Art contemporain
Saturday, 14 July 2007
A Rose Has No Teeth: Bruce Nauman in the 60’s
Castello di Rivoli (Turin). Jusqu’au 9 septembre
www.castellodirivoli.org
Bruce Nauman… en long et en large. C’est un peu ce que propose le Castello di Rivoli, près de Turin, dans la magnifique exposition qu’il consacre à l’artiste américain. Et ce avec cent-huit œuvres couvrant un très court laps de temps, puisqu’en fait de décennie, les années 1960 se concentrent chez lui sur la période 1965-69. Cinq années au cours desquelles il a couché tous les principes essentiels de son œuvre et de ses développements futurs.
1965 donc, et l’une de ses premières sculptures, exposée d’entrée, qui d’emblée pose l’un des enjeux essentiels de son travail : expérimenter l’être et le monde, et comprendre cette expérience afin d’en dégager des significations. Ce qui concrètement va se traduire par une exploration aiguë de ce qui fonde le mode de vie, de travail et de pensée d’un artiste.
A cast of the Space Under My Chair (1965-68), est un moulage en ciment, un bloc presque cubique, qui tel que l’indique son titre n’est autre que le moulage de l’espace vacant sous une chaise. La démonstration est simple et on ne peut plus pertinente. Plutôt que d’entreprendre l’exploration des évidences qui l’environnent, des occurrences « positives » immédiatement accessibles par l’œil, l’artiste se lance depuis « l’autre côté ». Une sorte de quête du « négatif » dont la révélation permet d’y voir plus clair dans le maquis des significations et la complexité des processus de perception, tant visuels que physiques et psychologiques.
The True Artist Helps the World by Revealing Mystic Truths (Window or Wall Sign), 1967
150 x 139,7 x 5,1 cm
Courtesy the artist and Sperone Westwater, New York
© 2006 Bruce Nauman/Artist Rights Society (ARS), New York
Ce qui fascine chez Nauman c’est l’absence absolue de linéarité dans son œuvre, quelle que soit la période considérée. Les années soixante – de formation… on insiste – sont marquées par une profusion créative qui passe par la sculpture – ciment, bois, néon, fibre de verre… –, la performance – et notamment des recherches sur la spatialisation du corps, en particulier grâce à tout un jeu d’actions effectuées autour d’un carré tracé au sol de l’atelier, qui en quelque sorte constitue un module de référence au déplacement, et par-delà à l’appréhension du monde –, jusqu’à des films mettant en scène le quotidien le plus banal, tel le réjouissant, et jamais vu jusqu’alors, Fishing for Asian Carp (1966), montrant l’artiste à la pêche avec son ami William Allan. Toutes choses qui soulignent que, pour l’artiste, les éléments de réponse devaient reposer sur des bases simples, l’art étant fait de ce qui nous entoure.
Entre performance et objet, se met en place un double langage que l’exposition, qui fait judicieusement alterner films et sculptures, éclaire au mieux. Aux interrogations quant au positionnement du corps dans l’espace, à ses réactions physiques et émotionnelles lors de ses déplacements et de sa rencontre avec des objets, répondent des moulages abstraits, en fibre de verre ou résine, qui ne singent pas la pause ou le mouvement mais évoquent l’enveloppe.
Ici l’artiste manipule sa jambe pour faire de la sculpture (Thighing (1967), quand plus loin est accroché un moulage agrandi de son genou (Six Inches of My Knee Extended to Six Feet, 1967). Là, il expérimente des formes en prenant appui sur le mur (Wall-Floor Positions, 1968), pendant qu’on retrouve ailleurs des structures glissant du mur vers le sol (Untitled, 1965). La question de la mesure apparaît en outre récurrente, notamment avec ces néons « cartographiant » sa moitié gauche à intervalles réguliers (Neon Templates of the Left Half of My Body Taken at Ten-Inch Intervals, 1966) ou le dessin préparatoire à une structure abstraite pouvant contenir le quart arrière droit de son corps (Storrage Capsule for the Right Rear Quarter of My Body, 1966).
