Wednesday, 24 June 2009
CHRONIQUE
LASCIATE OGNI SPERANZA
Compte rendu d’hospitalisation.
Dante : la porte de l'enfer. "Laissez toute espérance, vous qui entrez". J'avais en ma possession cette édition in/16, reliée en parchemin, depuis que j'ai l'âge de dix ans. Elle ne me quitta jamais et ce fut la première source de ce qui devait vints cinq ans après, devenir "l'Entretien"
Ci-dessus, un dessin d'adolescence montrant cet éxemplaire de la Divine Comédie.
Lorsque j’arrivai sur le site de l’Institut Gustave Roussy, à Villejuif, je fus impressionné.
Au milieu de champs pelés hérissés de grillages rébarbatifs et de ronces, un couple dérisoire prenait un bain de soleil, minuscule présence humaine.
De l’autre côté trois immenses cônes renversés en béton, monolithes de cauchemar, incinérateurs ou bouches d’aération, dressaient une présence menaçante.
Le bâtiment consistait en un groupe de tours miroirs aux angles acérés, agressifs.
L’intérieur aurait pu être un siège de multinationales, un aéroport, un musée, un centre commercial sans boutiques, un hôtel de Dubai, tout sauf un hôpital.
Des efforts considérables furent consentis pour accroître le prestige et l’agrément du lieu : jardins tropicaux, murs aux grillages rectangulaires multicolores, comme du Richter ou du Gursky, sol de marbre brillant..
Mais le gigantisme altérait l’agrément du lieu. Les bureaux vitrés ressemblaient aux alvéoles d’une ruche où des lémures humaines couvaient et pondaient des formulaires.
Je pensais que les chambres étaient dignes de la froideur élégante du rez-de-chaussée. Je tombai en enfer. Une odeur nauséabonde flottait dans l’air vicié, des cloisons, des cagibis,des parois métalliques, s’enchevêtraient en tous sens dans un chaos indescriptible ou des zombies hagards erraient apparemment sans but. Les chambres étaient brun chocolat et orangé rouge, conçues pour trois lits et alignaient une rangée de neuf placards. Chacun contenait un lavabo, une douche, une toilette. Et toujours la même odeur. Je crois qu’au bout d’un séjour dans cette piaule, n’importe qui serait tombé dans une dépression profonde.
La préparation de l’opération fut une suite de péripéties. Le Dr. Debaere ne put localiser mes scanners ; il finit au bout d’une véritable enquête, par se rendre en personne à Necker pour les consulter. Un homme de bonne volonté s’il en fût. Lorsque je me présentai à l’admission, on me dit : vous ne pouvez pas être admis car vous êtes né en 2009.
-Mais je ne suis pas un nourrisson. !
-C’est écrit 2009, votre carte d’identité n’est pas conforme.`
- Mais il y a eu une erreur.
- Vous devez tout recommencer et faire rectifier la date d’admission ou celle de 2009 qui fait foi.
Le pauvre Michel dut refaire la queue pour le troisième fois. Enfin je fus admis.
A la salle d’opération j’appris que je ne serais pas anesthésié complètement et j’eus la confirmation des dangers de l’opération. Mais je ne pouvais avoir peur. J’étais trimballé comme un sac de pommes de terre par des brancardiers brutaux, et puis, je ne pouvais chasser de mon esprit la trahison du jeune homme dont j’ai parlé tantôt. L’opération fut un succès, et le docteur Debaere m’annonça, suprême élégance, que cela était plus facile qu’il ne le pensait. Il me salua et partit aussitôt pour la Chine.
A mon retour mon corps n’était qu’une courbature. Je fichai le camp dès le lendemain pour me retrouver à Cochin dans le service du Professeur Paul. Je me trouvai dans la plus belle des chambres single, avec vue sur le Val de Grace et le Panthéon. Tous me firent la fête comme on accueille après une longue absence quelqu’un de cher. La gentillesse de tous y compris le Dr. Mallet me toucha beaucoup. Je me retrouvais chez moi. Le lendemain on m’apporta une ceinture lombaire et mon Apple.
