*** Interprétations du premier mouvement de la sonate en la mineur pour piano K310 de Mozart
.............................♦a...................................................♦b
..♦c...........................................................♦d
L'interprétation de a et de b, pose problème. D'après l'Urtext Edition de Schott (Fussl/Scholz) les appoggiatures doivent probablement être jouées comme des croches comme en c et d où Mozart les met au net. La raison d'une notation différente pourrait être que dans a et b le retard est une dissonance alors que c'est une consonance dans c et d. Au cours d'une discussion animée, René Leibowitz me démontra que jouer l'appoggiature comme deux croches sur une dissonance, était une erreur de composition que jamais Mozart n'aurait laissé passer. On peut en effet argumenter que jouer les mêmes notes sur des accompagnements différents est difficilement défendable. Mais il y a une autre raison que l'on pourra aisément ressentir en écoutant les pianistes qui comme Dinu Lipatti jouent toutes les appoggiatures d'une manière uniforme, et ceux qui comme Lili Kraus, respectent la notation de l'autographe. (Appelons la première interprétation,lissée : V 2; la seconde, la version conforme à l'autographe V 1) Incontestablement V1 est plus âpre, plus dramatique, introduisant une sorte d'halètement. Le retour du thème apparaît alors une variante moins dure, qui prépare la transition vers le deuxième thème. La baisse de l'agressivité introduit une sorte de résignation, ou d'abandon qui me semble psychologiquement plus juste.
e
Le premier thème conclut par un rythme dactylique ressemblant à une marche militaire f, suivi par un echo p (ci-dessus).
f
Ci-dessus on reconnaît en clé de sol un motif fluide en doubles croches, typiquement mozartien. Son caractère limpide contraste avec le premier thème. Si le premier thème est en la mineur, de rythme féminin (trochée), et forte, le second thème est en do majeur (relatif de la mineur), de rythme masculin (accent porté sur les temps forts) et p. On ne pourrait avoir de contraste plus accentué. Les pianistes profitent de la broderie de la main droite pour faire valoir la légèreté et la transparence de leur toucher, et séduire les amateurs. Mais en réalité, cette transparence est opacité car il ne s'agit ici que d'un accompagnement, le thème se trouvant à la main gauche (en clé de fa). C'est un dialogue sérieux qui n'est pas sans rappeler un passage de Don Juan, lors de la grande déploration sur la mort du commandeur. Certes, le motif est toujours reconnaissable, mais il est secondaire par rapport à la ligne sinueuse et gracieuse de la main droite.
g
La coda de l'exposition, comme celle de la réexposition, présente le motif fluide à la basse, surmonté du motif dactylique de l'exemple e. Cela n'a rien de surprenant puisque la conclusion présente les mêmes caracteristiques dramatiques que le premier thème. Par ailleurs, la conclusion de l'exposition est en do majeur, relatif de la mineur, tonalité de la sonate. La conclusion de la rexposition rétablit le ton original de mi mineur, ce qui est assez normal.
Normalement le plan d'une sonate est : Exposition : th.1 tonalité principale, th 2, dominante, coda : dominante. Développement : passage de la dominante à la tonalité initiale, à travers des modulations variées. Réexposition : les deux thèmes et la coda sont dans la tonalité initiale, réduisant les tensions entre les thèmes et rétablissant l'équilibre. Dans cette sonate, Mozart remplace la tension tonique-dominante par la tension tonique-relative mineure.
Ce qui l'est moins, est l'indication agogique p qui s'applique à tout le morceau à partir de l'entrée du deuxième thème. Cela signifie, qu'au lieu de finir sur un f dramatique, accordé au caractère impérieux du premier thème et de la coda, Mozart, laisse s'éteindre le mouvement, ce qui est absolument incompréhensible.
Les éditeurs de l'Urtext de Schott-Universal n'ont pas manqué de relever cette étrangeté absolue. Aucun pianiste n'ose d'ailleurs suivre les indications de l'autographe, de peur sans doute de recevoir des tomates sur la tête! Citons les musicologues : " Au sujet des indications dynamiques, il est frappant que le piano apparaît en force, du commencement du thème auxiliaire, à la conclusion de l'exposition et du mouvement, alors que la structure thématique et l'écriture pianistique indique un forte apparraissant rapidement après le deuxième thème. En considérant les indications dynamiques abondantes du mouvement suivant, il est difficile de croire que Mozart aurait oublié deux fois de suite un "forte" ; mais par ailleurs, il est étrange que Mozart n'applique pas davantage de tension dramatique - par le moyen d' indications dynamiques - aux conclusions piano, totalement non-conventionnelles.
