Sunday, 30 November 2008
CHRONIQUE
Le prix des choses
Demain je pars à Genève avec S*** et C.Burgan. Destination : la plus grande et prestigieuse vente numismatique de tous les temps. Les estimations étant fixées à dix fois la valeur habituelle, des pièces légendaires sont apparues. Selon M.Baron, expert de la vente, ce qui esr le plus cher montera, ce qui est moins cher baissera fortement. J'ai passé toute la nuit à confronter le point de vue de B*** , de S*** , de Baron et des autres.
En fait le choix obéit à trois logiques distinctes :
- Le point de vue de l'investisseur, auquel cas ce sont les iii et les iiii qui doivent être privilégiés.
- Le point de vue des experts et grands collectionneurs visant à légitimer toute la collection potentielle ou actuelle.
- Le point de vue du grand public qui recherche le spectaculaire ou des histoires à se raconter.
Deux pièces répondent au premier point de vue : la chouette et Hadrien.
Voici la chouette :
Contrairement à ce que déclare le catalogue, il existe plus de pieces en circulation qu'on ne le croit. Notamment celle de la Bibliothèque Nationale de France n'a pas été mentionnée. C'est dû au fait que cette pièce n'a pas été publiée. Mais sachant que la BNF est le premièr réservoir mondial de pièces grécoromaines, et compte tenu de l'importance de l'exemplaire en question,les organisateurs auraient dû se mettre en contact avec le conservateur comme je l'ai fait moi-même. Voici un problème constant dans l'évaluation du nombre d'exemplaires.
Le second clou de la vente, celui pour lequel de nombreux amateurs se battront, et qui pourrait même dépasser le million de SF, est la pièce réputée la plus belle de l'époque romaine. On y admire l'expression un peu pensive de l'empereur, image de la tolérance et de la sagesse incarnée, tel que Marguerite Yourcenar, citée dans le catalogue, nous l'a depeint.
Voici à présent ce que les monnaies peuvent nous apprendre de leur côté.
Voyez cette dame. C'est Sabina,la femme d'Hadrien. Autant ce dernier aimait sa mère, autant il était odieux avec sa femme qu'il trompait aux yeux de tous, aussi bien avec des femmes mariées que de jeunes gens comme Antinoüs. Il ne supportait cependant pas la moindre incartade chez Sabina et il l'isolait de tout contact significatif. On dit que voyant sa fin prochaine, il empoisonna la makheureuse, ou la força à se suicider. Pour ceux qui douteraient de la hauteur de vues de Hadrien, voici un Drachme frappé à Alexandrie en 134-135 et représentant son sigisbée.
Le prix des choses
Ceci dit, je suis perplexe devant les prix que risquent d'atteindre les monnaies phares de la vente. On murmure qu'ils partiraient à 500 000 FS pour atteindre (pour le sage Hadrien) 1 500 000 à 2 millions de FS (soit autant en euros en comptant les frais). Il est interessant de se demander ce que l'on peut avoir pour ce prix dans les autres départements des deux fondations : manuscrits à peinture, Livres rares et Grolier, mingei, art d'océanie, statuaire chretienne du moyen âge, emaux de Limoges, Chamanisme du grand nord, chamanisme nepalais, partitions musicales, manuscrits musicaux, paravents.
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Saturday, 29 November 2008
CHRONIQUE
Notations
Aujourd'hui, la journée était bien remplie. J'ai tenu à revoir les manuscrits miraculeux de Heribert Tenschert et de faire partager mon émotion à S*** et à Michel, mon chauffeur, toujours avide de sensations culturelles.
Ci-dessus de gauche à droite, S*** et les enfants, Heribert Tenschert et Bruno Lussato.
Nous avons tous ressenti le même émerveillement, avec un sens du miraculeux qui impregnait les pages aux lettres d'or du livre d'heures de Ramo de Ramedellis (Padoue, 1380) le seul connu au monde. Merveilleux comme le Livre de Kells en ce qu'il semble avoir été fait par des anges et non une main humaine.
Un autre livre étonnant était ce Fiore du Virtù (Modène 1340) de l'atelier de Tomaso da Modena, fait pour le Podestà de Modène Bertran del Pogetto. Ce qui frappe est la combinaison de couleurs profondes de bleu lapis lazuli, de vert et de brun sépia avec des bordures oranges. L'état de fraîcheur est incomparable, comme tous les livres de Tenschert, et les 35 miniatures sont autant de tableaux indépendants du texte.