Avec Sandrine, et avec Sacha et son adorable petit garçon. On aperçoit par la fenêtre le Panthéon. Je suis heureux.
Quant aux suites de l’opération, je ne m’aperçus de rien. Sitôt après le réveil j’étais impatient de reprendre le travail, mon blog et écrivit d’innombrables moutures pour le jeune homme afin de pénétrer ses intentions. Je retrouvai instantanément mon énergie coutumière au grand ahurissement des médecins qui me trouvaient en pleine forme, comme si rien ne s’était passé. On voulait me renvoyer chez moi, mais j’insistai pour rester le week end. J’étais entouré de femmes et d’hommes de bonne volonté.
Je mesurai la grande misère de la médecine française, des médecins sous payés, des ensembles pathogènes insalubres. Mais parmi les meilleurs praticiens du monde. Plutôt que d’essayer de remédier à la situation, je me contenterai de militer pour ma famille de Cochin.
ABBIATE OGNI SPERANZA, VOI CH'ENTRATE
Tuesday, 23 June 2009
CHRONIQUE
Western Mingei-kan
Le Mingei-kan désigne un bàtiment de référence spécalisé dans l'art populaire.Il était à l'origine une magnifique maison traditionnelle japonaise qui servit à abriter en 1936 les 17 000 objets d'art populaire de tous les pays collectés par Soetsu YANAGI (1889- 1961).
Le concept fut inventé en 1926 par Yanagi non pas en opposition avec l'art classique ou de cour, mais afin de sortir de l'ombre l'art populaire authentique alors menacé de disparition par la diffusion de masse de produits manufacturés sans âme ni beauté. (Les "japonaiseries").
Le terme mingei vient de la contraction de MINshuketi (peuple) et de koGEI (art).MINGEI-KAN signifie musée du Mingei.
Le Western Mingei-Kan (Le musée occidental du Mingei)
Le terme Mingei a été en quelque sorte officialisé par un groupe de potiers sous la conduite de cet homme exceptionnel Yanagi Sotetsu. Mais la chose existait depuis des siècles. On peut la définir de deux manières : l'une concerne le but et la destination, l’autre les techniques pour y parvenir et qui font sa spécificité.
LA DESTINATION
La destination est le peuple, celui des travailleurs qui oeuvrent pour leur subsistance et à des échelons divers exercent un métier. Citons pêle-mêle : les pompiers de différents grades (métier très respecté à cause de la fréquence et la gravité des incendies) les potiers qui fabriquent des poteries, des textiles, des meubles, des ustensiles pour la cuisine ou pour la cérémonie du thé, les vêtements pour le Nô japonais comprenant les masques, les robes, les éventails, les ceintures, et autres ingrédients. Ils correspondent aux parures que portent les acteurs de théâtre occidentaux, costumes de scène qu’on ne peut comparer à ceux qui sont destiné à être portés par les aristocrates. C’est aussi la différence entre la couronne d’un personnage représentant le Roi, et celle portée par un personnage royal véritable.
Souvent les vêtements du théâtre Nô sont par nécessité aussi somptueux que ceux portés par les aristocrates, et même plus encore, car il s’agit d’épater ces derniers. Ce sont des outils de travail, au même titre qu’une jarre pour le noir aux lèvres des jolies femmes, où les innombrables modèles de cruches, d’assiettes, de tabatières, de futons etc…
LES TECHNIQUES SPECIFIQUES
La principale est la sincérité. L’objet Mingei exprime ce qu’il est, à l’état brut, sans laques précieuses et peintures de grands maîtres comme les paravents de l’école Rimpa. Il arrive que de grands génies comme Ogata Korin participent à la confection d’objets Mingei, mais ils abandonnent alors tout registre artistique pour rehausser la beauté d’ustensiles utiles. Lorsqu’une poterie est ébréchée, non seulement on ne camoufle pas l’accident, mais on le réhausse en le décorant de laque d’or, par exemple. Ces cicatrices du temps, sont les témoins d’un vécu, comme la patine dans une pièce ancienne.
