Bouillon de culture
Saturday, 22 August 2009
CHRONIQUE
PREMIERS PAS
Dans un de mes précédents billets je vous ai raconté qu'Emmanuel Dyan avait rompu tout contact parce qu'il estimait qu'il ne trouvait plus d'intérêt à nos échanges. Il estimait que je réservais mes qualités de pédagogues aux riches et que je négligeais les besogneux. Plutôt qu'argumenter je préférai lui demander ce qu'il voulait que je lui enseigne. - L'organisation pour accroître l'efficacité de mon business en Inde, répondit-il. - Je suis professeur d'organisation c'est vrai, mais seulement pour de grands groupes particulièrement complexes. La PME n'a rien à tirer de moi. Ce n'est pas ma spécialité. Et d'ailleurs je n'ai jamais parlé de leur organisation aux puissants qui m'offrent leur amitié. Ils prendraient cela comme une intrusion. - Alors je voudrais que vous m'expliquiez comment progresser dans ma compréhension de l'Art. Avant vous me jouiez du piano en m'expliquant ce que vous faisiez et c'était passionnant. - Vous vous interessiez à Léonard de Vinci et je vous ai procuré quelques livres passionnants. Quant à la musique, vous en Inde, moi à Paris, comment voulez-vous que je puisse échangr avec vous? - Comment faites-vous avec vos riches? - Je ne fais pas. Ils ne s'intéressent pas à autre chose qu'à leurs affaires ou leur développement personnel. Je ne leur enseigne rien. - Alors pourquoi ils vous voient? - Parce qu'ils ne sont pas comme vous. Il n'y a aucune relation interessée entre nous. Seulement beaucoup d'amour et de fidélité? Cela compte.
Mais, poursuivis-je, eu égard au fait que vous avez créé mon blog avec beaucoup de talent, et que vous m'êtes utile, je vais essayer de vous guider dans le dédale infiniment subtil de la musique classique.
Ce billet a pour but de décrire les premiers pas qui vont amorcer un parcours ambitieux et qui peut demander une vie d'efforts constants. Je procède - nous procèderons - par tatonnements successifs dans l'espoir de découvrir le chemin fécond.
LA SONATE PATHÉTIQUE
Le premier principe à mettre en pratique est ,me semble-t-il, de partir du connu pour s'aventurer vers l'inconnu. Il est bien plus difficile à mettre en oeuvre qu'il ne paraît car ce connu qui sert de fodation et d'amorce au processus de connaissance, est différent d'un débutant à l'autre. Pour l'un c'est Clair de Lune de Debussy, pour l'autre la Sonate au Clair de Lune de Beethoven. Et que faire lorsqu'il n'y a pas de point d'ancrage, comme chez Emmanuel Dyan? Cela montre l'inanité des méthodes collectives normalisées. Dans ce cas, je prends la Huitième Sonate de Beethoven, Op.13, la première des plus populaires affublées d'un titre (Au Clair de Lune, la Tempête, la Pastorale, L'Aurore, Les adieux, l'absence et le retour, La Hammerklavier, La Sonate-Testament)
Mon ami Pierre M***, un bon vivant, peintre figuratif et fort amateur de musique affirma péremptoirement que si le premier mouvement de la sonate était assez intéressant, voire impressionnant, le reste était sans intérêt. Son ami, musicien professionnel de profession, homosexuel de condition, Genevois de nationalité, opina. Le dernier mouvement notamment était mauvais car le refrain était insuffisamment varié, ce qui dénotait un manque d'imagination.
C'est pour avoir proféré cette sorte de jugement que je rompis jadis avec Julius Katchen, pourtant d'une autre stature que mon musicastre genevois. Comment un petit musicien obscur peut-il se permettre de donner des leçons au grand Beethoven. Pense-t-il sérieusement qu'il n'était pas capable de contrôler le plan de son troisième mouvement, dont la beauté est éclatante et les parties secondaires d'une polyphonie accomplie? N'a-t-il pas d'oreilles pour apprécier la beauté qui ravit tout amateur débutant? Mais l'indignation m'égare. Relatons notre premier dialogue.
- Avez-vous les disques de la pathétique?
- Oui.
- Joué par qui?
- par Backhaus puisque, comme vous le conseillez, j'ai acheté tout le coffret de sonates.
- Avez-vous écouté la Pahétique?
- Oui. Une fois.
- Quelle impression ça vous a fait.
- Je ne comprends rien au premier mouvement.
- Vous allez l'écouter maintenant deux fois de suite, puis vous me téléphonerez.
