Sunday, 16 August 2009
CHRONIQUE
L'HOMME À LA BULLE
C'est moi et la bulle est mon blog.
En effet lorsque je rédige mon billet, ce qui est actuellement mon cas, le monde extérieur disparait, les conversations que l'on tient autour de moi semblent un murmure lointain, mon cerveau est en contact avec vous et exclut toute autre information. Pour les gens qui m'entourent cela est d'autant plus frustrant qu'ils ont l'impression injustifiée que je me terre dans cet univers intérieur quatre à six heures par jour. Or les 90% de ce temps est employé à me battre avec mon Apple pour le faire fonctionner à peu près correctement.
NOTE : L'apple a arrété de fonctionner depuis trois jours.
Le complaisant et hyper compétent Marc Guilhery m'a donné la recette pour envoyer les emails alors que je ne pouvais que les recevoir. Après application de son très compliqué mode d'emploi, je ne puis à présent ni les envoyer ni les recevoir ! C'est catastrophique car je dois accomplir toutes sortes de formalités pour mon voyage en Russie dans moins de dix jours. C'est de tels cas que l'on prend conscience de l'état de dépendance où nous a subrepticement mis le système télématique (faisant appel à un réseau collectif pour avoir accès à vos données personnelles). C'est pour cette raison que j'ai fait imprimer tous mes billets jusqu'au mois de Juillet. Aujourd'hui pour la première fois mon blog est à nouveau accessible. Hier j'ai gaspillé tout mon dimanche à essayer, en vain, de communiquer avec vous.
LA BULLE, MOI, ET LES AUTRES
Ce que j'entends par bulle est un état prolongé de concentration sur un sujet bien déterminé, correspondant à un rêve persistant et cohérent. Ce rêve peut être une simple rèverie, une obsession de vengeance ou de gloire, de récit fantaisiste qu'on se conte à soi-même, ce qu'on nomme l'imagination diffluente. Mais ce peut être un travail en cours, tendu vers un projet concrêt et destiné à apporter sa pierre dans la collectivité. Wagner ressasant pendant sept ans les matériaux du Ring sans que rien n'y transparaisse, les multiples remaniements de Faust, les esquisses inlassablement répétées de Léonard, les questions non résolues que se posent Darwin, Einstein ou Bernardo Trujillo, le théoricien de la grande distribution.
Je n'ai cité que des noms célèbres, des êtres arrivés au sommet de la gloire, mais tout être animé par un projet créateur fort, et déterminé à lui donner vie, de le faire accoucher et non avorter, se renferme dans un état second, proche du somnambulisme qui nous coupe des autres et nous donne la réputation d'être un esprit chagrin et asocial. Il est certain que les choses ne sont pas si simples et que bien des créateurs sont en même temps socialement adaptés et capales de s'extraire de cet état. Proust, Oscar Wilde, Chopin lui-même étaient intégrés à leur environnement. Pierre Boulez entretenait des liens très étroits de bien des personnalités politiques.
Je dois reconnaître que malheureusement je vis presque exclusivement dans cet état de concentration excluant le milieu extérieur, même si son objet est très varié. D'en d'autras termes, on me reproche d'être "trop sérieux" et cela explique certainement la difficulté de me trouver une épouse (je me suis marié à 43 ans !) voire même des amis. Les deux qui me sont fidèles Olaf et Socrate, me voient à petite dose.
Marina hier soir trouva dans ce trait de caractère la raison de l'abandon d'Axel Poliakoff. Voici un jeune homme, hédoniste, aimant s'habiller, conduire de belles voitures, fréquentant la jeunesse dorée, face à un vieillard malade, sans fortune, sans avenir, l'accablant de son affection encombrante et malade d'anxiété dès que son petit fils adoptif fait preuve d'indifférence ou pis encore, de mépris courtois. Il suffit que quelques amis bien intentionnés le calomnient pour se donner un pretexte à rupture.
Je me souviens à ce propos, qu'en pleine violence contestataire de Mai 68, je fus toujours respecté par les plus barbares des révoltés. Jamais personne n'aurait porté la main sur moi. On me dit souvent que j'étais comme protégé par un mur de glace.
Sans doute l'enveloppe transparente de la bulle.