Le langage de Nauman, et sa compréhension, se construisent également sur une série d’oppositions, voire de contradictions. Elles sont évidemment manifestes dans le lien établi entre réel et abstraction, où l’artiste semble mettre à l’épreuve une « réalité abstraite » de la forme et du fond, non seulement grâce aux va-et-vient entre sculpture et performance, mais aussi par les jeux plastiques auxquels il se livre. Notamment lorsqu’il prétend rendre abstraite une chaussure en la couvrant de goudron alors qu’il s’agit d’un morceau de bois qui prend l’aspect d’une chaussure… rendue abstraite (Abstracting the Shoe, 1966).
Ces oppositions sont également à l’œuvre dans la question de l’exposition de soi. Certes Nauman a beaucoup donné à voir de lui-même, mais s’est-il pour autant révélé ? Son célèbre film Art Make-Up (1967), présenté ici dans de bonnes conditions avec quatre projections simultanées dans un carré, permet d’en douter, tant il apparaît que l’artiste se cache et se constitue un masque. De même son nom donné à voir en néon est-il rendu illisible par la déformation (My Last name Exaggerated Fourteen Times Vertically, 1967).
L’extension de soi, au-delà du corps, que constituent cette œuvre et beaucoup d’autres, peut en outre se lire telle une adresse à l’universel. Une ouverture plus marquée vers l’expérience du spectateur, que symbolisent les corridors des années 1970 – d’étroits couloirs que le visiteur peut traverser – dont le tout premier exemple clôt l’exposition (Performance Corridor, 1969).
Art Make-Up No. 2, Pink, 1967–68
16 mm film, color, silent; 10 min.
Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea
NB : Cette chronique s'interrompt quelques semaines, le temps d'une trêve estivale.
Sunday, 1 July 2007
Estuaire Nantes > < Saint-Nazaire 2007
Jusqu’au 1er septembre
www.estuaire.info
Qui a dit que les politiques se méfiaient comme d’une guigne de l’art contemporain?
À mille lieux des rejets caricaturaux ou des empathies parfois démagogiques, la manifestation « Estuaire Nantes > < Saint-Nazaire 2007 », initiée par Jean Blaise, directeur du Lieu unique à Nantes, s’impose comme une belle réussite culturelle et politique, en ce qu’elle impose l’art contemporain comme un facteur à part entière d’un processus d’aménagement du territoire et de définition d’une identité métropolitaine.
Avec le recul de l’implantation industrielle, les villes de Nantes et Saint-Nazaire font face à la nécessité de reconvertir des zones situées en pleine ville. Avec cette opération estivale, qui voit une trentaine d’artistes investir des structures culturelles des deux villes, mais aussi divers sites urbains et les rives de l’estuaire de quelques 60 kilomètres qui les relie, preuve est faite que « l’art contemporain a sa place au cœur de la cité, même quand il dérange », pour reprendre un propos très volontariste de Jean-Marc Ayrault, le maire de Nantes. Un édile que l’on a pu voir expliquer le plus tranquillement du monde le sens de son action à l’un de ses administrés, manifestement mécontent de voir la grande statue de la place Royale enfermée dans un amas décrépi de tôles ondulées (une intervention de l’artiste japonais Tatzu Nishi, qui a construit une véritable chambre d’hôtel autour de la statue, à visiter le jour et à vivre la nuit).
Les espaces institutionnels sont de la partie, tel le Musée des Beaux-Arts qui accueille une formidable installation in-situ d’Anish Kapoor. Svayambh (2007) transfigure littéralement l’édifice, avec un wagon de trente tonnes de cire rouge qui se déplace lentement, d’avant en arrière, sur un podium situé à 1,5 mètre de hauteur qui traverse tout le patio pour aboutir dans l’entrée. Traversant les arcades, il y laisse des traces de son passage, entre violence contenue et lyrisme tragique.
Anish Kapoor, Svayambh, 2007
Cire synthétique, bois, nergalto, métal.
Parcours : 45m x 3m.
Wagon : 7 m x 3 m x 4,50 m
© Cécile Clos, photographe du musée des Beaux-Arts de Nantes, Ville de Nantes.