...
- C'est fait.
- Est-ce que la seconde fois vous avez entendu la même chose?
- Non. La seconde fois c'était mieux. J'entendais quelques mélodies.
- Bien. Vous allez me suivre. Au début, vous souvenez-vous d'une introduction lente et solenelle, comme improvisée.
- Oui.
- Après cette introduction qui prépare le début, vous avez un morceau qui es répété deux fois.
- Oui, j'ai remarqué la répétition.
- Ecoutez cette section répétée deux fois, puis rappelez-moi/
...
- OK.
- Vous remarquerez que deux thèmes surnagent dans la bouillie musicale. Le premier, appelé thème principal est orageux. Le second est au contraire joueur. C'est le thème auxiliaires. Pour finir vient une variante du thème proncipal. C'est la coda, la queue du mouvement. Après quoi tout recommence comme avant ; Th. principal, Th. Secondaire, Coda. Ecoutez de nouveau ce passage puis rappelez-moi.
...
- OK. J'ai bien entendu les deux mélodies.
-Pourquoi sont-elles répétées deux fois. Est-ce parce que Beethoven manquait d'imagination?
- ...
- C'est tout simplement pour que l'auditeur puisse se familiariser avec les thèmes du premier fragment, nommé exposition. Demain, vous me téléphonerez et vous l'entendrez encore deux fois auparavant.
DU BLOG NOTES
TRANSBAHUTAGES
En principe tout est en ordre pour mon voyage en Russie et le jet vient me prendre au Bourget le 26. Mais d'ici là, que d'inconnues.
J'ai dû quitter le Château hier après midi, chassé par un mariage suisse. J'ai émigré au Grand Hôtel, un vrai hôtel avec de vraies chambres, un vrai air conditionné et une vraie Wi Fi qui me permet, pour la première fois de vous adresser mes billets sans complexes. Un seul problème : la cuisine est infecte et on n'ose rien manger de peur de s'empoisonner. Le jus d'orange est un cocktail de tropicana au rabais, les croissants sont luisants de graisse, et même les céréales sont de qualité inférieure à ce que vous trouvez dans un Carrefour. Je profite de mon séjour pour vous adresser ce billet. Au château non seulement les cartes d'accès à l'internet ne marchent pas, mais on vient de me les compter pour plus de quatre vingt euros !
De toute manière, je n'ai pas le choix. Je dois quitter ma chambre au Grand Hôtel, chassé par un mariage belge et je dois regagner le Château.
Bien que situé deux cent mètres plus haut il y fait nettement plus chaud. C'est que le Grand Hôtel est bâti sur des sources thermales qui rafraîchissent tout le parc et que vous voyez effleurer ça et là.
PRISONS
Le Président de la République estime qu'ils sont une honte pour notre pays. Pourtant les statistiques sont édulcorées. C'est ainsi qu'on ne comptabilise que ceux par pendaison en passant sous silence l'absorbtion de drogues, de médicaments et autres poisons. Et on ose s'indigner pour Guantanamo. Chez nous c'est pire, bien pire. En effet ce qui est particulièrement odieux, est la faculté d'un petit juge de faire incarcérer sa victime, sans prendre la peine de l'écouter (les avocats commis d'office font plus de mal que de bien). Il y a autre chose propre à notre pays d'égalité, de liberté et de fraternité. Une infraction au code de la route commise par un récidiviste, lui vaut d'être traîté comme le plus sanglant des criminels, égalité oblige. Tous dans un même sac !
Wednesday, 19 August 2009
CHRONIQUE
MIEUX VAUT UN AMI PAUVRE ET INGRAT QUE RICHE ET DEVOUÉ
Emmanuel Dyan m'a téléphoné hier après être disparu pendant des longs mois. Ce silence est d'autant plus dommageable qu'il a le contrôle de ce blog dont il est le talentueux auteur. Il a eu la franchise de m'avouer la raison de son abandon. " Vous avez perdu tout intérêt pour moi. Au début vous m'apportiez beaucoup en m'expliquant vos clés culturelles, en m'ouvrant à Beethoven, à Vinci, à la théorie des organisations. Mais depuis votre apport a baissé à cause des riches et puissants que vous fréquentez. Vous ne vous intéressez plus aux jeunes et aux petites gens. "
Si je rapporte ses propos c'est qu'ils ne sont pas isolés. Marina m'a rapporté ceux de Mme. de B*** qui se plaignait de passer au second plan, après Socrate et Olaf. Et je crois que nombreux sont ceux de mon entourage - (à l'exception de ceux qui me connaissent bien, comme mes internautes! ), à partager cet avis. Par exemple: "aurais-tu éprouvé une telle douleur à l'humiliation qu'Axel t'a infligé, s'il n'était qu'un jeune fauché de 24ans ?"
