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Monday, 11 February 2008
Chronique
Sur le chemin aride qui parcourt cette chaîne abstraite de concepts, je m'égare dans une zone dangereuse.
D'une part le signet nous indique la difficulté du texte pour professionnel - la difficulté, due à l'extrême concentration conceptuelle est bien au rendez-vous, d'autre part le signet ment car des concepts familiers aux vrais professionnels : psychologues, psychothérapeutes du travail, cliniciens et étudiants à la recherche d'un doctorat, n'ont pas été évoqués, alors qu'il portent tous les soubassements de la recherche en psychologie. Que faire alors? Ajouter un deuxième signet , on n'en finirait plus!
Or il se trouve que j'ai depuis l'age de 17 ans intimemement mêlé à ces questions. La plateforme des mes connaissances a été une galaxie de grands hommes que j'ai explorée, comme mes camarades sur les bancs de l'école, et parmi laquelle on trouve les illustres Herbert Simon, Pribram et Miller, Sir Karl Popper, Sir John Eccles, Sir Charles Osgood, et Jean Piaget qui a , avec Paul Fraisse honnête bureaucrate des sciences psychologiques, compilé mon livre de chevet, le Traité de Psychologie Expérimentale en XXII volumes, pur produit magistral de l'enseignement académique à la Sorbonne. Etudier Simon ou Piaget, c'était comme pour un physicien apprendre Einstein ou Heisenberg. Loin d'être démodés, il sont la source inépuisable de toute réflexion épistémologique.
Les années, les voyages ininterrompus, un labeur acharné et constant, on fait que dans une seconde phase de ma vie j'ai créé une sorte de fondation dédiée à l'apprentissage culturel, aux arts et aux technologies de pointe. Elle était très richement dotée avant d'avoir été honteusement plumée par diverses institutions et d'honorables chefs d'entreprises de renom, ce à quoi il faut ajouter des marchandages fiscaux indignes de notre pays et deux cambriolages et holdups qui m'expédièrent à l'hôpital et la spoliation par un très riche et très vertueux client que j'aidai pendant plus de dix ans à monter son entreprise, aujourd'hui célèbre et prospère. Il profita en commettant de véritables abus de conscience. Par la suite il se repentit mais j'avais perdu "Les Capucins", cette magnifique fondation unique en son genre. J'y avais rassemblé un magnifique Klee sur lin datant de 1914, deux des plus beaux Schwitters, des Legers, Malewitch, un splendide Bösendorfer Impérial, un home cinéma de encore aujourdh'ui, insurpassé, tout ceci dans le monastère fondé par Anne de Bretagne et meublé en un décor contemporain. Les manifestations les plus raffinées et qui restent dans toutes les mémoires des participants (j'y tenais tous les jours table ouverte) plusieurs fois plébiscitées dans la Marche du siècle, ce rêve qui ne demandait qu'à se développer, fut guillotiné net par un riche voulant soutirer son bien à un pauvre, car je n'avais que le Centre pour tout bien, conçu et dédié à un idéal culturel.
Lors des séances des Capucins, j'eus l'immense honneur d'accueillir et d'approfondir mes échanges avec tous les illustres personnages, auquels il faut ajouter Mirò, Tàpiès, Matta, Hartung ou Yves Bonnefois. Marina Fédier, ma soeur se consacrait à Moore, à Soulages à Liechenstein, à Francis Bacon, et aux autres grands peintres et sculpteurs américains.
Toute cette proximité laissa des traces profondes qui influèrent sur les contacts américains qui contribuèrent aux découvertes majeures de la psychologie. J'ai pensé que ces contacts sont infiniment plus vivants et enrichissants qu'un exposé théoriques et qu'il vaudrait mieux évoquer le contexte personnel où ils se déroulaient autour d'un déjeuner amical, ou d'une promenade aux Capucins.
Wednesday, 18 March 2009
CHRONIQUE
Lectures
La nuit du 17 mars, je l'ai passée à lire les ouvrages les plus variés, mais tous présentant un intérêt certain, voire essentiel à mes yeux, complétant fort bien les textes de Pierre Bergé et sur le faux, cités dans les billets précédents. Le plus intéressant me semble une très profonde réflexion sur les rapports entre l'art de Paul Klee et la création musicale. La référence est :
Pierre Boulez, Le pays fertile Paul Klee Gallimard 1989 et 2008.