LA BEAUTE ET LA QUALITE
Comme partout ailleurs, l’inégalité est une réalité. Le tort de Yanagi a été de nier ce fait indéniable. Mais il y avait beaucoup de mauvaise foi dans cette exigence égalitaire, car il a pris bien soin de n'admettre que des pièces exceptionnelles dans son musée. C'est qu'il y a des potiers malhabiles, d’autres excellents, d’autres encore dont le génie dépasse le simple artisanat pour atteindre le statut de grand maître, comme le montre les qualifications de « Trésor National vivant » pour les artisans artistes, propriété nationale éminente, pour leurs plus belles pièces.
L’artisanat, le contact direct d’un homme avec la matière, sont des caractéristiques inaliénables du Mingei, la matière devant être non seulement respectée mais valorisée, devenir expressive. Alors que dans l’art classique, la matière : bois, papier, textile, fonte, porcelaine, ne sont que des supports à l’information, dans le Mingei, ils sont eux-mêmes information. De ce point de vue ils partagent avec les autres pièces de musée deux prérogatives :
1. La qualité d’exécution, pouvant atteindre la transcendance,
2. L’antiquité et la valeur artistiques d’une pièce. Un masque d’époque Kamakura(13° Siècle) sera plusieurs fois plus rare, plus cher, et souvent plus vivant que les imitations ultérieures.
Voir des photos dans le corps du billet
CHRONIQUE
SOLSTICE
Il est 5h20 du matin et l'aube s'annonce en ces jours de solstice par une terne lueur grise. J'ai déjà écrit un long billet sur Word, puis, celui-ci a disparu inopinément ! J'ai alors posté un nouveau billet, comme celuici. Disparu aussi. Il faut s'armer de patience.
Une journée chargée s’annonce, que d’autres suivront. A 16 heures j’ai rendez-vous à l’Institut Gustave Roussy dans la banlieue la plus laide de la capitale : Villejuif. J’en ai conservé un des souvenirs les pires de mon existence. C’est là en effet que Christa fut suivie par le professeur Schwarzenberg, dont la célébrité avait dépassé les frontières. Cette très médiatique personnalité était le compagnon de Marina Vlady, une actrice de cinéma Russe très belle jadis, mais ayant terriblement grossi. Il était la coqueluche des parisiens car il était de toutes les pétitions, de tous les comités de patronage qu’affectaient la gauche-caviar. Hélas, il s’avéra, au bout d’une accumulation d’erreurs fatales, qu’il n’était nullement médecin et n’avait pas le droit d’exercer. Il se faisait d’ailleurs appeler Professeur, et non docteur à juste titre, mais ce qu’il enseignait c’était la biologie ! Nous étions Christa et moi très amis du couple et ma femme ne jurait que par lui. Elle le suivit alors que son chirurgien avait conseillé l’ablation de son sein, contre l’avis du « professeur », qui fut affirmatif : l’image suspecte était un effet de la radiographie. Cette erreur mortelle ne fut décelée que plus tard, et le Professeur Jasmin (dont un assistant avait dit à ma femme « il vaut mieux perdre un sein que la vie) ne pouvait plus réparer les nombreuses bévues commises. On comprend donc ma répugnance de me faire soigner dans ce lieu. Aussi ai-je obtenu grâce au Professeur Pol, de pouvoir sitôt l’opération terminée (j’espère avec succès) de me faire soigner à Cochin, où je me sens chez moi et où je jouis de la sympathie – partagée – du personnel hospitalier.