Dans l’espace urbain, la démonstration s’opère sur l’Ile de Nantes, vaste chantier à ciel ouvert, qui a déjà vu s’implanter un palais de justice imaginé par Jean Nouvel et poursuit sa mue sous la houlette de l’urbaniste Alexandre Chemetoff.
C’est sur le quai des Antilles que les transformations apparaissent les plus patentes. Alors que Daniel Buren, avec la complicité de Patrick Bouchain, y a installé 18 cercles de 4 mètres de diamètre qui à la nuit tombée s’illuminent de couleurs et redessinent la voie (Les Anneaux, 2007), le vaste Hangar à Bananes, ancienne mûrisserie de 8 000 m2, a été complètement reconverti. Divisé en « cellules » ouvertes sur la Loire, il a permis l’installation de cafés et restaurants branchés qui redonnent vie au site. Un espace d’exposition y a été également aménagé, pour lequel Laurence Gateau, directrice du Frac des Pays de la Loire, a conçu « Rouge Baiser », un accrochage sensible et remarquablement agencé d’œuvres de sa collection.
À Saint-Nazaire, la disparition des chantiers navals a laissé vacants de nombreux espaces. Mais c’est sur le site du port lui-même que Felice Varini, avec Suites de triangles (2007), réussit à imposer une nouvelle conscience du territoire. Reconstituée depuis une terrasse, une ligne adjoint des figures géométriques éclatées dans l’environnement, sur des hangars, des toits ou des silos. Réassemblés ou pas, ces motifs constituent le prodige d’amener le regard à se détourner du large pour redécouvrir un port délaissé.
Sur les rives de l’Estuaire, les sites livrés aux artistes jalonnent le territoire. On peut les aborder par la terre ou les découvrir par voie d’eau, notamment grâce à une croisière fluviale quotidienne spécifiquement organisée.
Si les interventions sont d’intérêt inégal, certaines s’avèrent particulièrement pertinentes ou drôles dans ce contexte. Avec Did I Miss Something ?, Jeppe Hein a installé un jet d’eau de 20 mètres de hauteur, qui ne se déclenche que si quelqu’un s’assoit sur banc situé sur la rive. Près d’une écluse, Erwin Wurm a accroché un bateau déformé qui semble vouloir rejoindre ses congénères (Misconceivable, 2007). Un curieux campement d’architectures mobiles et d’habitats légers – avec des projets de Dré Wapenaar, Atelier Van Lieshout ou Denis Oudendijk – fait surface à Frossay. Et on voit même un réplique de l’ancienne auberge de Lavau-sur-Loire s’enfoncer dans le fleuve (Jean-Luc Courcoult, La Maison dans la Loire, 2007).
Certaines installations, telles celles de Buren, Wurm ou Tadashi Kawamata, qui toujours à Lavau a pensé un chemin s’enfonçant dans les marais qui aboutit à un observatoire (L’Observatoire, 2007), sont pérennes. Elles viendront enrichir les prochaines éditions, prévues en 2009 et 2011. Occasion sera alors donnée de mesurer le chemin parcouru par cette identité territoriale en cours de constitution.
Saturday, 23 June 2007
Impressions de Venise II
Penser avec les sens, sentir avec l’esprit
Jusqu’au 21 novembre
Arsenal et Pavillon italien des Giardini
www.labiennale.org
Revenons sur la Biennale de Venise, où à côté des pavillons nationaux installés dans les Giardini et dispersés dans la ville, se tient la toujours très attendue exposition internationale, sise à l’Arsenal et dans le Pavillon italien.
Confiée pour la première fois à un américain, Robert Storr, ancien conservateur au MoMA de New York, elle déçoit les nombreuses attentes placées en elles.
Storr, esprit brillant qui a orchestré au MoMa de très belles expositions, et notamment une formidable rétrospective Gerhard Richter en 2002, avait annoncé, avec sa thématique « Penser avec les sens, sentir avec l’esprit », vouloir réconcilier les « séparations factices » entre le sensuel et l’intellectuel, et pour ce faire « donner du plaisir là où il y a quelque chose de caché pour réfléchir ».
