Mozart
Monday, 23 April 2007
*** Le sacre de l'ignorance
A propos de la description de la sonate pour piano K310 de Mozart par Guy Sacre.
J'ai dit tout le mal que je pensais de Guy Sacre. (cf. L'article sur la sonate op.106 de Beethoven). Ce personnage m'insupporte parce qu'il représente à mes yeux ce qu'il y a de plus détestable chez certains critiques musicaux de notre pays. L'ignorance glorieuse, la fatuité et la prétention, la coquetterie littéraire, et surtout la manie de juger les chefs-d'oeuvre qui les dépassent, à l'aune de leur médiocrité.
Cet auteur a des parti-pris accusés, des idiosyncrasies opposées aux miennes : il déteste les oeuvres de structure, j'ai de l'antipathie pour les oeuvres purement gastronomiques. La différence réside en ce que jamais je ne me permettrais de "déposer des ordures devant Ravel" alors qu'il s'en prive pas pour les oeuvres les plus sublimes de Beethoven, de Mozart et de Brahms. Il montre à leur égard une sévérité qu'il épargne à un Mompou et fait partie de ces déchiffreurs français qui se pâment devant Rachmaninoff, Fauré, Scriabine, notre Satie, notre Debussy, notre Poulenc et notre Ravel, mais qui ont horreur de toute la musique d'élévation et de complexité allemande.
Pour eux la musique s'appréhende de manière sensuelle, par le toucher (la pulpe sensuelle des doigts), par le goût (la dégustation au propre comme au figuré), par l'odorat (le parfum d'un accord), par l'ouïe (l'art de combiner les sons de manière agréable à l'oreille) mais certainement pas par la vue qui dévoile l'apprehension profonde de la structure des partitions, ce que Mozart appelait "sur-entendre", et Beethoven "la musique par opposition au bruit qu'elle fait". Guy Sacre "sous-entend" et préfère le bruit à la musique (au sens beethovenien ou brahmsien du terme). Il tombe juste, je présume, pour les musiques qu'il aime : Fauré, Dabussy ou Mompou, dont le talent voire le génie réside, comme les impressionnistes dans la subtilité de l'apparence et de l'effet. Il tombe à côté dans la musique qui recquiert une aptitude spéciale à l'élévation, de Bach à Schoenberg.
Voici quelques citations tirées de "la musique de Piano" de Guy Sacre qui illustreront mon propos antigastronomique.
A propos de la célèbre sonate K331 de Mozart. (Avec Marche turque):
"... Que reste-t-il aujourd'hui de cette sonate? Sûrement pas le menuetto qui lui tient lieu de mouvement lent... même les déchiffreurs en chambre qui se sont essayés aux deux autres, ont généralement négligé ce mouvement."
".... (sur le dernier mouvement) ... ces pages peuvent nous être chères pour mille raisons (quoique l'on ait en général des motifs de la haïr), mais elles sentent l'usure; il faut être un fieffé pianiste pour en tirer encore quelque chose (pas nécessairement de la musique ! )".
Au sujet des variations du premier mouvement : "c'est leur thème qui est le meilleur moment de la sonate. .... Les six variations que Mozart lui donne n'ajoutent rien au "charme" (au sens de Valery et de Mompou) (sic) de ce thème ; elles lui en ôtent , au contraire, si fines soient-elles ... la dernière ... semble annoncer déjà l'exubérance un peu clinquante et tintinnabulante du rondo ... "
Guy Sacre prend en référence Mompou. Voici quelques appréciations sur un de ses compositeurs favoris.
"... cet homme s'est demandé ce qu'il avait de commun avec les fabricants de sonates, les facteurs de symphonies, les ajusteurs de fugues. ... (le mot de "compositeur", après tout, ne laisse entendre souvent qu'une besogne sans âme ; à voir certains triturer les quelques notes de leur thème, les étendre, les tirer dans tous les sens, disons l'affreux mot : les développer , on est tenté de parodier le dicton : les dieux proposent, l'homme ... compose" ... "Il y aura toujours des gens pour se pâmer au retour du thème A, du thème B, à l'imbrication du C et du D, à l'inversion du E, au rétrograde du F. Mompou, s'il l'avait voulu, aurait fait sienne ces recettes que le moindre tâcheron de conservatoire applique sans avoir besoin de réfléchir... "
Continuer à lire "Connotations de la sonate K310 de Mozart."
Nouvel article sur Mozart
Il parait qu'à l'occasion de la campagne électorale, des milliers de blogs ont poussé comme des champignons par temps brumeux. Les apprentis journalistes ont écoeuré les gestionnaires de ces nouveaux types de médias ouverts sur l'internet. Ils espéraient avoir en provenance de la base, des multitudes de microtranches de vie passionnantes, de témoignages authentiques, de notations non édulcorées ni accomodées par le journalisme professionnel. En un mot des observations de terrain, factuelles, dépourvue de la rhétorique, des inférences et des jugements des journaux d'opinion. A ce que j'ai pu comprendre, c'est le contraire qui s'est passé. La proportion de nouvelles fiables venus de la toile a chuté considérablement pendant le suspense électoral. Chaque journaliste en herbe, s'est délecté à commenter, à donner son opinion, à distribuer des encouragements ou des blames, de tort et à travers, sans la moindre justification. De la désinformation pure en somme.
