Organisation
Friday, 31 August 2007
Le règne de la domotique
J'ai émigré à nouveau au Grand Hôtel de Divonne. J'essaie désespérément de commander mon repas dans la chambre, car les restaurants sont bondés si on ne réserve pas par informatique et à l'avance. Pour cela, il faut savoir utiliser l'ordinateur qui commande à la fois la télévision, les jeux, les menus informatiques, les menus culinaires, les films porno, d'horreur ou les BD, les services qu'offre la chaîne, la boutique, etc... Ne pouvant m'y retrouver, et n'ayant pas la possibilité de communiquer avec cette catégorie en voie d'extinction de bipèdes humanoïdes qu'on nomme maîtres d'E, je finis par mettre la main sur l'informaticien maison, ce qui n'est pas difficile, car les nouveaux hôteliers, s'ils ne savent pas servir, préparer un thé, essuyer un verre, ou débarrasser une table, au moins savent-ils jongler avec l'ordinateur maison.
Ils savent aussi comment commander un plat. Un de ces préposés hôteliers a l'obligeance de venir en chair et en os me montrer comment se servir de cet engin informatisé. Il suffit d'allumer, d'activer le bouton gauche, puis attendre, alors appuyer sur le bouton central, attendre qu'un sablier apparaisse, alors eureka! on n'a qu'à appuyer sur menu. Il me demande (en français) quelle langue je parle. Je lui réponds (également en français) que je parle le français. Après avoir choisi laborieusement cette langue (du russe au hongrois ou au swahili) et répondu, on fait défiler les services jusqu'à "service d'étage". Appuyer sur menu du soir et sélectionner : potages, viandes, poissons, fromages, entremets etc... Dans poissons choisir Ferra ou turbot, puis dans contours, patates frites ou salade mixte, valider et identifier votre code après avoir approuvé le montant de chaque plat... etc.
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Thursday, 30 August 2007
Les gargouillis du travailleur inconnu
En me promenant dans la ville, je rencontre un homme d'une cinquantaine d'années, un peu barbu, qui marche d'un bon pas. Je l'ai vu quelque part. Il me salue, hilare. Je le reconnais. C'est le valet de chambre, un employé chevronné de l'hôtel. Vous ici ? - Oui, je me suis fait mettre en arrêt maladie. - Vous avez quoi? Il hésite, puis me dit, toujours hilare : oh, vous savez? Dans mon estomac ça gargouille un peu, et dans le dos, ça gratouille. A mon âge, on a besoin de prendre de l'air. Ça fait du bien!
Il s'en va tout guilleret, la vie est belle; et puis, c'est Ramadan, me glissent tout à l'heure, d'un ton douceureux, deux charmantes hôtesses. Je veux bien, mettre cette maladie sur le compte d'une piété irresistible, mais alos, je pose la question : pourquoi notre fidèle ne travaille-t-il pas à l'Ascension, à Noël, à Paques? Un moyen de mettre un terme à ces fraudes pieuses, serait de déclarer fériés tous les jours de fête de toutes les religions. Pourquoi privilégier dans notre république laïque, la seule religion catholique, d'ailleurs en perte de vitesse ?
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Le Paradigme Necromonte. Au delà de la masse critique
Cinquième livraison
Necromonte
Nous allons à présent, mon garçon, aborder quelques mystères relatifs au dilemme macro-micro et aux catastrophes qu'il provoque.
Alexandre
En quoi est-ce lié à la bulle, Professeur?
Necromonte
Toute bulle est associée à un divorce entre le macro-tout et les méga-parties ou si tu préfères, la faille entre l'approche giga et l'approche micro. L'approche giga, c'est le modèle statistique qui sert aux prédictions des financiers, qui à leur tour inspirent les préconisations des banques commerciales aux particuliers.
L'approche micro, c'est le comportement concret, imprévisible, des investisseurs pris un à un, au moment ou ils prennent leur décision. Avant qu'ils prennent leur décision, et dans l'incertitude, tous les scénarios sont possibles. Pour réduire celle-ci, les mathématiciens bancaires utilisent des modèles statistiques orientés vers le passé et faisant totalement abstraction des propriétés spécifiques de chaque investisseur et de chaque décision qu'il prend. Or le comportement global prédit par les mathématiciens est composé de l'agrégation des comportements individuels tout en étant d'une nature totalement différente, irréelle, abstraite.
En d'autres termes les constituants concrets du marché, les décisions d'investissement, sont dues à des facteurs tels que la perception mentale et la mémoire court terme d'individus conscients, ignorés totalement par les modèles mathématiques. Or comme ces modèles sont dominants et imposés à tous les investisseurs via les banques d'affaires et les fonds, puis les banques commerciales, le mimétisme domine. Il suffit qu'un fonds soit recommandé pour que tous s'y engagent, et que de ce fait le fonds s'emballe. Ainsi se crée une bulle.
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Wednesday, 29 August 2007
VEINES DE DRAGON
Les peintres chinois de paysage appelaient ainsi les lignes de forces invisibles qui régentaient l’équilibre taoïste entre le plein et le vide ; les nuages et les ondes blanches et les rochers et les arbres noirs, l’immatériel et le dense, la nature omniprésente et les objets solides et ponctuels dont l’homme n’est qu’une partie. Il faut beaucoup de science, de conscience et de prescience pour détecter ces réseaux fantomatiques, bien plus subtils que les grilles un peu mécaniques qui sous-tendaient l’ordonnance formelle des tableaux occidentaux : proportions harmoniques et nombre d’or.
