Monday, 10 September 2007
Défense et illustration du snobisme
Suite du journal du 9 septembre 2007
Me trouvant avec Marina Fédier dans le hall du Royal, je tombai sur la queue de la comète, le sillage des people, ceux qui s’attardent encore alors que les vedettes sont parties. Vous avez deviné : ce sont les snobinards et les poseurs. Nous en avons détecté trois beaux spécimens particulièrement antipathiques : un homme jeune, deux femmes presque jeunes. J’ai demandé à Marina, à partir de ces trois créatures, d’essayer de formaliser ce qui la poussait à les qualifier de snobs puants.
Elle fut embarrassée car ce ne sont que des constellations de traits distinctifs, en eux-mêmes inoffensifs, mais qui intégrés en une structure mimétique, donnent le bobo parfait (au Normandy) ou le Jet Set People idéal, (au Royal.) Mais ce qui est décourageant dans cette onde de forme qu’est le snobisme, est qu’elle est partout à la fois, et ceux qu’elle investit peuvent être, riches et pas riches, élégants et miteux, classe et malotrus, nobles et pas nobles, (car on a beau dire que snob, dérive étymologiquement de sans noblesse, les aristocrates sont bien pourvus de cet attribut), .Devant tant de confusion je suggérai alors à Marina de réduire par l’observation le paquet d’ondes du snobisme, pour le concentrer dans une particule dense et concrète : le snob en chair et en os. Et il y en avait précisément trois devant nous. Voici une idée de notre dialogue.
Marina F.
- Je ne peux définir pourquoi ils sont snobs, ça ce sent, ça vous frappe !
Bruno L.- Commençons par le premier spécimen. Décrivez-le.
M.F. - C’est un beau garçon, grand, sûr de lui, l’air sportif, les cheveux blond foncé ondulés.
B.L. - Sa tenue peut-être ?
M.F. - Lunettes noires…
B.L. – Dans un hall sombre…
M.F. – Un chandail bleu ciel, un jean de bonne qualité, des joggings, rien de spécial.
B.L. – Et les autres ?
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Annette Messager. Les Messagers
Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 17 septembre
L’exposition d’Annette Messager qui se tient au Centre Pompidou est un formidable événement. Si l’on ne l’a pas encore vue, il faut y courir avant la fermeture.
Il est toutefois regrettable qu’une œuvre d’une telle ampleur ait dû se contenter des galeries sud du Centre Pompidou, alors qu’elle aurait plus qu’amplement mérité une grande rétrospective au 6e étage !
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
La présentation concentre les principales préoccupations d’une artiste partie d’un questionnement sur l’identité féminine à travers l’exploration des univers stéréotypés, à des œuvres beaucoup plus graves, macabres voire cruelles, tels ces animaux hybrides, sur les corps empaillés desquels sont greffées des têtes de peluches.
Ne négligeant pas une certaine théâtralité, en parfaite adéquation avec l’univers sombre qui caractérise son œuvre, Annette Messager s’est depuis deux décennies lancée dans de grandes installations, où souvent l’ambigu règne en maître. Organes et morceaux de corps en suspension y sont légion, provoquant des visions parfois troublantes et toujours empreintes d’un très fort impact.
Articulés-Désarticulés, 2001-02
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Je reproduis ci-dessous le texte d’un entretien réalisé avec l’artiste en 2005, quelques semaines avant la Biennale de Venise où elle obtint le Lion d’Or avec la Pavillon français.
Des méandres et des recoins
On a connu Annette Messager Truqueuse, Collectionneuse, Amoureuse… à la faveur d’œuvres de jeunesse où ses « albums-collections » rassemblaient des constats acides et lucides sur la condition féminine et ses désirs. On a vu des fragments corporels raconter des histoires. On a traversé des « forêts » de peluches et d’animaux métamorphosés. On a visité des organes disproportionnés… Les atmosphères sont toujours étranges, parfois inquiétantes. Comme si un théâtre d’ombres nous dévoilait soudain sensations et sentiments enfouis ou occultés.
Lancée depuis toujours dans une recherche de l’être via la prospection de l’intime, Annette Messager use d’une veine toute personnelle, à la fois fantastique et attractive, qui ouvre une porte sur les dérèglements du monde et les arbitraires de la peur.
