Monday, 15 October 2007
Le deuxième mouvement du Chant de la Terre
Le deuxième mouvement du Chant de la Terre est un mouvement lent, et cela se sent dans le texte, en violent contraste avec la Chanson à boire aux malheurs de la terre. De même que l'autre adagio, conclusif, le poème n'est pas de Li-Tai-Po et ne figure pas dans la traduction française de la Flûte de Jade par Frantz Toussaint. On ne saurait mieux exprimer la solitude qui frappe lorsque vient l'âge des regrets et que l'on notait déjà dans la dédicace de Faust. La musique transfigure un texte dont l'envergure poétique est au dessous d'un Verlaine, et la hisse à un niveau encore supérieur, tout en faisant corps avec elle. La musique devient poésie et le poème symphonie.
Le solitaire en automne D'après Chang-Tsi (1560 - 1618 )
Introduction orchestrale
Les brouillards bleuâtres de l'automne flottent sur le lac
La gelée a touché toutes les herbes:
On dirait qu'un artiste a répandu de la poussière de jade
Sur les précieuses floraisons
Le doux parfum des fleurs s'est évanoui
Le vent froid courbe leurs tiges.
Bientôt les feuilles d'or des fleurs de lotus,Introduction orchestrale
fanées,tomberont dans l'eau.
Mon coeur est fatigué. .....................
Reprise de l'introduction orchestrale
............................... ma petite lampe
s'est éteinte en grésillant,je pense au sommeil.
Je viens à toi, demeure bien-aimée!
Oui, donne-moi le repos : j'ai besoin de réconfort !
Je pleure beaucoup dans mes solitudes.
L'automne dans mon coeur persiste trop longtemps.
Soleil de l'amour, plus jamais ne brilleras-tu de nouveau
pour doucement sécher mes larmes amères?
Postlude orchestral
L'art chez les (très) riches
Suggestion ou autosuggestion?
Frédéric Bonnet débarque de Mexico, tout excité. Il a fait l'inventaire d'une des plus importantes collections d'art contemporain du pays afin d'en choisir les meilleures pièces pour monter une exposition qui fera date. Le collectionneur est l'héritier d'une fabrique de jus de fruits, dont je suppose celui de la passion. Il habite Los Angélès dont il ne bouge pas, alors que le gros des oeuvres et dans ce pays qu'il évite pour des raisons de sécurité. Son ambition : constituer une collection qui compte dans le monde, à l'exemple de Pinault, d'Arnaud pour ne citer que les deux seuls mécènes Français.
La collection comprend trois cent pièces majeures, ce qui est suffisant en effet pour attirer un public de connaisseurs. Le reste est constitué de 1700 oeuvres sans qualité, dont une majorité d'horreurs. Par ailleurs la sélection a été établie dans le désordre total, sans aucun plan muséal ou pédagogique. Le mécène a acheté au nez, à l'inspiration, d'après des propositions filtrées par sa directrice qui n' apparemment aucune initiative. Le pire du pire est mexicain et correspond sans doute au goût inavoué du mécène pour ce qu'il est capable de comprendre. Le médiocre vient des galéristes qui font la cour au bonhomme, et profitent de son ignorance pour lui fourguer des oeuvres secondaires de grands noms. Le choix du mauvais vient de la mode, d'artistes dont le look et le chic tiennent lieu de génie. Ceux qu'un très riche doit avoir dans sa collection. Il y avait Clemente naguère à New York, il y a Murakami partout.
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Sunday, 14 October 2007
Poésies chinoises
Vincent à propos de facebox me rappelle qu'il est exempt de toute tentation nombriliste, dont ce blog n'est pas exempt. Voici une recommandation qui ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Mon histoire personnelle ne peut intéresser que pour autant elle peut illustrer un propos d'intérêt général, culturel ou médiatique. Malheureusement la tentation est grande de se confier dans les recoins cachés, bouteille à la mer, chant suspendu. Il est vrai que le motif en est la douleur et non le triomphalisme, l'un excluant l'autre. Mais pourquoi se plaindre. Une poésie chinoise m'admonestait :
J'ai laissé en route maints compagnons de ma jeunesse. Ceux-là du moins ne souffrent plus. Ceux-là ont trouvé le repos.
Mais debout lâche voyageur!
Le printemps revient pour toi, les roses vont sépanouir pour toi, et tu voudrais mourir? Sors dans la plus suave nuit de l'année... Il pleut des fleurs de pruniers, qui sécheront tes larmes d'enfant.
La Flûte de Jade. Tai-Chou-louen 942-981. Dans une hôtellerie.
