CHRONIQUE
La désinformation des honnêtes gens
et autres réflexions à bâtons rompus.
Ce n'est point de la subtile désinformation fabriquée, pratiquée et diffusée par les professionnels en la matière, qui ne sont que rarement des barbouzes, mais de celle qui émane de votre collègue de bureau, vous savez qui. Mais oui c'est lui avec ses cheveux blonds coupés à ras, ses grands yeux sans malice, sa poignée cordialement gauloise, et son sourire si franc, que vous n'y voyez malice.
C'est aussi votre médecin, votre avocat, votre marchand préféré de saucisses ou votre antiquaire qui vous sert quotidiennement sous les bâches du marché de Deauville. Le grand problème est de détecter les failles de la désinformation, la fêlure, la petite contradiction interne. L'autre grand problème est de rompre avec le traitre! Mais qui retrouverez vous pour le remplacer? Un encore plus franc-honnête, ou un à qui on donnerait le bon Dieu sans confession? Graves dilemmes qui m'ont occupé ces jours-ci.
Mes tribulations à travers les nombreuses spécialités que j'ai dû explorer pour mes fondations m'ont apporté bien des enseignements sur les demi-mensonges et les demi-vérités prodiguées par les marchands. Ceux-ci pratiquent une sorte de malthusianisme envers leur collègues, mais ils risquent de perdrent la fidélité de leur meilleurs clients potentiels, ceux qui ne songent pas à marchander, mais sont avides de connaissance. Et s'il et un domaine où les mensonges ont les jambes courtes, c'est bien celui-là.
M. Baron me propose pour 125 000 FS le colosse de RHODES en vente chez Vinchon pour 38 000 €. Certes, on ne peut nier que le premier exemplaire soit meilleur de style et de netteté de frappe. Mais Mme Berthelopt me fait remarquer que la fleur a subi un beau coup. Je ne l'avais pas remarqué, mais à présent je ne vois plus que lui. Je téléphone à Baron, qui a été frappé d'un aveuglement sélectif : il ne voit pas le coup! Il prétend qu'il n'existe pas, mais qu'il va se renseigner.
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►Voir ci-contre la photographie du choc
En ce qui concerne la pièce gauloise de Paris, dont on nous dit qu'il n'y a que dix exemplaires, j'apprends que le modèle comprend six variantes, nommées classes. L'ex.Vinchon du mois d'octobre appartenait à la classe 5, celui de Genève, à la classe 2. Qu'est-ce que cela signifie? Il y a bien une étude qui fait foi, mais nul ne l'a. Difference de prix : entre 75 000 FS et 15 000 euros !
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Ceci est une bonne mise en garde contre les chausse-trappes qui guettent l'évaluation ii. ii dépend de la rareté de l'objet, mais qu'est-ce qu'un objet? Faut-il compter d'infimes variantes comme autant d'objets? Cela permet d'affirmer aux organisateurs de la vente de Genève qu'ils présentent une pièce extrêmement rare.En fait le premier parisiis. est un classe 5, infiniment moins rare et moins abouti que le classe 2 du second, ce qui explique une forte différence de prix.
LE CAS DU BREVIAIRE DU XIII ème siècle.
Ce prestigieux document vient de se vendre à Drouot (vente du 18 Novembre 2008). Bréviaire à l'usage de Paris. Début du XIVe siècle en un fort volume in-8o (127 x 195 mm) de 527 feuillets de parchemin calligraphiés et enluminés, reliure du XVe siècle.
J'avoue avoir été désagréablement surpris par la qualité de la reliure et surtout son état, et la taille réduite des feuilles qui généralement exigent de grandes marges. Restait à scruter l'imagination et le style des feuillets. Signalons cependant que ce bréviaire estimé 100 000 / 150 000 € a été vendu à X*** pour 1 500 000 € soit 1.800 000 € et remis en vente pour la modique somme de 30 000 000 €. Je m'abstins au grand soulagement du marchand qui l'avait acheté, car elle était promise à la puissante fondation G*** avec qui il voulait entretenir les meilleures relations, et on le comprend.
Voici un exemple de feuillet.
Comparons cette page à un manuscrit présenté par le marchand le plus célèbre pour sa sophistication et son exigence de qualité, ... pour ses prix également. Je veux parler de Héribert Tenschert
Il me propose une Bilia Sacra; Paris ca. 1250-1260 en deux volumes. Manuscrit enluminé sur peau de vélin avec 81 initiales historiées et plus de 80 initiales ornementales. Etat imessable et pratiquement non rogné. Sur brun et rouge sur parchemin, en une textura gothique. Bien que de Paris, elle a été illuminée peut-être à Rouen ou par des Maîtres du Nord.
Elle comporte des centaines de figures fantastiques dans les marges, et cite des éléments figuraitfs (dragons, serpents, personnages de fable). 683 pages dont une double page en parchemin comme frontispice. Le volume I a une reliure ancienne, le volume II moderne. Folio (ca 290 x 192 mm), complet. Reliure par Devauchelle dans le style du XVe siecle.
Il est incontestablement difficile de départager les deux livres. L'un a une reiure d'époque ( en pietre état ) et une beaucoup plus grande richesse mais plus petite et un siecle plus tard, ce qui ne se voit guère à l'oeil du public.Elle coûte 3 000 000 € .L'autre a une reliure en pastiche, et plus de sobriété, de grand format et ne coûte que 12 000 €.
BIBLIA SACRA TENTSCHERT
LETTRINE BREVIAIRE DROUOT
Comment départager les pour et les contre le manuscrit G*** ?
Je vous laisse chercher et je vous dis bonne nuit.
Bruno Lussato