Autre merveille, l'Armorial de la Toison d'Or commandé sans doute par Charles Quint et comprenant cinq miniatures pleine page très expressives, dans le style de Simon Bening, représentant les premier souverains de l'ordre accompagnés par leur blason en pleine page à quoi il faut ajouter 185 armoiries. Une erreur stupide du copiste remplaça Wilhelm von Nassau, par Guillaume comte de Nassou. Or ce dernier était l'ennemi juré de Charles Quint. C'était comme représenter le marquis de Sade, au Paradis! En conséquence, il n'était plus question d'offir le manuscrit à Charles Quint, sans quoi il eût fini dans les propriétés royales!
Il serait trop long d'énumérer les autres chefs d'oeuvre, dont un maître ressemblant au Bourdichon des Heures d'Anne de Bretagne, mais bien antérieur et de facture supérieure.
Et une bible de 48 lignes, incunable magistralement enluminé, de Schoeffer de Mayence, le collaborateur de Gutemberg, daté du 14 Août 1462.
Je m'en vais à Genève Ludi soir avec mon ami S*** et Claude Burgan pour assister à la vente.
Cet après-midi je suis allé voir l'exposition Tàpies chez Lelong, rue de Messine, et j'ai appris que l'artiste est atteint d'une terrible affection: la macula. C'est une tâche noire qui apparaît au centre de la rétine et qui envahit peu à peu le champ de vision. C'est comme la surdité chez Beethoven : une tragédie et un ascèse. Les dessins et sculptures exposés étaient intéressants, mais aucun n'était comparable à la force des pièces anciennes. Aucun ... Sauf un. C'est une sculpture en terre cuite émaillée assortie d'une croix et de multiples incisions. La force de cette oeuvre dominait toute l'exposition et elle figure parmi les plus émouvantes et la plus puissante de ce que je connais de lui. Si j'avais eu 150 000 euros, et trente ans pour en jouir et assister à sa reconnaissance, je me serais précipité ! Mais je suis loin d'avoir l'un et l'autre et je me contente de rêver.
Sandrine est venue me voir resplendissante. Elle va au bal des débutants (comme adulte bien sûr) et j'en profite pour vous présenter ma muse préférée !
Cet après-midi, nous sommes passés Marina et moi, devant une présentation de la vente du 4 décembre. Nous avons été frappés par la puissance funèbre et saisissante des stèles funéraires de Borneo. Mimi de Bourbet se demande avec suscpicion comment des bois en un tel état de conservation, datant du XIIe siècle dans une lande battue par les catastrophes climatiques, peut se trouver dans un tel état! La réponse se trouve peut-être au musée du Qaui Branly. Nous irons y faire un tour demain.
Un poteau funéraire. Modang. Telen river. Kalimantan. Borneo. XIIe-XIIIe siècles.
Poteau funéraire fortement stylisé, presque abstrait. Voir ci-dessus.
Nous avons trouvé également un objet destiné à la collection monétaire : un rouleau de plumes d'un sucrier cardinal. La longueur, la finesse des plumes et la beauté de leur couleur, les fils ornés de coquillages, permettent d'acheter un service, un beau cochon ou une épouse. Il provient des îles Salomon, .
Pour terminer avec cette vente, voici une très impressionnante tête d'un monolithe en basalte, Ejagham, région de la Cross River, Nigeria. Elle a été répertoriée alors que le monolithe était entier. Bien que cette tête n'appartienne pas à un pôle réservé à l'Océanie, il peut constituer un jalon dans la ligne de la spiritualité.
A demain et bonne nuit,
votre Bruno Lussato
Friday, 28 November 2008
CHRONIQUE
CADEAUX
J'en ai reçu de toute forme et de tout format, mais celui qui m'a le plus touché, fut le mot que m'adressa Claude Mediavilla.
Ci-dessous, vous pouvez admirer la finesse et la précision des lettres qui ont dû être calligraphiée avec une plume de corbeau.
Cadeau à l'or fin.
Ci-dessous, un de mes plus chers amis s'est appliqué. Le résultat n'est pas le même , mais le coeur y est.
