Bouillon de culture
Tuesday, 12 February 2008
Chronique
Voici la première visite chez un de ces grands hommes qui ont marqué le destin de la psychologie.
Le déjeuner à Urbana avec Sir. Charles Osgood
Urbana est une plaine morne et plate qui abrite l'Université d'Illinois réputée pour avoir produit " Mind of Robots" de Culbertson et abrité l'Institute for Psycholinguistics de Chales Ogood. Ce psychologue est connu pour avoir tenu une position médiane entre le réductionnisme de Hull et Skinner (le cerveau secrète la pensée, comme le foie secrète la bile) et une allusion prudente à l'existence d'un esprit qui serait autonome. Son innovation majeure a été la Théory of cognitive dissonance.
Osgood avait observé que dans les salles d'attente des médecins, certains patients ne consultaient que la publicité d'une seule marque de voitures alors que d'autres balayaient tout les champ des marques proposées. A ce moment-là la publicité était uniquement argumentaire , elle vous donnait les raisons pour lesquelles le choix de tel modèle était le meilleur.
Lorsqu'un homme venait d'acheter une voiture, il avait dû opter entre des critères de jugement (axes sémantiques) contradictoires et il se demandait toujours s'il avait pris la meilleure décision : la plus rapide ou la plus sûre? La plus élégante ou la plus efficace? La plupart du temps les axes générateurs de jugement étant orthogonaux, (indépendants) on ne pouvait opter avec certitude de la supériorité d'un choix d'où un sentiment de contradiction pénible entre le choix retenu et le choix rejeté. Cette dissonance sémantique était atténuée en ne lisant que la pub de la voiture qu'on venait d'acheter, qui ne présentait que des raisons confortant le choix adopté.
Mais plus tard les inconvénients devenaient plus apparents, on était soumis à d'autres options, la lassitude jouait et la tentation de voir ailleurs l'emportait. L'éventail des publicités regardées s'élargissait. D'où la différence entre les comportements des lecteurs.
En étudiant de plus près le mécanisme Osgood remarqua que les réseaux de croyances fortes, se comportaient comme des sortes d'organismes autonomes qui réagissaient par une kyrielle de stratégies visant à eliminer les informations incongruentes. Par exemple, on pouvait en discréditer la source, écouter sans entendre, reformuler ou noyer le poisson, diaboliser ceux qui les émettent, ou carrément "ne pas voir entendre, ni écouter" , véritable suppression de l'information incongruente.
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Monday, 11 February 2008
Chronique
Sur le chemin aride qui parcourt cette chaîne abstraite de concepts, je m'égare dans une zone dangereuse.
D'une part le signet nous indique la difficulté du texte pour professionnel - la difficulté, due à l'extrême concentration conceptuelle est bien au rendez-vous, d'autre part le signet ment car des concepts familiers aux vrais professionnels : psychologues, psychothérapeutes du travail, cliniciens et étudiants à la recherche d'un doctorat, n'ont pas été évoqués, alors qu'il portent tous les soubassements de la recherche en psychologie. Que faire alors? Ajouter un deuxième signet , on n'en finirait plus!
Or il se trouve que j'ai depuis l'age de 17 ans intimemement mêlé à ces questions. La plateforme des mes connaissances a été une galaxie de grands hommes que j'ai explorée, comme mes camarades sur les bancs de l'école, et parmi laquelle on trouve les illustres Herbert Simon, Pribram et Miller, Sir Karl Popper, Sir John Eccles, Sir Charles Osgood, et Jean Piaget qui a , avec Paul Fraisse honnête bureaucrate des sciences psychologiques, compilé mon livre de chevet, le Traité de Psychologie Expérimentale en XXII volumes, pur produit magistral de l'enseignement académique à la Sorbonne. Etudier Simon ou Piaget, c'était comme pour un physicien apprendre Einstein ou Heisenberg. Loin d'être démodés, il sont la source inépuisable de toute réflexion épistémologique.
