CHRONIQUE
Lectures
La nuit du 17 mars, je l'ai passée à lire les ouvrages les plus variés, mais tous présentant un intérêt certain, voire essentiel à mes yeux, complétant fort bien les textes de Pierre Bergé et sur le faux, cités dans les billets précédents. Le plus intéressant me semble une très profonde réflexion sur les rapports entre l'art de Paul Klee et la création musicale. La référence est :
Pierre Boulez, Le pays fertile Paul Klee Gallimard 1989 et 2008.
Cet ouvrage est d'une lecture difficile car Boulez se garde bien s'opérer des transpositions artificielles et superficielles entre une forme d'art et une autre. Il est impossible de transcrire dans un morceau de musique le rythme d'une peinture, et encore moins à partir d'une partition un équivalent pictural. Certes il y a des similitudes, voire même des équivalences : dans les deux arts on trouve la prééminence de la structure sur le sentiment et l'apparence (ce que Pierre Bergé notait dans l'intretien cité plus haut), et c'est dans la liberté que laisse la structure que se glisse la création véritable . Autrement tout est mécanique et froid. Le rythme, la couleur, la densité du matériau, sa répartition, son intensité. Par exemple dans certains tableaux Klee adopte le pointillisme : il délimite une surface et sa dimension, en la remplissant de pointillés, ce que Webern fait en musique par la répétition à l'identique d'une note. L'étendue picturale et la durée musicale sont évalués par le nombre de pointillés. Autre exemple le contre point : dans le tableau plusieurs lignes se croisent et circulent librement dans la toile. Chez Klee le procédé est constant, elle est conçue comme un mot croisé qui se lit dans le sens horizontal ou vertical. En musique, un morceau polyphonique est conçu de la même manière. La lecture verticale de la partition génère l'harmonie, alors que la lecture horizontale met en valeur la mélodie.
Mais si les équivalences sont évidentes, la spécificité irreductible de la musique et de la peinture est première. En effet le rapport à l'espace et au temps sont radicalement différents dans les deux arts. Alors que d'un seul coup d'oeil on peut percevoir la totalité de la structure du tableau d'une exposition, pour y revenir à la fin de la visite pour affiner le regard, la perception de l'oeuvre musicale dépend de notre mémoire. On ne peut appréhender l'oeuvre dans son déroulement (à moins de lire une partition) qu'instant par instant. C'est pourquoi, alors qu'on peut lire un tableau dans tous les sens, les structures renversables, où le thème se présente à l'envers, sont difficiles à percevoir. Encore une fois il faut une partition pour les apprésender, et c'est pourquoi l'audition en suivant une partition est hautement recommandée, en sachant toutefois que c'est la structure et l'organisation qu'on met en relief au détriment des autres dimensions comme le timbre ou l'intensité sonore. Un exemple est donné par la fugue de la sonate Op.106 Hammerklavier, où des passages entiers présentent le thème lu comme dans miroir, ce que l'on nomme le renversement, ce qui n'offre pas de difficulté dans un tableau. Pensez à un paysage se reflétant dans un étang. Le reflet et le réel apparaissent aussitôt comme identiques. Ce n'est pas le cas pour le renversement d'un thème, procédé qui, fréquent dans l'Op 106 est omniprésent dans L'art de la Fugue de J.S. Bach. L'orchestration de Scherchen a pour but de clarifié l'organisation des lignes de sonrte qu'on entende toutes les mélodies séparément. Mais il ne peut faire que dès que l'on dépasse une durée asssez courte d'un thème, on ne peut déceler son identité avec son renversement. Dans le cas de l'Op 106, la difficulté est fréquente, mais on y trouve une forme que les sérialistes utiliseront plus tard : la réccurence. Elle consiste à jouer la partition en la lisant en commençant par la fin et en finissant par le début. Beethoven ne facilite pas la tâche à l'auditeur car le thème est interminable et que même sous sa forme normale, on a du mal à en séparer le début de la fin. Que dire alors que la difficulté devient insurmontable quand Beethoven expose le thème à la fois renversé et récurrent! C'est pourquoi on n'a pas tort de dire que cette musique se lit plus qu'elle ne s'écoute.
