Une trilogie initiatique
La Flûte Enchantée, (Mozart)
La Tempête, Shakespeare)
Le Deuxième Faust. (Goethe)
Ces trois chefs-d'oeuvre ont marqué durablement ma sensibilité pendant toute mon existence. Il m'a fallu une lente décantation pour en dégager les racines communes. Il serait beaucoup trop long pour n'en donner qu'un aperçu et une vie n'y suffirait pas. Pour épargner un laborieux travail d'approche à Alexandre et à ceux qui sont curieux d'en frôler la surface, je vais, au hasard, en évoquer quelques traits communs et les traces profondes qu'ils ont imprimé dans les tréfonds de mon inconscient. Je renverrai l'internaute aux très nombreux ouvrages et traductions. disponibles.. Nombreux, à l'exception de Faust I dont il n'existe aucune traduction potable bilingue autre que la prétentieuse adaptation de Malaplate (Flammarion).
La Flûte Enchantée
J'avais quinze ans lorsque j'assistai pour la première fois à Die Zauber Flöte à l'Opéra de Paris où elle faisait partie du répertoire. Le chef était Louis Forestier, qui tous les jours prenait son train à Asnières, pour aller au boulot (le chef de luxe était Georges Sebastian) la flûte c'était de la routine. Cela me permit de la voir vingt sept fois de suite.
La Reine de la Nuit était Mado Robin, et tout était chanté en français. Les décors dataient d'avant guerre et portaient de forts signe d'usure et des trous qui n'étaient en rien des étoiles. Mais pour l'enfant que j'étais, s'ouvrait devant moi un univers onirique de légende. J'adorais les transformations à vue, le feu, l'eau, le dragon en carton pâte, et par dessus tout le son du glockenspiel. Je crois même que c'est ce son argentin, ces clochettes adamantines qui expliquent ma fascination... Que je partageais avec Mozart lui même.
L'histoire est celle d'un basculement inattendu : la bonne devient la méchante, le méchant le bon etc. Il y avait de quoi se perdre.
LE PREMIER BASCULEMENT
Un prince japonais est attaqué par un méchant dragon qui fait hurler de rire tous les enfants de quatre ans. Les psy disent que ce sont les démons refoulés de notre inconscient. Trois dames en noir sauvent le héros, Tamino et le présentent à la gentille reine de la Nuit dont le méchant monstre Sarastro a kidnappé la ravissante fille : Pamina. Tamino contemple le portrait de la jeune fille, blonde et rose (dans les versions médusa, elle est noire et métisse), et tombe instantanément amoureux. Il jure de la délivrer.
La dolente Reine de la Nuit, se réveille et d'un air conquérant, déclare la guerre au monstre Sarastro, Tamino le vaincra et se mariera avec Pamina.
Tamino a une doublure : l'homme oiseau Papageno qui fait commerce d'oiseaux. Tamino est un homme d'idéal, prêt à mettre en jeu sa vie pour une noble cause. Papageno, hâbleur et menteur, aime la boustifaille, les filles et voudrait bine trouver sa femme-oiseau idéale Papagena. Les trois dames en noir lui remettent deux talismans : une flûte enchantée pour Tamino, symbole de la musique (celle de Mozart, bien entendu, pas celle des Rolling Stones!),le fameux carillon pour Papageno. Trois jeunes génies portant une plume d'oie montrent le chemin. Pour la petite histoire, notons qu'autant Mozart aimait les clochettes, autant il détestait la flûte!
LA TRANSITION
Le méchant Monostatos, noir libidineux (évidemment censuré par Médusa qui en fait un blanc. C'est Pamina la blonde qui vire au noir) essaie de violer la fille.. (Censuré) Ceci est conforme au récit de la Reine de la Nuit. Un serviteur d'un monstre (Monostatos) est un monstre lui même. La fille est sauvée par Papagena qui insiste dans le politiquement incorrect : elle a les cheveux blonds, les yeux bleus, les lèvres roses, le teint de pêche. Le texte est carrément désinformé par le libréttiste Médusa : on insiste : les yeux sont devenus marrons. Les fugitifs se sauvent, ils fuient le méchant Zarastro. De son côté Tamina arrive à trois pyramides et interroge.
LE SECOND BASCULEMENT
A la suite de sa quête auprès des prêtres des Pyramides, Tamino a une révélation : Zarastro est le sage, le vertueux, c'est la Reine de la Nuit qui personnifie le mal et manipule Tamino pour s'emparer de sa fille. L'ambiguïté atteint son comble, quand Pamina intercède auprès de Zarastro en faveur de sa mère "Elle est quand même ma mère! " "Ce n'est qu'une femme" déclare préemptoire Zarastro. Le politiquement incorrect s'aggrave, voici promu un sage sexiste!
LA VOIE MAÇONNIQUE
Jacques Chailley a accumulé les arguments et les détails les plus infimes, pour démontrer que la Flûte est un Opéra Maçonnique dans toute sa rigueur. Ce travail laborieux est contesté par des experts, mais nul ne met en doute la nature maçonnique de l'oeuvre. (On sait que Mozart était franc-maçon). D'ailleurs ce que l'on critique n'est pas le décodage maçonnique mais le fait de tout réduire à cet angle unique. Non seulement le scénario est maçonnique mais toute la musique porte l'empreinte symbolique non déguisé du rituel. Par exemple la suite de trois accords ne s'explique pas sans ce décodage.
Tout le scénario jusqu'à la fin montre les épreuves subies pour mériter le couple idéal, celui-ci seul pouvant porter la sagesse et digne de regner. Mais à côté de cet apologie du couple on trouve bien des propos racistes et misogynes candidats à la censure.
LE YIN ET LE YANG
L'opposition du noir (la Reine de la Nuit, Monostatos, la nuit et les ténèbres) et du jaune solaire éclatant (Sarastro) baigne toute l'oeuvre, mais elle n'établit aucune transcendance du mal. Le mal est le mal, c'est la barbarie, l'ignorance, et il s'oppose aux lumières et à la science.
La Tempête. (à suivre).
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