Tuesday, 30 June 2009
CHRONIQUE
FUITE
Tous sont sur le départ sauf moi. Je suis obligé de rester actif et mon appartement qui est aussi un bureau, en activité. Bien que tout ce qui puisse avoir une quelconque valeur, Socrate Papadopoulos a insisté pour installer chez moi un garde du corps à demeure, chargé de surveiller la personne qui arrose tous les jours les plantes, et mon informaticien qui est en train d'imprimer les blogs, le corriger puis les donner à la duplication. L'appartement est tellement encombré qu'en ce qui me concerne ce n'est pas de départ que je devrais parler mais de fuite!
J'ai eu ainsi une nouvelle preuve de la fidèle sollicitude de mes amis et de mes deux fils adoptifs Oleg et Misha. Sergei Pugachev a été également plein d'égards pour moi, et j'espère qu'après San Remo, je pourrait terminer chez lui ma convalescence provisoire. On se tiendra ainsi compagnie mutuellement dans sa propriété de la Côte d'Azur.
Sandrine reste aussi à Paris, immense travailleuse; la femme idéale selon mes critères. Ah! Si j'avais eu quarante ans de moins! Et puis j'ai ma fille adoptive Tatiana qui vient me voir demain, toujours pleine de sollicitude, comme toute fille à papa! J'ai donc de quoi être heureux.
N'était une ombre au tableau. Alors que ce soir je m'escrimai avec mon Apple, qui ne veut décidément pas accepter mon blog et mon nouvel ami Guilhery, on sonne à la porte : c'était l'intense objet de ma douleur,le jeune homme dont je vous ai entretenu. J'étais dépenaillé,en pyjama, décoré d'une ceinture lombaire; lui d'une élégance impéccable comme d'habitude. Il avait tellement l'habitude de me poser des lapins que je ne l'attendais pas!
L'entrevue fut pire que tout ce que je pouvais en attendre. Un mutisme glacial... pire, indifférent. Lorsque je lui posais la question de savoir comment il pouvait passer de l'affection la plus réconfortante à une indifférence totale. Il me répondit : je ne sais pas. Il fut le seul, lui fis-je remarquer, à ne pas avoir pris de nouvelles de mon opération. Il répondit distraitement, "je vois que ça c'est bien passé puisque vous êtes là". Je passai des considérations affectives ainsi enterrées par son cynisme, à des affaires ponctuelles qui le concernaient. Pas de réponse.
Par ailleurs il m'avait causé un grave préjudice et je lui demandai une réparation symbolique.
- Quel préjudice?
- Vous avez ruiné ma réputation auprès de personnalités importantes pour ma carrière.
- Oui? Je vous donnerai la réponse demain. Je compris alors que je n'en n'obtiendrais même pas un geste symbolique. Je lui demandai pour finir ce qu'il comptait faire dans le futur de nos relations.
-Ce que vous voudrez, me dit-il.
- Mais ça dépend de vous. Que voulez vous de moi?
- C'est à vous de me le dire.
J'arrête car ce dialogue surréaliste est pire qu'une prise de bec franche. Il va venir me voir demain, mais il m'a entraîné dans un piège pour que je sois sous sa coupe et il joue avec moi, et le sait.
Un jour peut-être dévoilerai-je son identité, que connaissent mes amis intimes.Si ce n'était le piège dans lequel il m'a englué, il y a longtemps que j'aurais pris la fuite, comme le recommendait La Bruyère, qui dit que lorsqu'on est en présence d'un homme cruel et puissant, même les antipodes seront trop proches pour se garder de son influence destructrice.
Cela nous ramène à des notions de bien et de mal dont j'ai discuté ce soir à dîner autour d'un Sushi, avec Sacha. Ses interrogations étaient si angoissantes et si justes que je lui ai demandé d'en faire un billet. Je lui répondrai alors.
Il est 5h30 et je vous dis bonne nuit.
Bruno Lussato.
13 heures , lire dans le corps du blog , si cela vous dit, mes souvenirs d'enfance.
En fouillant dans ma bibliothèque de manuscrits à la recherche de quelque ouvrage personnel que je pourrais laisser en souvenir à un ou une qui m'ont été fidèles en ces jours difficiles, j'ai trouvé un très joli volume en cuir artisanal fabriqué pour moi à San Remo sur un merveilleur papier à la forme, Amalfi, le meilleurs de toute l'Italie.