Nous venons d’achever notre séminaire ISD de l’année 2007 qui se tient comme à l’accoutumée à Divonne-les-bains pendant le mois d’Août. Les travaux de notre petit Think Tank sont scientifiquement, technologiquement, politiquement , etc. incorrects et se sont heurtés à la pire des attaques : la loi du silence. Les travaux annuels sont présentés sous forme de rapports à l’italienne, illustrés et imprimés en violet et en rose. On ne sait trop où les ranger, ce qui est le but du format. Je rappellerai que le premier rapport édité fin 1970 suscita un scandale en annonçant la fin de la suprématie des la grosse informatique et l’avènement de ce que nous avons appelé faute de mieux la « microinformatique ». Le terme depuis a fait son chemin et plus encore la chose. Depuis l’ISD s’est attaqué à d’autres problèmes, toujours de nature systémique. Lors de ma leçon inaugurale au CNAM, je prévoyais une double évolution du monde de l’entreprise : la déshumanisation, l’interconnexion systémique génératrice de discontinuités et de catastrophes (au sens de Thom). Le Monde (Jacqueline Grapin) et le Figaro (Alain Vernay) publièrent en première page mes sombres prédictions. Elles s’attirèrent une réponse violente de la part de Valéry Giscard d’Estaing, que je n’appréciais guère, et qui jugea mes idées néfastes pour la société. Il prévoyait lui, des lendemains qui chantaient, grâce à la haute technologie de l’informatique centralisée et à la télématique, issue du Plan Calcul.
Si je reviens sur ces points d’histoire, c’est que les prédictions jugées pessimistes et passéistes, sont en train de se vérifier sans que les utopistes de la Hi Tech, et les modélisateurs financiers, modifient leur point de vue.
Je n’étais pas prophète.
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Les fondamentaux géopolitiques
Voir ci-dessus, les veines de Dragon
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Friday, 24 August 2007
Le paradigme Necromonte, niveau d'abstraction
Quatrième livraison
Bessie la vache, et ses amies
(D'après Hayakawa)
Armin Necromonte
Le grand public a compris qu'une des raisons de la desaffection des épargnants pour les actions, tient à l'opacité et à l'extrême sophistication des outils boursiers.
Alexandre
A quoi est-ce dû?
Necromonte
A un phénomène qu'on nomme l'abstraction au point mort. En général lorsqu'on remplace la réalité par des mesures, des indices de qualité, des coefficients, des chiffres d'affaires, des mètres carrés, on est capables de retransformer - au moins par l'imagination - ces données abstraites par une image de la réalité qu'ils représentent. La carte permet de retrouver le territoire, et d'en donner une idée qui permette de nous orienter. Mais il arrive des cas où les manipulateurs de signes afin de distiller les données, de les triturer, d'en évaluer les probabilités d'occurrence, ne sont plus capables de retrouver la voie qui leur permettrait de revenir au réel. C'est comme un avion monté à une très haute altitude et qui ne pourrait ni redescendre sur terre, ni rattache ce qu'il voit à une expérience concrète. C'est cela qu'on appelle l'abstraction au point mort;
Alexandre
J'ai entendu dire que les gens qui manipulent les modèles économétriques, et qui prévoient par exemple si un fonds classé AAA va donner du B, n'ont pas la moindre idée des réalités qu'ils notent. Ils ne font pas la différence entre une usine agroalimentaire tchecoslovaque et un atelier de designers situé dans la silicon valley.
Necromonte
C'est tout à fait exact. Ils manipulent des chiffres comme les physiciens quantiques ce qu'on suppose être le réel. D'ailleurs leurs modèles, comme les paquets d'ondes de la physique quantique, sont probabilistes. Plusieurs scénarios incompatibles peuvent être simultanément admis, lisez n'importe quelle prédiction sur le futur et vous verrez que souvent c'est un événement imprévisible qui oriente le trigger, l'embranchement du rail dans telle ou telle direction. Par ailleurs, lorsque nos mathématiciens formulent un prévision sur un paquet de créances sur l'immobilier, certaines informations sont superbement ignorées : la vue, la tranquillité, l'effet de masse, le voisinage etc... Et pourtant ce sont ces données qualitatives qui décident qu'un bien sera acheté ou ne trouvera pas preneurs. On voit des quantités de programmes immobiliers dont l'architecture reflète l'idéal qui les sous tend et qui a nom "greed".Mais lorsqu'on passe des ondes de probabilités à l'échelle humaine, qu'on réduit le paquet d'onde à une particule et que le chat de Shroedinger finit par mourir ou rester vivant, on se trouve dans un univers dense, concret : celui de la transaction. Et on s'aperçoit que ce ne sont par les données économétriques qui l'emportent, mais la certitude de ne pas se tromper due à l'intuition, l'instinct et la deserendipity. Ainsi, les modèles probabilistes prétendent refléter une réalité dont les constituants individuels leur échappent complètement; La réaction psychologique des acheteurs en fait partie.
Bessie la vache et ses mystères
Hayakawa, le grand sémanticien, introduit Bessie la vache pour expliquer la notion de niveau d'abstraction.
Pour un petit éleveur, à la tête d'un cheptel d'une douzaine de vaches, chacune à ses caractéristiques propres, son caractère, ses forces et ses faiblesses. Il peut même entretenir des relations conviviales avec certaines d'entre elles et leur donner de petits noms affectueux. C'est ainsi qu'il distingue Rosie la noire, de Bessie la blanche tachée de brun. Rosie peut être plus robuste, Bessie meilleure laitière... Mais qui est Bessie la vache? Si nous demandons ceci à un boucher nous n'aurons pas la même réponse que celle d'un vétérinaire. Dans tous les cas c'est un tas d'organes, de viande, et en allant plus loin, une organisation complexe de cellules.
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