Billets marqués comme culture + raffinement
Billets indélébiles
Bouillon de culture est le titre d'un livre édité par Fayard en 1987 et qui a fait l'objet d'une émission d'Apostrophes. Par la suite Bernard Pivot a utilisé le titre pour une série d'émissions, sans d'ailleurs prendre la peine de me demander mon autorisation. L'émission ainsi que le livre, firent l'objet d'un tollé général de la part de l'intelligentsia et me valut un ostracisme général. En effet il était du début à la fin politiquement incorrect. Quelques unes de ses propositions furent déclarées inconvenantes et rétrogrades. La principale contestation porta sur la différenciation socratique établie entre haute culture et culture dégradée, alors que le relativisme et le "tout se vaut" triomphaient. Une autre, fut la prédiction qu'avec la multiplication des chaînes de télévision, le niveau culturel baisserait au lieu d'augmenter. Enfin on déclara mes propos élitistes car je prônais le nivellement par le haut, la fréquentation des grands génies du répertoire mondial et de tous les temps, plutôt que l'exaltation snob du banal et du pire. Mai 68 y était décrit comme une régression plutôt qu'une libération. Aujourd'hui, les prévisions de Bouillon de culture, devenu un "Brouillon d'inculture", se sont tristement réalisées. Il suffit de lire l'ouvrage très documenté de Paul Ardenne (Extrême) pour s'en convaincre. Alors que, suivant l'exemple des instructeurs d'autrefois, je recommandais la diffusion des chefs d'oeuvre du patrimoine auprès des masses populaires, je fus taxé d'élitisme. Cette rubrique approfondit la notion de différenciation culturelle. Si tout ne se vaut pas, quels sont les critères de valeur valides?
Thursday, 25 October 2007
La houle et le rocher
Je remarque que les billets qui passionnent le plus, et de loin, les internautes, sont dignes des pages d'un catalogue de Surcouf. Il en est qui s'enthousiasment pour les différences entre telle ou telle interprétation et détaillent avec finesse, les détails géniaux de telle page. Ceux-ci comparent des bits et des pixels, avant d'élire l'idéal technologique, en termes dithyrambiques, pour un jour le passer avec mépris par pertes et profits. J'avoue que j'ai plus de sympathie pour les objets qui prennent de la valeur et de la modernité avec le temps que pour les gadgets à qui on demande un minimum de performances. On va me rétorquer que j'ai tort de faire la fine bouche et que je suis bien content de bénéficier de mes gigabits. Certes... pour de la conversation spontanée, de l'enseignement, mais je n'ai jamais prétendu faire de l'art ni donner le meilleur de moi-même dans ces modestes billets. On pourra accroître la définition des pixels grâce à la full définition, la profondeur des noirs, la taille de l'écran,; mais cela ne sera pas considérablement supérieur à mon home cinéma sony tri-tubes et certainement inférieur du point de vue de la fidélité sonore.
Je pensais à tout cela en jouant sur mon Steinway modèle D, que j'ai depuis 40 ans et qui n'a jamais eu le moindre problème en dépit d'une utilisation intensive. Et puis je constate la vogue des enregistrements dits historiques, dont certains datent des années 50 ou 60 et sont d'une qualité insurpassée. Il est vrai que les instrumentistes leur insufflent une vie qui manque à nos représentations d'artistes sautant d'un jet à l'autre pour chanter aujourd'hui à Moscou, demain à Boston.
Du temps de Mozart, il y avait la vraie fidélité, celle de la musique de chambre, jouée par les maître et la maîtresse de maison, le cocher, le cuisinier et les deux femmes de chambre. Il est vrai q'uon était en Allemagne et que la musique mécanique n'existait pas encore.
C'est Steinway précisément qui avait pris pour devise un constat désabusé. " Dans le monde, on est battus par les flots déchaînés, tous bouge, tous change, seuls quelques rochers assurent la permanence de la perfection. Steinway est un de ceux-la.
Je puis en témoigner.
Thursday, 4 October 2007
La Bibliothèque (comment s'en constituer une)
L'initiation à l'Art
L'art c'est comme le chinois, ça s'apprend. (Picasso).
Voici un aphorisme que je ne cesse de répéter, quitte à passer pour un radoteur. Il est en effet des formules lapidaires qui énoncent des évidences pour les hommes cultivés, qui n'en sont pas pour les incultes et les snobs. Ces derniers ce trouvent aux antipodes de la culture humaniste.
