Bouillon de culture
Monday, 17 September 2007
Art d'évasion, art d'élévation (suite)
Les messagers de Messager
Il vous reste à peine huit heures pour vous précipiter à l'exposition d'Annette Messager! Débrouillez-vous si vous habitez dans la région parisienne, annulez des rendez-vous, pretextez une forte migraine ou la grippe aviaire, peu importe, mais allez-y. Car vous n'aurez pas l'occasion de sitôt de vous retrouver dans un tel univers de cauchemar!
Frédéric Bonnet m'avait averti, il s'agit d'une exposition splendide qui eût mérité mieux que l'aile sud de Beaubourg. Par ailleurs j'avais visionné le DVD où l'artiste explique son parcours, sa technique, son propos. Et je connaissais plusieurs de ses oeuvres pour les avoir vu dans des musées. Mais, Marina Fédier qui m'accompagnait a raison lorsqu'elle dit que la seule manière de connaître l'oeuvre d'un artiste, est d'assister à une grande exposition et autant que possible, une rétrospective. Et, compléter par la lecture de ses entretiens et si possible lui parler, visiter son atelier. Les oeuvres isolées de Massager prenaient un relief saisissant, intégrée dans un ensemble cohérent et aussi vaste que celui-ci. En lisant Bonnet j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une petite exposition tenant en deux salles, alors qu'il s'agit d'un ensemble d'installations immense, exigeant une heure pour son survol rapide et bien plus pour son approfondissement. Tout ce que je puis faire, n'ayant ni le talent ni les connaissances de Bonnet, c'est de vous communiquer mes impressions brutes, des connotations personnelles suscitées par ces objets monstrueux, sans cesse en mouvement et animés d'une pulsation nocturne, mystérieuse.
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Sunday, 16 September 2007
Art d'évasion et art d'élévation
Grace Kelly, Hitchcock et Annette Messager
On a beau tolérer les passerelles, on se demande quel rapport il est possible d'établir entre le documentaire sur la vie de la Princesse de Monaco à l'occasion du vingtcinquième anniversaire de sa mort, et l'exposition "Les Messagers" déjà commentée par Frédéric Bonnet et dont j'avais promis de livrer mes réactions; Mais le rapport existe, il faut oser le voir. Osons.
Le parcours d'une princesse
L'information : le bonheur, l'information derrière l'information : le vide.
C'est un vrai conte de fées que nous donnait à voir Arte avant-hier : les quatre chapitres d'une vie d'exception prématurément tronquée.
1. La naissance et la jeunesse protégée, dans une famille quelque peu puritaine et richissime.
2. L'évasion et la carrière de star. Mais quelle star : non pas une actrice mimant le comportement d'une princesse, mais une jeune fille qui pouvait en remontrer aux vraies princesses, sous l'angle de la dignité, de la discrétion un peu froide, de l'élégance, de la beauté, du charme, de l'intelligence et des bonnes manières, avec cette simplicité intimidante qui est la marque des vraies âmes artistocratiques. La rencontre avec Hitchcock permit à toutes ces qualités exceptionnelles d'atteindre leur apogée avec en prime un humour irresistible. Fenêtre sur Cour, la main au collet, sont des chefs'd'oeuvre de raffinement.
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Thursday, 13 September 2007
La nouvelle lutte des classes :
nouveaux riches étrangers vs. nouveaux pauvres français
Je viens de voir une émission de télévision –une fois n’est pas coutume- sur le haut artisanat d’exception, qui devrait faire plaisir à François Hollande, et à tous les très nombreux français qui n’aiment pas les riches mais adorent les très très riches. Les riches clients qui font vivre les Hermès, Boucheron et autres Lagerfeld, sont en effet tous étrangers, et généralement non européens. Certes, on peut faire mieux car les fournisseurs de ces nababs et leur personnel, doivent dépasser le seuil de richesse permise, ces officines devraient être gérées par des officines étatiques composées d’honnêtes smigards. Mais ce n’est ni l’avis de J.P.Sartre, ni celui de l’ISD, le think tank politiquement incorrect du blog.