Cet ouvrage est d'une lecture difficile car Boulez se garde bien s'opérer des transpositions artificielles et superficielles entre une forme d'art et une autre. Il est impossible de transcrire dans un morceau de musique le rythme d'une peinture, et encore moins à partir d'une partition un équivalent pictural. Certes il y a des similitudes, voire même des équivalences : dans les deux arts on trouve la prééminence de la structure sur le sentiment et l'apparence (ce que Pierre Bergé notait dans l'intretien cité plus haut), et c'est dans la liberté que laisse la structure que se glisse la création véritable . Autrement tout est mécanique et froid. Le rythme, la couleur, la densité du matériau, sa répartition, son intensité. Par exemple dans certains tableaux Klee adopte le pointillisme : il délimite une surface et sa dimension, en la remplissant de pointillés, ce que Webern fait en musique par la répétition à l'identique d'une note. L'étendue picturale et la durée musicale sont évalués par le nombre de pointillés. Autre exemple le contre point : dans le tableau plusieurs lignes se croisent et circulent librement dans la toile. Chez Klee le procédé est constant, elle est conçue comme un mot croisé qui se lit dans le sens horizontal ou vertical. En musique, un morceau polyphonique est conçu de la même manière. La lecture verticale de la partition génère l'harmonie, alors que la lecture horizontale met en valeur la mélodie.
Mais si les équivalences sont évidentes, la spécificité irreductible de la musique et de la peinture est première. En effet le rapport à l'espace et au temps sont radicalement différents dans les deux arts. Alors que d'un seul coup d'oeil on peut percevoir la totalité de la structure du tableau d'une exposition, pour y revenir à la fin de la visite pour affiner le regard, la perception de l'oeuvre musicale dépend de notre mémoire. On ne peut appréhender l'oeuvre dans son déroulement (à moins de lire une partition) qu'instant par instant. C'est pourquoi, alors qu'on peut lire un tableau dans tous les sens, les structures renversables, où le thème se présente à l'envers, sont difficiles à percevoir. Encore une fois il faut une partition pour les apprésender, et c'est pourquoi l'audition en suivant une partition est hautement recommandée, en sachant toutefois que c'est la structure et l'organisation qu'on met en relief au détriment des autres dimensions comme le timbre ou l'intensité sonore. Un exemple est donné par la fugue de la sonate Op.106 Hammerklavier, où des passages entiers présentent le thème lu comme dans miroir, ce que l'on nomme le renversement, ce qui n'offre pas de difficulté dans un tableau. Pensez à un paysage se reflétant dans un étang. Le reflet et le réel apparaissent aussitôt comme identiques. Ce n'est pas le cas pour le renversement d'un thème, procédé qui, fréquent dans l'Op 106 est omniprésent dans L'art de la Fugue de J.S. Bach. L'orchestration de Scherchen a pour but de clarifié l'organisation des lignes de sonrte qu'on entende toutes les mélodies séparément. Mais il ne peut faire que dès que l'on dépasse une durée asssez courte d'un thème, on ne peut déceler son identité avec son renversement. Dans le cas de l'Op 106, la difficulté est fréquente, mais on y trouve une forme que les sérialistes utiliseront plus tard : la réccurence. Elle consiste à jouer la partition en la lisant en commençant par la fin et en finissant par le début. Beethoven ne facilite pas la tâche à l'auditeur car le thème est interminable et que même sous sa forme normale, on a du mal à en séparer le début de la fin. Que dire alors que la difficulté devient insurmontable quand Beethoven expose le thème à la fois renversé et récurrent! C'est pourquoi on n'a pas tort de dire que cette musique se lit plus qu'elle ne s'écoute.
Une pièce musicale qui recquiert des explications n'est pas valable car elle est incapable de se vendre elle- même à l'amateur.
Lire la suite dans le corps du billet (continuer la lecture).
HEBDOMEROS
Il s'agit du seul texte de Chirico se réclamant de la peinture métaphysique. Par la puissance de ses immages verbales, elle revêt une forme puissamment onirique et on peut la lire comme le récit d'un rève, dans touts les sens, et la déguster au hasard des page. L'ouvrage écrit en 1029 a été réédité plusieurs fois dont la dernière impression date de 2009.Enfin un ouvrage disponible !