Détail piquant : Axel , qui fait partie de la jet set, invoqua la cause de sa rupture pour les mêmes griefs. " Je ne crois pas totalement à votre amour. Jamais vous ne mettriez votre vie en danger pour moi, comme vous l'avez fait pour Olaf ". C'est que tout est relatif et le statut d'Axel est à celui d'Olaf, celui de Dyan par rapport à Olaf !
LES DONNÉES FACTUELLES
Elles sont simples. Ma vocation est d'enseigner, d'initier et d'ouvrir à des connaissances pour lesquelles j'éprouve une passion et d'un haut niveau culturel. Ma plus grande joie a été de former mes étudiants, ou d'obtenir un intérêt proche de la révélation chez des personnes choisies pour leur volonté d'apprendre. Mieux encore infuser le choc décisif qui donne à des êtres abrutis par les mass média, envie d'apprendre, de s'extraire des sables mouvants de la facilité. Je citerai deux cas emblématiques, celui de Darek, celui de Michel. Darek est l'homme qui m'a volé mon incomparable collection de stylos, suite à un coup de folie consécutif à un coup de foudre avec une jeune fille affiliée à un gang yougoslave. J'ai cru à son repentir et lui ai pardonné. Mais au cours de notre échange téléphonique, je découvris une intelligence exceptionnelle pour la musique et l'opéra. Je le formai à fond pendant de longues heures. Il donna à son fils encore à naître mon nom. Je me battis, aidé par S*** à aider le bébé à s'épanouir, et contribuai à se construire une situation. Récompense : le silence. Il ne sait même pas si je suis mort ou vivant.
Second exemple, Michel, mon chauffeur. Il m'accompagnait au cours de mes periples chez les libraires, les numismates, les marchands de Mingei et d'art calédonien. Il se passionna pour les objets que je lui expliquai et m'aida à rédiger les plans de la seconde fondation. Sans le savoir, il était devenu un homme cultivé et amateur de belles choses.
La plupart de mes échanges culturels et affectifs ont lieu avec Sandrine, des membres de Auchan, depuis des directeurs de magasin jusqu'à la famille Mulliez, réputée pour sa modestie et son dédain du Standing parisien. Mes contacts avec Socrate, Axel et Olaf, sont donc l'exception et non la règle.
En faisant le tour de mes disciples j'en viens à la constatation que ceux qui me font vivre : Arnaud Gobet, Arnaud Mulliez et la famille, et Igor Poliakoff le père d'Axel, Olaf et Socrate, ont pour moi une sincère sollicitude, et me rendent au centuple mes petits services. En revanche, je n'ai eu qu'ingratitude, avidité, égoïsme, jalousie de la part de bien des "petits".
UN SYNDROME FRANÇAIS
Il ne viendrait à l'esprit de n'importe quel américain, danois, hollandais ou italien de considérer avec une sorte de réprobation tacite quelque quidam qui tirerait gloire de ses relations avec les grands. Un tel comportement ne serait ici réservé qu'à ce qu'on nomme un agent d'influence comme Alain Minc,mais on leui pardonnerait car il n'est pas question de tempérament ni de comportement, mais d'activité purement professionnelle.
Voir le blog notes dans le coeur du billet .
Continuer à lire "Le journal du 18 août 2009"
Wednesday, 12 August 2009
CHRONIQUE
ART ET EGO
La plupart des imaginatifs sont doté d'un égo puissant. Leurs oeuvres leur apparaissent comme des créations majeures et tout leur parait tourner autour de leur mission nécessaire à l'humanité.
Ceci n'est pas grave lorsqu'il s'agit d'entrepreneurs, de scientifiques, de hauts fonctionnaires. La réalité les garde de sombrer dans la mégalomanie. Un bilan, un chiffre d'affaires, une découverte reconnue, le prix Nobel, la médaille Field, ce sont choses concrètes, réelles, reconnues par la multitude et qui vous placent au sommet de la hierarchie sociale. Même les artisans ont un point d'ancrage solide : leur métier.
Mais le problème se pose pour les artistes : musiciens, poètes, peintres. Leurs critères de jugement sont évanescents, flous, propices aux illusions. Tous se prennent pour des génies, autrement ils n'embrasseraient pas leur carrière. Dès que cette certitude vient à manquer, leur raison de vivre disparaît et comme Nicolas de Staël ils se suicident. Ou alors, ils se résignent comme Hector Berlioz, Rodchenko qui signa "le dernier tableau", ou encore Rossini qui échangea la création d'un tournedos contre celle du Mariage de Figaro.