Saturday, 15 August 2009
CHRONIQUE
FERRAGOSTO
C'est ainsi que les Italiens nomment le 15 Août. Je suppose que cela vient de Ferro et Agosto c'est à dire Août de fer.On entend par là le milieu sinon de l'été, du moins du mois. Pour moi le 15 Août marque le déclin de l'été, ce dernier tiers. Il y a belle lurette que les jours racourcissent sans que la chaleur étouffante qui nous écrase se dissipe. Paris est vide. Le vide des vacances collectives s'ajoute au vide de la paresse bien de chez nous. L'année dernière il faisait près de 35 à l'ombre et il nous fut impossible, rigoureusement impossible de trouver une pharmacie de garde ouverte. Ce 15 août on annonce 37° mais c'est quarante. Quarante degrés poisseux, pollués, sans un brin de brise. Chez moi la personne de garde pour des raisons de sécurité arrose tous les jours les géraniums de la loggia. L'erable peine et au dehors les maronniers ont revêtu leur affreuse parure d'automne, couleur rouille.
Hier je nageais sur le dos dans la belle piscine du château et j'admirais le vert lumineux de la riche végétation, le bleu du ... je m'arrête ici car il n'était point outremer mais lilas. Un ciel violet, oui, pas bleu, mais d'un violet étrange. Les frondaisons étaient d'un vert tirant sur l'orangé. C'est bien la première fois de ma vie que je vois un ciel violet. Jean Marie Mezerette, mon homme à tout faire, nageait auprès de moi et témoigna : le ciel était bel et bien violet. Il n'avait jamais vu cela. C'est comme si un voile rosé s'était abattu devant nos yeux.
Je nage généralement les yeux fermés. En les ouvrant après quelques temps, le ciel était redevenu bleue. Mais pas pour Mezerette ! Voici quelques siècles, on eut pris cela pour un présage, une apparition du démon, un prolégomène des catastrophes imminentes.
Bien des vicissitudes ont jalonné les deux premiers tiers de l'été. Juin à l'hôpital de Villejuif pour une opération problématique. Beaucoup de travail chez moi. Juillet, la joie de vivre à San Remo, dont la dernière semaine a été assombrie par l'abandon inexpliqué des Poliakoff. C'est malade de stress que j'ai regagné le château, après avoir appris que les résultats de mon opération m'imposaient de reprendre tout à zéro le premier Septembre. Juste auparavant je dois passer trois jours à Moscou avec Marina qui en rêve mais qui craint les effets de la dépressurisation pour ses oreilles.
Je crains la journée de Lundi. Je dois retirer mon passeport afin d'y apposer mon visa, remplir les formulaires correspondants et un bilan de santé, voir à Nyon un otorhino pour les oreilles de Marina, et recevoir Oleg qui vient me voir de Moscou. Je vais notamment de le tenir au courant de l'évolution de la collection Deripasca-Lussato, ce Western Mingei-kan qui a pour ambition de surclasser la collection Montgomery.
Je dépends de la compétence de Phiippe Boudin, mais j'essaie de poser des questions et de détecter les contradictions. Notamment je suis en train de comparer pièce par pièce nos collections respectives. En sortent des interrogations que nul livre n'aborde. Par exemple : pourquoi une pièce à l'état neuf est moins prisée qu'une qui a subi les outrages du temps, et qu'en même temps on justifie l'achat d'une pièce parce qu'elle est en parfait état? Quel est le rôle de l'ancienneté. Après tout un Raffaël est moins ancien qu'un Cimabue ! La parti pris de Montgomery de négliger des pièces kamakura serait alors fondé. Puis, si sont authentiquement Mingei des pièces courantes pour le peuple et par le peuple, selon le voeu de Yanagi, la plupart de ce qui est exposé n'importe où satisfait rarement cette condition. Les exemplaires exposés n'étaient pas à la portée du peuple ordinaire et étaient exécutées et quelquefois signées par de grands professionnels.
Il m'est instamment demandé d'écrire un livre qui tienne compte de ces questions et accompagne le WMK. Mais il devra être en anglais et tenir compte de l'ensemble de la bibliographie. Il me faudra rapatrier les pièces sockées à UCCLE et les sauvegarder au Musée du Stylo, puis les photographier et les répertorier. Où prendre le temps et l'énergie?