Elle est aujourd’hui, en 2005, la première femme à représenter la France à la Biennale de Venise, la plus prestigieuse des biennales d’art contemporain ! À la veille de l’ouverture, retour sur un parcours fort et prégnant, parce que troublant et cohérent.
Pour quelles raisons la question de l’intimité, de l’exploration de l’être au plus profond, traverse-t-elle sans relache l’ensemble de votre œuvre ?
Il n’était pas si évident d’être une jeune femme artiste dans les années 70 en France, et je n’avais pas de référence de cet ordre. Je me posais beaucoup de questions. J’ai donc essayé d’interroger les autres, ma culture, mon environnement, les journaux, pour voir comment on définissait une jeune femme de l’époque. Et souvent, assez ironiquement, j’ai pris le sens inverse, j’ai joué en fait. Il était plus facile de parler de son intime, de son quotidien, en littérature que dans les arts plastiques. J’ai essayé de le faire tout en jouant complètement sur le faux : ce n’est jamais moi mais en même temps c’est moi. Je me suis dit « je vais me donner de multiples personnalités, de multiples identités, m’inventer des hommes que j’aime, une vie tout à fait normale de jeune femme. » J’étais peut-être plus femme dans mon travail que dans ma vie. J’ai commencé à dire « je », « moi », « mes ». J’ai beaucoup employé le possessif, d’une manière très agacante. J’ai tout fait pour être agacante.
Cherchiez-vous à créer un ou des personnages ?
Les femmes sont multiples et ont peut-être plus de choses dans la tête : le travail, la vie amoureuse, les amis, la cuisine… Je me disais qu’Annette Messager était tout à la fois une midinette, quelqu’un qui veut être artiste, qui veut séduire… Je disais que je voulais être belle et rebelle plutôt que moche et remoche !
Vous situiez-vous dans une perspective féministe, et notamment dans la dénonciation de la violence sociale faite aux femmes ?
J’ai toujours été dans la dénonciation très souterraine. Je préfère prendre le problème à l’envers et par en-dessous plutôt que de dénoncer brutalement.
Au regard de votre carrière, avec des rendez-vous prestigieux à l’étranger comme la Documenta ou une exposition personnelle au MoMA, êtes-vous satisfaite d’être devenue artiste ?
Je pense n’avoir pas trop trahi mes désirs de jeunesse, et je crois avoir toujours été libre. J’ai la chance extraordinaire de faire ce que je veux, de continuer. Cette liberté est formidable dans une vie. Je ne vais pas m’en plaindre ni me plaindre que préparer la Biennale de Venise c’est lourd. Oui c’est lourd, mais en même temps c’est amusant. Il faut prendre les choses avec un peu de légèreté.
Venise est un enjeu important.
Une exposition est toujours un enjeu. Il est vrai que Venise c’est lourd parce qu’on sait que ce sera très vu. Parfois c’est dans de petites expositions, où il y a peu de moyens, qu’une sorte de légèreté et de magie s’opèrent.
Beaucoup de votre travail est lisible par le biais du conte, de la fable, du récit. C’est pour raconter des histoires ?
J’aime bien me raconter des histoires. J’aime les clichés, les proverbes. Les histoires d’enfants c’est monstrueux. Psychanalytiquement il y a toute notre société dans les contes de fées. Cela m’a toujours intéressée et c’est souvent un point de départ. Pour Venise c’est la même chose, je prends un petit héros légendaire et puis je fais mon histoire. Et pour ce faire je cherche une forme à moi, qui colle avec ce qu’on est, à notre époque. La forme pour la forme m’importe peu. Ce sont nos histoires, nos peurs, nos angoisses qui m’intéressent.
Il y a chez vous beaucoup de méandres et de recoins.
Oui j’aime beaucoup les labyrinthes, je ne suis pas du tout linéaire. Je ne m’en rends même pas compte, mais je sais que je n’aime pas les accès directs. J’aime les endroits un peu cachés, sombres, pas la forte lumière. Je suis dans les choses un peu souterraines, occultées, à ressorts.
Vous tendez aussi vers un aspect un peu fantastique.
Oui, nous avons tous en nous un côté noir.
Vous cultivez ce côté-là ou ressort-il spontanément ?
