Chronique de Frédéric Bonnet
Saturday, 9 June 2007
Impressions de Venise
La Biennale de Venise - Pavillons nationaux
www.labiennale.org
La 52e Biennale de Venise vient d’ouvrir ses portes. Fleuve comme à l’accoutumée, elle réunit cette année, autour de l’exposition internationale installée à l’Arsenal, « Penser avec les sens, sentir avec l’esprit », du commissaire général Robert Storr, 76 pays – un record ! - présentant ce qu’ils estiment être le plus pertinent de leurs créations respectives dans les pavillons nationaux des Giardini.
Si le Lion d’Or – qui sera connu le 10 juin - devait être décerné en suivant l’applaudimètre des professionnels, le canadien David Altmejd et la polonaise Monika Sosnowska tiendraient la corde.
Dans un bâtiment couvert de miroirs, le premier, âgé de 32 ans, a conçu un parcours tout à la fois âpre et festif, sorte de forêt où le surréalisme aurait percuté les interrogations et les malaises humains et sociaux du XXIe siècle. Une ambiance étrange, très narrative et onirique, où se mêlent des créatures hybrides dans un environnement troublant qui, indéniablement, met le doigt sur des questions essentielles.
La seconde, a inséré dans le pavillon polonais une installation architecturale en métal, comme une structure de circulation intérieure avec passerelles et escaliers, qui ne mènent à rien, d’autant qu’ils croulent littéralement, déformés par les pressions de l’édifice. Une belle réussite !
Nouveauté cette année, la présence d’un pavillon italien autonome, qui donne la parole à deux générations. Giuseppe Penone, fondateur de l’Arte povera, envoûte littéralement avec une salle au sol de marbre brut et totalement irrégulier qui se dérobe sous les pas, et dont les murs sont couverts de peux d’animaux tannées qui deviennent comme du tissus. Quant à Francesco Vezzoli, avec « Democrazy », il met en scène les élections américaines à venir en présentant face à face, dans une ambiance de meeting, les clips de promotion des deux candidats, joués par Sharon Stone et Bernard-Henri Lévy. Conseiller par de communicants politiques américains, l’artiste brouille les messages : simple et efficace.
L’hommage rendu par les Etats-Unis à Felix Gonzalez-Torres est, comme attendu, sensible et émouvant. Touchante également, l’installation sculpturale et vidéo du pavillon néerlandais où Aernout Mik s’empare des problèmes migratoires et de leurs lots d’arrestations, de rétentions et de drames humains. Le tout sans aucun pathos mais avec une belle acuité.
Autre pavillon marquant, celui de la Grande-Bretagne où Tracey Emin surprend avec un accrochage remarquablement juste et précis, où comme toujours, l’artiste aborde les questions de la féminité et de la sexualité. S’y croisent sculptures – des tours étranges et instables faites de lattes de bois -, dessins et peintures. Ces dernières sont d’autant plus remarquables que s’en dégagent deux niveaux de lecture. Un premier qui en fait une peinture abstraite formaliste vaguement convaincante, et un second d’où émergent des traces ténues qui permettent d’entrer au cœur du tableau.
Le pavillon français déçoit. Sophie Calle s’est pris les pieds dans le tapis de son propre système. Elle a demandé à 107 femmes de commenter dans une courrier une lettre de rupture qu'elle avait reçu. Si l’idée de départ était bonne, les réponses sont esthétisées à outrance, chacune mise en scène avec un procédé graphique différent. L’ajout des photos de chacune des protagonistes, mise en scène dans ce qui prétend être son quotidien rend le tout, au choix, indigeste ou anecdotique.
Tuesday, 22 May 2007
Robert Gober. Work 1976-2007
Schaulager, Bâle, jusqu’au 14 octobre
www.schaulager.org
La rétrospective consacrée à Robert Gober (né en 1954 à Wallingford, Connecticut, vit à New York) par le Schaulager, à Bâle, est un événement à plus d’un titre, et s’annonce comme un des temps forts, si ce n’est immanquable, des pérégrinations estivales des aficionados de l’art contemporain.
Surtout, cette exposition révèle la magistrale complexité et l’absolue cohérence d’une œuvre entamée il y a trente ans, que l’on peut embrasser dans ses divers aspects pour la première fois.
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Monday, 14 May 2007
...... "A mort l'infini." Philippe Mayaux,
au Centre Pompidou
prix Marcel Duchamp 2006
PARIS, Centre Pompidou, jusqu’au 13 août
L’exposition annuelle du lauréat du Prix Marcel Duchamp, décerné chaque année au cours de la FIAC à un artiste français en milieu de carrière, est cette année une belle réussite, d’une salutaire fraîcheur.