Les dernières lignes de ce poème en prose vous donneront une idée de la poésie qui s'en dégage.
... Cependant, entre le ciel et la vaste étendue des mers, des îles vertes, des îles merveiilleuses passaient lentement, comme passent les navires d'une escadre devant le bateau-amiral, tandis que de longues théories d'oisaux sublimes, d'une blancheur immaculée, volaient en chantant.
Y-a-t-il plus commun que des oiseaux qui chantent. Un oiseau chante : il croasse ou roucoule, ou gazouille. D'où vient donc la musique qui se dégage de "volaient en chantant" ? Cela dépend je suppose de la préparation de cette image par des mots peu banaux tels que "de longues théories d'oiseaux sublimes". Je vous conseille d'acheter ce livre, et d'en déguster la nuit une ou deux pages prises au hasard en vous laissant emporter par le flot onirique et en vous l'appropriant.
Réponse à deux commentaires.
Slow Philou est heureux qu'on lui ait dévoilé l'existence de Guy Sacre. J'eusse préféré qu'il apprenne l'existence d'ouvrages sérieux tels que ceux de Pierre Boulez , ou tout simplement les articles de Wikipédia qui sont généralement excellents. J'ai à maintes reprises signalé l'existence de très bons livres, allant en profondeur à l'essentiel. Plutôt que l'existence de Guy Sacre, j'eusse préféré qu'il mette à profit mes billets pour acheter les explications -en un excellent français- du grand Wilhelm Kempff sur la 106 qui lui en apprendra long sur les lamentables critiques de M.Sacre. Qu'il commence par cela. Le Monde de la musique et Diapason donnent une quantité d'informations secondaires et souvent de rares appréciations de valeur sur les interprétations. Pour reprendre mes billets récents, qu'ont-ils fait pour signaler l'existence de la Xeme Symphonie de Beethoven? Et les disques paru recemment de Wilhelm Backhaus, jouant Brahms (les ballades) et Copin (la Sonate funèbre et les études) versions transcendantes? Ou la lecture la plus honnête d'une intégrale Brahms par Walter Klien. Ackoff a démontré qu'une information trop abondante tue l'information. Achetez donc de bons livres d'initiation de base à la musique que vous trouverez à La Flûte de Pan, rue de Rome, cela forgera cent fois plus votre jugement que tous les textes le plus souvent commerciaux des magazines. Ce n'est pas qu'ils se trompent toujours. Au contraire on leur doit, de même qu'à l'Avant Scene Opéra, excellente revue, de précieuses informations. Ils ont ainsi révélé le talent de Clemens Krauss, et celui de Richter.
Je vous apprendrai aussi que mes critiques acerbes ou désenchantées envers les critiques, ont été partagées et continuent de l'être par tous les grands compositeurs qui savent à quoi s'en tenir. Je me trouve donc en bonne compagnie! J'attends avec intérêt vos réponses aux miennes, vous voyez bien que je ne les prends pas à la légère.
Réponse à Tom.
Je passerai sur le ton injurieux à la limite de la bienséance de M.Tom, qui devrait au moins le respect que l'on doit porter à tout humain. Lorsque j'ai critiqué M.Sacre, cela concernait des points techniques bien finis, l'homme n'était pas visé. Au contraire les attaques proférées à mon égard visaient ma personne et dénote une hargne personnelle inacceptable. Cela ne deshonore que celui qui les commets. Cela dit, entrons plutôt dans une analyse factuelle de ses remontrances et négligeons ces mouvements d'humeur sans intérêt.