Une belle profession de foi peu suivie d’effets, alors que paradoxalement ce n’est pas le choix des artistes qui est en cause.
Parmi les 100 sélectionnés, tous ne sont pas intéressants, heureusement ! Mais force est de constater que l’exposition réserve de beaux moments. Le jeune italien Paolo Canevari par exemple, qui avec « Bouncing Skull » (2007) livre un film remarquable et glacial, où un enfant joue au football avec un crâne humain devant un édifice presque détruit.
Le colombien Oscar Muñoz revient subtilement sur les disparitions politiques avec une suite de cinq écrans vidéos. Dans son « Proyecto para un memorial » (2003-05), un pinceau dessine à l’eau sur du béton des portraits qui s’effacent très rapidement sous l’effet du soleil.
La redécouverte de l’argentin León Ferrari est savoureuse. Particulièrement son Christ crucifié sur un avion militaire qui tombe en piquée, qui n’a pas pris une ride (« La civilización occidental y christiana », 1965).
Avec « Tijuanatanjierchandelier » (2006), le regretté Jason Roadhes livrait une belle et vaste installation où mots en néon et objets traditionnels évoquent les migrations.
De bonnes œuvres donc, et un accrochage impeccable. Mais l’ennui avec cette exposition c’est qu’à quelques exceptions près, telle une somptueuse série de six toiles très complexes de Richter (« Cage 1-6 », 2006), le rideau de perles dorées de Felix Gonzalez-Torres, ou le film d’animation très psychologique de la japonaise Tabaimo, où une main s’aventure dans une maison de poupée pour en faire et défaire l’organisation (« Dollfullhouse », 2007), on perçoit peu les notions de plaisir et de sensualité annoncée par le commissaire.
Son exposition fonctionne plutôt comme un réquisitoire accablant et sans échappatoire sur la déliquescence du monde contemporain. S’y enchaînent la guerre, les rétentions, les crises économiques, les problèmes migratoires, la faillite des utopies, l’enfermement et la surveillance… Tout cela sans que jamais, où presque ne pointe un relent d’optimisme. La traversée du long arsenal confine donc, au bout d’un moment, à l’épreuve.
Storr est américain. Il ne fait nul doute qu’il est profondément atterré et marqué par le comportement de son pays et son enlisement dans le bourbier irakien, et que cela influe sur sa perception du monde et du regard qu’y portent les artistes.
Reste que ce pessimisme exacerbé n’est pas la seule réponse à y apporter. Nombreux sont les artistes, à traiter de sujets difficiles sur le fond d’une manière plus légère dans la forme. N’importe quel visiteur est à même de faire la part des choses et de savoir que le monde dans lequel il vit ne tourne pas rond et comporte un lot phénoménal d’ignominies sans nom. Le seul constat, même s’il est salutaire, ne suffit pas à faire avancer la prise de conscience. Car la seule dénonciation, pessimiste et accablante, ruine l’idée qu’il y a encore des raisons d’espérer, des possibilités d’intervenir. On veut pourtant encore le croire.
Paolo Canevari
Bouncing Skull
2007
Video
Cortesy; Paolo Canevari, Galleria Christian Stein, Milano
Leon Ferrari
La Civilización Occidental y Cristiana
1965
Tecnica mista / Mixed media
cm 200x120x50
Colección Alicia y León Ferrari
Photo: Ramiro Larraín
Courtesy of the artist
NB : Contrairement à ce que j'annoncais dans la chronique du 9 juin, le Lion d'Or récompensant le meilleur pavillon, qui en 2005 avait récompensé Annette Messager, sera our la première fois décerné au mois d'octobre.
Le photographe malien Malick Sidibé a toutefois reçu un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière, qui lui a été décerné le 10 juin dernier.
Saturday, 16 June 2007
ART BASEL 2007
Du 13 au 17 juin 2007
www.artbasel.com
La 38e édition de la foire Art Basel – toujours considérée comme la plus importante au monde - s’est ouverte le mardi 12 juin, pour une journée réservée aux collectionneurs et aux professionnels, dans une ambiance euphorique.