Une pièce musicale qui recquiert des explications n'est pas valable car elle est incapable de se vendre elle- même à l'amateur.
Lire la suite dans le corps du billet (continuer la lecture).
HEBDOMEROS
Il s'agit du seul texte de Chirico se réclamant de la peinture métaphysique. Par la puissance de ses immages verbales, elle revêt une forme puissamment onirique et on peut la lire comme le récit d'un rève, dans touts les sens, et la déguster au hasard des page. L'ouvrage écrit en 1029 a été réédité plusieurs fois dont la dernière impression date de 2009.Enfin un ouvrage disponible !
Les dernières lignes de ce poème en prose vous donneront une idée de la poésie qui s'en dégage.
... Cependant, entre le ciel et la vaste étendue des mers, des îles vertes, des îles merveiilleuses passaient lentement, comme passent les navires d'une escadre devant le bateau-amiral, tandis que de longues théories d'oisaux sublimes, d'une blancheur immaculée, volaient en chantant.
Y-a-t-il plus commun que des oiseaux qui chantent. Un oiseau chante : il croasse ou roucoule, ou gazouille. D'où vient donc la musique qui se dégage de "volaient en chantant" ? Cela dépend je suppose de la préparation de cette image par des mots peu banaux tels que "de longues théories d'oiseaux sublimes". Je vous conseille d'acheter ce livre, et d'en déguster la nuit une ou deux pages prises au hasard en vous laissant emporter par le flot onirique et en vous l'appropriant.
Réponse à deux commentaires.
Slow Philou est heureux qu'on lui ait dévoilé l'existence de Guy Sacre. J'eusse préféré qu'il apprenne l'existence d'ouvrages sérieux tels que ceux de Pierre Boulez , ou tout simplement les articles de Wikipédia qui sont généralement excellents. J'ai à maintes reprises signalé l'existence de très bons livres, allant en profondeur à l'essentiel. Plutôt que l'existence de Guy Sacre, j'eusse préféré qu'il mette à profit mes billets pour acheter les explications -en un excellent français- du grand Wilhelm Kempff sur la 106 qui lui en apprendra long sur les lamentables critiques de M.Sacre. Qu'il commence par cela. Le Monde de la musique et Diapason donnent une quantité d'informations secondaires et souvent de rares appréciations de valeur sur les interprétations. Pour reprendre mes billets récents, qu'ont-ils fait pour signaler l'existence de la Xeme Symphonie de Beethoven? Et les disques paru recemment de Wilhelm Backhaus, jouant Brahms (les ballades) et Copin (la Sonate funèbre et les études) versions transcendantes? Ou la lecture la plus honnête d'une intégrale Brahms par Walter Klien. Ackoff a démontré qu'une information trop abondante tue l'information. Achetez donc de bons livres d'initiation de base à la musique que vous trouverez à La Flûte de Pan, rue de Rome, cela forgera cent fois plus votre jugement que tous les textes le plus souvent commerciaux des magazines. Ce n'est pas qu'ils se trompent toujours. Au contraire on leur doit, de même qu'à l'Avant Scene Opéra, excellente revue, de précieuses informations. Ils ont ainsi révélé le talent de Clemens Krauss, et celui de Richter.
Je vous apprendrai aussi que mes critiques acerbes ou désenchantées envers les critiques, ont été partagées et continuent de l'être par tous les grands compositeurs qui savent à quoi s'en tenir. Je me trouve donc en bonne compagnie! J'attends avec intérêt vos réponses aux miennes, vous voyez bien que je ne les prends pas à la légère.
Réponse à Tom.
Je passerai sur le ton injurieux à la limite de la bienséance de M.Tom, qui devrait au moins le respect que l'on doit porter à tout humain. Lorsque j'ai critiqué M.Sacre, cela concernait des points techniques bien finis, l'homme n'était pas visé. Au contraire les attaques proférées à mon égard visaient ma personne et dénote une hargne personnelle inacceptable. Cela ne deshonore que celui qui les commets. Cela dit, entrons plutôt dans une analyse factuelle de ses remontrances et négligeons ces mouvements d'humeur sans intérêt.