J'ai écrit "gastronomique" non pas par allusion à un artisanat qui dans la cuisine japonaise comme dans celle du Bristol confine au grand art, mais comme façon de parler. C'est une locution courante parmi les grands compositeurs allemands pour désigner une interprétation ou une composition douceâtre mais agréable à l'oreille. Je ne me crois pas supérieur aux autres hommes, et je ne me permettrais certainement pas de juger la Sonate Op.106 comme le fait Sacre. Par ailleurs nul ne peut reconnaître à l'oreille un rétrograde. Cela se lit dans la partition, mais si malgré tout Beethoven a passé un temps considérable à cet exercice et un labeur épuisant qui l'a pris tout entier, c'est qu'il doit bien y avoir quelque chose de valable. Ce qui est stupéfiant et qui me fait réfléchir, c'est que vous soyez plus hérissé par mes critiques sur ce monsieur,que par les siennes envers le plus grand chef d'oeuvre de Beethoven! Il doit bien y a voir une raison. Je n'ai pas à me rattraper sur la fin, que vouliez ou non j'ai plus de respect pour le maître de Bonn, fût-il sourd et à l'ouïe déficiente qu'envers le palais gustatif de son critique. Mais les Sacre ont existé de tout temps et comme je l'écrivais, Fétis et Hanslick ont été les plus célèbres et c'est pourquoi j'ai estimé utile de lui rabattre le caquet. II fallait faire contrepoids à ces travers peu glorieux en dessillant les yeux des auditeurs naïfs et désireux de progresser.
En ce qui concerne l'analyse, apprenez qu'il n'y a pas de "mais", car il est artificiel de vouloir opposer l'écoute et l'analyse. Encore que pour tous les connaisseurs quelque soit la discipline, ce qui est sensiblerie est la répudiation de l'analyse froide au profit de je ne sais quel hédonisme. Lisez Pierre Bergé, ou Pierre Boulez, ils ont fait la différence entre le vrai connaisseur et l'amateur. Je vous ai déjà conseillé vivement la lecture de l'interview de Bergé par Laure Adler, il est facile à lire, sans complaisance et formidablement instructif. Enfin pour terminer vous me prêtez des qualificatifs qui sont aussi gratuits qu'injurieux. Pour en revenir à l'accusation de vanité et sur le mot "supériorité, où avez-vous pris que je me trouve supérieur à tous les autres hommes, alors que je ressens douloureusement mes lacunes et que je me suis maintes fois qualifié de "moineau déplumé". Pensez que j'ai vécu pendant deux ans avec la moitié d'un cerveau et dans ces conditions où l'on lutte pour préserver ce qui reste de mémoire; il est difficile de prétendre à une quelconque supériorité, sauf sur des crapules ou des imbéciles. Voyez le personnage de MacWhirr dans Typhon et vous comprendrez. Si vous parlez de hauteurs spirituelles sachez aussi que je ne sais pas plus que vous de quoi vous parlez. C'est un domaine que ma soeur connaît et qu'elle essaie d'atteindre. On peut en dire autant de notre ami S*** dont vous appréciez les paraboles. Quant à moi, je me contente de faire mon job de professeur honnêtement et d'inciter les gens autour de moi, mes clients et mes chers internautes, à progresser dans le domaine merveilleux de la création, au plus profond de sa genèse plus qu'à ses manifestations mondaines et superficielles. C'est tout! Et croyez-moi, ce n'est pas facile en une ère de barbarie ou seul le pouvoir, l'argent et la notoriété comptent. Quant à l'objectivité, qui peut prétendre l'avoir? Chacun juge d'après ses propres échelles de valeur, et les plus grands esprits, les plus profonds créateurs ne sont certainement pas objectifs. Heureusement d'ailleurs. Vivement votre,...et merci pour vos commentaires, Bruno Lussato.
NOTE
Le schéma ci-dessous montre une astucieuse représentation graphique de la XIeme fugue de l'Art de la fugue de J.S.Bach. La fugue comprend quatre thèmes représentés par quatre couleurs différentes. En rouge le thème omniprésent, en jaune un autre plaintif ou menaçant, en vert, le thème du malheur, dérivé des notes B.A.C.H. qui transposées trois fois donnent le total chromatique, c'est à dire les douze sons au complet, préfigurant ainsi la technique dodécaphonique de Schönberg.
On lit le schéma par groupes de quatre lignes (correspondant aux quatre voix) et de gauche à droite. Le schéma esr donc composé d"une vaste frise tronçonnée en six fragments pour les besoins de l'impression. De bas en haut les lignes correspondent à la basse, ténor, contralto et soprano léger.
Les formes correspondent au profil des quatre thèmes et leur fragmentation.