Friday, 14 August 2009
CHRONIQUE
ÉTAT DE DISGRÂCE
C'est toujours d'état de grâce qu'on parle : la grâce de Dieu, celle du prince, ce miracle qui fait sauter les procès verbaux ou les remises de peine.
Mais c'est d'un phénomène d'essence politico-médiatique qu'il est question dans ce billet. La rumeur veut qu'un président fraîchement nommé se voie accorder le bénéfice du doute pendant les six premiers mois. C'est le fameux état de grâce. Mais il ne fonctionne que dans des cas très limités. Il faut en effet que le vainqueur d'une élection soit plébiscité, qu'on on attende de lui une salvation, mais aussi qu'il parvienne à un consensus dans l'opinion public, une résolution des forces contraires. Ce n'est possible que dans le rêve qui s'affranchit des règles du tiers exclu et suit la logique des contradictoires de Stéphane Lupasco ou... de la physique quantique où un chat peut être vivant et mort tout à la fois. Ce serait le contraire d'un homme élu ou nommé par lassitude (Vincent Auriol, les présidents Ford et Carter) ou porté par un puissant charisme étayé éventuellement par la contrainte (Napoléon, Hitler, De Gaulle, Mitterrand) Ceux-là ne connaissent pas d'état de grâce donc de disgrâce.
On peut comparer ce qui suit l'état de grâce à un soufflet refroidi, ou encore à un cimetière hanté. A minuit les promesses anciennes, les espoirs suscités, les promesses non tenues, se lèvent comme des spectres et se
muent en accusateurs.
On l'a compris, c'est à Obama que nous faisons allusion. Sa prestance, son soutien par les intellectuels de gauche qui s'arrogent le monopole de la moralité et culpabilisent leurs adversaires, le symbole qu'il incarne d'une Amérique multiraciale, et sa maîtrise du verbe ont fait illusion en période électorale. On a d'aileurs eu tort de prétendre qu'il a tout promis. Il n'a rien promis mais il est resté dans le flou. Chacun pouvait y trouver ce qu'il voulait. Parvenu au pouvoir la brume s'est dissipée et les américains se sont réveillés un jour avec un homme de gauche dont les convictions heurtaient la culture de son pays. Certes, la sécurité, les soins prodigués à toute le population, demain la couverture de chômeurs réduits à la mendicité, qui serait contre? Mais c'est oublier un fait essentiel : la bureaucratie, le gaspillage et les privilèges des administrations tentaculaires qui se substituent à l'initiative individuelle. Une des conséquences perverses, que nous connaissons bien en France, est qu'au lieu de travailler et d'essayer de s'en sortir, les chômeurs sont incités à prendre des arrêts maladie, à saboter leur travail pour se faire licencier, à militer pour travailler moins et moins longtemps. Pis encore, les entrepreneurs n'ont pas la possibilité de choisir leur personnel. En lisant ces lignes de bonnes âmes poussent des cris d'orfraie et prétendent qu'il ne s'agit que de pratiques condamnables certes, mais exceptionnelles. Mais nous savons tous que c'est de l'intox et qu'entre les congés payés, fériés, (en Algérie les week-ends ont trois jours) maternité, paternité etc... la France est la patrie de la paresse. Mais cela nous convient parfaitement.
Or s'il est vrai que la droite est synonyme d'injustice et de cruauté pour les vaincus, il n'en est pas moins avéré que la gauche est un désastre et pour les vainqueurs et pour les vaincus. L'Etat tout puissant et ses mensonges, l'appel à la haine pour les riches, la dictature d'un corps de fonctionnaires obtus et rigides, mettent tout le monde d'accord en dispensant la pauvreté. Cela, la France l'accepte, ce pays dont les deux mamelles sont la jalousie et le mépris, mais point la prosaïque Amérique, patrie de la liberté. On se souvient d'un Mitterrand qui disait qu'il ne serait pas le président d'un million de chômeurs. Qui lui demanda de rendre compte? Mieux encore, Mitterrand entrant les mains nues au Panthéon et en sortant une rose miraculeusement apparue dans la main !
