Saturday, 31 March 2007
Le grain du génie (Suite)
Une visite au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
En me rapprochant d'un tableau de Braque de la période fauve, assez près pour soulever l'inquiétude du gardien, j'ai découvert une extraordinaire palette de teintes quasi miraculeuses, dont la combinaison d'une originalité stupéfiante changeait d'une touche à l'autre. Chaque centimètre carré dévoilait un tableau abstrait dont la richesse de coloris ne le cédait en rien aux plus subtiles aquarelles de Klee, aux toiles bibliques vibrantes d'une sourde luminescence intérieure, vitrail phorphorescent.
Dès que l'on s'éloignait, les diaprures disparaissaient, le paysage gagnait en unité, en naturel, il paraissait presque évident. D'une évidence aveuglante : passez, il n'y a rien à voir! C'est ce que faisaient les visiteurs après avoir lu d'un air distrait l'étiquette. Il ne faut pas croire qu'une telle richesse microscopique soit naturelle. Bien des peintures avoisinantes de maître célèbres : un Delaunay à droite, un Derain à gauche, n'avaient pas cette conjonction improbables de nuances antagonistes. Elles plaquaient des accords parfaits : des rouges avec des verts, des bleus et des jaunes. Les teintes étaient à la fois franches et uniformes dans leur "contraste simultané". Un équivalent me vient à l'esprit : la différence entre une étude de Chopin et une paraphrase de Liszt. Vues de loin, les gammes chromatiques descendantes semblent identiques : des fusées éblouissantes de tons adjacents qui de marche en marche descendent le spectre des tonalités. Mais prenez une loupe temporelle et jouez très, très lentement, les deux gammes descendantes. Bien que la ligne de crête soit identique (la gamme chromatique descendante) et c'est celle qu'on entend à première audition, chez Liszt, les notes intermédiaires sont d'une monotonie mécanique, alors que chez Chopin, elles sont d'une variété et d'une complexité confondantes. Ainsi que je l'ai écrit plus haut, tout va trop vite pour qu'on puisse entendre la différence, cela fait le même effet dans une salle de concert, mais quel travail pour le compositeur, l'interprète, le public attentif ! Cela en vaut-il la peine? On peut en dire autant des successions d'accords de Debussy d'une subtilité qui dépasse les possibilités d'analyse de l'oreille.
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Le grain du génie
Avant d'introduire le sujet de ce journal, un mot sur les
Statistiques du mois de mars
Dans une heure, ce petit blog aura deux mois. Le premier mois nous avons reçu 1712 visites. Ce qui porte le total à 6612 visites. Il est difficile de donner un sens à ces chiffres. Il me semble qu'il doit y avoir des aficionados qui suivent le blog quotidiennement dont une cinquantaine au Canada à moins que ce soit des noctambules. L'activité est en effet assez forte entre minuit et cinq heures du matin. La provenance est très dispersée : 4830 inconnus alors que brunolussato.com n'en draine que 465, google.fr 415, google.com, 107, google.ca et google.be, 28 chacun, google.ch 11. fr. wikipédia.org, 59, loiclemeur.com 40.
Les commentaires ont beaucoup augmenté comme vous pouvez le constater et sont assez vifs. Le nombre de visites par article augmente fortement avec le temps, et les fréquences sont assez réparties, ce qui montre que la variété du blog est justifiée. Bien entendu l'actualité politique attire des visiteurs, mais on peut en dire autant de sujets culturels souvent difficiles.
J'ai appris par hasard que plusieurs journalistes renommés consultent quotidiennement le blog, de même que des hommes politiques et des hommes de culture. Cela m'incite à continuer dans la voie de la "haute densité culturelle". Des amis m'ont fait remarquer que les commentaires sont généralement d'une haute qualité et montrent un intérêt soutenu pour des échanges sans compromission.