Non il ressort comme ça. Peut-être qu’en vieillissant ça s’accentue. Je trouve que le monde va très mal, mais si je ne voyais que ce côté dans l’humain je ne ferais rien.
Pensez-vous qu’on puisse aborder notre vie d’humain via la métamorphose ?
Nous entrons dans une époque de plus en plus post-humaine et je m’intéresse justement beaucoup à l’aspect métamorphose. On peut tout se changer physiquement, se changer les organes… Et tout cela est irréversible. Il y a peut-être déjà des clonages humains. C’est passionnant mais effrayant car un nouvel être humain est en train de se constituer.
C’est ce qui vous a conduite à explorer le revers monstrueux du corps dans vos pièces où il est éclaté, les organes détricotés ou suspendus ?
Mais le corps est monstrueux. Le corps, les organes… on ne veut pas savoir ce qui se passe à l’intérieur. Pourtant j’aime beaucoup les monstres, parce que le monstre est peut-être ce qu’il y a de plus humain. Frankenstein est fabriqué de toutes pièces. Il est à la fois gentil, balourd, maladroit. C’est une pauvre chose simulacre de nous-mêmes.
Diriez-vous que votre travail est devenu plus grave au fil du temps ?
Vous n’avez pas tort en disant qu’il est devenu plus grave mais en même temps il est devenu plus ludique, justement en jouant plus avec des choses graves. Le ludique permet de faire passer plus facilement des choses difficiles.
De toute façon on joue beaucoup à cache-cache dans votre œuvre.
Oui, car je pense que les choses cachées sont ce qu’on a le plus envie de voir. On est toujours attiré par ce qu’on ne peut pas voir ou qui est défendu.
Vous avez envie de montrer des choses défendues ?
C’est ce qui m’intéresse le plus.
Chimères, 1982-84
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Sunday, 9 September 2007
Chronique
On trouvera en cliquant sur l'index ►♦♦♦ un billet très spécialisé et que je ne destine qu'à ceux qui s'interessent de très près à la genèse de l'Entretien. Contenant des références personnelles il n'a pas sa place dans le flux normal du blog, qui interdit toute manifestation d'ego et toute allusion à la personnalité du blogueur.
Queue de festival
Je suis arrivé à Deauville le dernier jour du Festival du cinéma américain. C’est une tentative méritoire de madame d’Ornano pour donner un nouvel éclat à ce XXIe arrondissement de Paris. Au crédit : une activité sympathique pour les résidents, beaucoup d’animation, une ambiance internationale, une touche de show biz et de people, et, justifiant ce festival un magnifique ensemble à demi enterré et d’une envergure disproportionnée par rapport à l’événement. Car, il ne faut pas nous dissimuler, que ce festival n’est que l’ombre des « vrais » : Hollywood, Venise, Cannes où l’on donne en première vision des films que l’on va récompenser par des oscars, des lions d’or, par des césars… A Deauville on en fait qu’assister à la première vision … française de films que les vrais people ont vu ailleurs. Il ,ne s’agit donc de nouveautés que pour les franchouillards, les snobs au petit pied, et les estivants de Deauville dont la distinction n’est pas le caractère dominant.
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Saturday, 8 September 2007
Chronique
Vous avez certainement noté l'incohérence des dates des journaux, en avance de deux jours sur la date exacte. La rectification a été faite. Ainsi que vous le constater, à force de parler de physique quantique et de suspension du temps, on est gagné par la contagion.
Le mystère du nombre de visites pour les billets reste entier. A 6h59 exactement, le premier billet de Marina Fédier : le Yin et le Yang a atteint les 2000 visites alors que les autres qu'elle a écrit se situent au dessous des 200. Ce curieux phénomène s'est déclenché voici quelques jours, et le score du Yin et du Yang, progresse beaucoup plus vite que tous les autres billets les plus lus (plus de 200 visiteurs supplémentaires par jour). Si cela continue Marina risque de détrôner le billet le plus lu : des rires et des larmes, qui dépasse les 3000 visites.
