Le règne de la domotique
J'ai émigré à nouveau au Grand Hôtel de Divonne. J'essaie désespérément de commander mon repas dans la chambre, car les restaurants sont bondés si on ne réserve pas par informatique et à l'avance. Pour cela, il faut savoir utiliser l'ordinateur qui commande à la fois la télévision, les jeux, les menus informatiques, les menus culinaires, les films porno, d'horreur ou les BD, les services qu'offre la chaîne, la boutique, etc... Ne pouvant m'y retrouver, et n'ayant pas la possibilité de communiquer avec cette catégorie en voie d'extinction de bipèdes humanoïdes qu'on nomme maîtres d'E, je finis par mettre la main sur l'informaticien maison, ce qui n'est pas difficile, car les nouveaux hôteliers, s'ils ne savent pas servir, préparer un thé, essuyer un verre, ou débarrasser une table, au moins savent-ils jongler avec l'ordinateur maison.
Ils savent aussi comment commander un plat. Un de ces préposés hôteliers a l'obligeance de venir en chair et en os me montrer comment se servir de cet engin informatisé. Il suffit d'allumer, d'activer le bouton gauche, puis attendre, alors appuyer sur le bouton central, attendre qu'un sablier apparaisse, alors eureka! on n'a qu'à appuyer sur menu. Il me demande (en français) quelle langue je parle. Je lui réponds (également en français) que je parle le français. Après avoir choisi laborieusement cette langue (du russe au hongrois ou au swahili) et répondu, on fait défiler les services jusqu'à "service d'étage". Appuyer sur menu du soir et sélectionner : potages, viandes, poissons, fromages, entremets etc... Dans poissons choisir Ferra ou turbot, puis dans contours, patates frites ou salade mixte, valider et identifier votre code après avoir approuvé le montant de chaque plat... etc.
Quant à entrer dans l'internet, c'est une autre paire de manche. Il faut tout simplement acheter une carte internet en entrant votre identifiant et votre numero de passe. Le problème est qu'en ce moment on ne peut me donner le code, qui est délivré par le #125#, sur mon portable, que si j'introduis l'identifiant, mais celui-ci ne peut fonctionner que si j'ai le mot de passe. Enfin l'informaticien, après bien des essais, y parvient. Le problème c'est de déconnecter. Or c'est impossible, même en supprimant le WiFi, en éteignant l'ordinateur, en le fracassant contre l'écran à plasma, le compteur continue à tourner immanquablement tant qu'on n'a pas déconnecté sur orange. Mais on ne trouve aucune mention déconnecté, je suis donc condamné à taper pour utiliser le temps alloué malgré moi, en attendant que l'informaticien veuille bien se pointer.
Il s'est pointé !
Il m'a appris qu'il suffit d'entrer dans fichier et d'activer "travailler hors connection". Ce qu'on m'avait appris précédemment ne fonctionne plus. Ce qui est admirable dans l'informatique, est qu'il y a toujours des centaines de moyens pour effectuer une opération comme par exemple 2+2 =4 et que si ce qu'on vous appris ne fonctionne pas, un bien informaticien intuitif, trouvera toujours en bidouillant un peur et en moins d'une heure, le moyen de vous tirer d'affaire. Le problème est que cela ne se transmet pas, cela se ressent, et le génie de Windows, ne sait pas lui-même comment il a réussi son truc. C'est comme pour le piano ou la flûte. Allez demander à Laurent Cabasso ou à Maxance Larrieu, comment ils s'y prennent pour sortir les sons qui font leur réputation.
Mais connaître les secrets d'un virtuose de musique baroque, tous s'en contref... Il y a bien plus grave que ça. Le problème est en effet que j'ai raté mon feuilleton, juste au moment où l'on devait apprendre si le héros survivrait à ses blessures. L'informaticien de garde n'a pu me brancher à temps sur la première chaîne. Heureusement, j'ai deviné que le jeune homme s'en tirerait. Tout d'abord parce que des tas de gens priaient pour lui. Puis parce que son frère lui pressait la main d'un air d'affection virile irresistible " tiens bon, Kevin, tiens bon. T'es un homme, tu vas pas nous lâcher. T'ès fort, tu vas les étonner tous !" Enfin parce que le jeune homme s'il devait mourir ne pourrait affronter un procès retentissant, et les procès sont des ingrédients très appréciés des soap opéras américains.
Après ce billet d'une haute tenue technologique, métaphysique et artistique, je dois vous quitter car mon crédit est presque consommé et il faut que je descende m'acheter une autre carte wi-fi.