Dans le difficile Espace 315 du Centre Pompidou, dont il est parvenu à briser le caractère longiligne en insérant en son centre un cube couvert de miroirs, Philippe Mayaux nous convoque à une presque mini rétrospective de son œuvre, qui aborde les diverses facettes de son travail.
Le regard butine allègrement de peintures en sculptures ou en photographies. Mais lorsqu’il s’arrête, c’est pour se concentrer sur les singuliers objets qui lui sont offerts à voir.
Car l’une des premières caractéristiques du travail de Mayaux, à l’ère du gigantisme que l’on voudrait synonyme de qualité mais qui ne l’est pas toujours, loin s’en faut, est de travailler uniquement des petits formats qui impliquent une proximité accrue avec le regardeur, établissant un contact débarrassé d’intermédiaires ou de parasites quelconques.
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Tuesday, 8 May 2007
VENISE. Séquence 1, Palazzo Grassi
Jusqu'au 11 novembre 2007L’exposition « Séquence 1 », élaborée par Alison M. Gingeras, conservatrice de la collection, est l’occasion d’arpenter plus encore, à travers les œuvres de seize artistes, la part contemporaine de la collection de François Pinault.
Cet accrochage aligne de très belles œuvres, telle la suite d’autoportraits réalistes de Rudolf Stingel, Louvre (after Sam) (2006), où l‘impression de reproduction mécanique est contredite par quelques « imperfections » qui attestent du caractère « fait main » de la peinture. De même, qu’on ne se lasse pas des incursions de l’artiste dans le registre décoratif, comme ici avec un moulage de motifs qu’on croirait issus d’un plafond rococo, avant qu’ils ne soient teints en noir (Untitled (1631), 2007).
Parmi les œuvres de Richard Prince (notamment une formidable suite de portraits colorisés, comme issus de séries TV, montés dans de très grands cadres noirs et longilignes : Untitled (Entertainers), 1983), de Mike Kelley, de Robert Gober (une remarquable et inquiétante porte encadrée de ballots de journaux, surmontée d’une ampoule rouge et à travers laquelle filtre un rai de lumière : Door with Lightbulb, 1992), de David Hammons, Louise Lawler ou Urs Fischer, force est de constater qu’on ne boude pas son plaisir.
Cette exposition laisse pourtant une impression mitigée en posant deux questions.
Tout d’abord, un accrochage est-il un déballage ? À de rares exceptions près – et on soulignera la collaboration réussie de Franz West et Urs Fischer, qui a aboutit à la création d’un papier peint figurant les traces de l’ancien accrochage de la collection, dont il ne subsisterait plus que des fantômes, cartels inclus – les salles sont monographiques. On prend peu de risques, avec des noms tels que ceux sus-cités, en les alignant de la sorte les uns après les autres. Surtout quand on essaye de les lier par l’argument fourre-tout et pas très original de la réinvention des médias classiques que sont la peinture et la sculpture. Tout cela relève plutôt de la faiblesse dans le discours curatorial.
La seconde interrogation a trait aux phénomènes de mode. François Pinault est un collectionneur avisé, dont la qualité globale des œuvres qu’il assemble n’est pas à prouver ni à remettre en cause. Comment est-il alors possible qu’un œil aussi averti ait pu se laisser piéger au point d’acheter en nombre – et d’infliger au visiteur – tant d’œuvres d’Anselm Reyle ?
Coqueluche du marché, ce dernier est devenu une sorte de « phénomène de foires », avec inflation constante des prix et listes d’attente. Cela suffit-il à en faire un travail digne d’intérêt ? Sans doute pas au vu de ses monochromes noirs, véritables croûtes d’une lourdeur ahurissante sans un once de finesse, de sa sculpture en bronze poli façon croisement de Brancusi et de Koons, posée sur un socle en macassar (c’est mentionné sur le cartel… car le collectionneur doit en avoir pour son argent !), ou de ce mur peint en jaune fluo, qui dans l’atrium du Palazzo Grassi résonne presque comme une insulte.
L’argument qui voudrait que l’artiste ressuscite, par la force de l’hommage, les styles du passé, est très court et fait surtout montre d’une bien faible créativité. Les artistes cités en hommage s’en seraient sans doute volontiers passé, à l’image de Martial Raysse, dont les formidables tableaux des années 1960, confrontés à ceux de l’artiste allemand, affirment une belle vitalité.
Les phénomènes de modes, particulièrement dans le champ de l’art contemporain, sont à manier avec précaution. Surtout lorsqu’ils ont trait à la persistance d’une peinture facile car outrancière dans son vocabulaire et finalement paresseuse dans ses moyens… qui malheureusement fait trop souvent de l'ombre à de vraies recherches et de beaux talents, moins prétentieux et pas tape-à-l’œil.
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