C'est à vous dégoûter pour un petit blog comme celui-ci à ajouter votre minuscule voix au grand concert, et à jouer la mouche du coche. C'est la raison pour laquelle, pendant mon absence du blog, j'ai relu le livre monumental de Guy Sacre sur la musique de piano. (Près de trois mille pages serrées, plus d'un millier d'oeuvres disséquées, analysées, jugées). J'en ai tiré des informations intéressantes qui modulent les appréciations que j'ai déjà portées sur ce critique, dans mon article du la Sonate Op.106 de Beethoven, dont les jugements condescendants sur un des chefs'd'oeuvre de la musique, me sont restés au travers de la gorge.
Cet article, précédé de l'onglet violet, est destiné aux professionnels ou aux amateurs avancés. Cependant il traite de deux questions essentielles pour tout amateur d'art : les mots peuvent-ils aider à comprendre, à mieux ressentir, à mieux pénétrer une oeuvre d'art qui s'exprime en images ou en sons?
Un critique, aussi averti soit-il, a-t-il le droit d'émettre des avis négatifs, sur des oeuvres universellement admirées, et dont on peut supposer qu'il ne les a pas étudiées suffisamment, ou qu'elles sont fondées sur d'autre critères que les siens. Par exemple notre censeur déteste les oeuvres monumentales, sophistiquées, complexes, visant la transcendance, et d'abord difficile, ardu, et au premier contact rebutant. Il adore au contraire, celles qui le font vibrer, émeuvent ses sens, et qui combinent les notes et les couleurs d'une manière agréable à l'oreille.
Lorsqu'une oeuvre est purement conceptuelle, (comme l'art conceptuel de notre époque ou les combinaisons savantes de BAch et de Schoenberg) elle est rejetée. Lorsqu'elle dissimule sa structure sous une "peau" sensuelle et délicieuse, le critique admire ce qu'il sent et ressent, et exprime un point de vue aussi partiel que celui que pourrait avoir un daltonien d'un tableau de Monet.
La campagne électorale
J'ai suivi comme tout le monde son déroulement à la télévision et dans les journaux français et étrangers. Il ne faut pas chercher dans mon appréciation un quelconque jugement sur les candidats, mais uniquement des réflexions sur le taux de désinformation. Jamais le slogan "l'information derrière l'information" ne me semble plus adapté à la situation. Je vous invite à consulter le journal du 24 avril 2007.
Sunday, 25 February 2007
*** Nous attaquons ici l'analyse du développement de la sonate en la mineur K310.
Nous citons Füssl et Scholtz (Urtext) :
" Ainsi que les notations dans le reste du 1er mouvement, il est remarquable de signaler que la relativement longue section piano de l'exposition et de la réexposition, s'oppose à un bloc fortissimo dans le développement qui commence dans la dominante secondaire de si majeur qui tombe sur un pianissimo après quatre mesures (à nouveau sans le moindre changement structurel et pianistique!), pour conclure fortissimo quatre mesures après dans un total de 18 mesures qui inclut le commencement de la rexposition. Ce mouvement avec ses contrastes dynamiques violents (il est très rare que Mozart écrive pp ou ff) tout en préservant l'unité thématique et architecturale la plus grande possible, semble avoir été conçu orchestralement plutôt que pianistiquement"
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►
Ci dessus on a reproduit le passage pp et une partie de la suite ff.
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Ci dessus nous reproduisons la fin de la réexposition, à partir du moment où les pianistes amorcent leur crescendo, alors que rien de tel n'est indiqué dans la partition. Les trois sections de ce passage appellent des accents énergiques : les deux premières mesures sont péremptoires, à la 5ème mesure un déferlement descendant et furieux en septième diminuée, brisé par un nouvel accord de septième au registre aigu, conduit à la conclusion dactylique implacable. Comment imaginer un tel paroxysme dans une nuance piano? Nul n'y parvient, et nous mêmes, en dépit de notre bonne volonté, avons du mal à l'interpréter conformément à l'original.
Continuer à lire "Mozart. Sonate pour piano K310, suite."
Saturday, 24 February 2007
*** Interprétations du premier mouvement de la sonate en la mineur pour piano K310 de Mozart
.............................♦a...................................................♦b
..♦c...........................................................♦d
L'interprétation de a et de b, pose problème. D'après l'Urtext Edition de Schott (Fussl/Scholz) les appoggiatures doivent probablement être jouées comme des croches comme en c et d où Mozart les met au net. La raison d'une notation différente pourrait être que dans a et b le retard est une dissonance alors que c'est une consonance dans c et d. Au cours d'une discussion animée, René Leibowitz me démontra que jouer l'appoggiature comme deux croches sur une dissonance, était une erreur de composition que jamais Mozart n'aurait laissé passer. On peut en effet argumenter que jouer les mêmes notes sur des accompagnements différents est difficilement défendable. Mais il y a une autre raison que l'on pourra aisément ressentir en écoutant les pianistes qui comme Dinu Lipatti jouent toutes les appoggiatures d'une manière uniforme, et ceux qui comme Lili Kraus, respectent la notation de l'autographe. (Appelons la première interprétation,lissée : V 2; la seconde, la version conforme à l'autographe V 1) Incontestablement V1 est plus âpre, plus dramatique, introduisant une sorte d'halètement. Le retour du thème apparaît alors une variante moins dure, qui prépare la transition vers le deuxième thème. La baisse de l'agressivité introduit une sorte de résignation, ou d'abandon qui me semble psychologiquement plus juste.
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