Je me souviens de mes rencontres avec Le Yaouang peintre exposé l'espace de quelques semaines chez Maeght, sa fierté d'être ainsi publié sans le catalogue "Derrière le miroir" de la célèbre galerie. Il multipliait les déclinaisons d'une recette originale, en faisait des timbres poste, un ouvrage luxueux, il se ruinait et faisait vivoter sa femme, pour se prouver à lui-même son talent.
LE PROBLÈME DES AVANT GARDES EXTRÊMES
Un de mes amis se vit proposer un superbe penthouse Avenue Gabriel vendu luxueusement meublé et agencé. Il demanda si le tableau faisant face au lit était compris dans le prix. Il représentait un grand Warhol représentant un dollar, un immense dollar stylisé, nu et simple, rien d’autre que le symbole familier : $ . Vous pensez, s’écria l’agent immobilier, ce tableau vaut plus que l’appartement !
C’était le dollar le plus cher du monde, devant lequel on se prosternait, comme jadis devant la Sainte Vierge ou le Crucifix. Mais penser qu’il valait plus cher qu’un chef d’œuvre de la statuaire gothique ou qu’un tableau de Filippino Lippi a de quoi hérisser les uns, désorienter les autres. Jeff Koontz doit se poser la question qui utilise l’argent gagné avec un lapin géant ou un pornoktisch, pour acheter de beaux incunables chez Stéphane Clavreuil.
Tous les peintres conservateurs, surfant sur la médiocrité, flattant le goût de l’aristocratie inculte, se comparent à cette avant-garde absurde, et en tirent légitimité et fierté. Ainsi, je dinais l’autre jour avec un jeune artiste qui inonde le parc du château de Divonne d’agréables sculptures de bronze un peu kitsch. Il s’enflamma en évoquant celles de Koontz, de Carl André ou de Murakami. Il les compara au travail laborieux et parfaitement lisible par ses clients. Ces gens à qui il faisait la cour, dirigeaient les Relais du Bonheur, et en garnissaient les halls d’accueil et les bureaux de la banque qu’ils présidaient, ou encore, séduits pas la faconde du jeune sculpteur, convaincu de son génie et en persuadant les riches qui l’invitaient sur leur yacht.
Tout le problème git là. Il n’existe aucun moyen rationnel qui puisse évaluer la qualité l’importance d’une œuvre et les experts les plus chevronnés ont pris le « bozzetto » sublime du Roi David de Michel Ange pour un faux, et les médiocres Meegeren pour de vrais Vermeer. Il s’ensuit que lorsqu’un artiste, célèbre ou inconnu, se prend pour un immense génie (ce qui arrive de toute façon) il peut être soit lucide soit mégalomane.
DU BLOG NOTES
A PROPOS DE JULIEN GREEN
Ce nouveau journal que je me propose de tenir le plus régulièrement qu’il me sera possible m’aidera, je crois, à voir plus clair en moi-même. C’est ma vie entière que je compte mettre en ces pages, avec une franchise et une exactitude absolues… Que deviendra ce livre ? Je n’en sais rien, mais ce sera pour moi une satisfaction de penser qu’il existe. … Je ne suis pas, je n’ai jamais été tout à fait l’homme du journal que j’écris.
… Tout mon effort est d’écouter le disque dès qu’il a commencé de tourner.