On peut tirer de ce schéma les constations suivantes. 1. Tous les thèmes se présentent sous une forme directe et une forme renversée, comme vues dans un miroir. 2. Il est impossible de prévoir en dépit d'un équilibre formel entre les quatre thèmes, le déroulement de la fugue. A l'oreille elle paraît parfaitement logique, mais la lecture de la partition et son analyse approfondie montre - comme vous le voyez dans le schéma - qu'un désordre indescriptible constitue l'océan musical déferlant contre les rochers stables que sont les thèmes. 3. La complexité est encore accrue si l'on fait intervenir la gestion microscopique dy temps. La même figure apparaît allongée (augmentée) ou raccourcie(diminuée) avec toutes les variétés de démultiplication. Les formes longues peuvent se superposer aux formes courtes de toutes les manières sans que l'on entende le moindre frottement. La lecture simultanée des quatre vois, instant par instant, donne toujours une harmonie parfaitement licite. On reconnaît ainsi les principes énoncés par Paul Klee et commentés par Pierre Boulez, dont il est question dans leurs écrits : la plus grande rigueur se conjuge avec la plus grande liberté. 4. La meilleure exécution sera celle qui permettra d'identifier au cours de l'audition les formes superposées de la fugue. Alors que la plupart des éditions louées par les critiques visent une fausse authenticité (instruments d'époque) les deux versions majeures qui mettent en évidence la structure, sont pour grand orchestre. Il s'agit de celle de Munchinger, rapide et violente, et de celle de Scherchen, de loin la meilleure et publiée par un obscur éditeur.
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Sunday, 15 February 2009
CHRONIQUE
Le classicisme meurtrier
Á PROPOS DE L'EXPOSITION DE CHIRICO au Musée de la Ville de Paris.
Le parcours de Chirico n'est que trop connu des historiens de l'Art. Plusieurs phases se suivent et ne se valent pas. La première, glorieuse, explose inopinément comme une révélation venue d'ailleurs. La novation à l'état pur. C'est la peinture métaphysique. La tête encombrée d'images étranges qui vont de pair avec une poésie d'association d'idées poétiques et étranges (Hebdomeros) mais énonçant un réseau corellé et stable d'évocations. On est à mi-chemin entre le symbole et le rêve. L'imagerie est simple -en apparence - y dominent les thèmes suivants: Une place de Ferrare connue pour ses arcades et au coucher de soleil, lumière de quatre heures, la plus chaude. Au milieu de la place une statue généralement allongée (Ariadne) ou un régime de bananes, ou des personnages masqués. Les ombres sont extraordinairement denses, autant que les palais ou que les statues, sinon plus. Elles sont d'un noir angoissant comme la lumière du crépuscule aux ombres naissantes. La perspective est plongeante, vue d'en haut, ce qui permet de discerner tout au fond un train qui passe en émettant un nuage de fumée blanche. Le train qui passe, souvent des horloges dans des gares désaffectées, signalent l'énigme de l'heure. Une gare aux quais vides, à l'horloge sans doute arrêtée, deux silhouettes enveloppées d'ombre attendent immobiles. Quoi? Nous avons peut être tous ressenti la nostalgie due au contraste entre la beauté ordonnée des arcades et ce train qui inlassablement n'arrête pas de passer. On croit entendre en un écho infini le sifflet émis par la fumée. J'ai personnellement toujour été angoissé et fasciné par les crépuscules. Le Chant de la Terre de Gustav Mahler est impregné de cette "sehnsucht", spleen,mais pas cafard bien au contraire un sentiment d'intense et de poignante beauté nous étreint le coeur. Apparaissent aussi d'étranges mannequins à la tête ovoide traçant des architectures mathématiques dans des tableaux mis en abîme, à l'infini, comme deux miroirs qui se répondent.
Le plus impressionnant et le plus célèbre de ces tableaux est sans conteste le Portrait de Guillaume Apollinaire, acquisition magistrale des Musées Nationaux. On y discerne un buste de marbre, affublé de lunettes noires et représentant prophétiquement le sort du poète gazé.
Le moment de stupeur créatrice est passé, les places s'encombrent de mannequins, d'objets issus de la période géniale. On tend vers un clacissisme d'intentions. A la fin de cette période, on se rapproche de plus en plus de modèles classiques. De Chirico visite beaucoup de musées et en tire des leçon de "belle peinture", une nostalgie des époques bénies des grands peintres.
Dans une troisième partie de son oeuvre, Chirico est parvenu à copier les oeuvres de peintres anciens, il crée ainsi un musée de faux Rubens, Fragonard, etc. Qui sont un clou impressionnant et décevant de l'exposition. Car la copie se rapproche dangereusement du pastiche. Il excelle cependant dans l'autoportrait.