Sartre le communiste, n’est pas à une contradiction près. Il démontre avec talent que la haute culture ne prospère que dans la prospérité. Sans l’existence de riches, il n’est pas d’artistes géniaux, de poètes, de grands peintres ; l’art est un produit dérivé des inégalités sociales et de la haute bourgeoisie. Ce n’est pas d’un état égalitaire et socialiste que vont surgir les Rembrandt ni les Damien Hirst. Certes Basquiat a beau jeu de fustiger la société new yorkaise, mais sans le patronage de Warhol, pur produit de la ploutocratie, eût-il atteint la notoriété ? Peut-être, mais plus difficilement.
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Tuesday, 11 September 2007
Chronique
Je viens de recevoir un email du professeur Omar Aktouf, un des meilleurs auteurs en matière de Théorie des organisations, qui me propose une collaboration à un groupe de réflexion. Professeur titulaire à HEC de Montreal, il réalise une synthèse entre l'efficacité anglosaxonne, sans humanisme, et l'humanisme européen sans efficacité. Ses ouvrages sont des leçons de sagesse pour les entrepreneurs européens, trop séduits par les mirages de l'utopie tiers-mondiste et par le faux pragmatisme globalisant. Prenant ses distances par rapport de Matrix et de Medusa, Aktouf propose une troisième voie. A suivre.
Art contemporain
Je recommande la lecture des commentaires, notamment ceux d'Alexandre Del Valle, un maître en géopolitique, et de Poil à gratter dont les interventions roboratives, invitent à la réflexion en profondeur. Je remercie aussi Frédéric Bonnet pour son billet passionnant sur la retrospective Annette Messager. Cette artiste fait partie des 25 que le groupe New Wave a sélectionné. Il faut absolument la visiter, (pour ceux qui habitent la région parisienne) si on veut commencer à entrer dans la grande aventure de l'Art Contemporain. Actuellement je me trouve à Deauville dans un cyberhôtel, et entretenir un blog dans ces conditions n'est pas particulièrement commode. Je compte me rendre dimanche à la retrospective Messager et je vous livrerai mes impressions de néophyte. L'Art contemporain ne passionne pas le grand public, et c'est dommage. Mais vous, ne vous découragez pas, ce n'est pas facile, il est vrai, je suis comme vous un débutant dans la grande saga du XXIe siècle, mais il faut s'accrocher. Si je m'y attelle à soixante quinze ans, pourquoi pas vous? IL faut des initiateurs, c'est pourquoi Fréderic Bonnet est là, et aussi une bibliographie qu'on vous communiquera au fur et à mesure.
Des muscles et des hommes
Je suis un peu horrifié par l'abondance de chair et de muscles qu'on nous montre à propos du foot-ball. N'y a-t-il pas un peu de place pour d'autres exemples d'excellence dans nos écrans? Si vous aimez la force et la compétition, voici un bon exemple tiré de mon billet sur la Turquie.
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Monday, 10 September 2007
Annette Messager. Les Messagers
Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 17 septembre
L’exposition d’Annette Messager qui se tient au Centre Pompidou est un formidable événement. Si l’on ne l’a pas encore vue, il faut y courir avant la fermeture.
Il est toutefois regrettable qu’une œuvre d’une telle ampleur ait dû se contenter des galeries sud du Centre Pompidou, alors qu’elle aurait plus qu’amplement mérité une grande rétrospective au 6e étage !
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Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
La présentation concentre les principales préoccupations d’une artiste partie d’un questionnement sur l’identité féminine à travers l’exploration des univers stéréotypés, à des œuvres beaucoup plus graves, macabres voire cruelles, tels ces animaux hybrides, sur les corps empaillés desquels sont greffées des têtes de peluches.
Ne négligeant pas une certaine théâtralité, en parfaite adéquation avec l’univers sombre qui caractérise son œuvre, Annette Messager s’est depuis deux décennies lancée dans de grandes installations, où souvent l’ambigu règne en maître. Organes et morceaux de corps en suspension y sont légion, provoquant des visions parfois troublantes et toujours empreintes d’un très fort impact.
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Articulés-Désarticulés, 2001-02
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Je reproduis ci-dessous le texte d’un entretien réalisé avec l’artiste en 2005, quelques semaines avant la Biennale de Venise où elle obtint le Lion d’Or avec la Pavillon français.
