Apocalypsis cum Figuris
Apocalypse à images ...
Tel est le titre d'une suite de gravures sur bois, chef d'oeuvre effrayant de Dürer; illustrant un texte d'un égal effroi.
Ci dessous, titre du tapuscrit original de L'Entretien
L'apocalyse aurait été écrite par un nommé Jean de Patmos (à ne pas confondre avec Saint Jean, l'évangéliste) peu de temps après la mort de Jésus Christ. Il prédit toutes sortes de malheurs et de persécutions qui attendaient les premiers chrétiens avant que le Règne de Dieu puisse enfin s'installer sur une terre ravagée par tous les maux.
S'il est une oeuvre qui appelle le décodage, c'est bien celle-ci, notamment à cause de sa forte charge symbolique. Prosaïquement on peut estimer que cette prophétie était destinée à consolider la foi des Chrétiens, et leur faire prendre patience en attendant des jours meilleurs. Le texte apocalyptique rappelle à certains égards le noeud sémantique Djihad par sa condamnation de la bête immonde, la Jezabel, la prostituée universelle qui pervertit les esprits faibles. Mais il en diffère par le pacifisme des soixante dix vieillards et par son style hallucinatoire et imagé qui réussit à nous donner l'impression d'assister au jugement dernier.
Les historiens de l'école de Fomenko ont remarqué l'abondance de signes astrologiques et on essayé de retrouver à l'aide d'un simple logiciel, la preuve et les dates de événements décrits de façon spectaculaire.
Or en essayant de retrouver la date précise correspondant à l'horoscope décrit par la position des étoiles, les eclipses et les autres phénomènes cosmogoniques, on s'est aperçu que la configuration des étoiles présentes lors de la vision du coel de Patmos, correspond à la fin du XVe siècle. C'était la date de la découverte de l'Amérique et de profonds changements dans la situation de l'Eglise. L'Apocalypse de Jean, serait de ce fait, si l'on conteste la chronologie de Scaliger, dépourvue de toutes bases historique, bien plus proche de nous, et surtout concommitante avec de profonds changements dans l'histoire et dans la conception du monde.
Mais à mon sens la force de la vision apocalyptique provient de ses métaphores aisées à mettre en images, et la floraisons est riche. On trouve le texte illustré dans des parchemins illustres. Citons Le Beato de Liebana (Ed. FMR, Franco Maria Ricci) les tapisseries grandioses et superbement présentées à Angers.
Cependant c'est en musique que le texte a démontré son efficacité onirique. Pierre Henry a créé un oratorio aux effets quelquefois trop spectaculaires, et tombé depuis dans l'oubli.
Curieusement en notre siècle de remise en question de toutes les valeurs, on assiste à 'un combat implacable entre forces du bien et celles considérées comme le mal. Ce manichéisme est typique des textes sacrés occidentaux, et les passages jadis condamnés pour hérésie, sont aujourd'hui admirés comme des jalons dans l'histoire de la science et des techniques. On ne connait à partir de ce texte hallucinant que deux oratorios, celui de Pierre Henry, un peu court, et un autre, signé Adrian Leverkuhn, de loin supérieur.
Le docteur Faustus est sans doute la tentative la plus réussie. Le grand Oratorio est décrit par le Professeur Sérénus Zeitblom, pendant qu'il ,impuissant, à la fin de l'Allemagne nazie. Dès que l'on a lu le programme de l'oeuvre, on a la tentation irresistible de se précipiter chez les disquaires pour acquérir l'exécution dirigée par Eugène Ormandy.
La bonne raison qui nous empêche d'assouvir notre curiosité, est que l'exécution n'a jamais eu lieu. Car Sérénus Zeitblom et d'Adrian Leverkuhn sont les fruits de l'imagination fertile de Thomas Mann, fécondée par l'immense érudition de Theodor Adorno ..
Je suis frappé par la modernité du chef d'oeuvre de Leverkuhn, et par son exploitation de la prophétie. En effet dans l'Apocalypse, on cite des sauterelles d'acier, vrombissant comme des centaines de chevaux, où encore une pollution généralisée. On y décrit aussi des écrans présents dans tous les foyers et diffusant l'image du faux prophète et celles des scènes sensuelles et sexuelles. La licence, la paillardise, le blasphème, tout ce qui est condamné par le Vatican aussi bien que par l'Islam, est aujourd'hui politiquement correct. Le monde est désormais divisé en deux blocs : le monde laïque et le monde religieux, chacun allant à la dérive, comme des continents flottant sur du magma et s'éloignant les uns des autres.
Lorsque l'on contemple le monde depuis la vision apocalyptique, tout bascule. Les thèmes modernes relatifs à l'avortement, l'écologie, le développement durable, l'égalité et le partage, la rapacité des multinationales et des spéculateurs, le mariage homosexuel et l'adoption, le retour à la barbarie d'un continent déchu, sont tous abordés dans la "révélation", et on nous renvoie à une gigantesque lutte entre le bien et le mal. La relativisation des valeurs les plus sacrées, honteusement détournées de leur majesté a entraîné le réveil de jeunes aspirant à la venue d'un âge nouveau.
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