CHRONIQUE
De la faiblesse
La notion de faiblesse est dès plus subjectives et son évaluation des plus controversées. Dans notre siècle ou seul le Vae Victis est à l'honneur, où les sentiments de compassion et d'empathie sont mués en sentimentallité est l'hommage que l'égoïsme rend à la pitié et à la piété, où le sentiment, la pitié et la pété sont paroles honteuses, où le respect de la parole donnée où l'honneur et la fidélité sont marques de faiblesse, comment différencier la faiblesse telle que nous venons de la décrire, à un manque de caractère, une absence de ténacité, de courage et de promesses non tenues par peur d'être critiqué, d'instabilité et de revirements, qui marquent la faiblesse véritable. Ces faibles vous soutiennent, vous engagent dans une voie périlleuse, courageuse, et quand vous êtes parvenus au milieu du gué, vous laissent tomber. La faiblesse, est une lâcheté travestie en courage tant qu'il n'y a pas de passage à l'acte. C'est en ce sens que je dis toujours à mes clients : méfiez vous de l'amitié des faibles. Mieux vaut traiter avec des adversaires forts. Vous savez au moins à quoi vous en tenir et ils vous renforcent au lieu de vous amollir dans une douce confiance. Et puis, s'ils sont ouverts à la discussion et que vous faites les premiers pas sincères pour conquérir leur estime, il n'est pas rare qu'ils ne se muent pas en amis fidèles. Ce sont déjà des situations que j'ai maintes fois vécu et qui étonnent tous mes familiers.
Une question se pose alors. Est-il possible que dans certaines circonstance un faible devienne fort, et un fort montre des signes de faiblesse? Relisez Stefan Zweig ou interrogez la chronique. Louis XIV était le prototype de l'homme fort,mais à la fin de sa vie il céda à l'influence de Mme de Maintenon dont il devint le jouet. En revanche Louis XVI, exemple peu glorieux de velléitaire soumis à toutes les influences, et dépourvu du moindre caractère, fit preuve face à la mort d'une dignité et d'une force d'ame peu communes. Alors? Cela montre qu'en suivant l'exemple de Korzybski, nous devons proscrire le verbe et le remplacer par AVOIR On se gardera d'affirmer qu'un personnage EST faible et dire qu'à tel instant, à tel moment, il a fait montre de faiblesse. De même le plomb n'est pas lourd et la plume légère, comme Galilée l'a démontrer en les laissant tomber de la tour penchée de Pise. Il s'agit là du combat entre les modes de pensées aristotélicien et galiléen.
On remarque la faiblesse d'un personnage par contraste par rapport aux hommes forts qui l'environnent. Mais il est des exceptions, et la force de son entourage peut déteindre sur lui et lui conférér un semblant d'existence, comme la lumière du clair de lune qui ne fait que réfléchir celle du soleil. Picasso avait remarqué qu'un objet médiocre mis dans une vitrine parmi des chefs d'oeuvre, semble en quelques sorte enobli, alors qu'un bel objet, placé dans un grenier plein de vieilleries semble plus mauvais. C'est un phénomène que connaissent bien les antiquaires lors qu'ils installent leur vitrine.
Force et faiblesse des objets d'art
Pour le connaisseur la notion de beauté n'a pas grand sens. En Chne, ce qui fait la valeur d'un paysage, est son aptitudeà refléter l'harmonie du monde et l'énergie du peintre-calligraphe. Pour le connaisseur contemporain, ce qui compte est "la force" de l'oeuvre, c'est à dire son aptitude à s'imposer à toutes les autres, à les "faire tomber" en quelque sorte.
Claude Médiavilla en tant que calligraphe particulièrement sensible aux notions de force, d'authenticité et de justesse, n'eut pas détat d'ames pour dénoncer la faiblesse du tracé de Kandinsky par rapport à Lascaux.
De même Claude Mediavilla tient en grande estime un peintre chonois contemporain peu connu, dont notre musée de l'écriture expose depuis des années de magnifiques calligraphies et peintures.
Ci-dessus. Tad Chen 2001, calligraphie du caractère xing qui signifie "forme", style xing-cao, pigment rouge sur papier 34 X 45 cm.