Il m'a semblé que cela pourrait intéresser certains d'entre vous, d'une part parce qu'il écrit la vie cent ans en arrière (Tunis avant la guerre et pendant, vivaitau siècle dernier), d'autre part parce qu'il complète les réflexions de Sacha sur l'impossibilité de concilier contact avec la nature, exploitation autarcique et productivité. Vous trouverez ce Journal des temps d'innocence dans le corps du blog.
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Sunday, 28 June 2009
CHRONIQUE
IDOLES
Idole de fertilité shamanique Mingei. La patine difficile à reproduire en photos est causée par les milliers d'attouchement des femmes désirant avoir un enfant. C'est un rare exemple de fétiche japonais.
Ce billet a été évidemment inspiré par les réactions mondiales exceptionnelles à l'annonce de la mort prévisible de la star Michael Jackson. Ci-dessous à la une de France Soir.
CONTRADICTIONS
Le terme idole est chargé de connotations contradictoires, mais ne livre ses potentialités qu’à l’analyse sémantique.
La notion d'Idole est issu d’une position de l’Eglise Chrétienne et en particulier de sa branche catholique. Seules les saintes reliques et les objets reliés à la foi : la croix, le cilice, les statues, les médailles bénites peuvent être objet d’adoration. Tout le reste n’est qu’idole.
PRATIQUE ET ESTHÉTIQUE
Cette position est confortée par le fait que les idoles proviennent généralement de pays arriérés, non encore christianisés et par l’aspect esthétiquement répugnant de leur figures grimaçantes, et moralement répréhensible des sacrifices humains. Ainsi, pratique et esthétiques se confortent-ils mutuellement pour faire de idoles des reliques au noir, des instruments du diable comme ces fétiches vaudou.
CHANGEMENT DES PARADIGMES ESTHÉTIQUES
Avec le temps, les esprits évoluèrent sur toutes ces croyances et simultanément. Picasso dans les Demoiselles d’Avignon, Derain et d’une manière générale, virent avec un œil de plasticiens ces formes nouvelles. Ils ne purent que constater l’immense réservoir de formes novatrices de ces arts dits dorénavant premiers par opposition de primitifs. Ils comparèrent cette richesse avec la froideur et la monotonie de l’art grec et de ses rejetons, qui aboutirent à l’académisme abhorré et aux sucreries de Saint Sulpice.
J’eus le privilège vers la trentaine de connaître Jacques Kerchache, de loin le plus grand connaisseur mondial d’art africain. Je voulais me constituer une petite collection et avec la verve du marchand, il m’expliqua la différence entre une pièce de qualité et une banale, me fit caresser les statues pour déceler l’harmonie de transitions de forme, toute rupture dans une courbe, tout déséquilibre entre pleins et vides étant un signe de disqualification. J’étais ébloui bien qu’un peu effrayé par son cabinet funèbre mémento mori. La mort imprégnait cet art et certaines pièces émettaient de véritables ondes de terreur qui perturbaient physiquement des âmes sensibles.
Kerchache n’était pas un expert, il avait appris sur le tas, circulant dans les villages les plus déshérités et inaccessibles, voyant tout, ramassant tout, entretenant des relations cordiales avec les populations. Ceci, joint avec une intelligence aiguë et une mémoire infaillible fit de lui la référence incontournable. Il le savait et on dit qu’il en abusa, car c’était un marchand et il était trop tentant de duper les novices comme moi. Je ne pus rien acheter car c’était hors de la portée de ma maigre bourse.
A cette époque se constituèrent de prestigieuses collections ; la Fondation Barbier-Müller de Genève en tête. L’art nègre au surplus se mariait bien avec l’Art Nouveau et il n’ensuivit un phénomène de mode qui ne s’épuise pas, freiné seulement par l’immense déferlement des faux.
Dans de telles conditions, il devenait difficile de qualifier les fabricants d’idoles de primaires. Restait à justifier la sémantique sous-jacente. Admettre au même plan les sacrifices humains, et les rites démoniaques et les danses de possession et la charte chrétienne, ou la sagesse bouddhiste, était difficile à avaler.