Robert de Saint Jean, lucide commentateur et à qui je dois les lignes qui suivent, nous explique : Telle est la démarche du romancier, mais il en va tout autrement pour les souvenirs. Point d’effort, ma mémoire parle d’elle-même, on n’éprouve aucune peine à retenir la vie au passage. … Tout diariste (B.L :un mot que je ne connaissais pas et qui rappelle : diari dei tempi d’innocenza)veut faire reculer la mort. Revivre, la plume à la main, les heures évanouies fait vivre avec plus d’intensité et aide à mieux se comprendre soi-même. …
LA CRÉATION
(Le jeune homme décrit dans le journal « prépare ses orages ». Rien ne saurait distraire « l’ensorcelé », rien ne peut troubler l’attention qu’il prête à cette sorte de dictée intérieure qu’il entend en lui. S’il fait peu de corrections à son texte c’est qu’il effectue ses ratures mentalement, le porte-plume longtemps suspendu avant la découverte finale du mot juste. … Revient sans cesse l’interrogation capitale : « Ce que j’écris ne peut-il venir que de moi ? Est-ce que j’apporte vraiment quelque chose de nouveau ?... »
B.L. : Si je me réfère à mon activité d’écrivant, (horrible terme fleurant mauvais le structuralisme, mais que dire d’autre ?) le Blog est mon journal de même que d’autres textes qui précèdent où et « où je fais du journal sans le savoir ». En revanche L’entretien – Apocalypsis cum figuris – est l’équivalent d’un roman visionnaire. Cependant il naquit sans but, dans l’obscurité, dans un état de semi-torpeur. Ce n’est qu’au moment où il naquit au Département des Manuscrits Anciens de la BNF, que je m’avisai de son existence, de son ampleur, de la nouveauté de sa forme. Alors se posa la question cruciale de Julien Green « Ce que j’écris ne peut-il venir que de moi ? » la réponse fut incontestablement positive. Lorsque je montrai pour la première fois le poème « invocation à l’océan », à un professeur de littérature au Lycée alsacien, au metteur en scène Laurent Azimioara, et à un compositeur ami de Brigitte Jaques, tous me dirent d’un air gêné : on ne peut changer un seul mot à ce que vous avez écrit, cela ne peut venir incontestablement que de vous. Et ils se détournèrent. Je ne les revis jamais plus.
Je compris alors le sens de l’angoisse de Julien Green : « Est-ce que j’apporte vraiment quelque chose de nouveau ? ». Là encore la réponse était positive, mais ne dissipait pas le doute. La bonne formulation était plutôt : « Est-ce que ça vaut quelque chose ? N’est-ce pas du travail d’amateur ? L’innovation qui consiste à transposer à notre époque ce que William Blake accomplit avec génie, en utilisant des moyens désuets : l’écriture humaniste, une imagerie celtique, un style correct mais peu spécifique, n’est elle pas dérisoire et indigne de figurer dans le lieu auguste où dorment tant de chefs d’œuvre ?
Saint Jean déclare que c’est un terrible effort de produire quelque chose où il n’y a rien, cette quête du sourd qui essaye d’entendre, et c’est ce que je ressentais en couvrant une nouvelle feuille en papier peau d’éléphant. L’Entretien se projetait ainsi, spectral, de page en page, ménageant une perpétuelle surprise, faisant naître de la surface moirée des paysages inédits, des mirages venus du lointain.
En revanche dans le journal, aujourd’hui l’impression du Blog en fascicules, la relation des évènements s’effectue au courant de la main, dans l’instant.
MINGEI , DERNIÈRES ACQUISITIONS
Sensible à mes observations Philippe Boudin a déniché deux pièces exceptionnelles détrônant définitivement Robert Montgomery : une enseigne en terre cuite représentant un chat vous invitant à entrer inférieure en taille à celle du leader (57cm) mais une véritable sculpture tri-dimensionnelle et non une simple effigie; une extraordinaire sculpture représentant trois tortues se chevauchant, un tour de force incroyable. Félicitations à M.Boudin.
Sunday, 2 August 2009
CHRONIQUE
CASTES
Hier soir me téléphone un charmant arriviste prefessionnel: Boris Borodine, BB pour les amis. Doté pour tout bagage d'un charme caché, d'une belle voix et d'un gentil gratter de guitarre, il attire les plus belles femmes, les plus riches, les plus intelligentes, sans avoir pour autant un physique de don Juan. Quel est son secret?
Manifestant la plus sincère admiration, la plus féconde solidarité, pratiquant le name dropping sans citer de noms, BB était très convainquant je l'avoue. Je le chargeai d'une mission qu'il se faisait fort de mener à bien. C'était voici quelques mois ! Depuis, silence radio. Il s'est excusé hier de son silence prolongé, sans donner la moindre raison mais réitérant ses sentiments profonds d'amitié, assortis d'un "aidez-moi !, moi je vous aide". Et je dois reconnaître que dansle passé, il est venu en aide à un de mes meilleurs amis, ce qui est beaucoup et qu'il m'a présenté une relation intéressante mais qui n'a pas eu de suite. Qu'importe? L'intention compte.
Qu'est-ce qui a valu ce soudain réveil de sollicitude?
- C'est qu'il se trouvait dans un somptueux yatch de 75 mètres, appartenant à un riche Russe, à bord avec le meilleur ami de mon fils Roderigo, marchese de Montegambero. La mer était radieuse et on apparaillait vers Capri !