Dans la dernière partie de son oeuvre, Chirico finit par se copier lui-même. En voulant reconstituer la période métaphysique, il ne fait qu'accentuer son manque d'inspiration. Ces "faux Chirico" reprennent tous les thèmes passés, souvent servilement, mais le mystère de l'heure ne fonctionne plus. Le nuage de fumée est devenu un petit nuage drôle comme un chou-fleur. La matière est tellement légère qu'elle risque d'être prise pour une gouache. L'explication il la donne lui-même : tout cela n'a aucune importance et la peinture métaphysique n'est qu'un passage dans sa vie. Mais les dernières années, quel désastre! Des chevaux faits de palais grecs, des personnages figés mais sang poésie. Chirico a retiré de son expérience des anciens du mal peindre. C'est mauvais et répétitif.
Cette triste régression (ou rétrogression) nous conduit à nous poser des questions, qui seront traîtées dans le corps de ce billet.
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Thursday, 9 August 2007
Repli et retrouvailles
Il continue de pleuvoir. En quelques jours il s’est produit une chute de température de près de vingt degrés, et le château est chauffé. Berne est sinistré, les inondations entravent toute circulation. Mon projet de visite à la fondation Klee, sans cesse différé, est une fois de plus compromis. Mais paradoxalement je me sens plus en forme par ce temps exécrable que dans la moiteur un peu étouffante du beau temps de la semaine dernière. Question de pression sans doute.
Mes collègues sont indifférents au temps, et se perdent dans des discussions passionnées sur des points qui me semblent purement académiques. La géopolitique fait en ce moment bon ménage avec la physique quantique et Marina Fédier en a profité pour écrire un billet sur les relations entre les nouveaux paradigmes de la science (ils n’ont qu’un siècle !) et ce que le XXIe siècle nous prépare pour le meilleur ou pour le pire.
Une des discussions concerne le programme de l’année prochaine et surtout la langue adoptée pour nos rapports. Jusqu’ici j’avais imposé le français, car c’est ma langue véhiculaire par excellence et mon point de vue a prévalu, un de mes collègues étant genevois, deux autres canadiens et le dernier, américain, comprend le français. Mais le souci d’alignement aux normes internationales prévaut, et il est possible que d’ici le mois d’août prochain, ce blog sera au moins en partie rédigé en anglais.
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Monday, 20 April 2009
CHRONIQUE
Accalmie
Le printemps est ma saison préférée. En ce moment, sous un beau soleil sa splendeur explose dans les jardins parisiens. J'aimerais bien voir les jardins Kahn à Boulogne, parmi les plus fascinants de la capitale. Peut-être demain, aujourd'hui j'irai admirer les arbres en fleur au Pré Catelan. Toutes les sombres prédictions concernant la crise, s'évanouissent dans la douce amnésie des jours ensoleillés. Qu'on me permette de citer un magnifique passage à la gloire du Printemps.
Commencez !
Ainsi le printemps appelait dans la forêt.
Comme l'écho des vagues résonne
comme de vagues lointaines,
un autre chant s'approche, et s'approche plus prés;
le bois résonne
d'un concert de douces voix;
maintenant fort et clair il s'approche déjà
de plus en plus puissant! Comme des son de cloches
la jubilation retentit !
La forêt, qui bientôt
répond à l'appel,
elle retrouve une vie nouvelle,
et entonne
le doux chant du Printemps !
Dans une haie de ronces,
consumé par l'envie et l'envie,
armé de sa fureur,
l'hiver plein de rage,
caché parmi les bruissements de feuilles mortes,
épie et écoute se demandant,
comment causer du tort
à ces chants joyeux.
Ces vers proviennent du premier acte des Maîtres Chanteurs de Richard Wagner. Il nous rappelle que les médisances, les aigreurs, la mauvaise foi, la calomnie, la jalousie, sont toujours tapies dans l'ombre continuant leur travail de sape.
