Musique et drame
Thursday, 17 May 2007
Ci-dessus, le premier thème de la Sonate en la mineur de Mozart KV 310. J'ai joué le premier thème, première période. C'est la cellule sous sa forme la plus simple. On notera le mode mineur, les croches répétées et obsédantes à la main gauche, sur des accords dissonants, la fin plaintive du thème à contre rythme et la nuance ff. Tout de suite après un bref silence, je joue la deuxième période piano, avec toujours à la main gauche une dissonance. Après quoi suit la troisième période qui reprend le premier thème mais avec une modification des accords de la main gauche, devenus moins dissonants et la plainte en notes égales. Notez avec soin la différence entre la première et la seconde apparition de la cellule thématique. La première est plus âpre, à contretemps et dissonante. La seconde est plus calme, et évolue vers une transition plaintive. Le grand pianiste Dinu Lipatti et Claude Arrau, jeune, omettent de marquer la différence, ce qui est à mon sens une erreur.
Après une brève modulation, non jouée ici, vient la quatrième période, conclusive du thème, toujours en la mineur. On remarquera le rythme dactylique (croches pointées) qui imprime un caractère décidé, yang, au thème qui termine sur l'accord de dominante, de façon impérieuse. On notera que la section dactylique est répétée deux fois, la seconde fois p comme en echo de la première, forte. Souvent les pianistes jouent la répétition également f, ce qui modifie le caractère du passage.
Wednesday, 16 May 2007
**** L'opéra de la désinformation
Lohengrin à l'Opéra Bastille
Hier soir, je suis allé à la première de Lohengrin, dirigée par un des plus grands chefs d'orchestre, Valery Gergiev. Autre star mondiale : la célèbre Waltraud Meier dans le rôle d'Ortrud.
Pour comprendre cet article, il vaut mieux, évidemment, connaître l'opéra romantique de Wagner, ou au moins avoir lu le résumé de l'intrigue. Pour ceux qui ne connaissent pas plus Lohengrin que Wagner, que l'Opéra, ou tout simplement nuls en musique classique, je vais néanmoins dégager les grandes lignes du sujet en me consacrant sur un aspect original de celui-ci : autant et plus que Otello de Verdi et Shakespeare, le dernier opéra romantique de Wagner, est une étude saisissante et pénétrante des mécanismes de désinformation.
Ceux qui me connaissent, savent à quel point je déteste les mises-en-scène à la mode, consistant à transporter l'action de Don Giovanni dans une entreprise de nettoyage de la Défense, ou les ors et les fastes napoléoniens des Contes d'Hoffmann, dans un asile de fous. Je craignais le pire pour cette mise en scène de Robert Carsen lorsqu'on me rapporta que la scène censée se passer devant une église médiévale flamande, évoquait plutôt les tranchées de la première guerre mondiale et les caveaux où Hitler et Eva Brown se donnèrent ma mort. J'en fus d'autant plus agréablement surpris.
Dans ce journal je me bornerai à décrire une des intrigues cachées, information derrière l'information. Celle précisément la plus proche de nos préoccupations actuelles : l'infiltration subtile du doute devastateur, la propagation des rumeurs, les prophéties instrumentalisées en vue de leur accomplissement. Mais aussi l'opposition viscérale contre les pays de l'Est, considérés comme barbares par rapport à l'empire allemand. Enfin, le contraste entre l'hypocrisie des discours politiques, dissimulant des intérêts territoriaux, et la pureté desespérée de l'utopie transcendante, cette nostalgie douce-amère propre au romantisme allemand, et dont les gauches ont hérité.
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Sunday, 13 May 2007
..... Qui connaît Walter Klien?
Pas moi.
Mais ce pianiste autrichien avait souvent attiré l'attention de mes amis mélomanes. De l'époque de Brendel, c'était un exemple de l'honnête interprète viennois, scrupuleux, mesuré, sans erreurs de goût.
Il se trouve que la version de référence des Ballades op.10 de Brahms, présentée sur un site plus ou moins pirate comme étant de Backhaus, est en fait de Klien. J'avais salué dans cette interprétation, la seule qui suive la partition dans les moindres nuances, les moindres indications du compositeurs, et je la plaçais très au dessus de toutes les autres. J'ai retrouvé les références dans Abeille Musique et je vous conseille vivement d'acheter la quasi intégrale de l'oeuvre pianistique de Brahms. En voici les références :
Référence : VOXCD5X3612 - 0047163361227 - 5 CD : 59:49 - 58:42 - 55:29 - 58:42 - 61:41 - ADD - Dates et lieux d'enregistrements non précisées (dans les années 50 et 60, en 1969 & 1990) - Notes en anglais
Paru chez Abeille Musique le 14 février 2005
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Prix permanent abeillemusique.com : 23,63 €
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Saturday, 12 May 2007
......Sonate en la mineur KV310 de Mozart
Essai de vidéo.
Vous entendez ici le premier thème du premier mouvement de la Sonate N°8 de Mozart. Ce thème est en la mineur. Vous remarquerez les batteries d'accords dissonants ff à la main gauche, la mélodie débutant pas un rythme martial iambique et se terminant par un trochée plaintif et conférant au thème un caractère féminin. Il est suivi par une conclusion p, accompagnée par deux plaintes fortement dissonantes à la main gauche.