Mon fils, de son côté, passait des week ends agréables après avoir été premier témoin du Mariage du Marquis de Montegambero avec Patricia Hutton : sky nautique et divertissements entre jeunes chez Igor junior, le frère d'Axel Poliakoff invité habituel de la maison où j'ai été si mal accueilli par Igor sénior.
Je n'envie pas cette joyeuse et insouciance jeunesse car mon tempérament me pousse à la construction de mon esprit par la fréquentation des grands artistes et des génies qui honorent l'humanité. Je suis la vivante antithèse de ce monde factice de courtisans et de courtisés, de cette connivence dans l'adoration de l'éphémère.
Marina s'étonnait du fait que certains de mes amis les plus puissants et les plus affectionnés, n'aient jamais pensé à m'inviter sur leur yatch même pendant leur absence, alors que j'en aurais eu bien besoin pour me retaper,, et qu'ils le mettaient à disposition de relations beaucoup moins proches que moi, s'il faut les en croire.
Je crois que j'ai eu hier la confirmation de ce que je pressentais.
Nous sommes à l'époque ou la table des seigneurs (hommes d'état, magnats hyperfortunés, vedettes de la télévision, du ciéma, du show biz) admet les parasites les plus éhontés, les courtisans qui les amusent, mais jamais des savants, des artistes sérieux, ou tout simplement des hommes sages.
Comme me le disait le grand poète Yves Bonnefoy au cours d'une visite qu'il me fit l'honneur de me rendre, il est des temps où les riches et les puissants acceptaient à leur table des artistes et des hommes de science. Ainsi cette semaine vous trouverez dans Le Figaro Magazine, un article sur François Premier. Il était de ce temps et avait contribué à le modeler. C'était alors, pour employer les termes de Bonnefoy, les hautes eaux. Mais aujourd'hui, les puissants et les riches font table à part, reléguant les hommes d'esprit à la table des mendiants. Ce sont les basses eaux, et nous sommes dans une période de basses eaux.
En d'autres termes il existe deux castes étanches.. Celle qui habite les somptueux bateaux, qui circule en jets et conduit des lamborghini, est en complète incongruité d'avec les professeurs et chercheurs. C'est pourquoi mes amis Socrate et Olaf, ne m'ont jamais invité sur leurs bateaux pour une croisière de rève. Tout simplement cela ne leur venait pas à l'esprit. Ils n'arrivaient pas à visualiser "Le Professeur", en un lieu ou plane le souvenir des courtisanes. Car l'acajou bien astiqué des cabines d'un yacht dégage des ondes, comme les vieilles pierres d'une fermette. On ne "voit " pas Edgar Morin, ni Pierre Boulez, en train de paresser sur le Phocea ! Ce n'est pas qu'on ne veuille pas les recevoir, mais on n'imagine pas un tel accouplement entre sérieux et la légèreté vide. Il ne restait à Edgar Morin qu'à accepter pendant un mois mon hospitalité du Centre Culturel des Capucins, zone franche.
Je me trouve, vous le savez, à Divonne. Le temps est nuageux, l'eau de la piscine est froide, on doit subir comme à San Remo la promiscuité d'émirs mal élevés, d'enfants brailleurs... Enfin, ce n'est pas un camping, mais un château reconverti qui a bien du mal à joindre les deux bouts. Le climat est excellent pour la santé mais le plaisir est, pour moi, pur méridional, la Méditerannée, et, ne fut-ce qu'une semaine, paresser sur un yacht de rève, serait un moment de bonheur que j'emporterais avec moi.
On pourrait penser que le terme "caste" emprunté à la civilisation hindoue est une métaphore. Mais ce n'est pas du tout mon intention., je prends tout cela à la lettre. Les deux castes dont j'ai parlé sont aussi étanches, aussi radicales qu'en Inde, mais d'une manière bien plus sournoise, plus subtile, non énoncée, inconnue du public dont la gauche-caviar attise la jalousie. Mais il ne s'agit pas d'une sépartion entre les riches et les pauvres. Je ne vois pas Gérard Mulliez tout fortuné qu'il le soit, sur le pont d'un magnat de la finance. Et bien des sans-le-sou comme Boris Borodine, sont admis dans le yacht qui est en train d'appareiller pour Capri. Non c'est une affaire de caste, c'est tout.