J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire la connaissance de Heribert Tenschert au sujet duquel Mediavilla ne tarit pas d'éloges. Il s'agit tout simplement du marchand le plus important du monde, spécialisé dans les manuscrits à peintures, et qui en possede plus de dux cent dans sa maison de Bibermühle, sur les bords du Rhin, là où il est encore propre. Et quelles peintures ! Ses catalogues, d'énormes livres très documentés sont une source inépuisable d'information et permettent de se faire une idée de ce qui lui est passé entre les mains. On a fait connaissance par le blog, et il m'a apporté spécialement des chefs-d'oeuvre qu'il ne montre qu'à quelques élus. Parmi ceux-ci ce sont les grands collectionneurs qui ont sa faveur, et il ne tient pas à en avoir davantage pour éviter les rivalités.
Il n'aime pas beaucoup - comme moi - les conservateurs de musée qui sont extrêmement longs à décider et il préfère édifier de grandes collections qui un jour seront léguées à une fondation. Ma démarche l'a donc beaucoup interessé et il m'a fait l'honneur d'apprecier au plus au point les quelques volumes de l'Entretien que je lui ai montrés. Je crois même qiu cela a été une surprise pour lui.
De mon côté, j'ai été émerveillé, certes par l'ensemble des manuscrits qu'il a apportés chez Bresset, mais surtout trois qui avaient quelque chose de miraculeux, ceux qu'il avait apportés tout spécialement pour me les montrer.
Le premier est un psautier saxon, vers 1190-1200. Il serait de style purement byzantin, n'eût été l'extrême expressivité des visages. Comme tous les manuscrits de Tenschert, celui-ci est dans un état extrême de fraicheur, comme s'il venait d'être peint. Je signalerai aussi que je n'ai jamais vu de reliure de l'époque à l'état de neuf, avec leurs fermoir et leur cuir repoussé; celle de ce manuscrit est du XVIe siècle, donc relativement récente.
Le second chef d'oeuvre est une Biblia Sacra, de 1250-1260 environ, soit cent ans avant celle qui s'est vendue à Drouot la semaine dernière pour 1,8 millions et qui est un petit in-folio. Celle-ci est d'une grande finesse, et d'un format double. Sa rliure hélas n'est pas d'origine, mais elle est d'un état de préservation remarquable. Mais j'ai déjà vu des manuscrits qui lui ressemblement dans les grands livres d'art. Ce qui n'est pas le cas du manuscrit suivant.
Celui-ci est provient de Padoue, 1305-1308. Une partie est influencée par les fresques de la Chapelle Arena, de Giotto, l'autre moitié des miniatures ne porte aucune trace de cette influence.
Le dernier exemplaire miraculeux, date de Padoue environ 1380. C'est un livre d'heures sur peau de vélin avec 14 miniatures d'un certain Ramo de Ramedellis. Il est écrit en lettres d'or à la coquille d'un bout à l'autre. Un travail inhumain!
Tenschert me dit que la dernière bible de Gutenberg a été vendue et hors de portée des mains privées, ce que conteste C***. Il me montre cependant une merveilleuse Bible de 48 lignes imprimée sur peau de vélin, datée du 14 août 1462 et complète (évidemment) en 481 feuillets.
Tenscher approuve l'achat des Grolier qui vient du collectionneur le plus important du siècle : Otto Schäffer, et à qui il a acheté plusieurs manuscrits exceptionnels. Il me félicite pour la Divine Comédie, dont j'ai le seul exemplaire complet en mains privées.
Ce matin je retourne le voir pour mieux examiner les exemplaires miraculeux ! Au contact de Tenschert, j'ai affiné mon concept des ii (indicateur d'insubstituabilité). Tous ont pris l'habitude d'utiliser un à plusieurs i.
i : objet très rare, dont il faudra des décennies pour en retrouver un équivalent : exemple, un groupe de trois Grolier (cinquante ans).
ii : objet unique et n'existant plus que dans les musées. (ex. un parisii classique)
iii : objet unique dont les musées ne possèdent que des versions médiocres. Ex : la monnaie d'Hadrien ou incomplète. Ex ; La divine Comédie de la seconde fondation.
iiii : objet unique, absent des musées. S'il vient à être détruit, c'est comme s'il n'avait jamais existé.