Mais l'Amérique ne saurait admettre l'intervention de l'Etat bureaucratique dans ce qui est affaires privées. Deux traits caractérisent sa culture : 1. L'attachement à la nation et à ses symboles, que l'on soit mexicain ou WASP pionnier venu d'Europe sur le Mayflower.
L'ÉTAT DE DISGRÂCE DANS LES AFFAIRES
Ce que j'entends par affaires, est aussi bien l'entreprise que la grande administration qui est une sorte de pont jeté entre le privé et le politique. Autrement dit le comportement des grandes bureaucraties est toujours le même qu'elles règnent dans des agences étatisées ou des multinationales. Il suffit qu'au sein de ces monstres oeuvrent des hommes pouvant déterminer la carrière de leur subordonnés selon leur bon plaisir, et à plus forte raison des leaders charismatiques agissant sans contre poids, pour qu'on voit apparaître états de grâce et de disgrâce. A la différence que l'état de grâce n'est pas limité à six mois, délai imposé par le rythme des campagnes électorales qui impose des contraintes.
C'est pour lutter contre l'arbitraire des barons, et l'existence d'un état de grâce ou de disgrâce, que Colbert institua la bureaucratie à la française, limitant jusqu'à la paranoïa le pouvoir discrétionnaire des décideurs.
Je vais vous donner un exemple personnel sur la manière de tomber en disgrâce.
J'étais le conseiller de GM*** depuis plus de dix ans et participai d'une manière très étroite à la réorganisation de sa compagnie. Cet homme génial avait fondé de toutes pièces une des plus importantes entreprises de sa branche. Je m'entendais fort bien avec lui, et il me poussa à investir massivement dans le Centre Culturel des Capucins entraînant ainsi le départ de Rhone Poulenc et de Digital, qui ne supportaient pas une telle préférence. Je finis par accepter, car il était difficile de résister à la cordialité, au charme et à l'affection d'un tel personnage. Il finit ainsi par représenter les trois quarts de mon chiffre d'affaires, et les séminaires se déroulaient à la satisfaction générale.
Le soir de mes soixante ans, Olivier Pelat invita Haberer, les Bettencourt, les Beregovoy (une autre victime de l'état de disgrâce) et GM et son épouse. Vers minuit GM m'emmena au Sacré Coeur dans une rangée de sièges à mi chemin entre l'autel et la porte d'entrée. Il dirigea la paume de ses mains vers le ciel et dit d'un air inspiré : "c'est là ! ". Au retour il fit des remarques sur ma grosse Mercédès (achetée d'occasion !) et me dit "vous me coûtez trop cher, les temps son durs. J'arrêterai ma collaboration, et je vous donnerai un délai de grâce (sic ! ) de six mois.
Lorsque je lui représentai que par contrat il s'engageait jusqu' à une date qui me permette de couvrir les investissements consentis pour lui, il posa de telles conditions qu'elles étaient impossibles à réaliser. Par exemple il exigea que les conférenciers fassent don de leurs droits sans contrepartie, ou qu'on les remplace par des vendeurs munis de vidéocassettes. Il voulait aussi que l'on mette à la tête des Capucins un de ses enfants totalement incapable d'assumer cette tâche, pour utiliser un euphémisme. D'où le dialogue suivant qui restera toujours gravé dans ma mémoire :
- Vous ne pouvez pas résilier ce contrat avant la date de 2002.
- Je suis d'accord.
- Alors?
- J'arrête de vous payer un sou dès demain et je vous mets en faillite
- C'est illégal.
- Et après? Vous me ferez un procès, vous le gagnerez dans dix ans, mais
d'ici là comment payerez-vous vos avocats?
Que vouliez vous répondre? J'étais fini. En fait je fus sauvé par le directeur de la Région qui bravant les interdits de GM me fit un nouveau contrat d'un an, de quoi souffler. Lindsay Owen Jones et Guy Landon, patrons de l'Oreal, prirent la succession et sauvèrent les Capucins. Je leur dois ma reconnaissance. Mais revenons-en au sujet de ce billet.