Jamais les allées n’avaient été vues aussi encombrées dès 11 heures le matin, à l’ouverture des portes. Preuve que le contexte actuel est très favorable à un marché en pleine santé, encore dopé par les résultats astronomiques des ventes d’art contemporain de New York, à la mi-mai.
Public nombreux, et achats également. Il faut dire que la qualité était au rendez-vous, avec de beaux morceaux à emporter ici et là.
Beaucoup de galeries réservaient des pièces intéressantes, si ce n’est marquantes : un somptueux dessin préparatoire de Charles Ray chez Gladstone (New York), des touchantes peintures de Michaël Borremans chez Zeno X (Anvers), la confirmation du talent de la jeune Kathy Moran avec ses tableaux abstraits chez Modern Art / Stuart Shave (Londres et Andrea Rosen (New York), une magnifique installation mêlant photos et film 16 mm réalisée par David Lamelas à Milan en 1970 (Jan Mot, Bruxelles)… Sans oublier le stand de Eva Presenhuber (Zurich), mis en scène par l’artiste Urs Fischer, qui y a créé une véritable circulation avec un jeu de portes.
La liste des œuvres de qualité serait trop longue à égrainer, d’autant qu’il faudrait y rajouter le moderne, toujours de très grande qualité à Bâle. Ce qui en fait une foire à l’ambiance muséale, tant y abondent les chef-d’œuvres inattendus. Dans ce domaine, le londonien Helly Nahmad a frappé fort, avec un stand dédié à Picasso comportant pas moins de 20 toiles, toutes du début des années 1960, avec en position centrale son fameux « Déjeuner sur l’herbe ».
Si le volume et le montant des transactions dans le moderne ont été eux aussi excellents, il est frappant de constater que l’on y a beaucoup plus pris son temps pour conclure. C’est bien vers le contemporain que désormais se ruent en premier lieu les acheteurs. Signe de la fascination toujours croissante qu’exerce ce secteur, et du véritable facteur d’investissement qu’il représente, pour un auditoire toujours plus large.
Friday, 15 June 2007
Nouvelles du blog
Le médecin à un ami qu'il vient d'examiner :
J'au deux nouvelles à vous annoncer, une mauvaise et une bonne. La mauvaise la voici : vous n'en avez pas plus de trois mois à vivre. La bonne : je viens de coucher avec ma secrétaire.
Non, ce n'est pas une plaisanterie : c'est une oeuvre de Richard Prince de la série des "jokes". Prine est un des vingt cinq artistes de la liste New Wave. J'attends que Bonnet m'explique où réside le génie de cet artiste , dans le traitement de la surface, le caractère des lettres?
J'ai été revoir Chute d'étoiles avec un jeune Russe fort intelligent mais tourné vers les choses matérielles de la vie et ne connaissant rien d'autres que les arts de distraction. Il a découvert là, un art d'élévation. J'espère que cela constituera un déclic pour toute une vie. Mais aussi qu'il utilisera une partie de son immense fortune pour faire du mécénat et s'intéresser à l'art si riche de notre époque. Quant à moi, j'ai commencé de lire les lettres à Félician de Ingeborg Bachmann, Actes Sud, 2006. Une nostalgie mystérieuse, tendre et déchirante. Le duo d'amour me rappelle celui entre Lars et Clara. J'ai l'intention à ce propos de vous livrer demain la suite et la fin du duo d'amour de Saga. J'ai lu aussi quelques poèmes choisis de Paul Celan, chez Gallimard, 1952-1998. La richesse de la poésie est désespérante, comme celle de la musique d'ailleurs. Des centaines de relectures n'épuisent pas les connotations de ces mots mystérieusement juxtaposés.
Le tableau intitulé Voie Lactée, est peut être ce qui m'a le plus impressionné. Ce qui est décourageant, c'est le sentiment qu'on reverra jamais pareille exposition, et son passage est si court? Un mécène serait bien avisé de transporter tout l'ensemble dans un musée construit ad hoc. Pendant que j'écris ces lignes, la lumière grise de l'aube me rappelle celle, mystérieuse de l'immense tableau de Kiefer.