Il ne faut pas confondre les i avec l'indice de rareté R. Pour mériter un i, il faut que la pièce soit d'une importance majeure, dans la meilleure qualité existante, et être seule de sa série ou unique dans cette série. Par exemple la classe 2 des Parisii est supérieure à la classe 5, une chouette d'Athenes archaïque à une classique etc. La chouette en or, ii, est seule de son espèce. Rien de comparable ne peut lui être substituée.
Les indices i, indiquent le degré de vulnérabilité à la récession et aux crises. Lorsque le marché se porte mal, les pièces i ne baissent pas de prix. Elles disparaissent purement et simplement et ne sortent que lorsqu'il est au plus haut, ce qui est le cas aujourd'hui pour les oeuvres d'art.
Wednesday, 26 November 2008
CHRONICLE
The second Foundation
The scope of this paper, is to define what would be such a foundation. I mean a foundation that would be both the opposite ad the complement of the Uccle's foundation. The sponsor of this small foundation is the Institute of System's Development, ISD-Geneva © but I'm doubtful as it concerns the financial and cost side. Although the maintenance costs are extremely low, the invested capital would be very high according to the small size of the exhibition rooms. This is due to the expensiveness of the collections. On the other hand, the foundation could attract sponsors because it's financial schok-proof. In fact he value of its objects is less affected by a monetary disaster, that most of other investments Irreplaceability indicator ii is high. (ii indicates the uniqueness and the importance of a good).
Antoni Tàpies: imaginary writing
Like the first Foundation in Uccle (Belgium), the second Foundation ultimate goal is to open the mind of ordinary people as well as experts, but it calls to intellect and history of human thinking rather to feeling, aesthetic sense and spirituality.That comes from its scope. In fact the departments of the second formation are numismatics, calligraphy, evolution of writing and printing processes, from the first manuscripts and books of hour to the Grolier library in witch every book harmouniously combines an apex of superior bindings, of genial printing and paper, and excellence of texts. To possess a Grolier Book is a honour for a public library, and the second foundation has three of them, collected during half a century.
Above : Zantani, numismatic plates. From Grolier library.
Another very important department of the second foundation consist in a gathering of major books, first edition in their first printing. Most of them are as legendary as the theories of Copernicus and Galileo Galilei, or the letter of Colombo to the king of Spain, announcing the discovery of America. We have too some masterpieces like the first illustrated edition of Dante Divina Commedia with the complete engravings of Botticelli, done for this edition. The illustrated manuscripts are also of a impressive quality, like the Alexander conquests.
Above, Quinte Curce, history of Alexander the Great. Ca.1460, manuscript on paper.
As unexpected as it can be, most of the visitors are more impressed by an illustrious book or a book of hours than by a virgin of the XIIth century ! . Therefore, the public of the second foundation may be more numerous than the first foundation one's.
Above, Copernicus, first edition, first printing. 1542.
The second foundation is physically too small to permit seminars or mass manifestations. as the first one. But it receives scholars and educated people who want seriously improve their knowledge.The ambiance is very convivial and evokes the silence and humility that you could find in old monasteries.
The only personnel of the second foundation consists of two educated and enthusiastic guides, which are too responsible of the cleanliness of the place, an an administrative half time, competent and fond of our institution. I experimented such a low costs organization in my former Center of Montfort l'Amaury, and it worked perfectly well.
The nodes (or poles) and the lines.
Unlike the first foundation, there are not such a concentration of specialized objects to compete with great institutions as the Getty's. For example in the first Foundation we have a japanese Mingei department, which aims to completeness and competition with european museums. Thus we have no specialization on Greek coins, like the Alpha Bank Collection, but only a line, which allow to compare the evolution of monetary system, as a metaphore of our crisis.
In spite of its low costs of maintenance, and its small scale, the foundation is very expensive. For instance the Gutemberg Bible, when it is available, is worth 40 millions of euros. Our strategy is responsible for these high investments. To attract people and command respect of specialists, we must acquire unique or very rare items like the Grolier's or the Divina Commedia illustrated editions. (No exemplar in private hands.
Above : Bill Viola handwriting.
The costs of such an investment, that in spite of its stability, exceeds the budget of ISD, unless we find a miracolous sponsor !It's why I prefer to call this small Foundation, an utopia.
Do you want to help me? I need only some millions of euros. Thanks and good night.
Bruno Lussato
Monday, 24 November 2008
CHRONIQUE
Du lointain
À propos du deuxième Faust de Goethe.