Des méandres et des recoins
On a connu Annette Messager Truqueuse, Collectionneuse, Amoureuse… à la faveur d’œuvres de jeunesse où ses « albums-collections » rassemblaient des constats acides et lucides sur la condition féminine et ses désirs. On a vu des fragments corporels raconter des histoires. On a traversé des « forêts » de peluches et d’animaux métamorphosés. On a visité des organes disproportionnés… Les atmosphères sont toujours étranges, parfois inquiétantes. Comme si un théâtre d’ombres nous dévoilait soudain sensations et sentiments enfouis ou occultés.
Lancée depuis toujours dans une recherche de l’être via la prospection de l’intime, Annette Messager use d’une veine toute personnelle, à la fois fantastique et attractive, qui ouvre une porte sur les dérèglements du monde et les arbitraires de la peur.
Elle est aujourd’hui, en 2005, la première femme à représenter la France à la Biennale de Venise, la plus prestigieuse des biennales d’art contemporain ! À la veille de l’ouverture, retour sur un parcours fort et prégnant, parce que troublant et cohérent.
Pour quelles raisons la question de l’intimité, de l’exploration de l’être au plus profond, traverse-t-elle sans relache l’ensemble de votre œuvre ?
Il n’était pas si évident d’être une jeune femme artiste dans les années 70 en France, et je n’avais pas de référence de cet ordre. Je me posais beaucoup de questions. J’ai donc essayé d’interroger les autres, ma culture, mon environnement, les journaux, pour voir comment on définissait une jeune femme de l’époque. Et souvent, assez ironiquement, j’ai pris le sens inverse, j’ai joué en fait. Il était plus facile de parler de son intime, de son quotidien, en littérature que dans les arts plastiques. J’ai essayé de le faire tout en jouant complètement sur le faux : ce n’est jamais moi mais en même temps c’est moi. Je me suis dit « je vais me donner de multiples personnalités, de multiples identités, m’inventer des hommes que j’aime, une vie tout à fait normale de jeune femme. » J’étais peut-être plus femme dans mon travail que dans ma vie. J’ai commencé à dire « je », « moi », « mes ». J’ai beaucoup employé le possessif, d’une manière très agacante. J’ai tout fait pour être agacante.
Cherchiez-vous à créer un ou des personnages ?
Les femmes sont multiples et ont peut-être plus de choses dans la tête : le travail, la vie amoureuse, les amis, la cuisine… Je me disais qu’Annette Messager était tout à la fois une midinette, quelqu’un qui veut être artiste, qui veut séduire… Je disais que je voulais être belle et rebelle plutôt que moche et remoche !
Vous situiez-vous dans une perspective féministe, et notamment dans la dénonciation de la violence sociale faite aux femmes ?
J’ai toujours été dans la dénonciation très souterraine. Je préfère prendre le problème à l’envers et par en-dessous plutôt que de dénoncer brutalement.
Au regard de votre carrière, avec des rendez-vous prestigieux à l’étranger comme la Documenta ou une exposition personnelle au MoMA, êtes-vous satisfaite d’être devenue artiste ?
Je pense n’avoir pas trop trahi mes désirs de jeunesse, et je crois avoir toujours été libre. J’ai la chance extraordinaire de faire ce que je veux, de continuer. Cette liberté est formidable dans une vie. Je ne vais pas m’en plaindre ni me plaindre que préparer la Biennale de Venise c’est lourd. Oui c’est lourd, mais en même temps c’est amusant. Il faut prendre les choses avec un peu de légèreté.
Venise est un enjeu important.
Une exposition est toujours un enjeu. Il est vrai que Venise c’est lourd parce qu’on sait que ce sera très vu. Parfois c’est dans de petites expositions, où il y a peu de moyens, qu’une sorte de légèreté et de magie s’opèrent.
Beaucoup de votre travail est lisible par le biais du conte, de la fable, du récit. C’est pour raconter des histoires ?
