conséquence une clé de lecture, une réponse unifiée à l'échelle mondiale qui peut d'ailleur varier d'une école à l'autre : post keynesienne ou avatar du laissez faire d'Hayek. Rien n'est plus contraire à la pensée de William Blake qui dans son Mariage du Ciel et de l'Enfer est proche de la théorie des contradictoires de Lupasco et de la physique quantique.
Tous les jours je cotoie des clients qui besognent tous, soit pour exploiter leur métier ( A chacun son métier et les vaches seront bien gardées, me déclara Gerard Mulliez le jour de mes soixante ans, pour me signifier à minuit dans la nef du Sacré Coeur, mon limogeage. J'avais imprudemment parlé de culture aux Bettencourt), soit pour répondre à la dure concurrence commerciale, soit encore pour s'emparer de l'industrie navale ou militaire (avions, porte avions, missiles), et pourquoi? Pour accroître la pollution, faire de la planète un dépotoir ou un tour de force architectural, sans différencier le bon du mauvais. Les musées et fondations se multiplient, de magnifiques expositions - comme celle de Blake - voient le jour. Mais elle était à moitié vide alorsqu'en face, au Grand Palais , les gens se pressaient en foule pour voir ... les tags. Jamais le coefficient classique/variétés n'a été aussi bas, et pendant que le classique devient de plus en plus sophistiqué, les variétés s'enfoncent chaque jour un peu plus dans l'innomable.
Les employés, cadres, employés et même directeurs, sont vendus par des chasseurs de tête comme marchandises négociables, mesurables, comparables et échangeables, bonnes à jeter dans le dénuement et le chômage quand elles ont cessé de répondre à un usage.
Ceux qui ont conservé leur place et qui veulent la sauvegarder, travaillent sans cesse nuit et jour. Il doivent à leur entreprise et à leur carrière 120% de leur temps. La famille, la culture, la lecture, la méditation, passent au second plan, voici une loi que récuse mon ami Arnaud Mulligan, désavoué par son patron Victor Mulligan, et par ... moi-même qui dans le cadre de mes conseils, abonde dans le sens d'Urizen. Mais comment conseiller la la mollesse, à des clients qui se battent jusqu'à épuisement, et font subir le même traitement à leurs subordonnés. L'horrible nécessité de la concurrence commerciale et industrielle l'exige depuis que la mondialisation a étendu ses ailes de ténêbres sur le monde.
NOTE IMPORTANTE. Le blog ne fonctionne que depuis ce matin. Mais le "répondre à un message" ne fonctionne pas plus que le transfert d'une nouvelle illustration dans le blog. Il est également impossible d'ouvrir de nouveaux dossiers. Windows explorer a cessé de fonctionner. La joie, quoi ! Le pauvre Emmanuel s'est évertué pendant toute la soirée et une partie de la nuit à essayer de comprendre commentil est possible que tout marche sauf le Blog. Il n'avait jamais vu un ordinateur dérailler à ce point. Il a même soupçonné mon Sony d'avoir un problème. A la fin, après des tests interminables il a conclu à un problème de réseau. Passer à SFR c'est entamer le parcours du combattant. J'ai voulu vous avertir : il est possible - probable même qque le réseau récidive. Enfin Emmanuel est venu à la rescousse. Il a travaillé toute une partie de la nuit, en ce matin il était à l'oeuvre. Enfin, il a pu m'annoncer que tout était rentré sans l'ordre. Mille merci à l'informaticien le plus compétent que je connaisse.Hélas, irremplaçable et de plus en plus demandé.
Voici quelques livres recommandés sur Blake.
L'intéressant catalogue de l'exposition en cours au Petit Palais
Le plus complet des ouvrages sur Blake, mais il y manque le Livre d'Urizen!
Voici les références de ce dernier : les reproductions du livre d'Urizen utilisés dans l'ouvrage de "l'American Blake Foundation, Memphis, State University, Colorado" sont les suivantes :
Copie G, The Lessing J.Rosenwald Collection of the Library of Congress, Alverthorpe Gallery, Jetintown, Penn.
Copie C :une planche de la collection de Mr. et Mrs. Paul Mellon, Upperville, Virginia.