Après des décennies d'état de grâce j'étais tombé en disgrâce. Je sus plus tard ce qui s'était passé. Une femme, le bras gauche du patron, d'un dévouement à toute épreuve, et suscitant perpetuellement les confidences des gens, était crainte et respectée. Je lui trouvais un air de vieille corneille aux yeux perçants de prédateur. Elle avait ses têtes, vraie femme de pouvoir. Et elle n'aimait pas ma démarche humaniste de nivellement par le haut. Elle préférait la démagogie, le nivellement par le bas, qui avait de plus l'avantage de fermer l'entreprise sur elle-même au lieu de la rendre perméable à des conférenciers de l'extérieur et à des idées nouvelles. Elle joua sans doute un rôle important sur la décision de GM. Celle-ci dût beaucoup à des gourous dont il s'entoura. L'un d'eux numérologue lui apprit qu'en additionnant les lettres de nos initiales on obtenait un nombre néfaste à la compagnie.
Lorsque Marina m'exhorta à ne pas faire totalement confiance à ceux que j'aime sans restriction et en l'amitié qu'ils me portent (voir le billet " question de confiance") elle entend par là l'état de disgrâce qui pourrait me détruire moralement. Celui-ci est d'autant plus cruel que réconfortant était l'état de gräce qui le précédait. Les grands qui disgracient leurs favoris font bien souvent montre d'ingratitude. La devise d'un concurrent de Jean Grolier fait état de l'ingratitude des grands. Et l'exemple de l'état de digrâce dans lequel je suis tombé auprès des Poliakoff, n'est-il pas un signe éclatant de la plus noire des ingratitudes?
Thursday, 13 August 2009
CHRONIQUE
FAUT-IL LE CROIRE?
UNE QUESTION DE CONFIANCE
A la question de Feydeau (ou est-ce Labiche), : Faut-il le dire? interprétée par Cochet, au Théâtre Mouffetard, le plus grand éclat de rire jamais vecu par votre serviteur, je fais écho: faut-il le croire? Ce qui ne me donne nullement envie de rire.
L'élément déclenchant fut l'attitude de la famille Poliakoff. Passe encore pour Axel, le fils, qui était coutumier des montagnes russes, c'est le cas de le dire, mais le père, Igor, m'avait juré que je faisais partie de la famille. Avant le traitement indigne qu'il me réservèrent voici un mois à San Remo, le fils manifesta la plus vive affection voire même une sorte de jubilation en ma présence. Il m'assura qu'il viendrait me voir, et me déclara que si j'avais besoin d'une aide quelconque il répondrait présent et le père me laissa un message de vive affection. Le résultat on le connaît : non seulement Axel fut injoignable, mais il donna des instructions pour que l'on coupe tous les ponts avec moi. Quand à Igor, censé m'inviter chez lui pour ma convalescence, il me laissa une maison de 1000 m2, vide, sans personne pour me servir ni me venir en aide. Il ne répondirent ni l'un ni l'autre à mes SMS, et je n'ai à ce jour aucun message de leur part. Le paradoxe est que cela survient à un moment où je donne tous mes biens culturels y compris des incunables digne du Vatican, à Axel, et que j'ai rendu un insigne service à Igor. Après cela je ne puis qu'écouter avec une attention morose ceux qui me disent : ce sont des Russes, on ne peut leur faire confiance, un jour ils vous portent aux nues, un autre, on ne sait pourquoi ils vous prennent en grippe, ou pire, vous n'existez plus. Il n'empêche que ce camouflet humiliant me rendit physiquement souffrant. Je me serais épargné cette desillusion si m'étais, avec scepticisme la question : faut-il les croire (leurs paroles affectueuses), faut-il le croire? (A leur amitié)
J'ai noué des relations quasi filiales pour une jeune femme. Elle me combla d'attentions, elle fit plusieurs fois le voyage de sa patrie lointaine pour me voir, me rapportant à chaque fois les cadeaux les plus précieux. Tout à coup un coin du voile se déchira, et derrière ce masque de sollicitude une inconnue apparut l'espace d'un éclair : une arriviste dure, impitoyable, dominatrice, froide comme un crocodile. Certes elle ne manquait pas, comme toute arriviste, de considération pour un homme cultivé et lui même considéré par des personnalités importantes, et même une sorte d'affectueuse sympathie. Mais devant ses habituelles embrassades, que croire?