Mais nous sommes en automne, aux portes de la saison que j'appréhende, moi, un amoureux du printemps. A quoi bon de se plaindre alors que le poète vous prête ses mots et ses images. A ce propos, pensez vous que les lettrés capables de tels sentiments, et de les exprimer de façon si simple, si pudique, si sensible, sont les ancêtres des commerçants avides, de la soldatesque sadique qui opprime le Tibet, des financiers ignares et sans scrupules? Où sont les poètes d'antan. Il est vrai qu'on peut en dire autant de la Grèce : où sont passés les Aristote, les Phidias, les Eschyle? Le SMS a tout détroné. Certes Vincent ou poil à gratter ont beau jeu de me dire qu'un média en vaut bien un autre, et popol que le chiffre d'affaires d'Eschyle ne pèserait guère comparé à celui de Madonna. Que voulez-vous répondre à cela?
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Saturday, 13 October 2007
Le Chant de la Terre de Gustav Mahler
Quand le chagrin approche,
Wen des Kummer naht
Les jardins de l'âme gisent déserts.
liegen wüst die Gärten des Seele,
Li TAi PO et le post romantisme
Les poètes chinois de l'époque Song à la fin du XIXe siècle, sont souvent très proches de notre sensibilité, la phraséologie en moins. Sans sacrifier à l'émotion ( ce que font quelquefois les hai ku japonais) ils recherchent la concision ainsi qu'on peut le constater dans le billet sur la Flûte de Jade. C'est cette veine post romantique qui a inspiré la traduction de Hans Bechtle, dont l'atmosphère sentimentale jette un pont entre le laconisme de Li Tai Po, le plus grand poète chinois, et la musique du Chant de la Terre.
Nous proposons ici le poème original du Chant de la terre par Bechtle, et l'original de l'original traduit par Franz Toussaint (Editions Piazza).
Continuer à lire "La poésie derrière la poésie 1"
Le chant de la Terre
de Gustav Mahler.
Das Lied von der Erde. Otto Klemperer, Christa Ludwig, Fritz Wunderlich. Philarmonia orchestra. EMI Classic
On peut considérer le Chant de la Terre, comme le négatif de la Neuvième Symphonie de Beethoven. Celle-ci partant du désespoir parvient au prix de longues luttes tragiques à "la divine étincelle de l'Elysée". Celle-là, partant semblablement du désespoir, sombre dans la dépression et la mort. Deux neuvièmes, car Mahler par superstition évita de nommer ainsi le Chant de la Terre, plusieurs compositeurs : Beethoven, Schubert, Bruckner, n'ayant pas franchi le seuil fatidique. La ruse se révèlera inopérante et la mort sera à Samarkande. La dixième restera inachevée comme celle de Beethoven. Deryk Cooke complètera le deux ébauches, celle à peine esquissée de Beethoven, celle plus aboutie de Mahler.
Le Chant de la Terre est une vraie symphonie en quatre mouvements. Le premier agité est une chanson à boire sur les malheurs de la terre. Le second décrit la solitude du poète au printemps et sous la désolation perce par endroit une douce nostalgie, celle des jours anciens. Le troisième mouvement est un tryptique un peu ironique, une méditation sur la beauté, la jeunesse et l'ivresse. Le dernier mouvement en deux parties se nomme l'adieu. Les deux parties sont contradictoires. La première est un monologue de l'artiste qui attend l'ami pour le dernier adieu. La seconde est distanciée. C'est l'ami qui rapporte les paroles du poète Entre les deux parties, un interlude est censé évoquer l'approche de celui tant attendu. C'est une marche funèbre d'une douceur déchirante, aux sons âpres, aux mélodies descendantes aigres-douces, l'équivalent au négatif de l'ode à la joie, et à mon avis d'une splendeur équivalente.
Continuer à lire "Accéder à la culture, la discothèque 3"
Une communication à mes amis
Ainsi que vous pouvez le constater, il est exactement cinq heures du matin. Depuis minuit, se sont branchés sur ce blog 163 noctambules. C'est à eux que le m'adresse. Le titre provient d'un écrit de Wagner, qui, inlassablement, avait besoin de s'exprimer sur la signification de son grand projet du Ring. Ce dernier fait partie des oeuvres les mieux documentées qui soient. Le maître de Bayreuth n'a point été avare en indications de toutes sortes, sur le sens, sur le style, sur l'interprétation et la dramaturgie. L'oeuvre est en effet totalement intégrée et caculée à la seconde près, ce qui lui coûta un labeur titanesque. Il répétait qu'il serait difficile de trouver une seule note qui ne soit engendrée par les précédentes, et qui n'enfante pas les suivantes. Pour arriver à ses fins, il construisit un théâtre sur mesure, il multiplia les répétitions, pensa même ouvrir une école de chant pour former les acteurs-chanteurs selon ses exigences.
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