Les années, les voyages ininterrompus, un labeur acharné et constant, on fait que dans une seconde phase de ma vie j'ai créé une sorte de fondation dédiée à l'apprentissage culturel, aux arts et aux technologies de pointe. Elle était très richement dotée avant d'avoir été honteusement plumée par diverses institutions et d'honorables chefs d'entreprises de renom, ce à quoi il faut ajouter des marchandages fiscaux indignes de notre pays et deux cambriolages et holdups qui m'expédièrent à l'hôpital et la spoliation par un très riche et très vertueux client que j'aidai pendant plus de dix ans à monter son entreprise, aujourd'hui célèbre et prospère. Il profita en commettant de véritables abus de conscience. Par la suite il se repentit mais j'avais perdu "Les Capucins", cette magnifique fondation unique en son genre. J'y avais rassemblé un magnifique Klee sur lin datant de 1914, deux des plus beaux Schwitters, des Legers, Malewitch, un splendide Bösendorfer Impérial, un home cinéma de encore aujourdh'ui, insurpassé, tout ceci dans le monastère fondé par Anne de Bretagne et meublé en un décor contemporain. Les manifestations les plus raffinées et qui restent dans toutes les mémoires des participants (j'y tenais tous les jours table ouverte) plusieurs fois plébiscitées dans la Marche du siècle, ce rêve qui ne demandait qu'à se développer, fut guillotiné net par un riche voulant soutirer son bien à un pauvre, car je n'avais que le Centre pour tout bien, conçu et dédié à un idéal culturel.
Lors des séances des Capucins, j'eus l'immense honneur d'accueillir et d'approfondir mes échanges avec tous les illustres personnages, auquels il faut ajouter Mirò, Tàpiès, Matta, Hartung ou Yves Bonnefois. Marina Fédier, ma soeur se consacrait à Moore, à Soulages à Liechenstein, à Francis Bacon, et aux autres grands peintres et sculpteurs américains.
Toute cette proximité laissa des traces profondes qui influèrent sur les contacts américains qui contribuèrent aux découvertes majeures de la psychologie. J'ai pensé que ces contacts sont infiniment plus vivants et enrichissants qu'un exposé théoriques et qu'il vaudrait mieux évoquer le contexte personnel où ils se déroulaient autour d'un déjeuner amical, ou d'une promenade aux Capucins.
Sunday, 10 February 2008
Jardin-Théâtre Bestiarium
Studio National des Arts Contemporains Le Fresnoy, Tourcoing
www.lefresnoy.net
Jusqu’au 23 mars.
C’est un drôle d’objet que cette exposition ! À Tourcoing, Le Fresnoy concentre, en un dispositif que d’aucuns jugeraient minuscule, une bonne part de la crème des artistes contemporains. Qu’on en juge, Dan Graham, Jeff Wall, Rodney Graham, James Coleman, Juan Muñoz, Marin Kasimir, Bernard Bazile, et d’autres encore, regroupés sur quatre tables recouvertes de sucre, dont la découpe et l’ordonnancement n’est pas sans évoquer la perspective d’un jardin, aboutissant sur un mur où s’égrènent des diapositives de Ludger Gerdes, dont beaucoup figurent des jardins allemands, justement.
« Jardin-Théâtre Bestiarium », vue générale, premier plan : Hennann Pitz, « Les Gouttes d'eau », Rüdiger Schöttle, « Projection de diapositives », au centre : Jeff Wall, « Théâtre-loge avec son plan exposé comme un signe lumineux », au fond : James Coleman, « Valor Impositus », Christian Philipp Müller, « Vers une promenade de ceinture » et « Fauteuils de cinéma, dédiés à Robert Smithson », Marin Kasimir, « Vue de jardin - Cascade - Vue de cour » Confort Moderne, Poitiers, 1989. Coll. Fonds national d'art contemporain, Paris. © J-L Terradillos
« Jardin-Théâtre Bestiarium » est un objet ressuscité après vingt de sommeil, pour notre plus grand bonheur. Né à la fin des années 1970 de l’imagination du galeriste, artiste et historien de l’art allemand Rüdiger Schöttle, ce projet initialement textuel, où Schöttle imagine un jardin allégorique dans lequel se confrontent images et architectures, trouve une formulation plastique vers 1987, lors de sa rencontre avec le commissaire d’expositions belge Chris Dercon. Montré dans une première version au centre d’Art PS1, à New York, le projet interpella Guy Tortosa, alors en charge des arts plastiques pour la région Poitou-Charentes, qui s’y intéressa avec suffisamment d’audace pour le faire venir en 1989 au Confort Moderne, à Poitiers, dans une version encore plus radicale que celle présentée à New York.