Friday, 3 April 2009Le journal du 3 avril 2009CHRONIQUE Poisson d'avril
Comme vous avez pu vous en douter, le billet du 1er Avrill, était un ... poisson d'Avril. Le plus drôle est qu'il a été pris au sérieux et que j'ai reçu bien des félicitations d'experts pour la clarté de mon explication pour le grand public. Plus drôle encore, les puissants du G20 se sont ingéniés à me donner raison.
Il me sera difficile de m'étendre sur ce billet à cause d'un emploi du temps dément et des rendez-vous chaotiques. Je ne puis évidemment pas déflorer ce que j'ai pu apprendre mais au moins vous donner quelques indications sur l'état de la Russie.
Comme vous le savez la situation est proche de la panique. Les Russes en veulent beaucoup à l'Europe et tout particulièrement à la France, de leurs procès d'intention qu'ils leur intentent. On n'est pas loin d'assimiler les oligarques à de grands escrocs méricain, à ces criminels en col blanc qui ont causé notre ruine. C'est aller un peu vite. Certes, il y a en Russie une maffia puissante tenus par des oligarques véreux comme les gens de l'Alpha Bank. Mais il y en a au contraire d'irréprochables comme Oleg Deripasca qui se bat comme un lion pour sauvegarder tous les emplois,ne licencier personne et s'inquiéter très sérieusement du sort des pays du tiers monde. Nul ne l'ignore ici parmi les gens qui comptent et qui savent et qui lui vouent une grande admiration pour son intelligence et sa noblesse d'âme.Il a été victime de la baisse drastique de l'aluminium dont il détient le stock le plus important du monde. Au lieu de licencier pour assainir les comptes, ce qu'aurait fait n'importe quelle multinationale occidentale, il a voulu en tant qu'entrepreneur responsable sauvegarder l'emploi, protéger et garder tous ceux qui ont travaillé pour lui, quelles qu'en soient les conséquences. J'en connais d'autres comme lui en Russie, peu nombreux, il est vrai, et qui souffrent de se voir rangés dans le lot des golden boys américains.
Mais je le disais, nous vivons une situation pleine de surprises. Il suffirait par exemple que l'aluminium se trouve dans un cycle de hausse pour que Deripasca retrouve son statut d'homme le plus riche de Russie, qui incombe maintenant à Mickael Progohrov, homme connu pour son sérieux et sa rigueur presque suisse. Mais la Russie dans son ensemble est détentrice de richesses considérables qui seront nécessaires à la survie de l'Europe. Nous faisons tout ce nous pouvons pour nous aliéner sa collaboration. Et ce sont les Français, la nation la plus respectée historiquement par la Russie, qui est devenue désormais la moins respectable à ses yeux. Le comportement de l'inelligentsia parisienne est irresponsable, lorsque le besoin s'en fera cruellement ce n'est pas elle qui nous tirera d'affaire.
Je dois vous quitter à présent, mes chers amis, car nous sommes passés au 4 avril.
Bruno Lussato
Friday, 20 March 2009Le journal du jeudi 19 mars 2009CHRONIQUE Autour de Paul Klee
Comme je l'avais annoncé dans le précédent billet, finissons l'analyse du texte de Pierre Boulez sur Klee.
Klee s'empare des éléments les plus simples : l'échiquier, le cercle, la droite, dont il va déduire, d'une façon toute logique, toutes les variations, combinaisons possibles, toutes les influences réciproques. Par contraste, il introduit quelques éléments très figuratifs et semble se plaire à la confrontation des deux mondes. Mais même sa géométrie n'est pas une géométrie "objective". C'est ce qui le distingue de Kandinsky chez qui une droite est une droite "absolue", un cercle, un cercle "absolu". Ce sont des formes géométriques parfaites, tracées avec des instruments rationnels, ceux-mêmes dont se servent techniciens et ingénieurs. Et si l'on peut admirer l'ordre strict des tableaux de Kandinsky, ils nous paraissent, en quelque sorte anonymes. L'esprit est puissant mais la chair n'est même pas faibles, elle est tout simplement absente. Ce sont des objets dévitalisés, qui pourraient presque être avoir été fabriqués par n'importe qui. Chez Klee, l'on observe exactement le contraire. Ce qui force ma conviction c'est qu'on reconnaît son empreinte. La ligne n'est pas parfaite, mais une approximation de la ligne ; la main n'a pas à concurrencer une règle, elle produit sa propre déviation, sa propre distorsion ; le cercle n'est pas le cercle parfait, mais "un" cercle, un cercle tracé "à la main", pour lequel il a refusé le compas; un cercle parmi cent autres, qui possède l'autonomie merveilleuse de sa propre déviance. On a en même temps la géométrie et la déviation de la géométrrie; le principe et la transgression du principe... (Klee) préserve une zone d'insoumission. ( p.125).