A quelle caste appartiens-je? La question vaut d'être posée car les deux castes : celle de la jet society, celle du milieu académique, me rejettent également. En dépit de mes titres et de mon statut d'ex-professeur à la Wharton School, je ne fus jamais reconnu par mes pairs. C'est que je dédaignais leurs séminaires, produisaise des livres plutôt que des "papiers" dans les revues qu'il faut, et que je menais une vie plus que confortable, me subventionnant moi-même. Cela est inconvenant selon leurs standards. Mon statut réel dans la caste des intellectuels était inférieur à celui d'un chercheur de l'université de Trifouillis-les-Oies. Depuis, je fais partie des sans-castes, des déracinés; des painted birds, des errants. Autrement dit à la caste la plus basse de l'Inde : les intouchables. Et cela se sait, cela se sent, et entache gravement ma réputation. C'est peut-être une clé de la désaffection et du mépris que témoignait cet été Axel Poliakoff à mon égard.
Comme on revit dans ses enfants; au moins théoriquement et biologiquement, je suis heureux qu'au contraire de son père, Pierre Lussato-Johäntgen participe de la caste d'en haut en tant que co-propriétaire d'un fond d'investissements prometteur, sans jamais toutefois renoncer à la culture où il suit mes conseils attentivement. Il fit un détour appréciable, seul de son groupe, par Taipeh, ex. Formose pour un pélerinage au Musée du Palais dépositaire presque unique des chefs d'oeuvres de la Chine, arrachés au régime maoiste. Quelle fierté de penser qu'en accord avec son épouse qui partage l'amour des polonaises pour la musique classique, il élèvera ses enfants dans le respect des grands musiciens et de cet humanisme qu'il peut revendiquer en tant que sémi-italien de culture française.
DU BLOG NOTES
VISSICITUDES DU BLOG
Toute la journée mon blog a fonctionné, non pas sur l’USB Bouygues, gratuit, mais sur carte Météore, lourdement payante. C’est ainsi que les quelques amis qui en ont l’habitude, ont pu prendre connaissance à 8 heures du matin de mes faits et gestes. Ils ont approuvé ma décision de préserver leur anonymat. Les intimes n’ont pas manqué une bribe de l’affaire Poliakoff dont ils connaissent fort bien les protagonistes et chacun y va de son explication. D’autres, issus d’une famille lointaine étaient très émus de lire « le journal des temps d’innocence » dont les parents ou les ancêtres étaient désignés. Bien entendu les antiquaires, marchands et collectionneurs trouvèrent ample matière à réflexion dans les articles sur la muséologie et le Mingei. C’est d’ailleurs ainsi que je fis la connaissance de Mme S.C. ancien conservateur au Louvre et collectionneur en primitifs italiens.
La baisse de fréquentation du Blog est paraît-il naturelle, comme naturelle est la décision de ne pas emporter son ordinateur quand on doit faire son marché, ou se prélasser sur une plage bondée. Et puis, il y a les sports nautiques, la découverte de contrées lointaines, plus rarement les festivals. La vie reprendra à la rentrée, avec la grippe A et le retour galopant de la crise. J’admire la manière triomphaliste avec laquelle les Américains accueillent non pas le remboursement de la dette et des fondamentaux, mais un ralentissement dans l’évolution de la déchéance. Cela me rappelle Harpagon à qui Frosine faisait valoir la riche dot de Marianne. La richesse consistait dans les économies qu’elle pourrait réaliser par rapport aux dépenses des coquettes dispendieuses de son âge.
La raison pour laquelle je suis si actif sur le blog est, outre le mauvais temps, une enfilade de contractures le long de la hanche gauche, qui ne fait qu’empirer et me contraint à ne pas bouger. Faire le tour de mon lit est un supplice. En revanche si je me tiens coi, je ne souffre pas ce qui me permet de dormir. Que faire dans ces conditions ? Ecrire mon blog.
Malheureusement l’imprévu fait de mon travail une route parsemée d’embuscades. Ce soir, en dépit de la connexion établie à grand frais, il m’était impossible d’avoir accès comme quiconque à mon blog. La préposée a essayé sans succès de s’y connecter. Je me suis donc résigné à utiliser Word, qui a entre avantages de ne pas coûter un sou. Mais une surprise m’attendait : le nuage qui ne bougeait jamais n’est plus, dans la barre d’outils, la vignette W pour Word avait disparu pour la première fois. Je finis à force de torturer les entrailles mon Apple, par le réinstaller, et c’est ainsi qu’en ce moment je puis entrer en contact avec vous.
Je pense aux merveilles qu’on nous promettait sans rire voici deux ou trois décennies. Je me souviens d’une annonce fait par M.Vergnes, PDG Europe, ou un de ses employés. Il s’gagissait de la dernière découverte technologique d’internet. La vie et la mort devenaient un jeu d’enfant pour l’homo informaticus . Voici un premier exemple.