J'ai écrit "gastronomique" non pas par allusion à un artisanat qui dans la cuisine japonaise comme dans celle du Bristol confine au grand art, mais comme façon de parler. C'est une locution courante parmi les grands compositeurs allemands pour désigner une interprétation ou une composition douceâtre mais agréable à l'oreille. Je ne me crois pas supérieur aux autres hommes, et je ne me permettrais certainement pas de juger la Sonate Op.106 comme le fait Sacre. Par ailleurs nul ne peut reconnaître à l'oreille un rétrograde. Cela se lit dans la partition, mais si malgré tout Beethoven a passé un temps considérable à cet exercice et un labeur épuisant qui l'a pris tout entier, c'est qu'il doit bien y avoir quelque chose de valable. Ce qui est stupéfiant et qui me fait réfléchir, c'est que vous soyez plus hérissé par mes critiques sur ce monsieur,que par les siennes envers le plus grand chef d'oeuvre de Beethoven! Il doit bien y a voir une raison. Je n'ai pas à me rattraper sur la fin, que vouliez ou non j'ai plus de respect pour le maître de Bonn, fût-il sourd et à l'ouïe déficiente qu'envers le palais gustatif de son critique. Mais les Sacre ont existé de tout temps et comme je l'écrivais, Fétis et Hanslick ont été les plus célèbres et c'est pourquoi j'ai estimé utile de lui rabattre le caquet. II fallait faire contrepoids à ces travers peu glorieux en dessillant les yeux des auditeurs naïfs et désireux de progresser.
En ce qui concerne l'analyse, apprenez qu'il n'y a pas de "mais", car il est artificiel de vouloir opposer l'écoute et l'analyse. Encore que pour tous les connaisseurs quelque soit la discipline, ce qui est sensiblerie est la répudiation de l'analyse froide au profit de je ne sais quel hédonisme. Lisez Pierre Bergé, ou Pierre Boulez, ils ont fait la différence entre le vrai connaisseur et l'amateur. Je vous ai déjà conseillé vivement la lecture de l'interview de Bergé par Laure Adler, il est facile à lire, sans complaisance et formidablement instructif. Enfin pour terminer vous me prêtez des qualificatifs qui sont aussi gratuits qu'injurieux. Pour en revenir à l'accusation de vanité et sur le mot "supériorité, où avez-vous pris que je me trouve supérieur à tous les autres hommes, alors que je ressens douloureusement mes lacunes et que je me suis maintes fois qualifié de "moineau déplumé". Pensez que j'ai vécu pendant deux ans avec la moitié d'un cerveau et dans ces conditions où l'on lutte pour préserver ce qui reste de mémoire; il est difficile de prétendre à une quelconque supériorité, sauf sur des crapules ou des imbéciles. Voyez le personnage de MacWhirr dans Typhon et vous comprendrez. Si vous parlez de hauteurs spirituelles sachez aussi que je ne sais pas plus que vous de quoi vous parlez. C'est un domaine que ma soeur connaît et qu'elle essaie d'atteindre. On peut en dire autant de notre ami S*** dont vous appréciez les paraboles. Quant à moi, je me contente de faire mon job de professeur honnêtement et d'inciter les gens autour de moi, mes clients et mes chers internautes, à progresser dans le domaine merveilleux de la création, au plus profond de sa genèse plus qu'à ses manifestations mondaines et superficielles. C'est tout! Et croyez-moi, ce n'est pas facile en une ère de barbarie ou seul le pouvoir, l'argent et la notoriété comptent. Quant à l'objectivité, qui peut prétendre l'avoir? Chacun juge d'après ses propres échelles de valeur, et les plus grands esprits, les plus profonds créateurs ne sont certainement pas objectifs. Heureusement d'ailleurs. Vivement votre,...et merci pour vos commentaires, Bruno Lussato.
NOTE
Le schéma ci-dessous montre une astucieuse représentation graphique de la XIeme fugue de l'Art de la fugue de J.S.Bach. La fugue comprend quatre thèmes représentés par quatre couleurs différentes. En rouge le thème omniprésent, en jaune un autre plaintif ou menaçant, en vert, le thème du malheur, dérivé des notes B.A.C.H. qui transposées trois fois donnent le total chromatique, c'est à dire les douze sons au complet, préfigurant ainsi la technique dodécaphonique de Schönberg.