Plus radicale car, loin de la dispersion des éléments orchestrée dans l’exposition américaine, la présentation française faisait sens dans une assemblage de proximité, où les pièces jouent à touce-touche, pour finalement ne faire qu’une et donner l’impression d’un cheminement dans un jardin Renaissant, où se mêlent pièces d’eau, zones publiques, folies et théâtres.
« Jardin-Théâtre Bestiarium », vue générale, Confort-Moderne, Poitiers, 1989. Coll. Fonds national d'art contemporain, Paris. © J-L Terradillos
Remarquable est le fait que cette création affirme d’emblée une singularité rompant avec toutes les formes de classification. Ni œuvre commune, ni exposition où s’affirme l’autonomie de chaque travaux – et battant dès lors en brèche ce dogme cher à l’idéal moderniste –, ce projet se pose plutôt tel une « œuvre-exposition », une sorte de tout organique, où aucune des contributions ne peut exister, ni faire sens, hors contexte et sans les autres. Un « work in process » qui ne s’entend que dans une proximité utopique, que l’on relit aujourd’hui avec un certain délice, tant elle semble ne pas avoir pris une ride.
Coiffée par une composition musicale de Glenn Branca, « l’exposition » pourrait s’assimiler à une nouvelle interprétation d’une grande pièce du répertoire, où les contributions de chacun interpellent toujours avec beaucoup d’acuité. D’autant plus que le principe de confrontation entre ses pièces de taille modeste fonctionne à merveille.
Coup de boutoir ultime donné au principe de l’autonomie, des centaines de diapositives de Rüdiger Schöttle – figurant des œuvres d’art et des images empruntées au cinéma ou à l’actualité – sont projetés sur les plateaux et enveloppent cet ensemble où le développement d’une réflexion paysagère semble également s’assimiler au montage et au déroulé cinématographique, qui poseraient en outre la question de l’horizontalité de l’écran.
Cette « exposition » est passionnante car, en plus de sa forme singulière, elle génère nombre de questions qui, aujourd’hui encore, se posent avec beaucoup d’acuité.
Vue du « Jardin-Théâtre Bestiarium », premier plan : Bernard Bazile, « L'antiphonaire », James Coleman, « Valor Impositus », Rodney Graham, « Circus gradivus », Christian Philipp Müller, « Fauteuils de cinéma, dédiés à Robert Smithson », Marin Kasimir, « Vue de jardin - Cascade - Vue de cour » Confort Moderne, Poitiers, 1989. Coll. Fonds national d'art contemporain, Paris. © J-L Terradillos
Saturday, 9 February 2008
Masterclass pour Alex.
L'espace sémantique
L'espace générateur de jugements est défini par les six.axes, il est de ce fait extrêmement complexe. ( Six dimensions) .Chaque échelle peut contenir deux à 7+- 2 (nombre de Miller) nuances chacune associée par un événement jugé (affixe). Il est compréhensible qu'un espace de six fois neuf nuances est plus difficile à entretenir qu'un espace dichotomique manichéen monochrome (un seul axe. Le nombre d'affixes est plus différent par sa complexité. Or il existe un antagonisme entre l'énergie utilisée pour entretenir un système de nuances complexe qu'un système simplifié. C'est ainsi qu'on dit souvent que les hommes de réflexion agissent peu et que les hommes entrepreneurs réfléchissent peu aussi. Certes il existe des athlètes surdoués comme Napoléon et des débiles apathiques comme les crétins de Fruttero e Lucentini.
Il reste que dans la plupart des cas les espaces sémantiques très réduits tels qu'on les constatent chez les fanatiques et les militants libèrent de plus grandes quantités d'énergie psychologique que les espaces nuancés des grands penseurs et des grands intellectuels. Cette remarque doit être tempérée par l'existence de véritables puits sémantiques. Un esprit ouvert et subtil, doté d'un vaste champ sémantique, peut renfermer des régions fortement irriguées d'énergie et concentrées en un système de jugement fortement étréci et simplifié. Lisez " Les Bienveillantes " de Ludell et vous lirez la description d'un esprit intelligent et lucide, focalisé sur un noyau de croyances primaires et tenaces, fermé sur lui même et au reste du psychisme. Il se comporte comme une tumeur,ou un virus qui se développe au détriment de l'organisation psychique. C'est la raison pour laquelle il est inutile d'argumenter avec ceux qui en sont affectés. Ils se situent à un autre niveau, dans un régistre fermé et inaccessible qui échappe au monde extérieur.