La feuille de route imaginaire du Président Sarkozy
Notre nouveau président accumule les succès médiatiques et sa réputation internationale est extraordinaire. Partout à la fois, il siphonne l'air vital de ses adversaires, et même de ses partisans. Il parvient à donner un espoir à de nombreux français et on ne peut nier que la fonction présidentielle ait pris un coup de jeune. Avec beaucoup de courage, Nicolas Sarkozy a affirmé les valeurs de Force de la terre: le travail, la méritocratie, la défense des PME et des donneurs d'emploi, la lutte contre l'assistanat systématique et la lutte des classes qui pourrit la legislation du travail et les juges anti-entreprise. La majorité de la population le suit, car elle a pris conscience, et cruellement, de la nécessité de redevenir un pays normal, occidental et évolué. L'expression exception française apparaît maintenant comme chargé de connotations négatives. Par ailleurs la politique d'ouverture du président est on ne plus réelle quelle que soient ses motivations. Alors qu'on avait proclamé que Nicolas Sarkozy ne sait pas écouter, qu'on avait prédit l'avènement d'un état totalitaire UMP, faute de pouvoir persister dans ce procès d'intention on se concentre sur le rôle formel de Cecilia lors de son sauvetage des otages bulgares, ou des vacances prises chez des amis, sans qu'il en coûte un euro à l'état. C'est en effet un cuisant démenti qui a été infligé aux prophètes de malheur qui n'hésitaient pas à comparer Sarkozy à Hitler (cf. Larmes et pleurs, le Hit parade des billets). Partout où le président est passé, et il est passé presque partout, il a apporté la conciliation, le respect, et un optimisme dont on avait bien besoin. Les réflexions qui suivent, combinent une expérience personnelle récente et ses prolongements à l'intention du Président.
Le basculement
J'ai vécu une expérience extraordinaire cette semaine. Depuis quelques mois je suis en contact avec un personnage de premier plan. Ce chinois issu d'une vieille dynastie impériale et parlant le mandarin, est accoutumé à survivre dans un milieu très dangereux, et la clé de sa puissance et son succès est la méfiance. Il vient d'un pays communiste où jadis les enfants dénonçaient les parents, l'ami trahissait l'ami, l'obligé, son bienfaiteur. Entouré de parasites, comme tous les puissants il savait que la cupidité, l'intérêt et l'avidité se dissimulaient à peine derrière les manifestations flatteuses et empressées de son entourage. L'intox et la désinformation étaient une seconde nature chez lui comme chez ses pairs.
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Friday, 7 September 2007
De la superficialité des critiques et des mélomanes
Dialogue à trois, Valery Gergiev, Bill Viola, Bruno Lussato
Se reporter au billet suivant :►♦♦♦
Je ferais certainement un mauvais journaliste. Au lieu de saisir, crayon à la main les moindres propos des deux illustres artistes, le chef d'orchestre et le vidéaste, l
j'ai été happé par l'échange passionné entre Valery et Bill. Devenu protagoniste, bien modeste, je ne pouvais être à la fois dedans et dehors. Il ne me reste à l'état de souvenir que des lambeaux d'assertions, de réfutations, de rectifications, de références croisées. Je vais essayer de restituer quelques pièces d'un puzzle incomplet en priant le internautes de pallier à ma négligence, en réorganisant à leur manière, ces phrases éparses.
Un point de départ a été le commentaire prétentieux et imbécile qu'Herbe m'a communiqué et dont les nobles incompétences ont vu dans la transfiguration du corps de Tristan, un rappel d'une publicité pour aqua selzer. ►♦♦♦ Ce n'est pas aussi raffiné que l'interprétation à partir de la métaphore quantique, mais on fait ce qu'on peut même et surtout si on peut peu. Gergiev et Viola insistent beaucoup sur l'incroyable raffinement de la partition de Tristan, il n'est pas une note, une nuance, un mot, qui ne soient pas à leur place. Ce qui étonnerait bien des spectateurs qui interpretent la musique comme un magma informel, jouant sur les instincts et plongeant l'esprit dans une sorte de torpeur dissolvante.
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Thursday, 6 September 2007
Bill Viola, Tristan et Heisenberg.
Réduction des ondes de forme, physique quantique et la mort d'amour dans Tristan et Isolde.
Ci-contre, à partir de la gauche, Catherine Barré présidente de l'association du Mariiensky, Marina Fédier, Bill Viola, Mme Viola, Bruno Lussato.