On lit le schéma par groupes de quatre lignes (correspondant aux quatre voix) et de gauche à droite. Le schéma esr donc composé d"une vaste frise tronçonnée en six fragments pour les besoins de l'impression. De bas en haut les lignes correspondent à la basse, ténor, contralto et soprano léger.
Les formes correspondent au profil des quatre thèmes et leur fragmentation.
On peut tirer de ce schéma les constations suivantes. 1. Tous les thèmes se présentent sous une forme directe et une forme renversée, comme vues dans un miroir. 2. Il est impossible de prévoir en dépit d'un équilibre formel entre les quatre thèmes, le déroulement de la fugue. A l'oreille elle paraît parfaitement logique, mais la lecture de la partition et son analyse approfondie montre - comme vous le voyez dans le schéma - qu'un désordre indescriptible constitue l'océan musical déferlant contre les rochers stables que sont les thèmes. 3. La complexité est encore accrue si l'on fait intervenir la gestion microscopique dy temps. La même figure apparaît allongée (augmentée) ou raccourcie(diminuée) avec toutes les variétés de démultiplication. Les formes longues peuvent se superposer aux formes courtes de toutes les manières sans que l'on entende le moindre frottement. La lecture simultanée des quatre vois, instant par instant, donne toujours une harmonie parfaitement licite. On reconnaît ainsi les principes énoncés par Paul Klee et commentés par Pierre Boulez, dont il est question dans leurs écrits : la plus grande rigueur se conjuge avec la plus grande liberté. 4. La meilleure exécution sera celle qui permettra d'identifier au cours de l'audition les formes superposées de la fugue. Alors que la plupart des éditions louées par les critiques visent une fausse authenticité (instruments d'époque) les deux versions majeures qui mettent en évidence la structure, sont pour grand orchestre. Il s'agit de celle de Munchinger, rapide et violente, et de celle de Scherchen, de loin la meilleure et publiée par un obscur éditeur.
Pierre Boulez et Paul Klee (suite)
Plusieurs de mes amis s'étonnaient que " je daigne répondre à des critiques imbéciles, et de perdre un temps précieux avec des gens sans intérêt et mal disposés". Quant à moi, je ne trouve pas que mes détracteurs soient sans intérêt. Il est vrai que les critiques sont stupides mais cela me semble dû à l'ignorance et à la pression de la mode plutôt qu'à un jugement faux.D'autant plus que ce genre de réflexion est courant dans notre pays ou dans le fumier on chante cocorico, patrie de l'ignorance glorieuse et d'une arrogance dans la suffisance que tout le monde nous reconnaît
Ma décision de répondre en détail à mes détracteurs s'est touvée justifiée car elle permet de mieux saisir leut position et de mieux comprendre celle de Pierre Boulez et de Paul Klee. Je me contenterai ici de citations du livre : Le pays fertile, Paul Klee dont il est question dans ce billet.
Quand on est soi-même impliqué dans une technique et dans un langage, on se comporte en spécialiste, on peut en devenir incapable de dégager des schémas plus généraux ou, si l'on y parvient, ne le faire qu'en termes spécifiques. Un musicien qui cherche à fournir une explication va la doner en des termes musicaux et elle échappera à l'auditeur si celui-ci n'a aucune familiarité avec ce langage. Tous kes vocabulaires techniques oeuvent produire ce même décrochement, cette même incompréhension, on en fait chaque jour l'expérience.
Rien de tel avec Klee. Il n'utilise aucun terme spécialisé, le sien est tellement courant, il prend des exemples d'une telle généralité, d'une telle simplicité de base qu'il est possible d'en déduire une leçon s'appliquant à n'importe quelle autre technique.
Autrement dit, il réduit les éléments de l'imagination à un tel degré de simplicité qu'il nous apprend deux choses :
1. À réduire les éléments dont nous disposons dans n'importe quel langage à leur principe même, c'est à dire, et c'est ce qui est important, quelle que soit la complexité d'un langage, à en comprendre d'abord les principes, à être capable de le réduire à des principes extrêmement simples.