CHANGEMENT DES PARADIGMES MORAUX
C’est là que les intellectuels œuvrèrent au nom de principes tiers-mondistes et égalitaires, confortés par les ethnologues peu soucieux de problèmes métaphysiques et religieux. Au nom de quoi avez vous décidé que telle pratique religieuse doit être vouée aux gémonies parce qu’elle ne correspond pas à votre sensibilité ?
LA FOULE ET LA MASSE
Il nous faut à présent considérer une autre face de la notion d’Idole.
Une idole, comme toute relique et symbole religieux, ne peut exister sans des croyants. Plus ceux-ci sont nombreux, plus le symbole se renforce. L’homme qui a le mieux cerné ce phénomène est Rupert Sheldrake, le créateur des notions de morphogenèse et de champs de forme. Il montre, exemples très faciles à reproduire à l’appui, que lorsqu’une forme nouvelle apparaît on peut la comparer à une bille qui dévale une surface plane creusant un sillon. Avec le temps, plus le sillon s’approfondit, plus il attire les billes, jusqu’à devenir une vallée. Il montre ainsi que lorsque des esquimaux sont soumis à un texte en hébreu, il seront plus attirés par ceux qui déclinent la prière millénaire Barouch Attah Adonaï (vous me pardonnerez d’estropier l’orthographe) que par ceux qui lisent le mode d’emploi d’un aspirateur. Ceci n’est pas lié à l’intérêt du texte mais à sa répétition. On se souvient encore de Garap produit inexistant diffusé à grande échelle sans un mot d’explication. Ce fut la ruée, tous voulaient du Garap.
Cz phénomène les systémistes le désignent par « boucle de feedback positif ». La notoriété s’alimente d’elle même. Le phénomène est d’autant marqué que l’élément déclenchant concentre toutes les valeurs dominantes de la population. Andy Warhol comprit cela en vendant à prix d’or un gigantesque symbole du dollar, icône de notre civilisation.
Nous en revenons aux phénomènes d’hystérie collective qui transforme les foules d’individus en masses agglutinées. Nul mieux que Gursky n’a mieux saisi cet effrayant phénomène. Mais on le retrouve dans ces photos du IIIème Reich, où des centaines de bras se levaient parfaitement parallèles tendus vers le fétiche, la croix gammée. On ne connaît que trop où mena cette hystérie collective. Grâce à elle, pour la première fois de l’histoire, l’homme donna des leçons à l’enfer, pour adopter la formule frappante d’André Malraux .
ON A LES IDOLES QU'ON MÉRITE
Il est de ce fait important d’étudier les idoles qui soulèvent les foules. On trouvera le ballon de football exalté à Paris dans une manifestation inspirée des danses de possession tribales. Puis la mort de Diana, promue en symbole de courage non conformiste. Les masses soulevées par la mort d’Elvis Presley furent presque aussi importantes que les manifestations agressives Gay Pride qui paralysent une métropole pendant une journée. Mais le personnage de Jackson en tant que symbole ou fétiche, se disant une idole pose des interrogations sérieuses sur le basculement des valeurs au XXIème siècle. Je vous laisse tout loisir d’y réfléchir sérieusement, car cela nous mènerait trop loin dans un billet déjà bien lourd. Songez tout simplement qu'alors que l'hystérie était manipulée par les chefs poliiques, aujourd'hui c'est elle qui les manipule les forçant de se joindre à sa barbarie et d'y faire chorus pour des raisons électorales.
Rédigé sur Word, ce 29 juin 2009 à Oh.30
Transféré 1h10
De l'Hôpital Cochin, je vous souhaite une bonne nuit.
Votre Bruno Lussato.
CHRONIQUE
PROJETS
Comment vivre sans projets? Un projet est un pôle aimanté à la fois structuré et informe, provisoire et révisable et fixe à long terme comme l'étoile polaire. C'est lui qui oriente la boussole. Autant dire que sans projets, un humain est déboussolé.
A propos d'un de mes projets, devenu réalisation, le WESTERN MINGEI-KAN je vous conseille de vous reporter au billet du 24 juin 2009, qui integre les précieux commentaires de Philippe Boudin.
PROJETS
J’ai connu au cours de ma profession bien des hommes puissants et adulés, tout entiers voués à leur entreprise. Lorsque je voulais les intéresser à des activités artistiques, ou à n’importe quel sujet qui ne touchait pas à leur profession ils répondaient :
- Je n’ai pas le temps, je suis submergé en ce moment. Plus tard on verra.