Note technique
Ceci est mon premier essai vidéo, expérimenté avec l'aide d'Emmanuel Dyan. C'est compliqué. Il faut plusieurs dizaines d'étapes pour transférer une séquence sur le blog. Le piano est un Steinway de concert modèle D (c'est le grand modèle de concert) qui me suit depuis quarante ans. Il a été choisi à Hambourg par Arthur Rubinstein et pour apprécier sa sonorité il vaut mieux brancher sur votre ordinateur une bonne paire d'écouteurs haute fidélité. Je serais heureux d'avoir vos commentaires. J'espère ainsi, en un premier temps analyser la sonate K310 de Mozart, puis les ballades Op.10 de Brahms, afin d'illustrer les articles correspondants.
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Monday, 23 April 2007
*** Le sacre de l'ignorance
A propos de la description de la sonate pour piano K310 de Mozart par Guy Sacre.
J'ai dit tout le mal que je pensais de Guy Sacre. (cf. L'article sur la sonate op.106 de Beethoven). Ce personnage m'insupporte parce qu'il représente à mes yeux ce qu'il y a de plus détestable chez certains critiques musicaux de notre pays. L'ignorance glorieuse, la fatuité et la prétention, la coquetterie littéraire, et surtout la manie de juger les chefs-d'oeuvre qui les dépassent, à l'aune de leur médiocrité.
Cet auteur a des parti-pris accusés, des idiosyncrasies opposées aux miennes : il déteste les oeuvres de structure, j'ai de l'antipathie pour les oeuvres purement gastronomiques. La différence réside en ce que jamais je ne me permettrais de "déposer des ordures devant Ravel" alors qu'il s'en prive pas pour les oeuvres les plus sublimes de Beethoven, de Mozart et de Brahms. Il montre à leur égard une sévérité qu'il épargne à un Mompou et fait partie de ces déchiffreurs français qui se pâment devant Rachmaninoff, Fauré, Scriabine, notre Satie, notre Debussy, notre Poulenc et notre Ravel, mais qui ont horreur de toute la musique d'élévation et de complexité allemande.
Pour eux la musique s'appréhende de manière sensuelle, par le toucher (la pulpe sensuelle des doigts), par le goût (la dégustation au propre comme au figuré), par l'odorat (le parfum d'un accord), par l'ouïe (l'art de combiner les sons de manière agréable à l'oreille) mais certainement pas par la vue qui dévoile l'apprehension profonde de la structure des partitions, ce que Mozart appelait "sur-entendre", et Beethoven "la musique par opposition au bruit qu'elle fait". Guy Sacre "sous-entend" et préfère le bruit à la musique (au sens beethovenien ou brahmsien du terme). Il tombe juste, je présume, pour les musiques qu'il aime : Fauré, Dabussy ou Mompou, dont le talent voire le génie réside, comme les impressionnistes dans la subtilité de l'apparence et de l'effet. Il tombe à côté dans la musique qui recquiert une aptitude spéciale à l'élévation, de Bach à Schoenberg.
Voici quelques citations tirées de "la musique de Piano" de Guy Sacre qui illustreront mon propos antigastronomique.
A propos de la célèbre sonate K331 de Mozart. (Avec Marche turque):
"... Que reste-t-il aujourd'hui de cette sonate? Sûrement pas le menuetto qui lui tient lieu de mouvement lent... même les déchiffreurs en chambre qui se sont essayés aux deux autres, ont généralement négligé ce mouvement."
".... (sur le dernier mouvement) ... ces pages peuvent nous être chères pour mille raisons (quoique l'on ait en général des motifs de la haïr), mais elles sentent l'usure; il faut être un fieffé pianiste pour en tirer encore quelque chose (pas nécessairement de la musique ! )".
Au sujet des variations du premier mouvement : "c'est leur thème qui est le meilleur moment de la sonate. .... Les six variations que Mozart lui donne n'ajoutent rien au "charme" (au sens de Valery et de Mompou) (sic) de ce thème ; elles lui en ôtent , au contraire, si fines soient-elles ... la dernière ... semble annoncer déjà l'exubérance un peu clinquante et tintinnabulante du rondo ... "
Guy Sacre prend en référence Mompou. Voici quelques appréciations sur un de ses compositeurs favoris.
"... cet homme s'est demandé ce qu'il avait de commun avec les fabricants de sonates, les facteurs de symphonies, les ajusteurs de fugues. ... (le mot de "compositeur", après tout, ne laisse entendre souvent qu'une besogne sans âme ; à voir certains triturer les quelques notes de leur thème, les étendre, les tirer dans tous les sens, disons l'affreux mot : les développer , on est tenté de parodier le dicton : les dieux proposent, l'homme ... compose" ... "Il y aura toujours des gens pour se pâmer au retour du thème A, du thème B, à l'imbrication du C et du D, à l'inversion du E, au rétrograde du F. Mompou, s'il l'avait voulu, aurait fait sienne ces recettes que le moindre tâcheron de conservatoire applique sans avoir besoin de réfléchir... "
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