Si je me suis appesanti sur ces tristes vicissitudes, c’est pour mettre en garde les internautes. Certes, il ne faut pas changer de médecin, mais encore faut-il auparavant s’assurer que sa réputation n’est pas usurpée et qu’il jouit du respect du corps médical.
Pour passer à un registre moins lugubre, je vous dirai que je lutte avec acharnement pour qu’un merveilleux et grandiose projet de complexe médical et social qui prendra en charge les personnes seules au monde, voie le jour. Il a été imaginé et conçu par Marie-Antoinette de Bournet, une femme plus âgée que moi, et dont le dynamisme enterre n’importe quel condottiere. C’est la femme la plus extraordinaire que j’aie rencontrée, et tous ceux qui la connaissent partagent cet avis. Mais il lui faut obtenir un prêt long terme de quelques dizaines de millions, et cela ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval. J’espère que mes deux amis russes, ceux qui ont survécu à la crise, pourront faire un geste dans ce sens.
Je lutte aussi pour mon ami russe qui a eu des revers de fortune et dont l’intelligence exceptionnelle et la noblesse de sentiments ont fait la conquête des dirigeants de notre pays, où il est persona grata.
Tout ceci il me faut le mettre en œuvre avant de rentrer à l’hôpital ? Comment, je n’en sais trop rien.
En même temps j’ai trouvé le temps de poursuivre mon travail sur les Mingei, dont je voudrais bien tirer un petit livre pour les débutants. Il est maintenant 6h du matin. Le ciel est pus et la journée risque d’être superbe. Mais il me faut rapidement regagner la capitale.
Monday, 22 June 2009
CHRONIQUE
DERNIER JOUR À DEAUVILLE
Le temps est de plus en plus radieux. Nous regrettons de devoir regagner la capitale polluée, étouffante et pour moi, devenue claustrophobique.
Je dois voir l’anesthésiste demain et après demain j’entre à Villejuif pour être opéré jeudi matin.
Je ne me sens nullement angoissé, et je profite de la vie de Deauville, de son marché, de mon petit jardin au bout duquel la piscine est bleue comme sur la côte d’azur. D’un bleu méditerranéen, le ciel, D'un bleu de cobalt bien plus pur que celui de San Remo, toujours un peu blanchâtre de réverbération.
J’ai été entouré de tant d’amour et de sollicitude que j’en ai puisé le courage nécessaire pour lutter. Il y a d’abord la tribu Auchan, ma seconde famille, et tout particulièrement Henri Mathias, Arnaud Mulliez et Vianney. le trio si proche de moi. Il me tarde de connaître à nouveau la joie de me retrouver à Lille, au milieu de leur chère famille et en particulier Sophie, cuisinière émérite et femme de caractère, courageuse et aimante, et la « Baronne » une internaute active et à l’intelligence aigue.
ACCUEIL
Certes tous mes amis lillois ont été interloqués d’apprendre par le blog, la nouvelle de ma conversion. Mais ils ont compris qu’il ne s’agit pas d’un OU BIEN , OU BIEN, une foi rempçant une autre, mais d'un ET, une foi s’ajoutant, complétant, enrichissant les autres. Je n’ai pas choisi une nouvelle religion, bien au contraire, je suis revenu aux sources, d’avant le Concile de Nicée, cette Eglise fondée par Pierre et qui est restée depuis à peu près inchangée. Ce sont le catholicisme, puis le protestantisme qui sont venus infléchir, humaniser et enrichir l’orthodoxie, chargés des monuments culturels et artistiques qui sont l’honneur du monde occidental. Mais pourquoi opposer des faces différentes d’un même cristal? Le thème étant fourni par l’orthodoxie brute, faut-il négliger le variations qui n’en sont que les transformations changeantes ? Le musicien vous répondra : non.