Après une nuit passée à défricher les quotidiens français, j'ai besoin de changer d'air! J'avoue que disséquer un tableau est plus enrichissant que d'analyser des médisances sur la vie privée de Nicolas Sarkozy, la fortune de Ségolène Royal ou les fraudes électorales de François Bayrou. C'est pourquoi, si vous restez sur ce journal je vous propose une réflexion récente sur le "grain du génie". Il s'agit de ce que l'on découvre en scrutant une oeuvre dans des détails presque invisibles à la première approche : touche de Bonnard ou de Rouault, transitions musicales subtiles, passages trop fugaces pour pouvoir être appréhendés en première écoute. Le grain de l'art, c'est ce qui fait la force du tableau, la beauté du son, c'est ce qui sépare l'original de la reproduction : les irrégularités invisibles, les microinformations.
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Violences à la gare du Nord, II
Des faits à l'AFP, de l'AFP à L'Huma.
Vous trouverez dans le journal du trente mars "lire la suite" une revue de presse commentée sur le retentissement des évènements sur l'interprétations de quelques quotidiens. Il vous appartiendra de mesurer la distorsion des faits en fonction de jugements a priori.
On appréciera dans toute son amplitude, le procédé que les anglo-saxons nous reprochent, à la suite du sémanticien Hayakawa. Ceklui qui consiste à faire l'amalgame entre les données factuelles, les inférences, et les jugements. A vrai dire après avoir épluché la presse, je n'ai pu me défendre de ressentir un certaine nausée. Je me félicite de m'être tenu toute ma vie à l'écart des débats politiques. Mais, professionnalisme oblige, je ne puis manquer une occasion inespérée pour qui étudie le phénomène de désinformation.
Thursday, 29 March 2007
Thème et variations
sur les violences de la Gare du Nord
Ainsi qu'il fallait s'y attendre, les désinformations et les rumeurs font tache d'huile, comme un tremblement de terre se propage de l'épicentre à la région toute entière. Ici l'épicentre, est la description sèche des évènements, les ondes de choc vont se propager et s'amplifier d'un journal à l'autre, s'enrichir de reformulations inédites, de connotations émotionnelles, de prolongements politiques à l'échelle de la nation. Car s'il est vrai qu'il existe une disproportion choquante entre le micro-incident et les émeutes, disproportion qu'on attribue non sans raison à la maladresse et à l'impréparation des forces de l'ordre; il en est une encore plus choquante entre l'importance réelle d'un fait divers,courant en France et sa médiatisation à la une, pendant la campagne électorale.
Les deux adversaires : Sarkozy et la coalition des autres, se jettent à la tête des accusations symétriques, comme par exemple l'instrumentalisation des micro-émeutes à des fins électorales.
Vous trouverez dans la suite de cet article, les réactions des principaux quotidiens parisiens.
La réponse à l'énigme posée dans le journal d'hier.
L'auteur du poème est Richard Wagner. Hans Sachs, le principal protagoniste des "Maîtres Chanteurs de Nurenberg" . A la fin de l'acte II il a assisté à une rixe violente provoquée par un incident mineur et qui dégénère en furie collective.
Lisez la suite de cet article pour déguster la revue de presse sur les émeutes de la gare du Nord!
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Wednesday, 28 March 2007
Violences à la gare du Nord
Un incident prévisible
Cela ne s'est pas fait attendre. Pour fêter le nouveau ministre de l'Intérieur, une émeute provoquée par ce qu'il est convenu d'appeler des jeunes, a eu comme point de départ le geste malencontreux d'agents de la RATP, qui se sont avisés de vouloir interpeller énergiquement un jeune qui sautait le portillon, et devenus brutaux après que le contrevenant au lieu d'obtempérer leur lança un coup de tête.