Compte rendu sommaire du dialogue entre Bill Viola et Marina Fédier.
Bill Viola évoque devant MF des détails de sa carrière. Il est très attaché à ses maîtres. Il commença par étudier de la publicité, lorsqu'il tomba sur un professeur quelque peu excentrique qui l'encouragea à faire des études expérimentale. Elles eurent lieu dans la cave de l'université et ce fut une première étape qui lui ouvrit la porte. L'influence de Jack Nelson fut déterminante. Il commença alors à écrire son propre journal et à la fin de ses études universitaires il étudia la musique et fréquenta David Tudor et Merce Cunningham. Notamment la musique électronique le fascinait et il créa un atelier composé de cinq à six jeunes qui s'interessrent aux objets vibrants. C'était pendant les anné es 1970, 1980. C'est en 1980 qu'il fit partie de cinq artistes qui obtinrent une bourse pour étudier au Japon dans le cadre d'échanges interculturel, ou cinq artistes japonais travaillèrent aux etats Uni. Il rencontra à ce moment sa femme, au cours d'un séjour en Australie. Il s'interessa en 177 à la vidéo et s'initia gâce à Sony au maniement des studios électroniques de montage.
La noyade
Lorsque j'étais petit, raconte Viola, je tombai dans l'eau d'un étang et sombrai jusqu'à une importante profondeur. Je fus sauvé par un oncle. Mais ce qui fut extraordinaire dans cette expérience, est que je n'éprouvai aucune frayeur, au contraire je me trouvai dans le paradis. Cette eau était l'eau de la vie.
- De l'eau vive ? dit Marina. - Oui c'est cela, de l'au vive. Sorti de là, je me mis à pleurer d'avoir laissé toutes les visions qui m'apparurent lorsque je me suis noyé. Car, je le répète, je suis tombé très profondément au fond de l'étang;
L'océan sans limites
Cette expérience a hanté ma vie jusqu'à aujourd'hui et elle inspire ma dernière installation dans l'église désaffectée de SanGallo à Venise, une toute petite église qu'on ouvrit pour moi. Elle comprend un écran vidéo situé tout au fond et les gens peuvent accéder un à un vers cet écran vidéo où ils ont une expérience bouleversante. Plus ils approchent de l'obscurité, plus ils traversent de l'eau vive, et parviennent alors à la lumière. Les ombres du début deviennent alors réalistes et en couleur.
23 Personnes de tous les ages, de toutes les conditions, de toutes les provenance, ont éprouvé cette expérience très profonde, cette sensation d'immersion que l'on voit au début du troisième acte de Tristan où au dessus de l'océan sans limites apparaît un nuage rose. Des gens tristes, ternes, découragés, viennent de tous les coins de la planète et passent à travers l'eau purificatrice et ils reviennent à la vie. Avant ils étaient morts à eux mêmes, après la purification, ils renaissent à la vie.
- Marina lui parle de l'eau vive, et Viola lui répond que c'est exactement cela qu'il a essayé de représenter. Il est très interessé par ce que Marina lui raconte de Matisse et de l'influence de sa femme qui l'a poussé à se retrouver lui-même dans son être essentiel.
Dans ma dernière installation, continue l'artiste, j'ai retrouvé les visions que j'ai éprouvé quand je me noyai. Le titre : Ocean without a shore, océan sans plage, évoque un grand tout illimité, non borné par une plage. A propos de Matisse, je suis frappé par votre image : Matisse assis devant l'arbre, sans bouger, le fixant si intensément qu'il finit par faire un avec lui. Faire corps avec la chose, c'est attiendre la réalité de la chose. Le savant, lui, avec ses intruments de mesure voit autre chose, une autre réalité. Moi, quelque soit ce que je vois, je tente comme Matisse, de voir derrière les apparences.
Les personnages reçoivent l'eau qui coule sur eux comme un voile,
Citations et lectures
Bill Viola à la demande de Marina, donne une liste de livres indispensables. Parmi eux :
A.K.Coomaraswamy (1889-1940) The Tranformation of NAture in Art. The Door in the Sky. Princeton University.
Seyged Sossein Nasr : Knowledge and the Sacred? Contemporary Phénomena.
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