PANNE
Il me manque de ne pas pouvoir communiquer par ce blog, qui ne fonctionne que quelques heures par nuit, victime d’un serveur orange déficient et d’une bureaucratie aussi paralysante que celle qui a empêché Air France de remplacer une sonde défectueuse sur l’Airbus en dépit de tous les avertissements répétés. Ces gens d’Orange, ces responsables de serveurs, font beaucoup de publicité pour attirer leur camelote, puis lorsqu’on a besoin d’eux, font les morts. Il est certain que la fréquentation de ce blog ne pourra qu’en pâtir. Enfin, je ne sais pas, comment, mon entourage et mes relations ont tous lu mes billets et c’est là l’essentiel.
PROXIMITÉ d'OLEG
Il ne sert de rien de la cacher. Sans Tatiana , et mes liens profonds avec les Olef, Misha, Sergei et aussi S., dont vous savez qu’il est mon successeur au blog, jamais je n’aurais eu l’idée de me faire baptiser selon les rites orthodoxes. Tout au plus, j’aurais essayé d’apprendre le russe. Mais Misha me l’a clairement dit : il est beaucoup plus important, lorsqu’on veut montrer son appartenance à la communauté russe, d’embrasser la foi orthodoxe, que d’apprendre la langue.
La proximité de mes amis russes s’est manifestée par des actes on ne peut plus concrets, pas par de bonnes paroles. Oleg, en dépit de ses ennuis dévorants, a pris avant-hier son jet de Moscou pour faire l’aller retour à Deauville. Nous avons à peine eu le temps de prendre un brunch au Normandy, dont il a déploré le bruit, et de parler une petite heure dans mon modeste appartement. Nous nous sommes quittés les larmes aux yeux, et je sais que si un malheur devait survenir, je pourrai compter sur sa protection et le chaleureux soutien de celle qui est devenue comme ma propre fille, Tatiana. Ma sœur ne restera pas démunie et seule face à son affreuse solitude. Tatiana sera naturellement à mes côtés, le jour J.
MISHA, une présence quotidienne.
La présence de Misha se manifeste autrement. Si l’on excepte les dimanches, tous les jours voilà sa voix amicale, affectueuse, encourageante que me soutient. « Hello, it is Misha ! » Il sait combien ces simples mots me réconfortent. Il a eu la générosité parmi bien d’autres, de mettre à ma disposition une magnifique limousine conduite par l’ingénieux Michel, celui-là même qui vient d’imprimer la quasi totalité de tous les billets du blog, depuis sa création.
Misha nous envoie son énorme jet nous prendre ma sœur et moi, pour nous recevoir à Moscou aux environs du 27 Août. Marina souffre des tympans et à cause de cela ne peut prendre l’avion. Mais je connais ces jets privés. Outre un confort inégalé (la possibilité de dormir) leur pression est réglée sur mesure et ils peuvent descendre avec une telle douceur vers le sol, que les tympans les plus sensibles sont préservés. S’il le faut, un médecin m’accompagnera. Marina meurt d’envie de connaître les coupoles du Kremlin, c’est un rêve tout à fait authentique qui vient de loin.
LE JEUNE PUGACHEV, l'enfant terrible et son père SERGEI
Reste mon préféré, Alexandre, qui a pris l’engagement de continuer la troisième fondation. Mais il est très occupé, et comme son père Sergei, ce gros travailleur, tenace et ambitieux, ne supporte pas les pressions. Il m’appellera quand il le voudra et agira à sa manière. Après mon opération, j’espère passer quelques temps dans la demeure de Sergei, à Saint Jean Cap Ferrat. Sergei m’a en effet inclus dans sa famille et c’est lui qui m’a tiré généreusement d’affaire quand j’étais l’année dernière, sur le bord de l’interdiction bancaire !
LE DOIGT DE DIEU
Si j’énumère ces informations après tout personnelles et confidentielles, c’est pour montrer combien l’amour est vivifiant, et comment, miraculeusement, quand vous êtes au fond du gouffre, tout d’un coup l’inexplicable vous aide à remonter la pente.