On me pardonnera de me répéter, mais je n'ai pas à porter de jugements sur les évènements, ni sur ceux que l'on accuse de las favoriser : Sarko-facho, la gauche, le chômage et le chien de ma logeuse. Je me pencherai sur les distorsions volontaires que subit l'information-source (ici la dépèche de l'AFP) lorsqu'elle parvient aux grands quotidiens. Je montrerai également que l'information-source elle même, bien que se voulant objective et sèchement factuelle, est elle-même un "objet désinformé", au sens que j'attribuai dans mon journal d'hier aux faux artistiques. Enfin, puisque j'ai établi une passerelle avec les arts plastiques, pourquoi pas la musique? Une surprise vous attend si vous continuez à lire ce journal
Un reproche qui m'a été fait, est le manque d'images. C'est que je n'ai pas encore résolu le problème des droits. Et puis, montrer des echaffourées avec des "jeunes" armés de barre de fer, quel intérêt? Cela traîne partout. Si au moins j'avais eu la chance de filmer ce jeune en colère en train de lancer du premier étage une jardinière sur les policiers, c'eut été un scoop. Mais je n'étais pas là, et puis... le projectile a manqué son but!
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Un art suprême de la désinformation : la désinformation dans l'art
Ce que j'entends par cette formule tarabiscotée à la Edgar Morin (la nature de la culture, la culture de la nature etc...) va au delà des malentendus intentionnels qui empoisonnent la perception de l'oeuvre d'art. On aborde ici le cas où c'est l'oeuvre elle même qui est source de désinformation. Une désinformation faite peinture, statue, objet, interprétation, qu'est-ce donc? Un faux tout bonnement. Un tableau de Van Meegeren qui prétend être un Vermeer, véhicule une fausse information sur son origine et met à l'épreuve notre aptitude à juger de la qualité, voire du génie du peintre.
La notion de faux est donc une pierre de touche, comparable au test dit de commutation utilisé par les théoriciens de l'information. Il consiste à altérer un texte et de noter à quel niveau de dégradation il devient illisible. Dans le cas du faux, il s'agit d'évaluer à partir de quel nombre d'altérations, et de quelle gravité, on s'aperçoit de la supercherie. L'histoire a montré la jobardise des érudits les plus renommés, et le procédé peu glorieux qui permet de déceler un faux, non pas par l'analyse stylistique, mais par des analyses chimiques ou des recherches d'archives, étaye le soupçon d'arbitraire et de suggestion. Selon qu'on trouve ou non des traces de tel composant chimique, l'oeuvre d'art est déclarée authentique, donc géniale, ou factice, donc nulle.
Ce qui est particulièrement dérangeant est donc la chute de statut d'un tableau ou d'une sculpture, dès que l'analyse a démontré leur inauthenticité. En quoi une preuve scientifique même fondée, fait-elle qu'une oeuvre descende de la galerie d'honneur d'un musée, au deuxième sous-sol d'un entrepôt obscur? Si l'admiration que nous portons à l'oeuvre est compromise par une investigation extérieure à son essence, telle que l'expertise de la signature, ou la présence d'un pigment qui ne devrait pas s'y trouver, elle est bien superficielle. D'ailleurs, examinez les visiteurs dans les musées : il regardent l'étiquette avant le tableau, pour savoir s'il vaut la peine qu'on s'y attarde.
Les chinois ont une conception beaucoup plus saine de la qualité d'un tableau, à mon sens. Ils estiment que si la copie est aussi parfaite que la source originale, elle doit avoir la même valeur. Le corollaire est qu'on a l'oeuvre qu'on mérite. Si notre jugement nous fait prendre une oeuvre médiocre pour un chef d'oeuvre, et que nous le payons en conséquence, pourquoi nous plaindre si nous en retirons le même plaisir?
Il peut arriver d'ailleurs que le faux soit supérieur à l'original. C'est le cas du faux marbre romain découvert à Florence. Le faussaire était Michel-Ange! Berlioz lui-même a composé une fausse oeuvre de la Renaissance : L'enfance du Christ. Qui songerait à le regretter?
Ce qui est vrai pour le jugement sur l'oeuvre plastique est valable aussi pour l'interprétation de la musique. Nous allons examiner dans la suite de ce journal des exemples de première main qui intéresseront le visiteur curieux.
Auparavant je signale que l'analyse de l'affaire Battisti est terminée. En conclusion j'essaie de me faire l'avocat du diable et d'accepter la thèse des partisans de l'ex-terroriste. Le résultat peut surprendre.
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