A ce propos, après la petite-fille, la fille, Fabienne Gaston-Dreyfus. Je reconnais que " la passion de son père, partagée avec sa femme, était sa collection de peinture, constituée avec l'aide d'Alain Tarica dont il était devenu un ami précieux." Je n'ai garde de l'oublier, ainsi que sa décision courageuse d'échanger sa collection d'impressionnistes (si je ne me trompe) contre d'authentiques chefs d'oeuvre d'Art Moderne. Je me souviens notamment de son merveilleux Hommage à Picasso, un des Paul Klee les plus précieux. J'ai partagé son amitié avec Alain Tarica, qui m'a avec son père Samy, fait découvrir Kurt Schwitters dont j'ai pu acquérir des oeuvres majeures, comme Merzbild Rossfett de 1918, et Merzbild mit Kerze, (assemblage à la bougie) qui ont figuré dans mont centre d'Art contemporain au Musée de Genève et que j'ai analysé in extenso dans une plaquette qui a rencontré un notable succès. Cela me donne l'idée de consacrer un billet à cet immense artiste, encore méconnu. Les Tarica ont changé toute ma vision de l'Art, ainsi qu'à Alain. Ils font partie de ces immenses marchands qui font les grandes collections (y compris celle de Bergé-Saint Laurent). Ils ne se contentaient pas de nous procurer des moutons à cinq pattes, ils étaient également de grands pédagogues et des initiateurs désinteressés.
Je ne puis donc que comprendre l'indignation de la famille d'Alain Gaston-Dreyfus, et je lui ai déjà exprimé mes plus plates excuses, qu'elle n'a pas dû lire sans doute. Quant à la malveillance, c'était plutôt de l'aigreur et je m'en suis expliqué. J'ai été mortellement déçu de voir s'échapper le fond Kandinsky et j'ai mis bien du temps pour digérer cette déception. Elle fait écho à une autre occasion, d'une tout autre envergure, que mon père avait dédaigné. Il ne s'agissait de rien moins que de la vente de la succession Klee, qui était alors à vendre. Mais nous venions à peine de sortir de la guerre et Klee ne suscitait pas parmi les riches mécènes l'envie de consentir un effort financier considérable pour l'époque. Mon père avait largement les moyens de l'acheter. Il préféra investir dans les vignobles de Tunisie dont il contrôlait une grande partie. Il a tout perdu depuis avec la nationalisation des biens français. Je fis des pieds et des mains pour le décider. J'en étais malade. Mais mon père me considérait avec agacement, comme un rêveur utopiste, et détestait la peinture moderne qu'il prenait comme tant d'autres, pour de la fumisterie. Mais ce n'était pas le cas d'Alain Gaston-Dreyfus qui connaissait bien la valeur artistique du fonds.
Sur le chapitre des rigueurs de l'hiver, j'évoquerait la grotesque affaire des excuses de Madame Royal, au Président Zapatero, cette fois. J'enparlerait car c'est un excellent exemple de désinformation qui illustre les ambiguïtés de la sémantique.
Venons-en aux faits de première main tels qu'ils ont été rapportés par des parlementaires de gauche et de droite, et unanimes quent à leur version des faits. Gillez Carrez, rapporteur des Finances de l'Assemblé Nationale a témoigné des propos élogieux tenus par Nicolas Sarkozy au sujet de Jose Luis Zapatero;
"Il gère au mieux son pays et a su se faire réélire alors que d'autres se prétendant très intelligents ont été incapables d'une telle performance.
De même Nicolas Sarkozy, se gaussant de la gauche a dit ironiquement : il n'est peut-être par très intelligent alors que d'autres se prétendant très intelligents ont été des incapables de sa performance".
D'où vient la source de la désinformation? D'un journaliste de Libération qui prétendait qu'au cours du déjeuner (auquel il n'assistait pas, bien entendu) et qui disait que Nicolas Sarkozy avait déclaré que Zapatero n'était peut-être pas très intelligent, ce qui est la pure vérité. Mais il passa sous silence le contexte ironique et l'ensemble de la phrase, d'où un mot avait été isolé de son contexte, procédé éprouvé d'intoxication.
Et Mme Royal dans tout cela? Je dois, en tant que professeur de management, lui tirer mon chapeau. Elle agit en parfait agent de marketing, sans scrupules d'état d'âme, visant l'efficacité et récompensée par son extraordinaire succès. Elle utilisa un procédé, qu'elle inventa avec une créativité et qu'elle mit en pratique avec un art consommé : présenter les excuses de la France, aujourd'hui à Zapatero, demain à Merkel, à Barroso ou à Obema.