J'ai écrit cette nuit deux textes que je vous soumets. L'un provient de L'Entretien. D'une secheresse voulue on ne peut le comprendre que dans son contexte qui est d'un thriller assez effrayant, car il a été placé dans une enquête macabre, pour faire diversion. Le second texte, est la suite de la masterclass sur la grande distribution. (David le chameau).
Saturday, 9 June 2007
Impressions de Venise
La Biennale de Venise - Pavillons nationaux
www.labiennale.org
La 52e Biennale de Venise vient d’ouvrir ses portes. Fleuve comme à l’accoutumée, elle réunit cette année, autour de l’exposition internationale installée à l’Arsenal, « Penser avec les sens, sentir avec l’esprit », du commissaire général Robert Storr, 76 pays – un record ! - présentant ce qu’ils estiment être le plus pertinent de leurs créations respectives dans les pavillons nationaux des Giardini.
Si le Lion d’Or – qui sera connu le 10 juin - devait être décerné en suivant l’applaudimètre des professionnels, le canadien David Altmejd et la polonaise Monika Sosnowska tiendraient la corde.
Dans un bâtiment couvert de miroirs, le premier, âgé de 32 ans, a conçu un parcours tout à la fois âpre et festif, sorte de forêt où le surréalisme aurait percuté les interrogations et les malaises humains et sociaux du XXIe siècle. Une ambiance étrange, très narrative et onirique, où se mêlent des créatures hybrides dans un environnement troublant qui, indéniablement, met le doigt sur des questions essentielles.
La seconde, a inséré dans le pavillon polonais une installation architecturale en métal, comme une structure de circulation intérieure avec passerelles et escaliers, qui ne mènent à rien, d’autant qu’ils croulent littéralement, déformés par les pressions de l’édifice. Une belle réussite !
Nouveauté cette année, la présence d’un pavillon italien autonome, qui donne la parole à deux générations. Giuseppe Penone, fondateur de l’Arte povera, envoûte littéralement avec une salle au sol de marbre brut et totalement irrégulier qui se dérobe sous les pas, et dont les murs sont couverts de peux d’animaux tannées qui deviennent comme du tissus. Quant à Francesco Vezzoli, avec « Democrazy », il met en scène les élections américaines à venir en présentant face à face, dans une ambiance de meeting, les clips de promotion des deux candidats, joués par Sharon Stone et Bernard-Henri Lévy. Conseiller par de communicants politiques américains, l’artiste brouille les messages : simple et efficace.
L’hommage rendu par les Etats-Unis à Felix Gonzalez-Torres est, comme attendu, sensible et émouvant. Touchante également, l’installation sculpturale et vidéo du pavillon néerlandais où Aernout Mik s’empare des problèmes migratoires et de leurs lots d’arrestations, de rétentions et de drames humains. Le tout sans aucun pathos mais avec une belle acuité.
Autre pavillon marquant, celui de la Grande-Bretagne où Tracey Emin surprend avec un accrochage remarquablement juste et précis, où comme toujours, l’artiste aborde les questions de la féminité et de la sexualité. S’y croisent sculptures – des tours étranges et instables faites de lattes de bois -, dessins et peintures. Ces dernières sont d’autant plus remarquables que s’en dégagent deux niveaux de lecture. Un premier qui en fait une peinture abstraite formaliste vaguement convaincante, et un second d’où émergent des traces ténues qui permettent d’entrer au cœur du tableau.
Le pavillon français déçoit. Sophie Calle s’est pris les pieds dans le tapis de son propre système. Elle a demandé à 107 femmes de commenter dans une courrier une lettre de rupture qu'elle avait reçu. Si l’idée de départ était bonne, les réponses sont esthétisées à outrance, chacune mise en scène avec un procédé graphique différent. L’ajout des photos de chacune des protagonistes, mise en scène dans ce qui prétend être son quotidien rend le tout, au choix, indigeste ou anecdotique.
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