In Abécédaire de la calligraphie chinoise, Claude Mediavilla,Flammarion 2002.
L'enseignement des Tarica
J'avais étant jeune, comme initiateurs André Naggar et les Nahon qui me firent acheter dans une vente aux enchères au Palais Galliéra, un Hartung de 1950, que j'ai toujours devant moi auprès de mon ordinateur. Il coûta je crois 10 000 francs, un an d'économies. Mon père faillit s'évanouir, mais il finit par assimiler ce tableau et ne voulut pas que je m'en sépare. L'année précédente je l'avais investie dans un Steinway demi-queue de New-York, toujours en ma possession. Je découvris par la suite Tàpies et Poliakoff. Je révais depuis longtemps à de grands tableaux, format 120 figure ou paysage. Ainsi je pus grâce à Naggar acheter un Tàpies de 1950, une merveille aussi complexe que mystérieux e t un très beau Poliakoff de l'époque Troubezkoï.La plupart des Poliakoff étaient ratés ou ennuyeux, tous rouges , et un certain Zerbib les payait en alignant des tas aussi épais que possible de petites coupures. Je crois que Poliakoff jouait aux chevaux. J'adorais le mien mais Marina le trouvait déséquilibré.
Ci-dessus, mon Poliakoffdans mon bureau au BHV. A droite une maquette de l'entrepôt d'Ivry, statue de Rutzch, familier de Dalì qui finit mal.
Une interprétation sur papier d'Auvergne, de mon tàpies.
J'achetai par la suite d'autres tableaux dont un grand Soto qui avait vaincu le premier prix à la biennale de Venise. Et voici que je rencontrai Samy Tarica. Il vint voir mes tableaux et haussa les épaules. Du second ordre, me dit-il. Basardez-moi tout cela et achetez des oeuvres valables. Pour lui, c'était Fautrier, Duchamp, Schwitters et autres Klee. Alain, son fils, ajouta Kosuth. Je finis par me laisser convaincre et achetai chez lui un minuscule collage : le N°9 et, chez le concessionnaire, la Malborough, trois Schwitters dont le meilleur datait de 1918 et le plus spectaculaire de 1925. Il faut y ajouter un Klee de 1914, un chef d'oeuvre minuscule sur gaze. que je dus à sa générosité.
Ci-dessous le Klee, mon tableau préféré. Je ne me suis pas encore remis de sa perte. Il tuait tout ce qu'il entourait. En dépit de ses dimensions exiguës, onne voyait que lui. Disparus Tàpies et Poliakoff ! Le vieux Samy avait raison !
Ci dessous mon Schwitters préféré, d'une complexité et d'une rigueur structurelle ahurissante étant donné son petit format (20,4 X 17,4 cm. Non signé ni daté, oeuvre N°1918/19 - ST. Proveannce Ernst Schwitters. Il était accroché dans la grande maison et avait été transférée sans cesse pour accompaner l'artiste et son fils. Néanmoins de mauvaises langues murmuraient qu'il s'agissait d'un faux. Plus tard je devins un véritable expert en la matière et l'on fit souvent appel à moi pour détecter les faux. Je n'avais aucune hésitation, et je démasquai pas mal de faussaires. Mon rève était de rassembler leplusgrand nombre d'oeuvres majeures, reproduites dans le Schmalenbach, qui faisait autorité. Je fis de nombreux outils pédagogiques voués à l'artiste et amassai une importante bibliothèques de références. Bien. Je dois avouer que le Klee le surclassait, mais celui-ci, le tableau à la bougie de 1925 très connu, et l'extraordinaire et minuscule N°9 qui provenait je crois de chez Tarica, écrasaient les Tapàpies, les Hartung, les Poliakoff. Mon apprentissage avec Naggar était terminé. Avec les Tarica j'étais passé à la vitesse supérieure. La notion de beauté (sous-entendu hédonique et jouissive) était remplacée par les nobles concepts d'innovation, d'avant-garde,, de force et d'énergie, assez proches des valeurs chinoises des lettrés.