Ainsi que j'ai dû vous le dire dans quelque billet, j'ai une copine... Ou appelons-là une muse, un ange gardien, un oeil critique... Nous nous entendons parfaitement, même goûts et la seule chose qui me manque ou qui lui manque pour que je marie avec elle, ce sont quarante ans de différence à mon détriment, pour ne parler que des tares les plus anodines. On est presque jumeaux par notre jugement sur les êtres et les choses mais... Mais voilà elle esIl est une femme, et une femme élégante. Elle aime aussi s'amuser, plaisanter, me décrire ou me montrer un sac de chez Vuitton ou le tissage artisanal d'une robe faite pour elle par une copine de talent.
Il se trouve que nous avons passé un CD, Il s'agissait des Scènes de Faust de Robert Schumann, dans la version de Benjamin Britten qui les surclasse toutes. En effet cette oeuvre étrange qui semble tissée avec des rayons de lune, est d'une texture tellement fragile qu'elle ne passe ni transcrite au piano, ni exécutée par n'importe quel chef. Elle est littéralement informe, et les critiques; même d'aujourd'hui la dénigrent , pressentant dans cette dernière pièce du cimpositeur, l'ombre de la folie qui devait l'emporter quelques mois plus tard. D'ailleurs, voici quelques années le manuscrit entier (plus d'une centaine de pages fut ravalé chez Sotheby's. Il ne se trouva nul mécène pour payer dix millions de francs le chef d'oeuvre absolu de Schumann.
En écoutant une fois de plus cet oratorio, une impression bizarre se confirma. Cette musique n'était pas du Schumann. Son style se différenciait de toutes les oeuvres les plus audacieuses, y compris Tristan ! Qu'y avait-il de si particulier dans ces notes? - C'est qu'elle se glissait aux vers de Goethe, docilement, et ne se répétait jamais, un peu comme Erwartung d'Arnold Schönberg. De même que les vers ne se répétaient jamais, les sons, intimement impregnés de la musique du poeme, ne se présentaient jamais deux fois, onde mouvante continue, prolongement des vibrations qui émanent du chef d'oeuvre de Goethe. Oui, je pourrais affirmer que cette musique n'était pas de Schumann mais du maître allemand, qui refusait que Beethoven mette en musique son double drame.
J'ai quelque part une pensée pour Goethe, alors qu'humilié, meurtri par son vieux corps traitre à la jeunesse de son esprit, il aborda non sans hésitation la deuxième partie : Faust Zweite Teil. Ihr naht euch wieder, schankende Gestalten / Die fruh sich einst dem trüben Blick gezeigt. / Versuch' ich wohl, euch diesmal festzuhalten? Notamment la derniere période m'arrache les larmes des yeux : Ein Schauer fasst mich, Träne folgt den Tränen/, Das strenge Herz, es fühlt sich mild und weich;/ Was ich besitze, seh'ich wie in Weiten,/Und was verschwand, wird mir zu Wirklichkeiten.
Voici ma traduction, du simple, élémentaire, mot-à-mot.
Vous vous rapprochez de nouveau, formes vacillantes, qui autrefois apparutes à mon regard voilé. Essayerai-je vraiment, cette fois de vous saisir? ... Un frisson me saisit, la larme suit les larmes, ce coeur si fort, je le ressens doux et faible; ce que je possède, je le vois comme dans le lointain, et ce qui s'évanouit, deviendra pour moi réalité agissante.
Le deuxième Faust s'ouvre par un poème aussi émouvant : dans un paysage charmant, au crépuscule, Faust couché sur un lit de fleurs , las, agité, cherche le sommeil. Tout le poème se passe du crépuscule à l'aube, et Ariel détaille les différentes phases de la nuit.
Le choeur dit : Quand les airs s'emplissent de tiédeur/dans la clairière ceinte deverdure, avec ses douces senteurs, ses voiles de brumes, le crépuscule s'abaisse vers la terre. Puis, on avance dans la nuit : La nuit déjà s'est appesantie sur la terre, saintement l'étoile se joint à l'étoile... Puis : Déjà se sont évanouies les heures; Dissipées joies et douleurs, Pressens ta guérison prochaine; Aie confiance dans l'aube qui point.