2. Il nous apprend, du même coup : pouvoir, à partir d'un unique sujet, tirer des conséquences multiples, qui prolifèrent. Se satisfaire d'une seule solution est tout à fait insuffisant, il faut parvenir à une cascade , à un arbre de conséquences. Et de cela il sait donner des démonstrations tout à fait probantes. (p.10)
Que se passe-t-il quand on lit une partition? Le temps est horizontal, il va toujours de la gauche vers la droite.L'espace ce sont les accords, les lignes mélodiques, les intervalles qui peuvent être ramenés à des divisions qui, visuellement se distribuent à la verticale. La composante verticale de l'échiquier rend compte des intervalles, la composante horizontale pouvant représenter la division du temps. .... dans le tableau intitulé " En rythme", par exemple, il utilise l'échiquier normal, blanc et noir. Mais il va nous montrer que l'on n'est pas obligé de s'en tenir à cette alternance de blanc et de noir, que le rythme d'un échiquier peut être autre que deux. IL peut être trois s'il est blanc noir bleu. Cela va donner une autre division de l'espace amenant à repérer, non pas seulement le module 2, mais le module 3, ou encore le module , ou le modul e 4, ou tous les autres modiles qu'il est possible d'employer. ... Pourquoi (répéter le module) d'une façon mécanique : blanc noir bleu, blanc noir bleu, etc. ? Ce serait fastidieux. Il y a un moyen de renouveler cette division, ne serait-ce qu'en permutant les couleurs: bleu blanc noir, puis blanc noir bleu ... Il y a mille façons de réfléchir à ce problème.
L'une serait de moduler le module de deux à quatre; par exemple, pour ensuite, le restreindre. À ce moment-là, une grande forme a été crée dans cet échiquier, dans cette division de l'espace, montrant que le module s'élargit, ou se rétrécit. (p.79)
Je ne puis malheureusement pas fournir les illustrations qui éclairent et donnent vie au texte pour des raisons de copyright, c'est pourquoi l'achat de l'ouvrage est indispensable, d'autant plus qu'il faut le lire plusieurs fois pour commencer à comprendre des notions aussi subtiles. A défaut, je vais reproduire un petit tableau de 1914, que j'ai dû vendre pour payer au fisc des sommes que je ne devais pas. Autant se battre contre la mer que de lutter. Je me reproche mon laxisme aujourd'hui.
Un tableau inconnu de Paul Klee
Ce tableau est peut être une des oeuvres les plus importantes du Maître, car il contient en germe, clairement esquissées toutes les directions décrites dans les propos ultérieurs de Paul Klee. Toutes, simultanément. Pour les épuiser j'éditai une plaquette pour le Centre Bruno Lussato d'initiation à l'Art Moderne, du musée d'Art et d'Histoire de Genève. Je vais en donner ci-dessous des extraits.
Ci-dessus, Rythme des arbres . Aquarelle sur coton écru enduit deplâtre. 17 x 20 cm Signé et daté 191-1914. (D'après des notes de Paul Klee, elle a été vendue à Walden, pour l'ouverture de printemps de la Nouvelle Sécession. 20 février - 15 mars 1915, à Dresde.
Provenance : Herwarth Walden et Richter, Dresde, Benjamin Krohn; Chicago, Samy et Alain Tarica, Collection Bruno Lussato, Paris, aujourd'hui destination inconnue. Il n'en existe aucune reproduction (à l'exception du catalogue raisonné et des plaquettes du Centre Bruno Lussato). Lorsqu'il se vendit, voici des décennies de cela, on s'étonna des hauts prix atteints, y comprit des marchands comme Heinz Bergruen. Ils n'ont pas tort lorqu'on pense à la dimension, mais s'ils avaient étudié l'oeuvre et songé à sa composition et à sa place unique, ils étaient bien au dessous d'un tel monument que l'argent ne peut payer, et qui ne sortira pas de sitôt de son obscurité.
Je vous engage à l'examiner avec attention, vous y retrouverez les principes énoncés bien plus tard par le Maître et que j'avais déjà noté dans la plaquette à partir de l'examen détaillé et des lectures de Paul Klee.