Voici encore deux ans, j’étais toujours le solitaire entouré d’un mur de glace, une sorte de respect qui tenait toutes mes relations à distance et empêchait toute relation authentique. J’étais considéré comme une personne que l’on admire mais qu’on ne fréquente pas. Ces décennies d’isolement moral furent propices à la gestation de « Apocalypsis cum Figuris ».
Et voici que soudain mon mal se réveille, menaçant. L’hôpital devient ma seconde demeure, ma vie précaire, la souffrance physique et morale ininterrompues. Je n’ai même plus la force de faire chanter mon piano. Le son qui en sort est scolaire, mécanique. J’ai vieilli de vingt ans.
J’aurais été alors incrédule s i l’on me prédisait pour la fin de mon parcours, la bénédiction d’attachements profond de la part des personnages les plus divers et les plus puissants. Claude Guéant, Secrétaire Général de l’Elysée, qui depuis vingt ans m’honore de son estime était étonné. Comment l’intellectuel français, épris de culture, et œuvrant dans l’obscurité est-il devenu l’ami intime du plus prestigieux des oligarques russes, celui dont tous quémandent des bribes d’entretien, souvent en vain. Je serais bien en peine de lui répondre. Entre nous s’est produite une symbiose exceptionnelle, qui n’a fait que se renforcé. La curiosité, puis la confiance, le respect et l’admiration réciproque se sont succédé, pour aboutir à la plus intense des connivences, au don de ma vie, pour cet homme là qui m’avait déclaré : « I want you ! ». Aujourd’hui le voici victime du pire revers de fortune qui soit, dû à la chute de l’aluminium dont il était le roi, et à la crise, qui ruina tous ses placements américains. Mais il a continué à me suivre dans la constitution du Mingei-kan, se fiant à ma connaissance de la muséologie, et sans avoir recours à des experts ignares et prétentieux. Que Socrate et LH III n’aient suivi son exemple !
COVENANTS ET COUPS DE FOUDRE
Si mon amitié pour Oleg avait quelque chose d’exceptionnel, que dire alors du coup de foudre qui m’a valu un deuxième fils, après Oleg. Si Oleg était capable de développement personnel, ouvert aux choses de culture et fier de son musée, Misha était, quand je le connus, un pur homme d’affaires, doté d’un redoutable sens logique, d’une froideur totale en affaires, cherchant pour ses loisirs les jolies filles, les restaurants fins, les plages de rêve, entouré de ses camarades d’école, de jeunes gens charmants et jouisseurs avec qui partager tous les bonheurs terrestres. Par ailleurs pour des raisons liées aux affaires, Misha et Oleg s’entendent non comme larrons en foire, mais comme chien et chat, ou mieux comme le chat considère avec amour, l’oiseau dans sa cage. Le fait de me savoir si proche de Oleg eût dû le faire fuir.
Contrairement à Oleg qui ne signa les quatre covenants (confiance absolue, respect absolu, ponctualité, toute la vie durant) qu’avec beaucoup d’hésitation en ce qui concerne le dernier, Misha, signa sans hésiter le moins du monde et s’engagea à toujours être à me cotés, en personne ou au téléphone. Depuis il tint parole scrupuleusement. Par quel miracle me retrouvai-je gratifié d’une immense affection de ceux que je ne puis considérer que comme mes enfants par le cœur ? N’est-ce pas un don miraculeux que me fit le Seigneur, comme pour m’aider dans mes épreuves ?