Il me reste deux hommes pour qui je donnerais ma vie, - qui ne vaut d'ailleurs pas grand chose - et ils manifestent envers moi la plus vive sollicitude, une exceptionnelle présence, des actes concrêts pour adoucir ma vie quotidienne. Ils m'ont exprimé leur affection profonde. Faut-il les croire?
Oui, il faut les croire, car l'amour filial que je leur porte n'admet pas le scepticisme. Ce serait une forme d'ingratitude.
DU BLOG NOTES
PHOTOS A LA SAUVETTE
Michel m'a montré deux photos prises à San Remo. Elles sont naturelles bien plus intéressantes que les stupides photos à la Steinberg, toutes dents dehors, en train de guetter l'oeil du photographe.
Wednesday, 12 August 2009
CHRONIQUE
ART ET EGO
La plupart des imaginatifs sont doté d'un égo puissant. Leurs oeuvres leur apparaissent comme des créations majeures et tout leur parait tourner autour de leur mission nécessaire à l'humanité.
Ceci n'est pas grave lorsqu'il s'agit d'entrepreneurs, de scientifiques, de hauts fonctionnaires. La réalité les garde de sombrer dans la mégalomanie. Un bilan, un chiffre d'affaires, une découverte reconnue, le prix Nobel, la médaille Field, ce sont choses concrètes, réelles, reconnues par la multitude et qui vous placent au sommet de la hierarchie sociale. Même les artisans ont un point d'ancrage solide : leur métier.
Mais le problème se pose pour les artistes : musiciens, poètes, peintres. Leurs critères de jugement sont évanescents, flous, propices aux illusions. Tous se prennent pour des génies, autrement ils n'embrasseraient pas leur carrière. Dès que cette certitude vient à manquer, leur raison de vivre disparaît et comme Nicolas de Staël ils se suicident. Ou alors, ils se résignent comme Hector Berlioz, Rodchenko qui signa "le dernier tableau", ou encore Rossini qui échangea la création d'un tournedos contre celle du Mariage de Figaro.
Je me souviens de mes rencontres avec Le Yaouang peintre exposé l'espace de quelques semaines chez Maeght, sa fierté d'être ainsi publié sans le catalogue "Derrière le miroir" de la célèbre galerie. Il multipliait les déclinaisons d'une recette originale, en faisait des timbres poste, un ouvrage luxueux, il se ruinait et faisait vivoter sa femme, pour se prouver à lui-même son talent.
LE PROBLÈME DES AVANT GARDES EXTRÊMES
Un de mes amis se vit proposer un superbe penthouse Avenue Gabriel vendu luxueusement meublé et agencé. Il demanda si le tableau faisant face au lit était compris dans le prix. Il représentait un grand Warhol représentant un dollar, un immense dollar stylisé, nu et simple, rien d’autre que le symbole familier : $ . Vous pensez, s’écria l’agent immobilier, ce tableau vaut plus que l’appartement !
C’était le dollar le plus cher du monde, devant lequel on se prosternait, comme jadis devant la Sainte Vierge ou le Crucifix. Mais penser qu’il valait plus cher qu’un chef d’œuvre de la statuaire gothique ou qu’un tableau de Filippino Lippi a de quoi hérisser les uns, désorienter les autres. Jeff Koontz doit se poser la question qui utilise l’argent gagné avec un lapin géant ou un pornoktisch, pour acheter de beaux incunables chez Stéphane Clavreuil.
Tous les peintres conservateurs, surfant sur la médiocrité, flattant le goût de l’aristocratie inculte, se comparent à cette avant-garde absurde, et en tirent légitimité et fierté. Ainsi, je dinais l’autre jour avec un jeune artiste qui inonde le parc du château de Divonne d’agréables sculptures de bronze un peu kitsch. Il s’enflamma en évoquant celles de Koontz, de Carl André ou de Murakami. Il les compara au travail laborieux et parfaitement lisible par ses clients. Ces gens à qui il faisait la cour, dirigeaient les Relais du Bonheur, et en garnissaient les halls d’accueil et les bureaux de la banque qu’ils présidaient, ou encore, séduits pas la faconde du jeune sculpteur, convaincu de son génie et en persuadant les riches qui l’invitaient sur leur yacht.