Si vous divisez l'oeuvre en deux parties égales, vous constaterez que l'un est inverse de l'autre. Réunies on ne remarque qu'une unité profonde, mais inconsciemment subsiste la tension .
De même vous rencontrerez dans l'oeuvre tous les procédés énoncés par Klee et cités par Pierre Boulez: vision plongeante qui élimine le vide du ciel, fusion des antagonistes pour créer une forme d'une complexité supérieure, lignes principales et lignes secondaires, échiquiers et permutations, rythmes fugués, mouvement tournant, fond pictural et travail de la matière, pointillisme. Les textes de Klee que j'ai sélectionnés me semblent infiniment plus clairs et compréhensibles que ceux que Pierre Boulez qui ici, a du mal à se mettre dans la peau du grand public.
Ci-dessus, extraits de la plaquette montrant les schéma de construction
Ci-dessus, détail montrant le travail sur la matière et les superpositions.
Si je me trompe, je crois vous avoir soumis la plaquette dans son intégralité. J'ai consulté toutes les publications possibles,mais pas une ne reproduit l'oeuvre ni même la mentionne.On lui préfère même le médiocre tapis du souvenir, qui la suit immédiatement dans la chronologie. La seule trace qu'il ait laissé est le catalogue raisonné en neuf volumes. Mais qui a les moyens et le temps pour le consulter? Il apparaîtra sans doute un jour dans une vente, et je ferai le possible pour l'acquérir pour une de mes fondations,si je suis toujours actif. Mais quand? Et comment la retrouver? C'était il y a si longtemps! Si cela vous intéresse, je rééditerai la plaquette.C'est tout ce qui en reste !. En attendant, continuons nos citations.
Pour le musicien, il y a un rapport très dangereux entre l'oeil et l'oreille. Je ne parle pas de l'oeil en tant qu'inspiration, mais de l'oeil qui regarde la partition en train de se réaliser. Une partition est faite aussi pour être lue et le compositeur lui-même quand il l'écrit l'entend intérieurement et la lit en même temps... On peut même chez Bach, rencontrer certains dispositifs qui sont autant optiques qu'auditifs et je dirais que, dans ceretains canons, il ya oresque plus de nourriture pour l'oeil que pour l'oreille. Non pas que la musique ne soit pas belle, mais les symétries sont beaucoup plus clairement perçue par l'oeil que par l'oreille. Si l'on regarde un contrepoint rétrograde ( Note de B.L.Comme la fugue de la 106 tellement critiquée par la personne citée et la majorité des amateurs), l'oeil appréhende rapidement la ligne qui va de A à Z, puis, celle qui va de Z à A, il embrasse simultanément tous les intervalles. Ceci est beaucoup plus difficile à l'écoute parce que la mémoire enregistre dans la direction du temps : l'oei peut lire de droite à gauche, l'oreille ne peut écouter contre le temps. (p.97).
La ligne de partage entre un musicien professionnel et un amateur moyen se situe précisément dans la capacité de lire, c'est-à-dire de fragmenter la musique comme on le désire, dans sa succession comme dans sa simultanéité. Privé de cet outil pratique d'investigation, l'amateur sera réduit à écouter, à réécouter encore et encore... Les moyens de reproduction sonore lui en donnent d'ailleurs toute faculté.(p. 106)
La forme classique, fondée sur un schéma répétitif, est en cela semblable à l'architecture classique.Sans "voir" tout le bâtiment, on peut "prévoir" ce qui en reste encore caché. (p.117)
On peut à ce propos citer l'exemple de Mozart, assistant à l'exécution d'une sonate - disons de Salieri. Tout de suite après l'audition il prenait sa place et jouait par coeur toute l'oeuvre sans une erreur, puis brodait toutes sortes de variations dessus. Tous s'extasiaient sur la mémoire prodigieuse du divin Mozart. Mais si l'on a compris les propos de Boulez, Mozart se contentait de mémoriser la demi-douzaine de mélodies développées par Salieri pour reconstituer toute l'oeuvre.
Je me hâte de transferer la suite dans un nouveau billet afin de protéger celui-ci. J'en suis à ma troisième refonte, soudains, tout disparait sans raison.