Le son s'amplifie, le rythme s'agite dans la musique comme dans le poème : Les vallons reverdissent, les collines ondulent en vagues buissonnantes propi;ces au repos/ et dans le flot mouvant des vagues d'argent nage la semence vers la moisson.
Nous reviendrons sur ces vers mystérieux. Und in chwanke Silberwellen/Wogtdie Saat des Ernte zu.
On à l'unisson : Ecoutez, écoutez l'ouragan des heures!
Dans le volume XVI de L'entretien, p. 1697, daté de 372 avant 2000, j'ai trouvé une transposition des mots mystérieux:
LES VALLLES VERDOIENT:/LES CHAMPS SE FRONCENT:/ LES COLLINES ONDULENT:/ LES BUISSONS DANS L'OMBRE DISSIMULENT LEUR SECRET. Sous les vagues dorées de la chair, la semence vogue vers la matrice/pour des bonheurs féconds...Solitaire je veille inconscient de la fuite des heures n'écoutant que le vent qui me traverse, indifférent à mon bonheur, à mon malheur.
Le volume a été terminé le jour de Noël 1998.
J'écoutais la musique. J'étais ébranlé dans mes entrailles, et j'entendis enfin la voix lointaine de S*** qui me parlait de Dior. Je compris alors que j'errais dans un pays, dans une lande lointaine, mais qui était soudan devenue proche. Parler de futilité était devenu impossible, c'était dans un monde matériel, vivant. J'eus beaucoup de mal à l'extraire de cet état. Je crois que cette soirée cela me fut impossible. Je compris aussi la raison de mon faible succès auprès des femmes, autrefois. J'étais un étranger.
Tout à coup, pendant que je rédigeais la suite, au moins deux longs paragraphes, voici que subitement apparaît Google à la place, effaçant tout ce que je venais d'écrire ! Je suis trop fatiguer pour tout reprendre, je puis tout au plus vous annoncer que c'est avec vous que j'ai débuté la journée des mes soixante seize ans. Et j'en suis heureux. Auparavant j'avais des ennuis avec mon insertion, et mystérieusement mon billet se colorait de couleurs bariolées. C'est m'explique Emmanuel que j'utilise l'informatique du pauvre, mais que je n'ai pas à m'en faire, il est là. Mais lorsqu'il n'y est pas, ce qui était le cas hier soir et aujourd'hui je suis en panne!
Dès que l'insertion sera rétablie, je vous afficheri les coordonnées des disques et livrees à commander sur l'internet.
Bien fidèlement
Bruno Lussato.
Voici enfin les titres des disques et des livres vivement conseillés.
Ci dessus la distribution de la version Britten. Comme l'a fait Goethe, Schônberg a écrit un monument à l'écriture evanescente et informelle. Leibowitz comme Britten peuvent seuls nous livrer le secret de cette musique où tout fonctionne par allusion,et la musique informelle, considérée avec méfiance.
ci-contre, l'ouvrage traduit par Henri Lichtenberger, de loin la meilleure traduction
FIN. BL.
Saturday, 22 November 2008
CHRONIQUE
La désinformation des honnêtes gens
et autres réflexions à bâtons rompus.
Ce n'est point de la subtile désinformation fabriquée, pratiquée et diffusée par les professionnels en la matière, qui ne sont que rarement des barbouzes, mais de celle qui émane de votre collègue de bureau, vous savez qui. Mais oui c'est lui avec ses cheveux blonds coupés à ras, ses grands yeux sans malice, sa poignée cordialement gauloise, et son sourire si franc, que vous n'y voyez malice.
C'est aussi votre médecin, votre avocat, votre marchand préféré de saucisses ou votre antiquaire qui vous sert quotidiennement sous les bâches du marché de Deauville. Le grand problème est de détecter les failles de la désinformation, la fêlure, la petite contradiction interne. L'autre grand problème est de rompre avec le traitre! Mais qui retrouverez vous pour le remplacer? Un encore plus franc-honnête, ou un à qui on donnerait le bon Dieu sans confession? Graves dilemmes qui m'ont occupé ces jours-ci.
Mes tribulations à travers les nombreuses spécialités que j'ai dû explorer pour mes fondations m'ont apporté bien des enseignements sur les demi-mensonges et les demi-vérités prodiguées par les marchands. Ceux-ci pratiquent une sorte de malthusianisme envers leur collègues, mais ils risquent de perdrent la fidélité de leur meilleurs clients potentiels, ceux qui ne songent pas à marchander, mais sont avides de connaissance. Et s'il et un domaine où les mensonges ont les jambes courtes, c'est bien celui-là.