A suivre dans Masterclass V
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Wednesday, 30 January 2008
Chronique
Hommage à Henri Dutilleux
Voici longtemps que je me proposais de rendre à notre plus grand compositeur vivant, ses voeux qu'il m'a généreusement adressé le 15 janvier. Ne sachant, comme à Oleg ou Alexandre comment offrir un hommage dont il n'a que faire, je n'ai trouvé, comme vous l'avez constaté un petit chef d'oeuvre de Claude Médiavilla dont les oeuvres calligraphique, et autres du papier, se trouvent au même degré d'imagination, de précision hallucinante et de finesse d'exécution que tel peintre du moyen âge ou tel maître potier chinois.
Dutilleux possède beaucoup des qualités de Gerhard Richter, dont la dernière exposition chez Goodmann atteignent la quintessence de son art : 1. Dualité des antagonistes : abstraction-figuration , 2 Pragmatisme, détestation des conventions et de la mode, Horreur des fausses valeurs et des charlatans qui dupent la galerie et les galeries, les conservateurs et les critiques. 3. Immense simplicité et authenticité. 4. Difficile d'abord par le travail exigé pour les approfondir, par la nacessité de pénétrer le son lui-même, cette réflexion au niveau cosmique et le traitement des moindres sons et du moindre micro-élément sonore ou visuel, structurel et aléatoire.
J'essaierai de compiler pour le public du blog, une introduction entre le travail respectable mais inaccessible du musicologue, et la vulgarisation sans vulgarité. Bonnet s'en charge pour la musique contemporaine. En attendant, voici, avant que le destinataire ne le reçoive, et en primeur le travail d'une extrême raffinement du maître Mediavilla. Vous apprécieres la profondeur du bleu outremer et la légère allusion à La Nuit Etoilée, dans ce jaune rayonnant sur les côtés.
Sunday, 27 January 2008
Le plus grand peintre du monde, de l'avis unanime des connaisseurs et des spécialistes.
On ne compte pas Viola, le vidéaste, Richard Serra, le sculpteur, Bruce Neumann, le créateur d'installations, reste Richter le seul peintre. On pourrait le comparer à Kieffer, à Cy Tombly, à Soulages, mais ils sont tous tombés dans l'histoire.
Un artiste que je trouve grandiose, a été unanimement déplacé au profit de Ed Ruscha. Maintenant la liste des cinq plus grands plasticiens mondiaux, fait l'unanimité absolue. Il faut en tenir compte et essayer de comprendre les raisons de ce jugement.
Après ma matinée passée avec Richter, j'ai essayé de me documenter. En dehors des catalogues d'exposition (dont une à Baden Baden, splendide) pas le moindre renseignement. Dans Art Now, art of tomorrow, Arasse, et autres vademecum, il est impossible de suivre que ou deux mentions courtes et peu illustrées. Richter en souffre de cet envahissement du n'importe quoi et de la déhiérarchisation de ces catalogues insensés.
Un premier problème se pose : l'immensité cosmique de l'oeuvre, balayant toutes les formes de peinture, poussées à leur extrême degré de raffinement et qui surclasse tous les "abstraits" par ce contrôle inouï du médium. La variété aussi qui divise l'oeuvre en une partie abstraite (qui me correspond dit Richter) et une autre figurative, sensuelle et évocatrice, proche de Marina.
Bonnet nous a mis l'eau à la bouche et je me suis rendu à l'expo, archicomble de connaisseurs et de conservateurs de musée. Tout était vendu sans bruit aux environs de 1millions de dollars, discrètement. J'appris ainsi incidemment qu'un memebre de New Wave en a vait acquis un plus figuratif et aux couleurs inouïes. Vous pouvez en découvrir à nos deux musées d'Art Modèrne.
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