La pauvreté culturelle absolue
Le degré zéro est la pauvreté culturelle absolue, pour reprendre l'expression de Galbraith, où on n'a pas le bagage culturel suffisant pour se rendre compte qu'on n'en a pas du tout. On se contente de peu, et on se moque de ceux qui en sont pourvus, comme ces pauvres absolus qui sans abri, adossés à un cocotier, voient passer les beaux messieurs et les jolies dames, habillés en Armani et en Prada, et les montrent du doigt en se gaussant. Ils travaillent juste de quoi vivre et somnoler pendant trois jours, puis recommencent... Il en est de même pour les pauvres culturels absolus qui eux sont bien souvent économiquement riches, et qui se moquent de ceux qui, péniblement, essayent d'accéder aux nobles sphères de l'art et des lettres. Ils répètent d'un air entendu " la culture ça ne se mange pas en salade", ou encore "la culture à quoi bon gaspiller son temps? On jouit ou on se divertit, un morceau de musique, un tableau, un poème, qui exigent pour être compris, un effort, ne valent rien. Et qu'est-ce que ça signifie comprendre? Y a rien à comprendre, faut aimer. L'art ce n'est pas des mathématiques, on jouit où pas, on aime où on n'aime pas. A-t-on besoin d'aller à l'école pour aimer un beau coucher de soleil, pour apprécier un tableau impressionniste, un bon morceau de jazz, un tube de Céline Dion? "
La richesse culturelle absolue
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Wednesday, 3 October 2007
Chronique
J'ai déjeuné avec G*** un ami de Poutine et un des meilleurs connaisseurs des équilibres de force en Russie. Il a brossé pour moi et pour X*** un tableau de la Russie actuelle qui en aucun cas ne peut être comparée du point de vue culturel comme politique avec ce que nous connaissons en Europe. C'est justement cette affinité culturelle qui nous trompe comme un mirage. (Que l'on pense à Pavlova, à Petipas, à Tchaikowsky etc... profondément liés à la vie musicale européenne, et en sens inverse, Berlioz et Wagner, qui furent honorés et soutenu par la société de Saint Petersbourg). Les élites européennes qui lisent Gogol ou Dostoiewsky ont l'impression que l'écart entre la Russie et l'Allemagne n'est pas supérieur à celui entre le Danemark et l'Ile de Malte. Or cette similitude ne touche que les classes supérieures et cultivées, décimées par Lénine et par Staline au profit des "barbares". Et ceux là façonnent les mentalités russes et les critères de valeur fondées sur le pouvoir et l'orgueil national.
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Wednesday, 26 September 2007
IDIO GAUCHO BOBO
La culture pour les nuls
Un événement!
Enfin un commentaire qui confirme ma prévention - à l'instar d'Alain Finkielkraut - pour le blog : un dépotoir d'immondices!
Jusqu'ici, l'accueil réservé à mes billets austères et sulfureux, le contenu et l'intelligence des commentaires, la gentillesse et la générosité qui m'ont incité à continuer à le maintenir coûte que coûte, toutes les nuits, de minuit à cinq heures, ont contredit l'idée que je me faisais de l'Internet. J'aurais donc rêvé? Un blog pourrait-il être sans concessions et rencontrer un public? Ou est-ce un cas unique, privilégié, une oasis de finesse et d'indépendance d'esprit dans un océan de vulgarité et de mimétisme?
Le commentaire de Paul, je l'appellerai Popol pour me mettre à sa portée, me rappelle que nous sommes privilégiés, et que nous tenons bon dans cette marée noire d'obscurantisme, mâtinée de méchanceté gratuite, de haine refoulée, et pour tout dire de bêtise : ignorant et fier de l'être, voici la devise de tous les Popols de la terre.
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Monday, 17 September 2007
Quoi de commun entre Grâce Kelly et Annette Messager?
RIen en apparence. Mais lisez Hayakawa. Le grand sémanticien établit une claire distinction entre l'art d'évasion et le grand art, celui des génies de la dramaturgie, des arts de la peinture, des architectes, des compositeurs. L'art d'évasion qui est souvent celui du divertissement, nous éloigne de la réalité, d'une réalité douloureuse ou décevante, à l'instar d'une drogue, d'un tranquillisant. Vous vous projetez dans un monde imaginaire, vous vous identifiez à un personnage flatteur ou puissant, vous vivez par procuration des situations d'autant plus fascinantes qu'elles sont faites pour fasciner. Mais après, vient le réveil, et vous vous sentez désemparé, dépaysé par la rude réalité, le monde est désenchanté, et aussi vite que possible, vous vous replongez dans l'univers sans pesanteur de la fiction, comme l'enfant effrayé se blottit sous les couvertures dans une chaude obscurité utérine. Mais il en subsiste toujours un sentiment d'incomplétude, causé par un décalage deviné pais nié entre la fiction séduisante et la réalité. La magnifique saga de Grace Kelly fait partie de ces fictions enfantines, primaires. L'image de la princesse ne peut survivre au temps. Nul enseignement ne peut être tiré des ces images polychromes d'un bonheur inatteignable, et on n'en retire que le sentiment fondé, d'un paradis d'autant plus perdu qu'il n'a jamais existé.
En revanche, voyez Wozzeck, l'opéra d'Alban Berg. L'histoire atroce d'un homme misérable qu'on rend fou, qui égorge sa femme et se noie, laissant un petit orphelin. Les dernières mesures juxtaposent trois images mentales fortes, plus fortes encore de leur superposition. 1. Les enfants excités qui cruellement viennent apprendre la nouvelle au petit : "La Marie, elle est morte! " et qui, joyeusement vont voir le cadavre, 2. Le pauvre petit tout seul dans la rue déserte et dans le monde hostile, qui continue à chevaucher son cheval de bois, un vieux balai et dit "hop hop ! hop hop ! ". 3. A l'orchestre un accord de douze sons étale répété trois fois, accord horizontal calme comme le grand sommeil, comme l'étang, comme la mort injuste et indifférente. Et cela donne une immense pitié, qui nous anime du désir que cela n'arrive jamais plus, une grande compassion. On pleure et cette catharsis est nécessaire, la splendeur formelle de la musique, le génie du compositeur, inversent le désespoir, apportent une réponse à tant de malheur quotidien. Sans cynisme, l'oeuvre d'élévation accroît notre lucidité, elle nous prépare à affronter les malheurs de l'existence et à y apporter des réponses positives. Et c'est cette catharsis qui fait que contrairement à l'oeuvre d'évasion, des images éffrayantes nous laissent un arrière goût consolant, nous font progresser dans la voie du développement et dans la connaissance de notre être essentiel.
Les installations d'Annette Messager sont des visions funèbres d'épouvante et une révélation des tréfonds de notre inconscient; Mais nous en sortons émerveillés, grandis, plus sages et plus conscients de la complexité de l'âme féminine et pour les hommes, mieux préparés pour la comprendre.
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