M. Baron me propose pour 125 000 FS le colosse de RHODES en vente chez Vinchon pour 38 000 €. Certes, on ne peut nier que le premier exemplaire soit meilleur de style et de netteté de frappe. Mais Mme Berthelopt me fait remarquer que la fleur a subi un beau coup. Je ne l'avais pas remarqué, mais à présent je ne vois plus que lui. Je téléphone à Baron, qui a été frappé d'un aveuglement sélectif : il ne voit pas le coup! Il prétend qu'il n'existe pas, mais qu'il va se renseigner.
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►Voir ci-contre la photographie du choc
En ce qui concerne la pièce gauloise de Paris, dont on nous dit qu'il n'y a que dix exemplaires, j'apprends que le modèle comprend six variantes, nommées classes. L'ex.Vinchon du mois d'octobre appartenait à la classe 5, celui de Genève, à la classe 2. Qu'est-ce que cela signifie? Il y a bien une étude qui fait foi, mais nul ne l'a. Difference de prix : entre 75 000 FS et 15 000 euros !
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Ceci est une bonne mise en garde contre les chausse-trappes qui guettent l'évaluation ii. ii dépend de la rareté de l'objet, mais qu'est-ce qu'un objet? Faut-il compter d'infimes variantes comme autant d'objets? Cela permet d'affirmer aux organisateurs de la vente de Genève qu'ils présentent une pièce extrêmement rare.En fait le premier parisiis. est un classe 5, infiniment moins rare et moins abouti que le classe 2 du second, ce qui explique une forte différence de prix.
LE CAS DU BREVIAIRE DU XIII ème siècle.
Ce prestigieux document vient de se vendre à Drouot (vente du 18 Novembre 2008). Bréviaire à l'usage de Paris. Début du XIVe siècle en un fort volume in-8o (127 x 195 mm) de 527 feuillets de parchemin calligraphiés et enluminés, reliure du XVe siècle.
J'avoue avoir été désagréablement surpris par la qualité de la reliure et surtout son état, et la taille réduite des feuilles qui généralement exigent de grandes marges. Restait à scruter l'imagination et le style des feuillets. Signalons cependant que ce bréviaire estimé 100 000 / 150 000 € a été vendu à X*** pour 1 500 000 € soit 1.800 000 € et remis en vente pour la modique somme de 30 000 000 €. Je m'abstins au grand soulagement du marchand qui l'avait acheté, car elle était promise à la puissante fondation G*** avec qui il voulait entretenir les meilleures relations, et on le comprend.
Voici un exemple de feuillet.
Comparons cette page à un manuscrit présenté par le marchand le plus célèbre pour sa sophistication et son exigence de qualité, ... pour ses prix également. Je veux parler de Héribert Tenschert
Il me propose une Bilia Sacra; Paris ca. 1250-1260 en deux volumes. Manuscrit enluminé sur peau de vélin avec 81 initiales historiées et plus de 80 initiales ornementales. Etat imessable et pratiquement non rogné. Sur brun et rouge sur parchemin, en une textura gothique. Bien que de Paris, elle a été illuminée peut-être à Rouen ou par des Maîtres du Nord.
Elle comporte des centaines de figures fantastiques dans les marges, et cite des éléments figuraitfs (dragons, serpents, personnages de fable). 683 pages dont une double page en parchemin comme frontispice. Le volume I a une reliure ancienne, le volume II moderne. Folio (ca 290 x 192 mm), complet. Reliure par Devauchelle dans le style du XVe siecle.
Il est incontestablement difficile de départager les deux livres. L'un a une reiure d'époque ( en pietre état ) et une beaucoup plus grande richesse mais plus petite et un siecle plus tard, ce qui ne se voit guère à l'oeil du public.Elle coûte 3 000 000 € .L'autre a une reliure en pastiche, et plus de sobriété, de grand format et ne coûte que 12 000 €.
BIBLIA SACRA TENTSCHERT
LETTRINE BREVIAIRE DROUOT
Comment départager les pour et les contre le manuscrit G*** ?
Je vous laisse chercher et je vous dis bonne nuit.
Bruno Lussato
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