Bruno Lussato 1h30
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Sunday, 21 June 2009
CHRONIQUE
SURVIVAL (Survie)
Je viens de relire Hamlet pour mieux comprendre la conception célèbre de Peter Brook. En dépit de qualités plastiques impressionnantes (la dominance d'un rouge pompéïen, rappelant dans la texture des fonds, les tableaux de matière de Tàpies) et de l'ecellente diction des acteurs, nombreux sont les points choquants. Tout d'abord, bien que Brook ait énoncé qu'il s'agit d'une adaptation, il ne s'est agit que d'une adaptation. Je veux dire par là que des scènes capitales, comme celle de la représentation théâtrale qui a déclenché la décision du roi, d'expédier Hamlet vers la mort en Angleterre, sont absente. Dès lors c'est le meurtre de Polonius infiniment moins préoccupant qui a servie de mine prétexte. La logique interne de la pièce s'effondre. Non moins détestable est la facilité qui commence à donner la parole à Hamlet dès le début, interversion contraire aux lois du théâtre qui veulent que le personnage principal n'apparaisse qu'après une préparation par des comparses chargés de camper le climat.
Le souci tiers-mondiste de Brook, devait lui ouvrir la sympathie du monde intellectuel parisien, celui qui fait et défait une réputation. Obéissant à un égalitarisme qui n'était pas de mise ici, il mélange noirs typés aux cheveux crépus, les plus importants acteurs (Hamlet, les Rois, Ophélie) et blonds censés être les parents des noirs. On a un clash de style choquant qui nuit à la vraisemblance de la pièce et empêche l'identification naturelle du spectateur aux acteurs. Tant qu'à sacrifier au tiers-mondisme pour montrer l'universalité de Shakespeare, il eût mieux valu de jouer avec des personnages tous noirs.
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CHRONIQUE
LA FOLIE SAINT JEAN
Je fais allusion, bien entendu à l'image bien connue des systémistes, dont René Thom est une figure de proue : le battement d'une aile de papillon en Australie peut entraîner une tornade en Floride.
RICHARD WAGNER ET LA SAINT JEAN
Un chef d’œuvre absolu a pour thème la nuit de la Saint Jean (Johannisfest). C’est un drame musical de Richard Wagner de la maturité : Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg.
L’œuvre, satirique et joyeuse, ce qui est un cas unique chez Wagner tourne au tour plusieurs sujets : l’opposition entre conservateurs et novateurs, une délicieuse riche héritière, Eva, courtisée par le jeune et bel aristocrate Walter von Stolzing , par le cuistre Beckmesser et par Hans Sachs, le pivot de toute l’œuvre, veuf d’âge mûr, tiraillé entre l’amour et le renoncement au profit du jeune et beau Walther. Eva cruellement joue avec les sentiments de Sachs, lui donnant de faux espoirs, mais ce dernier a compris. Il se résigne et prend de la hauteur et de la sagesse, mais au prix d’une incurable nostalgie. Enfin un des sujets le plus importants traite de la Saint Jean, prétexte à réfléchir aux catastrophes dont parle René Thom : le battement d’in papillon en Australie, peut déclencher une tornade en Floride. Sachs assiste à un vague malentendu qui vire à la vexation et à une surenchère qui s’aggrave quand les voisins eux-mêmes s’en mêlent.
Une scène fuguée décrit à merveille le désordre hystérique de la bataille d’oreillers, de coups de bâton, agrémenté par les voisins qui, excédés, inondent d’eau froide les belligérants. Il suffit qu’un guetteur officiel annonce son approche, pour que tous disparaissent comme par enchantement.
Quelle est l’origine de ce pandémonium ?
Sachs répond pensivement : un ver luisant qui cherche sa compagne peut-être, ou l’odeur du sureau et du chèvrefeuilles ?
Certes, tout ceci n’est guère original. Depuis le début de l’humanité, chaos et novation ont été indissolublement liés. La théorie néo-darwiniste stimule que toute mutation, est le résultat du chaos filtré par la concurrence entre hybrides fruits du hasard qui ne favorise que les espèces les mieux adaptées à l’environnement. Les recherches en biologie moléculaires vont dans ce sens. Les conséquences théologiques sont également importantes : en effet ni le hasard, ni la pression de l’environnement ne peuvent être attribuées à un plan divin, Dieu est inutile, ce n’est même pas un épiphénomène, mais une entité imaginaire aussi superflue que jadis ne l’était l’éther.