Vous vous trouvez dans une ville étrangère et un malaise vous terrasse. Si nous sommes en France, les passants feront charitablement in détour pour ne pas vous piétiner et vaqueront à leurs affaires sans vous avoir fourni la moindre aide à moins qu’une personne âgée ne passe par là. Mais rassurez vous, IBM est là qui veille ! Automatiquement dès que vous avez pressé sur le bouton rouge, on vous énoncera un formulaire décrivant vos symptômes. D’après vos réponses, le logiciel établira un diagnostic et l’adressera aux spécialistes les plus renommés de la région. Seront choisis ceux dont le site sera le plus proche de l’endroit où notre homme est tombé.
Salzmann, sous François Mitterrand a été encore plus loin puisque le Président J.L. Servan-Schreiber, a fixé comme but à l’institut mondial de l’informatique, la diffusion dans les pays du tiers monde d’un bidule de 500g remplaçant le médecin traditionnel.
LA FAMILLE POLIAKOFF
Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, le billet qui parle de ma mésaventure a été suivie par bien des protagonistes amusés ou indignés. Ils m’ont appris bien des anecdotes révélatrices qui ont contribué à dédramatiser la situation, mais aggravent l’impasse matérielle : le second avortement de la seconde fondation.
La première information concerne Axel, mon disciple préféré dont j‘admirais le sérieux un peu austère, sa capacité d’apprendre et de comprendre, la passion de s’initier aux mystères de l’art. J’apprends à ma stupéfaction que sur la côte d’azur il parade avec une Lamborghini blanche toute neuve et bien d’autres de ce acabit. Sa passion est la compétition sportive, comme Lindsay Owen Jones, l’ancien président de l’Oréal. Il ne fréquente que des bobos, des fils à papa la cervelle vide, de petits jeune hommes oisifs et ne sachant que faire de leur vie. Lui même fume, flâne, s’adonne aux plaisirs les plus vulgaires, admire le standing et le mode de vie de ceux qu’il pense être de sa caste. Il a raté de façon spectaculaire son mariage en se liant à une mégère qui ne cache pas son antipathie pour tout le clan des Poliakoff qui e lui rend bien. Son aîné ,au contraire, est sérieux, soucieux de sa famille, et grand sportif . Je suis d’autant plus à l’aise de transmettre ces potins, qu’ils viennent de sources diverses mais concordantes. Ils valent ce que valent les potins, des demi-verités.
La seconde information est plus sérieuse : la jalousie serait à la base de tout cela. Axel, aussi exclusif que secret, n’apprécie pas mon exceptionnelle relation avec Olaf Olafson. Marina me reproche à ce propos de trop l’étaler et d'en parler, ce qui suscite des jalousies chez les autres qui se disent « en quoi cela me concerne ? Je suis donc un laissé pour compte ? » La seule preuve à l’appui de cette thèse, provient d’Axel lui-même qui m’a dit la dernière fois que je l’ai vu, qu’il n’avait pas totalement confiance dans la sincérité de notre relation . "Vous ne mettriez pas votre vie en danger pour moi à la différence d'Oleg".
Troisième thèse, celle du pot-de vin. Mon insistance à le voir installer dans le merveilleux appartement proche du mien et où j’aurais voulu loger la bibliothèque de livres précieux dont la Divine Comédie illustrée par Botticelli est le fleuron, et qui faisait partie du don de mes biens culturels. Je me souviens que la dernière fois que je le vis, il semblait rayonner de plaisir à mon contact et qu’enfin j’avais conquis un peu de son cœur. Et puis, après qu'il eut avec insistance confirmé qu'il désirait prendre en charge comme mon successeur la seconde fondation, devenue la collection Lussato-Poliakoff, je m’enflammai pour le projet et je fis pression pour qu’il fasse confiance dans mes marchands de référence comme tous les collectionneurs sérieux. Je compris enfin qu’il se méfiait de mon jugement et voulait une expertise sérieuse. Il pouvait aussi supposer que je prenais une commission sur ces documents. L’expertise, je la pris sur mon budget personnel et elle confirma ce que je savais déjà : les prix consentis étaient proposés à un prix inférieur à ceux du marché.
Quatrième thèse, celle d’Olaf : derrière les Poliakoff se tient un ennemi caché qui a dû débiter je ne sais quelle calomnie sur mon compte, auquel cas je dois le démasquer car, comme un virus en sommeil, il peut se réveiiler à n'importe quel moment de faiblesse de ma part.
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