- Les moments libres sont consacrés à ma famille (ou à mes activités sportives etc.)
- Lorsque je serai à la retraite j’aurai tout le temps de me cultiver.
- La semaine prochaine. (reconduite de semaine en semaine)
- On voit bien que vous n’êtes pas à ma place. Vous êtes un intellectuel. J’ai charge d’hommes.
Mais la retraite venue c’était la chute, soudaine ou différée. Soudaine : une bonne attaque enchantait leurs héritiers. Bon débarras. C’était mieux que l’Alzheimer. Mais le pire était le déclin lent. Notamment, ils essayaient avec les fonds mis de côté de reconstituer une entreprise, quelquefois dans un métier qu’ils ne connaissaient pas. C’est ainsi que François Dalle misa sur la production cinématographique. Le problème venait de ce qu’étant habitués à bénéficier de l’appui d’un état major compétent et serviable ils s’adaptaient mal à la parcimonie qui est indispensable dans une PME de petite taille.
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Saturday, 27 June 2009
CHRONIQUE
...ET IN TERRA PAX...
Paix sur terre aux hommes de bonne volonté. Tels sont les mots sacrés du Sanctus portés à un point de transcendance indescriptible par Beethoven dans sa Missa Solemnis. J'entends par là la lutte contre l'adversité, la conscience qu'hélas le mal est dominant et que la seule possibilité qui nous reste est, plutôt que d'échafauder des plans grandioses visant à transformer la planète, se contenter de bâtir une petite chapelle, et de dispenser amour concret, compassion et soutiens pour aider des personnes à affronter la solitude, la maladie, la mort.
Dans un registre plus étendu, je me plais à souligner le projet conçu dans ses moindres détails par la femme la plus extraordinaire que j'aie jamais rencontrée. Marie Antoinette de Bournet, dite Mimi, ll qui a quelques années de plus que moi, a engagé ses biens, ses propriétés pour créer un projet nécessaire. Il y a des années, ma mère nonagénaire avait eu un accident cérébral qui nécessitaient une surveillance constante. Ma soeur et moi, nous la plaçames dans la meilleure institution, la plus luxueuse, de la région parisienne. Elle se plaignait de ce que les surveillantes la battaient, et on attribuait ces propos à des fantasmes. Je m'y trouvais à Noël et sous le beau sapin, des femmes de soixante à quetre-vingt ans, jouaient au bridge, ou erraient comme des âmes en peine, le regard vide.
Où sont vos enfants demandai-je. Au sports d'hiver me répondirent-elles, on ne les a pas vus depuis des mois, car en dehors des vacances ils sont très pris par leurs travail. Il n'ont même pas eu le temps de nous téléphoner, vous savez. D'autres femmes veuves sans famille, financées par des gérants rapaces, attendaient la mort.
Madame de Bournet conçut un projet grandiose et nécessaire : un ensemble de maisons individuelles de deux chambres et un petit salon, une infra-structure comprenant un personnel compétent et pointu : animateurs, psychologues, gérontologues, médecins, et donnant vie à des activités très variées : cinémas, lectures, conférences, concerts, clubs, artisanat, engageant les personnes seules ou les couples isolés à revivre, à reprendre espoir.
J’essaie avec mes faibles forces de procurer des fonds pour le service du Professeur Paul, un homme admirable, proche de ses patients, plein de compassion et d’une compétence universellement reconnue. Son esprit transparait dans tout le service d’une gentillesse et d’une bonne volonté insignes. J’en parlerai plus bas. Hommes et femmes de bonne volonté.
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Wednesday, 24 June 2009
CHRONIQUE
LASCIATE OGNI SPERANZA
Compte rendu d’hospitalisation.
Dante : la porte de l'enfer. "Laissez toute espérance, vous qui entrez". J'avais en ma possession cette édition in/16, reliée en parchemin, depuis que j'ai l'âge de dix ans. Elle ne me quitta jamais et ce fut la première source de ce qui devait vints cinq ans après, devenir "l'Entretien"
Ci-dessus, un dessin d'adolescence montrant cet éxemplaire de la Divine Comédie.
Lorsque j’arrivai sur le site de l’Institut Gustave Roussy, à Villejuif, je fus impressionné.
Au milieu de champs pelés hérissés de grillages rébarbatifs et de ronces, un couple dérisoire prenait un bain de soleil, minuscule présence humaine.