En définitive je n'ai pu me rendre au Pré Catelan pour des raisons indépendantes de ma volonté. Il me reste a espérer que demain il fera aussi beau et que je pourrai me rendre au jardins Kahn. Ils mériteraient un billet à eux tous seuls.
A propos des attaques de l'hiver, je signale à mes amis que je serai à nouveau indisponible à partir du 11 mai et pour une dizaine de jours. Je demande à notre ami S*** de prendre le relais. Vous y gagnerez au change en hauteur et vous y perdrez peut-être en polyvalence.
Musique de printemps
Il n'y a pas que la poésie pour illustrer la plus belle saison de l'année. La musique est peut-être encor plus suggestive ainsi que la peinture (pensons à Botticcelli !) Ci-dessus, une version trafiquée pour des raisons de copyright, et extraite du codex éléphant de L'Entretien. Elle montre cependant le rythme dansant que l'on retrouve chez Beethoven et chez Schumann.
L'oeuvre qui se rapproche le plus de Botticelli, est la Symphonie N°1 "Le Printemps", op.38 de Schumann, etnotamment le dernier mouvement : Allegro animato e grazioso. Je vous conseille l'excellente version de Rafael Kubelik, DG.432 305-2
Très proche de cette musique à s'y confondre presque, le dernier quatuor Op.135 de Beethoven, et plus exactement l'allegro final, dansant et aérien. Cette oeuvre ultime datant de 1826, un an avant la mort du compositeur, laisse déjà par sa rupture radicale avec ce qui précède, la Xème Symphonie dont nous nous sommes déjà entretenus.
Le version du Quatuor Alban Berg a le grand mérite d'être interprétée live selon la stratégie du quatuor, qui privilégie la spontanéité et la vie à la perfection textuelle.
Au sujet du Quatuor Op.135 de Beethoven, voir le corps du billet.
Nous pouvons également citer le livre et le film de Jerzy Kosinski, Being There qui est un véritable hymne au printemps. Chance, le jardinier explique qu'après l'hiver, à condition que les racines soient saines, le printemps refleurira, métaphore qui est également celle de la toute fin du Chant de la Terre de Gustav Mahler :
La terre aimée partout se couvre de fleurs
au printemps et verdoie à nouveau !
Partout éternellement bleuit la lumière du lointain !
Ce qui pour Chance le jardinier n'est que constatation prosaïque est interprétée par le Président des Etats Unis comme un rafraîchissante métaphore, expliquant qu'à condition d'avoir un bon jardinier (lui ! ) après la récession et les difficultés économiques viendront les beaux jours amennés par le printemps. Ce qui se passe dans la nature, nous devons l'admettre pour l'économie.
Ce film est doublement un film d'art: celui de Kosinski le scénariste, celui de Kosinski, le metteur en scène. On peut se le procurer en Blue Ray. Un jour Kosinski reçut un télégramme de Chance le jardinier assorti d'un numéro de téléphone. L'auteur fit le numéro et ce fut Peter Sellers qui répondit ! On connaît le résultat.
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Wednesday, 26 September 2007
IDIO GAUCHO BOBO
La culture pour les nuls
Un événement!
Enfin un commentaire qui confirme ma prévention - à l'instar d'Alain Finkielkraut - pour le blog : un dépotoir d'immondices!
Jusqu'ici, l'accueil réservé à mes billets austères et sulfureux, le contenu et l'intelligence des commentaires, la gentillesse et la générosité qui m'ont incité à continuer à le maintenir coûte que coûte, toutes les nuits, de minuit à cinq heures, ont contredit l'idée que je me faisais de l'Internet. J'aurais donc rêvé? Un blog pourrait-il être sans concessions et rencontrer un public? Ou est-ce un cas unique, privilégié, une oasis de finesse et d'indépendance d'esprit dans un océan de vulgarité et de mimétisme?
Le commentaire de Paul, je l'appellerai Popol pour me mettre à sa portée, me rappelle que nous sommes privilégiés, et que nous tenons bon dans cette marée noire d'obscurantisme, mâtinée de méchanceté gratuite, de haine refoulée, et pour tout dire de bêtise : ignorant et fier de l'être, voici la devise de tous les Popols de la terre.
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