Ces conclusions sont une douce musique pour les idéologues et les anticléricaux de toute sorte. Le vide laissé par la disparition du dieu peut être librement employé à recevoir ces croyances purement matérielles que sont les idéologies, pâles substituts des religions, dont la téléologie par but ultime : avènement du règne hitlérien, ou soviétique : une société uni-raciale ou .société sans classes.
La folie de la Saint Jean assume aujourd’hui une dérive technologique radicale. Privés de direction et de vue claire du futur, les humains tournent en rond. N’importe quoi peut arriver, y compris le jadis impossible.
J’ai déjà dénoncé dans un billet récent l’absurde décision de chauffer trop en été
Et de trop réfrigérer en été. Ce qui fait qu’on doit porter de fourrures par 35° C et se mettre en maillot de bain, lorsque dehors il gèle. C’est perdant – perdant (loose-loose).
La technologie à la mode, elle , conduit ontologiquement au chaos, à l’aléa de troisième ordre, irréparable, incontournable, désavouant la dure loi du hasard et de la nécessité. C’est la hasard SANS la nécessité. Bien au contraire se vérifie une téléologie à l’envers. Ce sont les espèces socioéconomiques et les plus sophistiquées qui produisent les espèces les moins adaptées, entrainant la société, non pas vers l’avènement d’une humanité plus résistantes, mais le pourrissement inéluctable de ce qui peut subsister de raison et de pragmatisme.
Deux raisons à cela : 1°) l’avènement de la mondialisation et de l’intégration des populations démographiquement croissantes, conduit au franchissement inéluctable de la barrière de la complexité. De nouvelles lois vont entrer en vigueur, dont le moins que l’on peut dire est qu’elles sont imprévisibles. On y va, on en sait où, mais on y va, on y court, on s’y précipite.
2°) Les nanotechnologies rapprochent les outils automatisés et les instruments électroniques du seuil quantique inférieur. Les nano-ordinateurs dès à présent sont pleins de trous quantiques, c’est à dire que leur comportement devient aberrant pour notre logique terrestre. Certains opérateurs qui ont la main « rouge » pourront s’en faire obéir, d’autres n’auront que des séries de pépins imprévisibles. En haute altitude, on a déjà observé des déviations inexplicables et inquiétantes du fonctionnement des microordinateurs très compacts. Sans compter la maintenance de plus en plus difficile de ces outils hautement évolués.
DARWIN ET LA SAINT JEAN
Lorsque l’on cherche la cause de catastrophes en chaine pouvant entrainer des conséquences dramatiques, on trouve de toutes petites disfonctions, un cheveu, le battement d’une aile de papillon. Dans le cas de la chute de l’Airbus, le remplacement d’un sonde, la coupure entre l’homme et la machine, le temps consommé à des négociations syndicales au détriment de la maintenance, les délais excessifs imposés par la bureaucratie : des mois au lieu de jours, sans aucune raisons … et c’est ainsi que deux ou trois médiocres subalternes ont pu par de micro-négligences en France ont pu provoquer une tragédie majeure non loin du Brésil.
LA FOLIE TECHNO
J’ai montré comment ce syndrome du battement de l’aile de papillon et du typhon, s’applique à tous les domaines de la technologique de pointe. On se demande comment ces gens intelligents, éduqués, compétents, raisonnables, peuvent marcher sur la tête. Qu’est-ce qui les a subitement rendus fous, aliénés du réel, englués dans une toile inextricable, décrite par le film MATRIX ?
Sans doute peu de choses. La senteur d’un sureau, l’accouplement de deux lucioles ou est-ce la vieille folie qui emporte les hommes la nuit de la Saint Jean, ou lors du carnaval et de l’hubris collectif ?
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