De l’autre côté trois immenses cônes renversés en béton, monolithes de cauchemar, incinérateurs ou bouches d’aération, dressaient une présence menaçante.
Le bâtiment consistait en un groupe de tours miroirs aux angles acérés, agressifs.
L’intérieur aurait pu être un siège de multinationales, un aéroport, un musée, un centre commercial sans boutiques, un hôtel de Dubai, tout sauf un hôpital.
Des efforts considérables furent consentis pour accroître le prestige et l’agrément du lieu : jardins tropicaux, murs aux grillages rectangulaires multicolores, comme du Richter ou du Gursky, sol de marbre brillant..
Mais le gigantisme altérait l’agrément du lieu. Les bureaux vitrés ressemblaient aux alvéoles d’une ruche où des lémures humaines couvaient et pondaient des formulaires.
Je pensais que les chambres étaient dignes de la froideur élégante du rez-de-chaussée. Je tombai en enfer. Une odeur nauséabonde flottait dans l’air vicié, des cloisons, des cagibis,des parois métalliques, s’enchevêtraient en tous sens dans un chaos indescriptible ou des zombies hagards erraient apparemment sans but. Les chambres étaient brun chocolat et orangé rouge, conçues pour trois lits et alignaient une rangée de neuf placards. Chacun contenait un lavabo, une douche, une toilette. Et toujours la même odeur. Je crois qu’au bout d’un séjour dans cette piaule, n’importe qui serait tombé dans une dépression profonde.
La préparation de l’opération fut une suite de péripéties. Le Dr. Debaere ne put localiser mes scanners ; il finit au bout d’une véritable enquête, par se rendre en personne à Necker pour les consulter. Un homme de bonne volonté s’il en fût. Lorsque je me présentai à l’admission, on me dit : vous ne pouvez pas être admis car vous êtes né en 2009.
-Mais je ne suis pas un nourrisson. !
-C’est écrit 2009, votre carte d’identité n’est pas conforme.`
- Mais il y a eu une erreur.
- Vous devez tout recommencer et faire rectifier la date d’admission ou celle de 2009 qui fait foi.
Le pauvre Michel dut refaire la queue pour le troisième fois. Enfin je fus admis.
A la salle d’opération j’appris que je ne serais pas anesthésié complètement et j’eus la confirmation des dangers de l’opération. Mais je ne pouvais avoir peur. J’étais trimballé comme un sac de pommes de terre par des brancardiers brutaux, et puis, je ne pouvais chasser de mon esprit la trahison du jeune homme dont j’ai parlé tantôt. L’opération fut un succès, et le docteur Debaere m’annonça, suprême élégance, que cela était plus facile qu’il ne le pensait. Il me salua et partit aussitôt pour la Chine.
A mon retour mon corps n’était qu’une courbature. Je fichai le camp dès le lendemain pour me retrouver à Cochin dans le service du Professeur Paul. Je me trouvai dans la plus belle des chambres single, avec vue sur le Val de Grace et le Panthéon. Tous me firent la fête comme on accueille après une longue absence quelqu’un de cher. La gentillesse de tous y compris le Dr. Mallet me toucha beaucoup. Je me retrouvais chez moi. Le lendemain on m’apporta une ceinture lombaire et mon Apple.
Avec Sandrine, et avec Sacha et son adorable petit garçon. On aperçoit par la fenêtre le Panthéon. Je suis heureux.
Quant aux suites de l’opération, je ne m’aperçus de rien. Sitôt après le réveil j’étais impatient de reprendre le travail, mon blog et écrivit d’innombrables moutures pour le jeune homme afin de pénétrer ses intentions. Je retrouvai instantanément mon énergie coutumière au grand ahurissement des médecins qui me trouvaient en pleine forme, comme si rien ne s’était passé. On voulait me renvoyer chez moi, mais j’insistai pour rester le week end. J’étais entouré de femmes et d’hommes de bonne volonté.
Je mesurai la grande misère de la médecine française, des médecins sous payés, des ensembles pathogènes insalubres. Mais parmi les meilleurs praticiens du monde. Plutôt que d’essayer de remédier à la situation, je me contenterai de militer pour ma famille de Cochin.