Tout le problème git là. Il n’existe aucun moyen rationnel qui puisse évaluer la qualité l’importance d’une œuvre et les experts les plus chevronnés ont pris le « bozzetto » sublime du Roi David de Michel Ange pour un faux, et les médiocres Meegeren pour de vrais Vermeer. Il s’ensuit que lorsqu’un artiste, célèbre ou inconnu, se prend pour un immense génie (ce qui arrive de toute façon) il peut être soit lucide soit mégalomane.
DU BLOG NOTES
A PROPOS DE JULIEN GREEN
Ce nouveau journal que je me propose de tenir le plus régulièrement qu’il me sera possible m’aidera, je crois, à voir plus clair en moi-même. C’est ma vie entière que je compte mettre en ces pages, avec une franchise et une exactitude absolues… Que deviendra ce livre ? Je n’en sais rien, mais ce sera pour moi une satisfaction de penser qu’il existe. … Je ne suis pas, je n’ai jamais été tout à fait l’homme du journal que j’écris.
… Tout mon effort est d’écouter le disque dès qu’il a commencé de tourner.
Robert de Saint Jean, lucide commentateur et à qui je dois les lignes qui suivent, nous explique : Telle est la démarche du romancier, mais il en va tout autrement pour les souvenirs. Point d’effort, ma mémoire parle d’elle-même, on n’éprouve aucune peine à retenir la vie au passage. … Tout diariste (B.L :un mot que je ne connaissais pas et qui rappelle : diari dei tempi d’innocenza)veut faire reculer la mort. Revivre, la plume à la main, les heures évanouies fait vivre avec plus d’intensité et aide à mieux se comprendre soi-même. …
LA CRÉATION
(Le jeune homme décrit dans le journal « prépare ses orages ». Rien ne saurait distraire « l’ensorcelé », rien ne peut troubler l’attention qu’il prête à cette sorte de dictée intérieure qu’il entend en lui. S’il fait peu de corrections à son texte c’est qu’il effectue ses ratures mentalement, le porte-plume longtemps suspendu avant la découverte finale du mot juste. … Revient sans cesse l’interrogation capitale : « Ce que j’écris ne peut-il venir que de moi ? Est-ce que j’apporte vraiment quelque chose de nouveau ?... »
B.L. : Si je me réfère à mon activité d’écrivant, (horrible terme fleurant mauvais le structuralisme, mais que dire d’autre ?) le Blog est mon journal de même que d’autres textes qui précèdent où et « où je fais du journal sans le savoir ». En revanche L’entretien – Apocalypsis cum figuris – est l’équivalent d’un roman visionnaire. Cependant il naquit sans but, dans l’obscurité, dans un état de semi-torpeur. Ce n’est qu’au moment où il naquit au Département des Manuscrits Anciens de la BNF, que je m’avisai de son existence, de son ampleur, de la nouveauté de sa forme. Alors se posa la question cruciale de Julien Green « Ce que j’écris ne peut-il venir que de moi ? » la réponse fut incontestablement positive. Lorsque je montrai pour la première fois le poème « invocation à l’océan », à un professeur de littérature au Lycée alsacien, au metteur en scène Laurent Azimioara, et à un compositeur ami de Brigitte Jaques, tous me dirent d’un air gêné : on ne peut changer un seul mot à ce que vous avez écrit, cela ne peut venir incontestablement que de vous. Et ils se détournèrent. Je ne les revis jamais plus.
Je compris alors le sens de l’angoisse de Julien Green : « Est-ce que j’apporte vraiment quelque chose de nouveau ? ». Là encore la réponse était positive, mais ne dissipait pas le doute. La bonne formulation était plutôt : « Est-ce que ça vaut quelque chose ? N’est-ce pas du travail d’amateur ? L’innovation qui consiste à transposer à notre époque ce que William Blake accomplit avec génie, en utilisant des moyens désuets : l’écriture humaniste, une imagerie celtique, un style correct mais peu spécifique, n’est elle pas dérisoire et indigne de figurer dans le lieu auguste où dorment tant de chefs d’œuvre ?