J’aime bien me raconter des histoires. J’aime les clichés, les proverbes. Les histoires d’enfants c’est monstrueux. Psychanalytiquement il y a toute notre société dans les contes de fées. Cela m’a toujours intéressée et c’est souvent un point de départ. Pour Venise c’est la même chose, je prends un petit héros légendaire et puis je fais mon histoire. Et pour ce faire je cherche une forme à moi, qui colle avec ce qu’on est, à notre époque. La forme pour la forme m’importe peu. Ce sont nos histoires, nos peurs, nos angoisses qui m’intéressent.
Il y a chez vous beaucoup de méandres et de recoins.
Oui j’aime beaucoup les labyrinthes, je ne suis pas du tout linéaire. Je ne m’en rends même pas compte, mais je sais que je n’aime pas les accès directs. J’aime les endroits un peu cachés, sombres, pas la forte lumière. Je suis dans les choses un peu souterraines, occultées, à ressorts.
Vous tendez aussi vers un aspect un peu fantastique.
Oui, nous avons tous en nous un côté noir.
Vous cultivez ce côté-là ou ressort-il spontanément ?
Non il ressort comme ça. Peut-être qu’en vieillissant ça s’accentue. Je trouve que le monde va très mal, mais si je ne voyais que ce côté dans l’humain je ne ferais rien.
Pensez-vous qu’on puisse aborder notre vie d’humain via la métamorphose ?
Nous entrons dans une époque de plus en plus post-humaine et je m’intéresse justement beaucoup à l’aspect métamorphose. On peut tout se changer physiquement, se changer les organes… Et tout cela est irréversible. Il y a peut-être déjà des clonages humains. C’est passionnant mais effrayant car un nouvel être humain est en train de se constituer.
C’est ce qui vous a conduite à explorer le revers monstrueux du corps dans vos pièces où il est éclaté, les organes détricotés ou suspendus ?
Mais le corps est monstrueux. Le corps, les organes… on ne veut pas savoir ce qui se passe à l’intérieur. Pourtant j’aime beaucoup les monstres, parce que le monstre est peut-être ce qu’il y a de plus humain. Frankenstein est fabriqué de toutes pièces. Il est à la fois gentil, balourd, maladroit. C’est une pauvre chose simulacre de nous-mêmes.
Diriez-vous que votre travail est devenu plus grave au fil du temps ?
Vous n’avez pas tort en disant qu’il est devenu plus grave mais en même temps il est devenu plus ludique, justement en jouant plus avec des choses graves. Le ludique permet de faire passer plus facilement des choses difficiles.
De toute façon on joue beaucoup à cache-cache dans votre œuvre.
Oui, car je pense que les choses cachées sont ce qu’on a le plus envie de voir. On est toujours attiré par ce qu’on ne peut pas voir ou qui est défendu.
Vous avez envie de montrer des choses défendues ?
C’est ce qui m’intéresse le plus.
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Chimères, 1982-84
Vues des salles de l’exposition, Centre Pompidou, Galerie Sud
© Adam Rzekpa, Centre Pompidou, 2007
Sunday, 9 September 2007
Chronique
On trouvera en cliquant sur l'index ►♦♦♦ un billet très spécialisé et que je ne destine qu'à ceux qui s'interessent de très près à la genèse de l'Entretien. Contenant des références personnelles il n'a pas sa place dans le flux normal du blog, qui interdit toute manifestation d'ego et toute allusion à la personnalité du blogueur.
Queue de festival
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Je suis arrivé à Deauville le dernier jour du Festival du cinéma américain. C’est une tentative méritoire de madame d’Ornano pour donner un nouvel éclat à ce XXIe arrondissement de Paris. Au crédit : une activité sympathique pour les résidents, beaucoup d’animation, une ambiance internationale, une touche de show biz et de people, et, justifiant ce festival un magnifique ensemble à demi enterré et d’une envergure disproportionnée par rapport à l’événement. Car, il ne faut pas nous dissimuler, que ce festival n’est que l’ombre des « vrais » : Hollywood, Venise, Cannes où l’on donne en première vision des films que l’on va récompenser par des oscars, des lions d’or, par des césars… A Deauville on en fait qu’assister à la première vision … française de films que les vrais people ont vu ailleurs. Il ,ne s’agit donc de nouveautés que pour les franchouillards, les snobs au petit pied, et les estivants de Deauville dont la distinction n’est pas le caractère dominant.
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