ABBIATE OGNI SPERANZA, VOI CH'ENTRATE
Tuesday, 23 June 2009
CHRONIQUE
Western Mingei-kan
Le Mingei-kan désigne un bàtiment de référence spécalisé dans l'art populaire.Il était à l'origine une magnifique maison traditionnelle japonaise qui servit à abriter en 1936 les 17 000 objets d'art populaire de tous les pays collectés par Soetsu YANAGI (1889- 1961).
Le concept fut inventé en 1926 par Yanagi non pas en opposition avec l'art classique ou de cour, mais afin de sortir de l'ombre l'art populaire authentique alors menacé de disparition par la diffusion de masse de produits manufacturés sans âme ni beauté. (Les "japonaiseries").
Le terme mingei vient de la contraction de MINshuketi (peuple) et de koGEI (art).MINGEI-KAN signifie musée du Mingei.
Le Western Mingei-Kan (Le musée occidental du Mingei)
Le terme Mingei a été en quelque sorte officialisé par un groupe de potiers sous la conduite de cet homme exceptionnel Yanagi Sotetsu. Mais la chose existait depuis des siècles. On peut la définir de deux manières : l'une concerne le but et la destination, l’autre les techniques pour y parvenir et qui font sa spécificité.
LA DESTINATION
La destination est le peuple, celui des travailleurs qui oeuvrent pour leur subsistance et à des échelons divers exercent un métier. Citons pêle-mêle : les pompiers de différents grades (métier très respecté à cause de la fréquence et la gravité des incendies) les potiers qui fabriquent des poteries, des textiles, des meubles, des ustensiles pour la cuisine ou pour la cérémonie du thé, les vêtements pour le Nô japonais comprenant les masques, les robes, les éventails, les ceintures, et autres ingrédients. Ils correspondent aux parures que portent les acteurs de théâtre occidentaux, costumes de scène qu’on ne peut comparer à ceux qui sont destiné à être portés par les aristocrates. C’est aussi la différence entre la couronne d’un personnage représentant le Roi, et celle portée par un personnage royal véritable.
Souvent les vêtements du théâtre Nô sont par nécessité aussi somptueux que ceux portés par les aristocrates, et même plus encore, car il s’agit d’épater ces derniers. Ce sont des outils de travail, au même titre qu’une jarre pour le noir aux lèvres des jolies femmes, où les innombrables modèles de cruches, d’assiettes, de tabatières, de futons etc…
LES TECHNIQUES SPECIFIQUES
La principale est la sincérité. L’objet Mingei exprime ce qu’il est, à l’état brut, sans laques précieuses et peintures de grands maîtres comme les paravents de l’école Rimpa. Il arrive que de grands génies comme Ogata Korin participent à la confection d’objets Mingei, mais ils abandonnent alors tout registre artistique pour rehausser la beauté d’ustensiles utiles. Lorsqu’une poterie est ébréchée, non seulement on ne camoufle pas l’accident, mais on le réhausse en le décorant de laque d’or, par exemple. Ces cicatrices du temps, sont les témoins d’un vécu, comme la patine dans une pièce ancienne.
LA BEAUTE ET LA QUALITE
Comme partout ailleurs, l’inégalité est une réalité. Le tort de Yanagi a été de nier ce fait indéniable. Mais il y avait beaucoup de mauvaise foi dans cette exigence égalitaire, car il a pris bien soin de n'admettre que des pièces exceptionnelles dans son musée. C'est qu'il y a des potiers malhabiles, d’autres excellents, d’autres encore dont le génie dépasse le simple artisanat pour atteindre le statut de grand maître, comme le montre les qualifications de « Trésor National vivant » pour les artisans artistes, propriété nationale éminente, pour leurs plus belles pièces.
L’artisanat, le contact direct d’un homme avec la matière, sont des caractéristiques inaliénables du Mingei, la matière devant être non seulement respectée mais valorisée, devenir expressive. Alors que dans l’art classique, la matière : bois, papier, textile, fonte, porcelaine, ne sont que des supports à l’information, dans le Mingei, ils sont eux-mêmes information. De ce point de vue ils partagent avec les autres pièces de musée deux prérogatives :
1. La qualité d’exécution, pouvant atteindre la transcendance,
2. L’antiquité et la valeur artistiques d’une pièce. Un masque d’époque Kamakura(13° Siècle) sera plusieurs fois plus rare, plus cher, et souvent plus vivant que les imitations ultérieures.
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