Saint Jean déclare que c’est un terrible effort de produire quelque chose où il n’y a rien, cette quête du sourd qui essaye d’entendre, et c’est ce que je ressentais en couvrant une nouvelle feuille en papier peau d’éléphant. L’Entretien se projetait ainsi, spectral, de page en page, ménageant une perpétuelle surprise, faisant naître de la surface moirée des paysages inédits, des mirages venus du lointain.
En revanche dans le journal, aujourd’hui l’impression du Blog en fascicules, la relation des évènements s’effectue au courant de la main, dans l’instant.
MINGEI , DERNIÈRES ACQUISITIONS
Sensible à mes observations Philippe Boudin a déniché deux pièces exceptionnelles détrônant définitivement Robert Montgomery : une enseigne en terre cuite représentant un chat vous invitant à entrer inférieure en taille à celle du leader (57cm) mais une véritable sculpture tri-dimensionnelle et non une simple effigie; une extraordinaire sculpture représentant trois tortues se chevauchant, un tour de force incroyable. Félicitations à M.Boudin.
Tuesday, 11 August 2009
CHRONIQUE
LE JOURNAL DE JULIEN GREEN
J'ai feuilleté ce volume de quelques milliers de pages pour, en suivant la suggestion de Marina, m'en inspirer, La chronique de Green ressemblant par son éclectisme à mon blog. Ainsi que je l'ai fait remarquer, l'élément déclenchant a été l'impression des billets en plusieurs cahiers que l'on peut parcourir comme un livre, alors que dans un blog, on se focalise sur le dernier jour. On se sert des mots clé ou du défilement pour avoir accès aux billets précédents et ce n'est guère pour atteindre. Au contraire dans le codex confectionné par l'impression de blog, il n'y a rien de plus aisé de parcourir même les fascicules les plus anciens.
Mais ce qui est révélateur est le style de Green, celui d'un grand romancier. Je crois écrire d'une manière correcte, Green s'exprime avec une originalité, un brillant, pimentés d'un humour très fin. En le lisant, on a l'impression d'entendre le chroniqueur nous faire partager ses états d'âme, son cafard, son enthousiasme au contact de Siegfried, de Debussy, du torse de Milet, sa déception envers Oscar Wilde si adulé dans sa jeunesse. A propos de Justine de Sade, il s'exclame : un style glacé, des personnages non crédibles, des mots, des mots, des mots.
DU BLOG-NOTES
MINGEI : RECTIFICATIONS
Je viens de recevoir un e-mail de Philippe Boudin, au Japon, en quête de pièces qui puissent combler nos lacunes du leader Montgomery, d'après lui déjà dépassée par la nôtre (La WMK, Western Mingei Kan, collection Deripaska Lussato, un département de la fondation Lussato Fédier à UCCLE, Belgique) qui revendique le titre de Musée Mingei de l'Occident. Ci-contre les principales rectifications :
1. P.Boudin n'a jamais prétendu que le seul point fort du leader est la collection de 23 assiettes Seto. Les sculptures, les animaux et les enseignes nous sont supérieures.
2. Il nous reste à trouver des enseignes et des animaux. Déjà Boudin vient de dénicher deux pièces absolument exceptionnelles, sans comparaison avec celles de Montgomery, mais à des prix élevés. a) Une enseigne représentant un chat, d'une dimension double avec celle du leader. b) Une statue début EDO représentant trois tortues se chevauchant, d'une extraordinaire virtuosité.
3. Le crochet à bouilloire Daikoku, n'est pas plus grande que le notre (45cm) mais on a compté dans les 70 cm, la hauteur d'un support en bois supplémentaire.
4. Les deux dernières pièces proviennent d'une provenance illustre.
5. Philippe Boudin ne songerait en aucun de nous désinformer. Il adhère totalement à un projet unique qu'il a contribué à édifier et qui assureront sa renommée de grand marchand.
Nos points forts sont avant tout une politique de recherche de pièces rares, exceptionnelles ou représentatives du Mingei. C'est aussi la présence d'un mécène ouvert et me faisant entièrement confiance, ce qui n'a pas été le cas des deux sponsors de la deuxième et seconde fondation. (Pugachev-Lussato collection). La qualité est préférée à la quantité. Nous estimons par exemple excessif d'avoir des dizaines de pièces équivalentes.
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