...... "A mort l'infini." Philippe Mayaux,
au Centre Pompidou
prix Marcel Duchamp 2006
PARIS, Centre Pompidou, jusqu’au 13 août
L’exposition annuelle du lauréat du Prix Marcel Duchamp, décerné chaque année au cours de la FIAC à un artiste français en milieu de carrière, est cette année une belle réussite, d’une salutaire fraîcheur.
Dans le difficile Espace 315 du Centre Pompidou, dont il est parvenu à briser le caractère longiligne en insérant en son centre un cube couvert de miroirs, Philippe Mayaux nous convoque à une presque mini rétrospective de son œuvre, qui aborde les diverses facettes de son travail.
Le regard butine allègrement de peintures en sculptures ou en photographies. Mais lorsqu’il s’arrête, c’est pour se concentrer sur les singuliers objets qui lui sont offerts à voir.
Car l’une des premières caractéristiques du travail de Mayaux, à l’ère du gigantisme que l’on voudrait synonyme de qualité mais qui ne l’est pas toujours, loin s’en faut, est de travailler uniquement des petits formats qui impliquent une proximité accrue avec le regardeur, établissant un contact débarrassé d’intermédiaires ou de parasites quelconques.
Ainsi ses tableaux représentant des fragments d’écorces d’arbres sur lesquels le nom de l’essence est directement inscrit, sont-ils pour l’artiste un « programme », une interrogation de l’acte même de peindre, ou plus précisément de quoi peindre, qui s’adresse au spectateur dans sa qualité même. Le tableau étant une surface, le peintre s’en va représenter celle des arbres, leur peau. La question de la dénomination étant évacuée en l’espace d’une seconde, on peut se concentrer sur la nature même et le contenu du tableau, qui rejoint l’interrogation, sous-jacente à l’ensemble de son œuvre, de la vanité contemporaine… n’oublie pas que tu vas mourir ! La nature et l’homme comparent ici leurs solidités et fragilités respectives.
L’autre point qui attire l’attention est la gestion des oppositions et des contraires à laquelle s‘ingénie en permanence l’artiste.
En bon « enfant du Surréalisme », tel qu’il se définit lui-même, Philippe Mayaux aime les associations incongrues et les fusions de caractères hétérogènes. Ses pâtisseries morphologiques, « Saveur de toi », en sont de délicieux exemples. D’apparence on croirait des gâteaux joliment arrangés, qui lorsqu’on les approche se révèlent composés de fragments de corps humain : morceaux de doigts, de langues, d’organes sexuels… On enfreint le tabou du cannibalisme pour mieux pointer l’accaparement de l’autre vers lequel tend naturellement l’humain. Ce y compris dans le simple accomplissement sexuel, qui en plus du rapprochement avec l’autre constitue une façon d’aller y puiser ce qui nous manque.
Ces œuvres ne sont pas détachées non plus de l’idée de composer un nouveau corps artistique, après le « dépeçage » auquel il a été soumis par les avant-gardes qui, après avoir tout ausculté et étudié en son sein, ont laissé le champ libre à une recomposition.
La dernière œuvre que l’on mentionnera ici, « À mort l’infini », clôt le parcours et donne à l’exposition son titre. Petite boîte qui n’est pas sans rappeler une pierre tombale, elle ouvre grandes les voies du cosmos à qui prend la peine de regarder à l’intérieur, via deux orifices situés aux extrémités.
Oppositions et contraires sont une nouvelle fois à l’œuvre. Surtout, ils convient le regardeur à sortir de son monde étriqué pour tenter de libérer regard et esprit. Belle métaphore, cette installation pointe une fois de plus la vanité de l’homme contemporain qui prétendrait vouloir tout connaître alors que son statut de poussière dans l’univers devrait au contraire le libérer des certitudes pernicieuses, qui entretiennent la frustration et le jettent dans les bras des extrêmes.
Le travail de Philippe Mayaux est à découvrir d’urgence, à consommer goulûment puis à méditer sereinement.