Se pose ici, avec une particulière acuité, le problème de la divergence entre les intentions du compositeur et ce que le public - et le pianiste qui en est tributaire - sont susceptibles d'admettre. Mon professeur de piano, Berthe Lapp, une élève de Hans Pfitzner, déclarait que l'interprète fidèle doit jouer exactement la partition, sans rien en changer. Mais, ajoutait-elle, il doit aussi atteindre une totale spontanéité, comme s'il improvisait. Cette double contrainte est paradoxale : en effet si on suit exactement les indications du compositeur, on risque d'être scolaire, pointilleux, inerte; sI au contraire on laisse libre cours à son intuition, ses sentiments, et ... l'empathie avec le public, on sonne authentique, mais on ne l'est pas. Pour reprendre une fois de plus la formule de Beethoven, le bruit que fait la musique est convaincant, mais la musique est trahie. La réponse, réside évidemment dans un travail intense pour essayer non seulement de comprendre, mais de ressentir les raisons qui poussent le compositeur à écrire comme il l'a fait. Il faut de l'empathie ...avec le génie, non avec le public! - et aussi la capacité de comprendre la logique des intentions cachées : l'information derrière l'information.
J'ai inlassablement essayé de me mettre dans la peau de celui qui dans un terrible état de stress, seul, abandonné à Paris, dans un milieu qu'il détestait, sa mère en train de mourir, se confiait au pianoforte. Et il m'a semblé que le choix de Mozart se justifiait à la fois pour des raisons logiques et psychologiques.
Logiques,, car ainsi que nous le verrons dans la suite de cette analyse, le "climax" du mouvement se trouve dans le développement, où, fait très rare chez Mozart, les fortissimi alternent sans transition avec les pianissimi. Finir avec un forte, détruirait l'impression produite par ce dramatique combat où le rythme dactylique s'impose. N'oublions pas que de même, Don Juan s'achève par un fugato décevant, après le terrifiant épisode de la mort du héros. Sans aller aussi loin, dans cette même sonate, le deuxième mouvement, présente au milieu de son développement, un épisode dactylique fortissimo d'une terrifiante sauvagerie. Il faut ajouter à cela qu'à la fin du premier mouvement, la reprise du développement est jouée. Finir ff, saturerait la dynamique générale, et atténuerait l'effet dramatique exceptionnel du climax.
Les raisons psychologiques sont plus subjectives, et elles n'ont certainement pas été éprouvées par la totalité des pianistes que j'ai pu entendre. Cela fait plus d'un demi-siècle que je joue cette sonate. Malheureusement par coeur, car j'ai ainsi, insensiblement remplacé les détails de la partition originale pour les remplacer par des notations plus agréables, plus "mozartiennes" et plus intuitives. D'une part mes partitions étaient défectueuses, d'autre part j'étais plus attentif aux interprétation entendues en concert, qu'à la partition, que je ne lisais plus, la connaissant par coeur. Ce n'est que récemment que je me suis penché sur le fac-simile de la partition autographe, poussé par les interprétation divergentes disponibles dans le commerce. Quelle est donc la justification dramatique de cette fin décevante?
Tout d'abord l'effet de surprise. Une différence entre les sonates de Beethoven et celles de Mozart, est que très vite on trouve naturel ce que note le compositeur, chantant, lisse, évident, alors que Mozart est totalement imprévisible. Les sonates sont pleines de micro-énigmes, d'aspérités inattendues et choquantes, de contre-rythmes, de décalages et d'asymétries soigneusement compensées. Le contrepoint est si subtil, qu'il est indiscernable à l'écoute. Cet effet de surprise est plus marqué dans les feuillets intimes des sonates que dans les oeuvres destinées à un plus vaste public. Le public le remarque d'autant moins qu'au nom du "style mozartien" les interprètes gomment le "musicalement incorrect".
Autre justification : après l'orage presque insoutenable du développement, toute l'énergie est épuisée. A la fin de l'exposition en revanche, le piano de la coda, ménage l'effet de surprise du climax.
(A suivre)
Aimez-vous Brahms? En ce moment je joue deux oeuvres antinomiques: la Sonate K330 de Mozart, dont j'ai esquissé une analyse et un décodage, dans un des articles, les Quatre Ballades Op.10 de Brahms. Je ne connais pas de pi&egra
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  Mozart. Sonate KV 310, Premier mouvement. 30 mai 2007 PLAN SUCCINCT DU PREMIER MOUVEMENT. Aller aussi à  1       2  En chiffres rouges, le numéro de la mesure. En vert, les commentaires.. Réfé
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