Nous savons trop bien que l'excès d'ordre est sans intérêt : quand nous pouvons prévoir trop facilement les évènements, notre attention disparaît ; il en va de même avec le chaos pour des raisons opposées. Qu'est-ce qui alors est nécessaire pour obtenir en même temps continuité et variété?
Klee nous donne une merveilleuse leçon concernant ces difficultés. Il possède un extraordinaire pouvoir de "déduction". Lorsqu'on est jeune compositeur on est capable d'un grand nombre d'"impulsions". Celles-ci donnent naissance à desidées musicales, qui peuvent être très fortes, très orientées. Mais une fois qu'on les a notées, on ne sait plus comment les relier l'une à l'autre, comment établir les transitions, comment développer. Parfois ces idées sont trop riches et encombrantes et il est très difficile de les manipuler. Comment les diviser en unités plus petites, plus maniables ; comment les réduire à des composants plus neutres qui puissent irriguer entièrement le texte ; comment faire proliférer l'idée originale en même temps qu'on la réduit. C'est là tout le problème. ... Ce que j'entends par composition, par travail de composition, c'est justement cela.... (p.131) ... J'éprouve une irrépressible défiance si j'entends dire que l'imagination va tout prendre en charge. L'imagination, cette faculté merveilleuse, ne fait rien d'autre, si on la laisse sans contrôle, que de prendre appui sur la mémoire. La mémoire fait ressortir au jour des choses ressenties, entendues ou vues, un peu comme chez les ruminants remonte le bol d'herbes. Peut-être est-ce mâché, mais ce n'est ni digéré ni transformé.Tous ces souvenirs qui reviennent comme spontanément, sans effort donnent l'impression qu'on possède une imagination foisonnante. L'on se dit : "Mon imagination est si merveilleusement riche que tout jaillit sans effort et sans intention.! Ce type d'imagination ne fonctionne que sur rappels mémorisés, à peine ripolinés ; pour moi la véritable imagination n'a rien à voir avec ce coffre à trésors. .... Il y a des génies dont on vante le constant renouvellement ; il y en a d'autres, dont on seméfie davantage, car ce sont des artistes de la persistance. Mais il arrive que, souvent, on a confondu renouvellement et dispersion, persistance et monomanie...Se re,ouveler? Oui,mais selonune évolution organique qui développe;étend les possibilités, change les perspectives. (p.147)
La préparation du fond était pour lui un stade si promordial de la création qu'il ne mesurait pas son temps pour obtenir ce qu'il recherchait ; parfois il passait un mois à le modifier au moyen de moyens divers. Si bien que le résultat est un fond extraordinairement développé mais en même temps amorphe. ... On ne sait pas trop comment le regarder, ou il y a mille façons de le regarder... Sur ces fonds conçus pour offrir à l'oeil une multiplicité fluctuante d'aspects, Klee trace d'un trait noir quelque figure très précise, comme gravée, que ce soit une forme animale ou végétale.(p.163)
Voici un exemple de recette de préparation du fond inscite au dos de Zuflucht (Refuge), 1930. 1. carton 2.huile blanche, laque 3 pendant que 2 encore collant : gaze et enduit de plâtre 4 aquarelle rouge brun comme teinte 5 tempera de Neitsch blanc de zing avec addition de colle 6 dessin fin et hachures peintes à l'aquarelle 7 légèrement fixé avec un vernis à l'huile (dilué à la térébenthine) 8 éclairci par endroits avec huile blanc de zing 9 couvert avec huile bleu-gris lavis avec huile laque de garance. Pour avoir accès à mes commentaires autour de Klee, se reporter au corps du billet. (continuer la lecture)
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