VENISE. Séquence 1, Palazzo Grassi
Jusqu'au 11 novembre 2007L’exposition « Séquence 1 », élaborée par Alison M. Gingeras, conservatrice de la collection, est l’occasion d’arpenter plus encore, à travers les œuvres de seize artistes, la part contemporaine de la collection de François Pinault.
Cet accrochage aligne de très belles œuvres, telle la suite d’autoportraits réalistes de Rudolf Stingel, Louvre (after Sam) (2006), où l‘impression de reproduction mécanique est contredite par quelques « imperfections » qui attestent du caractère « fait main » de la peinture. De même, qu’on ne se lasse pas des incursions de l’artiste dans le registre décoratif, comme ici avec un moulage de motifs qu’on croirait issus d’un plafond rococo, avant qu’ils ne soient teints en noir (Untitled (1631), 2007).
Parmi les œuvres de Richard Prince (notamment une formidable suite de portraits colorisés, comme issus de séries TV, montés dans de très grands cadres noirs et longilignes : Untitled (Entertainers), 1983), de Mike Kelley, de Robert Gober (une remarquable et inquiétante porte encadrée de ballots de journaux, surmontée d’une ampoule rouge et à travers laquelle filtre un rai de lumière : Door with Lightbulb, 1992), de David Hammons, Louise Lawler ou Urs Fischer, force est de constater qu’on ne boude pas son plaisir.
Cette exposition laisse pourtant une impression mitigée en posant deux questions.
Tout d’abord, un accrochage est-il un déballage ? À de rares exceptions près – et on soulignera la collaboration réussie de Franz West et Urs Fischer, qui a aboutit à la création d’un papier peint figurant les traces de l’ancien accrochage de la collection, dont il ne subsisterait plus que des fantômes, cartels inclus – les salles sont monographiques. On prend peu de risques, avec des noms tels que ceux sus-cités, en les alignant de la sorte les uns après les autres. Surtout quand on essaye de les lier par l’argument fourre-tout et pas très original de la réinvention des médias classiques que sont la peinture et la sculpture. Tout cela relève plutôt de la faiblesse dans le discours curatorial.
La seconde interrogation a trait aux phénomènes de mode. François Pinault est un collectionneur avisé, dont la qualité globale des œuvres qu’il assemble n’est pas à prouver ni à remettre en cause. Comment est-il alors possible qu’un œil aussi averti ait pu se laisser piéger au point d’acheter en nombre – et d’infliger au visiteur – tant d’œuvres d’Anselm Reyle ?
Coqueluche du marché, ce dernier est devenu une sorte de « phénomène de foires », avec inflation constante des prix et listes d’attente. Cela suffit-il à en faire un travail digne d’intérêt ? Sans doute pas au vu de ses monochromes noirs, véritables croûtes d’une lourdeur ahurissante sans un once de finesse, de sa sculpture en bronze poli façon croisement de Brancusi et de Koons, posée sur un socle en macassar (c’est mentionné sur le cartel… car le collectionneur doit en avoir pour son argent !), ou de ce mur peint en jaune fluo, qui dans l’atrium du Palazzo Grassi résonne presque comme une insulte.
L’argument qui voudrait que l’artiste ressuscite, par la force de l’hommage, les styles du passé, est très court et fait surtout montre d’une bien faible créativité. Les artistes cités en hommage s’en seraient sans doute volontiers passé, à l’image de Martial Raysse, dont les formidables tableaux des années 1960, confrontés à ceux de l’artiste allemand, affirment une belle vitalité.
Les phénomènes de modes, particulièrement dans le champ de l’art contemporain, sont à manier avec précaution. Surtout lorsqu’ils ont trait à la persistance d’une peinture facile car outrancière dans son vocabulaire et finalement paresseuse dans ses moyens… qui malheureusement fait trop souvent de l'ombre à de vraies recherches et de beaux talents, moins prétentieux et pas tape-à-l’œil.